Intervention de Virginie Klès

Réunion du 17 mai 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

Peut-être excellente, monsieur le président, mais qui n’en pense pas moins beaucoup de mal de ce texte, comme d’autres ici qui se sont exprimés non seulement sur les travées de gauche, mais aussi sur certaines travées du centre.

Rapprocher le citoyen de la justice était pourtant une belle idée. On faisait déjà participer les citoyens à l’œuvre de justice, dans certaines juridictions spécialisées, avec des volontaires ayant des compétences particulières en matière d’application des peines et de justice des mineurs, et même s’agissant de la justice pénale, avec les jurés d’assises.

Cela fonctionnait très bien dans les juridictions spécialisées, un peu moins bien aux assises. On sait en effet que nombre de personnes tirées au sort tentaient, par tous les moyens, d’échapper à leur obligation et de ne pas aller siéger aux assises. Certaines, d’ailleurs, y parvenaient.

C’est, malgré tout, ce dernier modèle que l’on va copier, et mal copier, en introduisant le tirage au sort pour remplacer le volontariat. On va également démultiplier les jurés, mais on ne va surtout pas démultiplier les moyens mis en place pour leur permettre de se déplacer, pour les indemniser, les défrayer, ou pour compenser les pertes de salaires qu’ils auront subies.

Voilà ce que vous appelez « rapprocher le citoyen de sa justice », et tout cela avec en frontispice des formules sacrées : « au nom du peuple », « au nom du citoyen » !

Quels citoyens ? Tous ceux que vous avez fait descendre dans la rue depuis 2007 ? Les citoyens ne veulent pas de juges laxistes. On l’a entendu et réentendu. Cela a été dit et redit dans nombre d’interventions publiques. Nombre de critiques concernant les juges – et non pas la justice – ont été rapportées. Mais, sauf erreur de ma part, ces critiques émanaient non de citoyens quelconques, mais, pour la plupart, de certains ministres, et même du Président de la République.

Ce discours, qui nie que le premier responsable d’un acte de délinquance est son auteur, et non le juge, ne visait qu’à masquer votre impuissance à lutter efficacement contre la délinquance, et votre oubli du fait que la lutte contre la délinquance passe d’abord par la lutte contre les causes de cette délinquance.

Moi, ce que j’entends des citoyens, c’est qu’ils ne veulent pas d’une justice à deux vitesses, selon la nature du délit et le pouvoir d’influence du délinquant. Moi, ce que j’entends des citoyens, c’est qu’ils s’insurgent fortement contre toute la délinquance financière en col blanc ou contre la délinquance économique, qui les exaspèrent. Ce sont en effet ces procédures qui sont certainement les plus mal comprises et les plus suspectes d’interventions illégitimes.

Vous nous dites que ces procédures et ces actes de délinquance sont complexes, trop compliqués pour les citoyens, qu’ils ne vont pas les comprendre. En êtes-vous sûr, monsieur le ministre ? Peut-être pourrait-on les leur expliquer ?

Je pense, pour ma part, que les citoyens peuvent les comprendre. Vous nous dites qu’ils sont capables de comprendre les systèmes juridiques complexes, et que vous complexifiez de plus en plus. Vous nous dites qu’ils sont capables de comprendre les systèmes des peines planchers systématiques, aggravées, ainsi que la rétention de sûreté, les mesures alternatives et les aménagements de peine. Les citoyens seraient capables de comprendre tout cela en une journée de formation, mais pas le reste ?

Les citoyens sont capables aussi, nous dites-vous, de comprendre des subtilités dans la qualification des faits : préméditation, bande organisée, atteinte ou agression sexuelle, et même atteinte à l’intégrité physique ou morale, alors que, pour d’autres textes, vous soutenez qu’il est extrêmement difficile, y compris pour les experts, de prouver une atteinte à l’intégrité morale.

Mais les jurés, « au nom du citoyen », vont comprendre sans difficulté !

Au nom du citoyen…

Moi, j’entends que les citoyens veulent une justice capable de les protéger, de protéger la société et la démocratie. J’entends que les citoyens veulent une justice accessible à tous, quels que soient le lieu de résidence, les moyens financiers, le statut socioprofessionnel et le délit commis.

Moi, j’entends des citoyens exaspérés de voir les textes se chevaucher, se multiplier, avec des promesses d’efficacité toujours renouvelées et jamais tenues, mais en conséquence une désorganisation permanente, une surcharge des missions sans aucune concertation ni réflexion avec les professionnels des juridictions.

Au nom du citoyen…

Avez-vous pensé à informer ces citoyens des modalités du tirage au sort, des vérifications qui seront opérées sur leur personnalité et leur vie privée quand ils auront été désignés par le sort pour être jurés ? Quand leur direz-vous la vérité sur le coût de la réforme de la carte judiciaire, en immobilier, en moyens humains, en accessibilité de la justice ?

Monsieur le garde des sceaux, vous avez créé, nous dites-vous, les maisons de justice et du droit.

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