Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.
Comme cet intitulé l’indique, le texte comporte deux volets distincts : d’un côté, la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et, de l’autre, l’amélioration de la procédure de jugement des mineurs.
Sur le premier point, le projet de loi instaure la présence de citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels, les juridictions de l’application des peines et les cours d’assises, afin de permettre une participation des citoyens à la justice pénale qui soit à la fois mieux adaptée et plus importante.
Comme cela a été dit, cette mesure, initiée par le Président de la République, répond à une préoccupation que partagent nombre de nos concitoyens, celle d’une justice rendue « au nom du peuple français », « par le peuple français », et qui soit comprise de nos concitoyens.
Il apparaît en effet aujourd’hui nécessaire de renforcer le lien entre la population et l’institution judiciaire. La participation des citoyens à la prise de décisions, souvent difficiles, améliorera la connaissance d’une institution complexe et largement méconnue.
L’intervention des citoyens assesseurs viendra, de plus, nourrir l’esprit civique de chacun, dans la mesure où juger est un acte de citoyenneté et d’implication dans la vie de la cité.
Il s’agit donc bien, comme vous l’avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, d’encourager l’appropriation par les citoyens des décisions de justice au nom des « exigences de cohésion sociale et du respect du pacte républicain ».
Dans le texte que nous allons examiner, deux objectifs sont visés : d’une part, assurer la représentation des citoyens dans les tribunaux correctionnels et les juridictions de l’application des peines, et, d’autre part, simplifier l’organisation de la justice, en matière criminelle, par le recours à une formation allégée de la cour d’assises.
Ce double objectif s’appuie sur la création d’une nouvelle catégorie de représentants des citoyens à l’œuvre de justice, que vous avez appelée « le citoyen assesseur ».
Actuellement, les citoyens participent déjà à l’œuvre de justice en tant que juré ou échevin. Le premier est non pas volontaire mais tiré au sort, le second est candidat et fait valoir sa compétence particulière dans un domaine donné.
Le citoyen assesseur va prendre une place intermédiaire entre le juré des cours d’assises que nous connaissons et le juge de proximité. Son mode de désignation, tel qu’il est élaboré, résulte à la fois d’une combinaison entre tirage au sort et sélection, fondée sur des critères d’aptitude.
Le citoyen assesseur est donc différent du juré, tel que certains le laissent entendre. Le mode de désignation est en effet la clé de voûte de leur représentativité et de leur fonction. Il était nécessaire, comme l’a proposé M. le rapporteur, de simplifier le dispositif de leur sélection. Cet exercice était délicat, mais la solution trouvée, combinant le tirage au sort et une sélection sur la base de critères d’aptitude qui doit être la plus légère possible, est équilibrée afin d’atteindre l’objectif visé.
Le Gouvernement proposait un mécanisme un peu complexe quant à la définition des critères d’aptitude et à la mise en œuvre de la procédure. Comme l’a suggéré M. le rapporteur, la suppression des critères autres que ceux qui sont fixés actuellement par le code de procédure pénale satisfait aux besoins de la procédure, tout comme la substitution d’un recueil d’information au questionnaire.
Afin de tenir compte des évolutions de la société, nous ne sommes pas opposés à l’abaissement de la condition d’âge de vingt-trois à dix-huit ans, qui correspond à la majorité civique. Il convient, de plus, d’exiger des citoyens assesseurs qu’aucune condamnation pour crime ou délit – cela peut paraître une évidence – ne figure au bulletin n°1 de leur casier judiciaire.
La participation des citoyens assesseurs sera limitée à huit journées d’audience dans l’année. Ils ne pourront être désignés pour siéger dans une juridiction située hors de leur département qu’avec leur accord. Les fonctions de citoyen assesseur constituent un devoir civique. L’amende sanctionnant le fait de se soustraire à ses obligations, une fois tiré au sort ou désigné pour participer à une audience, sera fixée par le pouvoir réglementaire.
La présence des citoyens assesseurs est prévue à différentes étapes de la justice pénale. Ils seront appelés à participer au jugement de certains contentieux particuliers en matière délictuelle et criminelle ainsi que dans le domaine de l’application des peines.
Tout d’abord, deux citoyens assesseurs feront partie du tribunal correctionnel et, en appel, de la chambre correctionnelle de la cour d’appel, pour le jugement de certains délits. Ces deux juridictions seront ainsi composées de trois juges professionnels et de deux citoyens. Les magistrats resteront donc majoritaires, ce que certains d’entre vous ont critiqué, tandis que d’autres ont considéré que les deux citoyens assesseurs – jurés correctionnels en quelque sorte –, étaient superflus. Je crois que les deux positions sont totalement inconciliables. La solution qui consiste à en prévoir deux pourra peut-être évoluer dans l’avenir, mais je pense qu’un certain équilibre a été trouvé, qui me paraît constituer une bonne base de départ.
Les délits concernés sont tous les délits d’atteinte aux personnes, à leur intégrité physique ou morale, à leur identité ou à leur environnement, sous réserve, dans chacun de ces cas, que la peine encourue soit supérieure ou égale à cinq ans.
Il était en effet nécessaire, et, là encore, au moins dans un premier temps, d’élargir le périmètre des compétences du tribunal correctionnel « citoyen ».
Sont en outre exclues les infractions relevant des formations de juge unique, ainsi que les délits d’atteinte aux personnes relevant du trafic de stupéfiants et de la criminalité organisée. Ceux-ci relèvent en effet de juridictions spécialisées.
Le projet de loi prévoyait également la présence de citoyens assesseurs au sein de la cour d’assises. Comme vous le savez, la cour d’assises comporte, selon la législation actuelle, un jury populaire. Le but recherché et affiché de la réforme que vous nous proposez, monsieur le garde des sceaux, est de répondre à deux difficultés majeures rencontrées : l’engorgement des cours d’assises et la correctionnalisation des affaires criminelles.
Pour ce faire, vous nous proposiez de supprimer, dans certaines circonstances, les jurés, opérant ainsi une distinction dans la composition de la cour d’assises en fonction de la catégorie de crimes traitée. Ainsi, pour le jugement des crimes punis de quinze ou de vingt ans de réclusion, hors le cas de récidive légale, le jury de la cour d’assises aurait été remplacé par deux citoyens assesseurs. En revanche, cette cour d’assises allégée n’aurait pas été compétente pour les crimes ressortissant à la cour d’assises composée uniquement de magistrats, à savoir les crimes terroristes ou le trafic de stupéfiants.
La disparition des jurés et la possibilité d’être jugé par des cours d’assises qui auraient des modalités de fonctionnement différentes ont suscité un débat important au sein de la commission des lois du Sénat. À cet égard, on peut se réjouir que le travail de la commission des lois, et notamment de son rapporteur, dont je salue le travail minutieux, équilibré et particulièrement pondéré, ait permis la rédaction d’un texte qui répond à nos préoccupations, sans remettre en cause les principes de base voulus par cette réforme.
Il nous semble en effet préférable de maintenir le jury d’assises tel que notre droit positif le prévoit actuellement. Afin d’éviter un bouleversement procédural en matière criminelle, et des problèmes de frontières entre les compétences de deux chambres de cour d’assises, la commission propose de simplifier la composition de l’actuelle cour d’assises, dont le jury serait composé de six jurés en première instance, contre neuf actuellement, et de neuf jurés en appel, contre douze à l’heure actuelle, sans remettre en cause la prépondérance des jurés, ni les règles de majorité qualifiée pour procéder à une condamnation. Le groupe UMP adhère pleinement à cette proposition.
En outre, et nous nous satisfaisons de ces dispositions, le texte modifie le régime de la cour d’assises en améliorant la procédure de jugement des crimes sur deux points : tout d’abord, il simplifie le déroulement des audiences d’assises, en remplaçant la lecture de la décision de mise en accusation par un rapport oral du président, ce qui, dans certains cas, paraît effectivement très utile ; ensuite, il prévoit la motivation des arrêts d’assises, afin de permettre aux personnes condamnées de connaître les principales raisons par lesquelles la cour d’assises a été convaincue de leur culpabilité.
La commission des lois est, pour sa part, favorable au caractère obligatoire de la motivation de toutes les décisions criminelles, y compris d’acquittement. Il paraît, en effet, peu opportun d’exiger une motivation uniquement en cas de condamnation. J’attire votre attention sur le fait que cela signifie qu’en cas d’acquittement une motivation fondée sur le doute apparaîtra clairement. Or ce n’est pas tout à fait la même chose d’être acquitté sans commentaires et d’être acquitté au bénéfice du doute.