En ce qui concerne le recours à l’urgence, je rappelle que les règles ont changé : depuis la réforme constitutionnelle, la mise en œuvre de la procédure accélérée n’est pas décidée par le seul Gouvernement, mais résulte très largement d’un accord entre ce dernier et les deux assemblées. Tel est bien le cas en l’occurrence.
La participation des citoyens à la formation du tribunal correctionnel est ressentie comme un progrès par nos compatriotes. Même si je ne suis pas un inconditionnel des sondages, je dois souligner que ceux-ci en attestent. Renforcer le lien entre la population et l’institution judiciaire répond donc, comme l’a souligné M. Béteille, à une véritable demande des Français.
Certains d’entre vous se sont par ailleurs inquiétés du coût de cette réforme et de ses conséquences en termes d’organisation judiciaire.
Soyons clairs : il est bien certain que la participation de citoyens assesseurs aux audiences correctionnelles ralentira la procédure. Cependant, est-il nécessaire d’aller vite pour bien juger ? Je pense bien entendu que non. Sur ce sujet, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à lire le témoignage d’un juré dont fait état l’édition d’aujourd’hui du journal Libération. Je ne connais pas cette personne, mais ses propos expriment tout à fait ce que je pense : « Et si mettre des jurés en correctionnelle en ralentit le rythme pour laisser plus de place au débat lors de l’audience, tant mieux… »
Par ailleurs, il est exact que cette réforme coûtera cher. Cela étant, je ne connais pas de réforme qui n’ait pas un coût. C’est vrai pour la réforme de la garde à vue, c’est vrai pour celle que je vous présente aujourd'hui : toutes deux imposeront la création de postes de magistrats et de greffiers. Je considère que le rôle du ministre de la justice est d’essayer d’obtenir les postes et les crédits nécessaires.
Pour l’heure, j’ai déjà obtenu la création d’un certain nombre de postes de magistrats et de greffiers. À cet égard, je me rendrai dans quelques jours à Dijon, à l’École nationale des greffes, afin d’installer la plus importante promotion de greffiers qui aura jamais formée dans notre pays. Je n’en fais pas un titre de gloire, mais c’est une réalité ! Je remercie d’ailleurs M. le rapporteur spécial du budget de la justice d’apporter au garde des sceaux un soutien sans faille pour la création des moyens nécessaires à la mise en œuvre des réformes votées par le Parlement.
Les juridictions ne seront pas désorganisées par cette réforme. En particulier, en matière d’audiences de comparution immédiate, l’équilibre proposé par M. Zocchetto, tendant à ramener à huit jours le délai de comparution devant la juridiction avec citoyens assesseurs, permet de concilier les impératifs d’organisation avec la nécessaire célérité du jugement, tout en garantissant que la durée d’incarcération provisoire soit la plus brève possible, ce qui constitue indéniablement un progrès.
D’autres critiques tenaient au fait que les citoyens ne seraient pas suffisamment formés et ne seraient donc pas aptes à juger. Or le propre d’un citoyen est d’être un généraliste, une personne qui s’intéresse à ce qui se passe dans son pays. Si nous devions former les citoyens assesseurs pour en faire des magistrats professionnels, ils perdraient ce qui les caractérise par rapport à ces derniers, et il serait alors complètement inutile de faire appel à eux ! Il en va de même pour les jurés d’assises !