Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 7 février 2008 à 21h30
Traité de lisbonne — Question préalable

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Comment le nouveau traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pourrait-il réussir ce prodige, sachant que son article 56, reprenant ainsi très exactement les termes de l'article III-156 de l'ancien projet de Constitution, précise que toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ?

Où et comment commence la protection contre les mouvements financiers erratiques quand un article du traité précise, explicitement, qu'il ne doit être mis aucune barrière à la circulation des capitaux, alors même que cela constitue, nous le savons, la racine de la déstabilisation du monde ?

Dès lors, la question est de savoir non pas si la crise financière ravagera notre pays, mais quand elle le fera !

En outre, comment l'Europe pourrait-elle alors être plus protectrice si ce même traité sur le fonctionnement de l'Union européenne maintient les interdictions d'harmonisation sociale ?

En matière d'emploi, ces harmonisations sont interdites par l'article 129 du traité sur le fonctionnement de l'Union. Sur les politiques sociales et la protection sociale, elles le sont par l'article 137. Pour la politique industrielle, qui est pourtant essentielle dans les compétitions dont vous avez tous souligné l'importance au niveau mondial, par l'article 176 F. En matière de santé, par l'article 176 E. S'agissant de l'éducation et la formation professionnelle, par les articles 176 B et 176 C. En ce qui concerne la recherche et les technologies, par l'article 172 bis.

Tout bien pesé, ce traité est en retard d'une guerre.

On pouvait imaginer que le précédent méconnaissait l'état de tension du monde, le rôle des fluctuations financières, l'importance qu'il y avait à organiser à l'intérieur de l'espace européen un minimum d'égalité qui permette l'harmonisation fiscale, afin d'empêcher les peuples d'être dressés les uns contre les autres pour leur pain, pour leur dignité, pour leur travail. On pouvait l'imaginer, du moins si l'on avait une vision optimiste et euphorique de l'avenir du monde. C'était la thèse de la « mondialisation heureuse ».

Mais comment le croire aujourd'hui, quand toutes ces compétitions se déchaînent et que nous sommes témoins de leur violence implacable ?

Ce sont pourtant ces règles dépassées que le nouveau traité établit. Cela ne vous empêche pas - et je veux bien croire que ce soit de bonne foi - de venir à cette tribune dire votre espoir d'une Europe protectrice, votre volonté d'une Europe sociale et d'une Europe plus politique. Pourtant, vous vous apprêtez à voter un texte qui prévoit exactement le contraire et qui, loin de s'en contenter, interdit d'emprunter une autre voie. Un texte gravé dans le marbre ! Il ne pourra être modifié à l'avenir que dans les conditions qui étaient celles du traité constitutionnel, c'est-à-dire à l'unanimité.

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