Vous pouvez toujours prétendre le contraire, mais c'est la réalité ! Auparavant, nous étions six, puis douze, mais désormais nous serons trente. À quel prix l'unanimité sera-t-elle possible ?
J'en viens à présent au recul que nous devons prendre par rapport à l'histoirel'histoire.
J'ai critiqué l'autre jour à cette tribune la méthode actuelle de la construction européenne, ce qui m'a valu d'être contesté, d'une manière extrêmement courtoise et intéressante, par l'ancien Premier ministre, M. Raffarin, lequel m'a rétorqué qu'il y avait une continuité en la matière. Mais bien sûr ! Pour autant, ceux qui ne sont pas capables de voir que cette continuité n'exclut pas l'existence de seuils nient la vie elle-même, qui est précisément faite de transitions et de seuils.
L'Europe à six dans le monde de Yalta, l'Europe à douze dans le monde de Yalta, l'Europe à quinze dans le monde de Yalta, cela n'a rien à voir avec l'Europe à vingt-sept dans le monde d'après-Yalta !
L'Europe initiale n'a pas été faite pour autre chose que pour le monde de Yalta, parce que, dans ce monde, il n'y avait pas de place pour une guerre entre les Français et les Allemands. Il fallait donc prendre toutes les précautions nécessaires pour désamorcer les causes de tensions entre ces deux peuples, qui avaient déjà provoqué trois guerres.
Voilà ce qu'était la première Europe, et tout le monde ne l'a pas acceptée. En France, Pierre Mendès France s'était opposé au traité de Rome parce que ce dernier instituait comme arbitres suprêmes le marché et la libre concurrence.