Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 17 mai 2011 à 22h15
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Demande de renvoi à la commission

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur :

Madame Mathon-Poinat, je ne partage pas votre jugement sur certains points, qui n’intéressent d’ailleurs cette motion que de manière accessoire.

Vous évoquez, par exemple, la proximité de la justice. Plus que dans le fait d’avoir un tribunal de l’autre côté de sa rue, cela consiste en une justice rendue de manière à la fois parfaitement cohérente et relativement rapide. En tant que sénateur du Nord, je me souviens de l’extrême brutalité de la refonte de la carte judiciaire : il ne reste plus que six tribunaux de grande instance après cette réforme « à la hache » sur les sept que comptait mon département.

Quoi qu’il en soit, je crois que ce projet de loi respecte les impératifs de proximité.

Par ailleurs, vous avez le droit de penser que cette expérimentation heurte notre tradition juridique en raison de la rupture d’égalité qu’elle induit. En revanche, comment pouvez-vous plaider l’inconstitutionnalité d’un tel dispositif, alors que nous avons justement modifié la Constitution pour rendre cette expérimentation possible ?

S’agissant de la situation des mineurs délinquants, je suis toujours un peu surpris que l’on considère a priori que toute procédure rapide leur serait nécessairement défavorable. Je ne suis pas certain qu’il soit bon pour un mineur délinquant d’attendre dix-huit mois entre la commission de l’infraction et le jugement du tribunal pour enfants. Ne parlons même pas des cinq années, en moyenne, qui séparent la commission de l’infraction de l’arrêt de la cour d’assises des mineurs en matière criminelle !

J’en viens à la demande de renvoi à la commission.

Je vous rappelle qu’une réforme globale de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est actuellement en cours d’élaboration. En toute hypothèse, il n’est pas possible de faire aboutir dans les prochains mois un travail qui ne peut être que long et complexe. Reste que nous avons tous conscience de la nécessité de mieux prendre en charge les mineurs qui en ont le plus besoin.

L’adoption des dispositions du présent projet de loi n’invaliderait absolument pas le travail en cours à la Chancellerie. Le texte ne fait qu’anticiper l’adoption de plusieurs mesures ayant vocation à figurer dans un futur code de la justice pénale des mineurs.

Je voudrais surtout appeler votre attention sur le fait que plusieurs dispositions du projet de loi ont fait l’objet d’appréciations très positives de la part des personnes que j’ai auditionnées : tel est notamment le cas du dossier unique de personnalité, qui a été unanimement salué comme un instrument de rationalisation des procédures au service d’une meilleure prise en charge du mineur ; tel est également le cas des dispositions tendant à permettre à la juridiction d’assortir une peine d’une sanction éducative, de la possibilité de convertir plus largement une peine de prison en peine de travail d’intérêt général dans le cadre de l’aménagement des peines ou encore de la possibilité de rendre un jugement qualifié de contradictoire à signifier à l’encontre des parents absents à l’audience.

Je remarque d’ailleurs que, sur certains points, aucun amendement de suppression n’a été déposé. Je pense, par exemple, à la conversion d’une peine d’emprisonnement en peine de travail d’intérêt général ou au fait d’aviser la victime de la date de l’audience de jugement.

Je rappelle en outre que la commission des lois a été particulièrement vigilante en ce qui concerne les investigations sur la personnalité du mineur. Elle a ajouté d’autres précautions à celles qu’avait déjà prises le Gouvernement.

Pour toutes ces raisons, il ne me paraît pas utile de renvoyer le présent projet de loi en commission.

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