Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à cette heure avancée, je vais essayer d'être rapide, simple et un peu pédagogique, mais sans exagérer.
Comme l'ont rappelé plusieurs collègues tout au long de cette discussion, le Conseil constitutionnel a été préalablement saisi du traité de Lisbonne, comme il avait d'ailleurs été saisi en 2004 du précédent traité, dit « constitutionnel ». Les décisions qu'il a rendues les 19 novembre 2004 et 20 décembre 2007 ont fixé le cadre constitutionnel de l'action du Parlement et du Gouvernement.
Dans ces deux décisions, le Conseil constitutionnel a indiqué, en gros, que, si les institutions européennes jouaient normalement le jeu, la République ne pouvait être ni menacée ni mise en cause, pas plus que ses principes fondamentaux, notamment ceux qui interdisent le communautarisme ou qui touchent à la laïcité.
Ces points ayant été validés par deux fois par le Conseil constitutionnel et celui-ci ayant écarté toute modification de la Constitution à leur sujet, nous n'avons pas expressément modifié la Constitution sur ces questions en allant, lundi dernier, à Versailles.
Pour prendre position, le Conseil constitutionnel s'est notamment appuyé, outre, naturellement, le texte des deux traités, sur les explications données par le présidium de la convention qui a élaboré le traité de 2004. Or il se trouve que ces explications n'ont pas été confirmées par cette instance ou une autre avant la signature du traité de Lisbonne. On peut donc d'emblée se demander, bien que les deux textes des deux traités soient souvent voisins, si elles s'appliquent bien au second traité comme elles s'appliquaient au premier.
Mais la question qui se pose, mes chers collègues, puisque nous n'avons pas modifié la Constitution sur ces points - et c'est heureux ! -, est la suivante : que va-t-il se passer si un acte européen viole, volontairement ou non, les décisions du Conseil constitutionnel ? Je ne pense pas forcément à une décision de la Commission, du Conseil ou du Parlement - qui, à mon avis, y regarderont à deux fois avant de s'attaquer aux traditions constitutionnelles des États -, mais à une décision de justice. Or la justice européenne nous a appris, comme d'ailleurs la nôtre, et sans doute toutes les autres justices dans tous les pays du monde, à faire quelquefois peu de cas des textes eux-mêmes, quand elle ne s'assoit pas carrément dessus !
Nous nous trouvons donc, mes chers collègues, et pour les mêmes raisons, dans la même situation qu'en juin 1977, lorsque le Parlement a été saisi de l'autorisation de ratifier l'acte européen du Conseil relatif aux élections du Parlement européen au suffrage direct. Le Conseil constitutionnel avait alors dit que cette ratification ne posait pas de problème et que l'acte n'appelait pas de révision de notre Constitution, notamment parce que le Parlement européen n'appartient pas à l'ordre institutionnel français.
À l'époque, méfiant, le législateur avait estimé nécessaire de rappeler dans la loi d'autorisation l'existence de la décision du Conseil constitutionnel interdisant toute extension des pouvoirs du Parlement européen. Les chambres avaient même ajouté à la loi d'autorisation - c'est la seule et unique fois que cet événement s'est produit sous la Ve République - un deuxième article, pour préciser que « tout acte contraire à la décision du Conseil constitutionnel sur l'élection au suffrage direct était nul et de nul effet à l'égard de la France ».
Par conséquent, je crois nécessaire de prendre la même précaution, car l'autorisation parlementaire ne peut naturellement être accordée que si le traité est conforme à la Constitution. Or il ne le sera que dans la mesure où les deux décisions du Conseil constitutionnel seront strictement respectées.
La loi d'autorisation doit donc rappeler cette exigence, qui doit être prise en compte dans le consentement français au moment de la ratification.
Les choses sont simples. Ou bien, comme en 1977, nous faisons figurer l'interprétation du Conseil constitutionnel, qui valide le traité pour tout ce qui touche à la République dans la loi d'autorisation ; c'est ce que propose mon amendement. Ou bien je le retire si le ministre nous dit clairement que, lors du dépôt des instruments de ratification, la France rappellera que le traité ne peut lui être appliqué que pour autant que sa Constitution soit respectée. Elle rappellera aussi cette contrainte particulière : le Parlement français n'a donné son consentement à la ratification qu'après s'être assuré qu'il n'y avait pas de problème pour la préservation de la République « à la française » et les principes fondamentaux sur lesquels elle repose.
Tel est l'objet, monsieur le président, de l'amendement n° 1.