Après la brillante mise au point de mon collègue et ami Jean-Luc Mélenchon, je serai bref.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous écoute toujours avec beaucoup d'attention et d'amitié, et depuis très longtemps. Je voudrais vous préciser que je me conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 2003, que vous venez de rappeler : le Parlement ne peut formuler aucune réserve nouvelle ou supplémentaire, et je m'en garde bien ! Mais puisque certaines réserves existent du fait même des décisions du Conseil constitutionnel et que nous ne les avons pas levées à Versailles, je rappelle leur existence et leurs exigences. Ce n'est pas la même chose ! Si je créais de nouvelles réserves, vous ne manqueriez pas de me dire que je viole la règle de recevabilité définie en 2003 et vous auriez raison.
Les réserves visées par mon amendement sont celles du Conseil constitutionnel. Dans une situation analogue, elles ont été intégrées sans inconvénient dans la loi du 30 juin 1977 approuvant l'élection de l'assemblée européenne au suffrage direct.
Donc, je n'ajoute rien, et je ne méconnais pas la décision de 2003 du Conseil constitutionnel. En fait, je crois que le Conseil avait été saisi à la suite de tentatives de dépôt d'amendements à l'Assemblée nationale pour modifier certains articles d'un traité. C'est une horreur absolue, car le Parlement ne participe en rien à la négociation des traités, qui est une prérogative exclusive de l'exécutif.
Soucieux de ne pas éterniser la discussion à cette heure tardive, je vous pose une seule question, une question très simple : comment le Gouvernement - celui-là ou un autre -protégera-t-il la République et ses principes à l'occasion de la mise en oeuvre du traité si les limites posées par le Conseil constitutionnel ne sont pas respectées ? Pour ma part, je n'ai pas vraiment de doutes sur la manière, a priori loyale, dont le Parlement européen, la Commission européenne, le Conseil européen, le Conseil des ministres appliqueront le traité.
Pour les juges, mon collègue et ami Jean-Luc Mélenchon vient de dire ce qu'il en est. Ce ne serait pas la première fois que la Cour européenne du Luxembourg prendrait des libertés avec le traité !
J'avais appelé l'attention de Jean-Pierre Jouyet sur ce sujet quand a été négocié le traité de Lisbonne. Alors que le traité dit qu'en cas de non-transposition d'une directive la Cour peut infliger une astreinte ou une amende, elle a décidé, toute seule, de son propre chef, de cumuler l'astreinte et l'amende ! Pourtant, dans le traité, figure bien le « ou ». Et les États se couchent devant les juges : ils paient sans rien dire !
Tant qu'il s'agit d'une histoire de gros sous, on peut toujours s'arranger. Quand j'étais ministre, j'ai perdu une fois devant la Cour. Comme j'estimais qu'elle avait violé manifestement les traités, j'ai fait savoir que je ne paierais jamais, que j'allais m'en aller, que je ne viendrais plus au Conseil des ministres et que je ferais la « grève » des contributions françaises. Cela s'est très vite arrangé. Quand on sait se faire respecter, on se fait respecter !
Mais que faire face à une décision de justice qui concerne des tiers et qui leur crée des droits ?
Par conséquent, je vous pose, monsieur Jouyet, cher ami, la question : comment protégez-vous la République ? Le Conseil constitutionnel a très bien cadré les choses, et je suis en plein accord avec ses deux décisions. Je vous demande ce que vous faites si les limites de l'épure sont franchies. (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)