Séance en hémicycle du 17 mai 2011 à 22h15

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Guy Fischer.

Photo de Guy Fischer

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

Nous en sommes parvenus à l’examen de la dernière motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi, par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, d'une motion n°155.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (490, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut engager la procédure accélérée pour l’examen d’un texte qui tend à modifier en profondeur l’organisation judiciaire de notre pays ! On ne peut non plus exiger des parlementaires un travail au rabais sur un texte quelque peu brouillon, pour lequel ce passage en force ne s’explique que par l’approche de l’échéance présidentielle.

Nous venons d’être invités par la commission des lois à visiter, les 23 et 26 mai prochains, plusieurs établissements pénitentiaires pour mineurs, ainsi que des centres éducatifs fermés, dans le cadre du groupe de travail sur l’évaluation de ces structures. Le bon sens dicterait d’attendre de connaître les conclusions de ce groupe de travail avant de durcir encore le traitement pénal de la délinquance juvénile.

Mais si le bon sens avait présidé à la rédaction du présent texte, il vous aurait amenés à constater sa précarité et l’impossibilité de le mettre en œuvre. Pour notre part, ce qui nous étonnerait aujourd’hui, c’est que vous sachiez préférer le bon sens aux impératifs de communication qui guident certaines de vos stratégies de campagne.

Ce texte, paraît-il, vise à faire en sorte que justice soit rendue « au nom du peuple français », alors même que vous vous attachez depuis un certain temps à mettre en place une justice à deux vitesses. Une telle flatterie pour un peuple que le Président de la République dit écouter, mais dont il ne tient pas compte, est bien lâche, et la manipulation sémantique est encore une fois bien trop grossière pour passer inaperçue.

En effet, ni M. Woerth ni Mme Bettencourt ne pourront être jugés par des citoyens tirés au sort, puisque vous avez pris la précaution d’exclure les délits économiques et financiers du champ des délits concernés.

Le véritable enjeu, en réalité, est de faire en sorte que la justice soit faite pour tous, et non pas qu’elle soit faite par tous.

Nous ne sommes évidemment pas contre l’association des citoyens à l’élaboration des décisions de justice. Un système d’organisation judiciaire tel que l’échevinage, dans lequel les affaires sont entendues et jugées par des juridictions composées à la fois de magistrats professionnels et de personnes issues de la société civile, élues par des organisations professionnelles ou syndicales, était une option viable.

Une réforme d’une telle ampleur justifierait la mise en place d’un certain nombre de modalités pratiques, par exemple prévoir du temps pour que les citoyens assesseurs prennent connaissance des éléments du dossier. Or il n’en sera rien, eu égard au volume des affaires traitées quotidiennement par les tribunaux correctionnels, d’autant que votre seule ambition, en introduisant ces jurés dans les formations correctionnelles, est qu’ils vous servent de contre-pouvoir aux juges, considérés comme trop laxistes.

Le pendant indissociable du principe selon lequel la justice est rendue au nom du peuple français est celui de l’égal accès à la justice pour tous.

Est-ce au nom d’une justice rendue au nom du peuple français que vous avez supprimé arbitrairement tant de tribunaux, au détriment encore une fois de ce second principe ? Faut-il rappeler qu’il y a en France environ neuf juges du siège pour 100 000 habitants, alors que la moyenne européenne est de vingt et un ?

À l’aune des multiples réformes de la justice pénale intervenues ces dernières années, les professionnels manquent non pas d’outils juridiques répressifs, mais plutôt de moyens pour exercer correctement leur métier et mettre à exécution les décisions.

Bien que l’expérimentation soit désormais possible dans le champ des libertés publiques, il apparaît quelque peu surprenant que le domaine de la justice puisse être concerné. On ne peut pas envisager que, dans quelques tribunaux, la procédure et la formation de jugement ne soient pas les mêmes que sur l’ensemble du territoire. Il s’agit là d’une rupture d’égalité flagrante, passible d’une censure en bonne et due forme du Conseil constitutionnel !

Cela étant, malgré le récent coup de semonce de celui-ci, qui vous a sagement rappelé que le fait de gouverner n’impliquait pas que l’on puisse agir selon ses caprices en matière de réforme de la justice des mineurs, vous vous entêtez. Le toilettage superficiel des dispositions censurées de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ne trompe personne : il s’agit bien de la fin de la spécialisation de la procédure applicable aux mineurs.

L’ensemble des mesures que vous nous proposez ne reposent que sur des déclarations ubuesques assénées comme des vérités, selon lesquelles les mineurs d’aujourd’hui ne seraient pas les mêmes qu’en 1945… Certes, c’étaient alors les enfants de la guerre, qui avaient connu les restrictions et la violence.

Chiffres à l’appui, comme à l’accoutumée, vous tentez de nous faire croire que la délinquance des mineurs ne cesse d’augmenter. Bien entendu, fidèles à vos stratégies de communication, il vous fallait trouver un coupable et faire incarner la faute.

Cette faute incombait initialement au laxisme des parents, tous considérés comme démissionnaires. Vous les menacez alors de leur supprimer les allocations familiales, de les conduire à l’audience de leurs enfants menottés et de surveiller ensuite ceux-ci à leur place, au moyen de bracelets électroniques.

Mais c’est aujourd’hui doublement la faute de l’institution judiciaire, qui aurait été, de tout temps, trop clémente avec la jeunesse. Vous revenez donc sur l’excuse de minorité, avant de désosser, étape par étape, l’ordonnance de 1945, restant sourds aux cris d’alarme poussés par l’ensemble des associations et structures s’occupant de l’enfance, qui s’élèvent sans trêve contre la mutilation de cette dernière.

Monsieur le ministre, selon les chiffres exposés par votre prédécesseur, Mme Alliot-Marie, à la fin de l’année dernière, pour chauffer l’opinion à blanc à la veille de la réforme de la justice des mineurs, 204 000 mineurs auraient été mis en cause pour des faits graves – inflation dont tout le monde serait responsable, sauf vous.

Or, il faut reconnaître que le durcissement de la politique pénale et l’élargissement du filet pénal ont clairement étendu les critères de définition des infractions existantes, tout en aggravant les sanctions.

Lorsqu’on élargit la définition de la délinquance et que l’on donne pour consigne de poursuivre toutes les infractions, même les plus bénignes, cela a nécessairement un effet inflationniste sur le nombre de procès-verbaux dressés par les policiers et les gendarmes. Or la statistique policière est précisément un comptage de ces procédures administratives.

De plus, une part non négligeable des mises en cause débouchent sur des non-lieux, des classements sans suite, voire des relaxes. Enfin, le fait d’être mis en cause n’emporte en soi aucune notion de gravité.

On l’aura compris, les chiffres se manipulent aisément. Nous remarquons d’ailleurs que lorsque la conjoncture ou le temps électoral vous l’impose, vous ne manquez pas de vous féliciter de vos prétendus résultats en matière de sécurité.

Quoi qu’il en soit, une réforme aussi grave de la justice des mineurs aurait dû faire l’objet d’un texte spécifique, et non de quelques articles d’un projet de loi censé démocratiser l’institution judiciaire.

Reconnaissez d’ailleurs qu’il est quelque peu paradoxal qu’un texte visant à faire participer les citoyens à la justice marginalise les assesseurs des tribunaux pour enfants, représentants de la société civile qui contribuent au bon fonctionnement de cette justice.

La participation du juge des enfants dans la nouvelle formation du tribunal correctionnel des mineurs n’est qu’un écran de fumée, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la spécialisation du juge des enfants tient à la spécificité de son mode d’intervention. Dès lors, le simple fait qu’il soit présent ne garantit absolument pas la spécialisation du tribunal. De plus, malgré vos efforts, monsieur le rapporteur, qu’il soit président de la formation de jugement ne constitue nullement une garantie, puisqu’il ne disposera pas d’une voix prépondérante.

En effet, les magistrats effectuent un roulement selon leur tour de service, et un juge des enfants peut, en tout état de cause, se retrouver dans n’importe quelle formation de jugement en fonction de ce dernier. Sa présence n’a jamais emporté la spécialisation du tribunal concerné.

Le tribunal correctionnel des mineurs ne répond donc pas à l’exigence constitutionnelle de composition spécifique de la juridiction des mineurs.

Compte tenu de la surcharge actuelle des audiences correctionnelles, les jeunes concernés ne bénéficieront pas de l’examen attentif et complet de leur personnalité et de leur évolution auquel procèdent les juridictions pour mineurs.

Or, dans sa décision du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel a estimé que la priorité éducative ne permettait pas de généraliser des dispositions répressives telles que l’application des peines planchers aux mineurs, ce qui suppose de réelles investigations sur la personnalité des mineurs afin de rechercher les moyens propres à assurer leur éducation. Ici, par le biais du dossier unique de personnalité, le mineur pourra être jugé plus rapidement dès sa première infraction.

Ainsi, par le truchement des textes et l’utilisation malintentionnée de la possibilité de présentation immédiate, il sera désormais possible de juger un mineur le jour même de son déferrement. La comparution immédiate pour les mineurs, elle aussi censurée par le Conseil constitutionnel, est donc réintroduite.

Les investigations préalables nécessaires sur la personnalité du mineur ne seront pas effectuées. En outre, le fameux dossier unique de personnalité pose plusieurs problèmes majeurs, au regard tout d’abord des règles de confidentialité strictes encadrant l’accès aux pièces d’un dossier d’assistance éducative. En outre, les investigations menées au civil concernant le mineur et toute sa fratrie, il y a un réel danger de favoriser des raisonnements déterministes, comme celui qui a abouti à la conclusion que l’on pouvait repérer un futur délinquant dès l’âge de 3 ans. Enfin, rien ne justifie le double contrôle de ce dossier par le procureur de la République et le juge des enfants. La compétence de ce dernier est déterminée par la personne même de l’enfant. Le juge des enfants est seul apte à détenir les dossiers concernant le mineur, puisque, en tant que juge du siège, il est tenu par une procédure limitant l’accès au dossier, afin de protéger la vie privée des enfants et des personnes qui lui sont liées.

Vous entendez créer une justice des mineurs bicéphale, avec, d’un côté, le parquet, qui conduit les mesures prises dans le cadre de la troisième voie, soit la moitié des procédures, et qui reprendra la main s’agissant des mineurs les plus connus de la justice, et, de l’autre, un juge des enfants neutralisé et marginalisé en matière pénale. Le juge des enfants sera dessaisi de fait des situations les plus complexes, qui requièrent une réponse adaptée et justifient l’importance de la phase pré-sentencielle ; cela est tout à fait inadmissible.

Vous l’aurez compris, nous estimons que l’ensemble des dispositions de ce texte relèvent d’un leurre intellectuel sans précédent et sont motivées par un populisme bien réel. C’est la raison pour laquelle, « au nom du peuple français », je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cette motion tendant au renvoi du présent texte à la commission. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Madame Mathon-Poinat, je ne partage pas votre jugement sur certains points, qui n’intéressent d’ailleurs cette motion que de manière accessoire.

Vous évoquez, par exemple, la proximité de la justice. Plus que dans le fait d’avoir un tribunal de l’autre côté de sa rue, cela consiste en une justice rendue de manière à la fois parfaitement cohérente et relativement rapide. En tant que sénateur du Nord, je me souviens de l’extrême brutalité de la refonte de la carte judiciaire : il ne reste plus que six tribunaux de grande instance après cette réforme « à la hache » sur les sept que comptait mon département.

Quoi qu’il en soit, je crois que ce projet de loi respecte les impératifs de proximité.

Par ailleurs, vous avez le droit de penser que cette expérimentation heurte notre tradition juridique en raison de la rupture d’égalité qu’elle induit. En revanche, comment pouvez-vous plaider l’inconstitutionnalité d’un tel dispositif, alors que nous avons justement modifié la Constitution pour rendre cette expérimentation possible ?

S’agissant de la situation des mineurs délinquants, je suis toujours un peu surpris que l’on considère a priori que toute procédure rapide leur serait nécessairement défavorable. Je ne suis pas certain qu’il soit bon pour un mineur délinquant d’attendre dix-huit mois entre la commission de l’infraction et le jugement du tribunal pour enfants. Ne parlons même pas des cinq années, en moyenne, qui séparent la commission de l’infraction de l’arrêt de la cour d’assises des mineurs en matière criminelle !

J’en viens à la demande de renvoi à la commission.

Je vous rappelle qu’une réforme globale de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est actuellement en cours d’élaboration. En toute hypothèse, il n’est pas possible de faire aboutir dans les prochains mois un travail qui ne peut être que long et complexe. Reste que nous avons tous conscience de la nécessité de mieux prendre en charge les mineurs qui en ont le plus besoin.

L’adoption des dispositions du présent projet de loi n’invaliderait absolument pas le travail en cours à la Chancellerie. Le texte ne fait qu’anticiper l’adoption de plusieurs mesures ayant vocation à figurer dans un futur code de la justice pénale des mineurs.

Je voudrais surtout appeler votre attention sur le fait que plusieurs dispositions du projet de loi ont fait l’objet d’appréciations très positives de la part des personnes que j’ai auditionnées : tel est notamment le cas du dossier unique de personnalité, qui a été unanimement salué comme un instrument de rationalisation des procédures au service d’une meilleure prise en charge du mineur ; tel est également le cas des dispositions tendant à permettre à la juridiction d’assortir une peine d’une sanction éducative, de la possibilité de convertir plus largement une peine de prison en peine de travail d’intérêt général dans le cadre de l’aménagement des peines ou encore de la possibilité de rendre un jugement qualifié de contradictoire à signifier à l’encontre des parents absents à l’audience.

Je remarque d’ailleurs que, sur certains points, aucun amendement de suppression n’a été déposé. Je pense, par exemple, à la conversion d’une peine d’emprisonnement en peine de travail d’intérêt général ou au fait d’aviser la victime de la date de l’audience de jugement.

Je rappelle en outre que la commission des lois a été particulièrement vigilante en ce qui concerne les investigations sur la personnalité du mineur. Elle a ajouté d’autres précautions à celles qu’avait déjà prises le Gouvernement.

Pour toutes ces raisons, il ne me paraît pas utile de renvoyer le présent projet de loi en commission.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

J’ai dans les mains le projet de loi, tel qu’il a été modifié par la commission. C’est bien la preuve que celle-ci a travaillé.

Il n’appartient probablement pas au pouvoir exécutif de s’immiscer dans les relations entre une assemblée et l’une de ses commissions permanentes, mais, puisque le président Fischer me demande mon avis, je me permets d’indiquer que le travail accompli par la commission des lois convient tout à fait au Gouvernement. Il n’a donc pas besoin d’être recommencé.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix la motion n° 155, tendant au renvoi à la commission.

La motion n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Titre Ier

DISPOSITIONS RELATIVES À LA PARTICIPATION DES CITOYENS AU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE PÉNALE

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux citoyens assesseurs

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 43, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° le troisième alinéa de l’article 398 est supprimé ;

2° L’article 398-1 est abrogé ;

3° Les troisième et quatrième alinéas de l’article 398-2 sont supprimés.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Préalablement à tout débat concernant une réforme de la justice pénale visant à élargir la participation des citoyens aux tribunaux correctionnels, il nous semble très important de revenir sur une procédure, normalement exceptionnelle, mais qui tend à devenir la norme : je veux parler des audiences correctionnelles à juge unique. Cette pratique va en effet à l’encontre de ce que chacun semble souhaiter ici.

La collégialité, nous semble-t-il, est une garantie du bon fonctionnement de la justice pour nos concitoyens. Alors que le projet de loi entend faire participer deux citoyens assesseurs, aux côtés de trois magistrats, aux audiences portant sur les délits d’atteinte à la personne, on ne peut que s’étonner du maintien du juge unique en matière correctionnelle.

La rupture d’égalité face à la justice devient abusive. Les prévenus amenés à comparaître pourront, selon le cas, être traduits soit devant un juge unique, soit devant un tribunal collégial composé de trois magistrats, soit devant un « tribunal correctionnel citoyen » composé de trois magistrats et de deux citoyens assesseurs, sans compter les tribunaux correctionnels pour mineurs.

Il paraît assez incohérent, d’une part, de multiplier les possibilités de recours devant un juge unique au nom d’une prétendue efficacité de la justice – et, surtout, il faut bien le dire, afin de réaliser des économies budgétaires – et, d’autre part, de créer une procédure complexe, coûteuse et lourde en prévoyant des citoyens assesseurs pour juger certains délits. Le Gouvernement fait ainsi la preuve qu’il sait trouver les moyens nécessaires pour servir un projet qui lui tient à cœur, alors qu’il ne sait pas trouver les crédits pour mettre fin à la procédure du juge unique et appliquer une collégialité que chacun estime souhaitable.

Je pense donc que vous aurez à cœur, mes chers collègues, d’adopter notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement vise à supprimer la formation du tribunal correctionnel statuant à juge unique. Cette formation a été instituée par la loi du 29 décembre 1972.

Le juge unique a une compétence déjà très encadrée : il ne peut prononcer des peines supérieures à cinq ans d’emprisonnement ; il n’est pas compétent si le prévenu est en détention provisoire lors de sa comparution devant le tribunal ; il n’a pas compétence si le prévenu est poursuivi selon la procédure de comparution immédiate.

La possibilité donnée au tribunal correctionnel de statuer à juge unique constitue en outre une condition indispensable pour éviter l’engorgement des juridictions correctionnelles.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je rappelle que, chaque année, le juge unique rend à peu près 480 000 décisions. Il faudrait donc créer un certain nombre de postes de magistrats pour rendre la formation collégiale.

L’adoption de cet amendement reviendrait donc à imposer une dépense nouvelle au budget de l’État, ce qui est contraire à une certaine disposition constitutionnelle ! Plutôt que de l’invoquer, je préfère me contenter d’émettre un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous sommes très favorables à l’amendement du groupe CRC-SPG. Vous devriez, vous aussi, monsieur le garde des sceaux, considérer que ces dispositions vont dans le bon sens, puisque, tout comme votre projet de loi, elles visent à accentuer la collégialité.

Je remarque que, dans un texte précédent, dont le rapporteur était notre excellent collègue M. Détraigne, vous aviez pourtant fait le contraire : vous aviez élargi les cas de recours à un juge unique, en permettant au parquet de prononcer des peines, alors que ce n’est pas une juridiction de jugement, et en augmentant le champ de l’ordonnance pénale.

Je constate ce soir que vous vous opposez finalement à la suppression du juge unique. Vous êtes dans l’incohérence la plus totale. J’allais dire : « Vous faites n’importe quoi ! ». En réalité, vous faites ce que l’on vous dit de faire compte tenu de vos moyens budgétaires.

Le groupe socialiste votera donc cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Le titre préliminaire du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions générales » ;

2° Il est créé un sous-titre Ier intitulé : « De l’action publique et de l’action civile » comprenant les articles 1er à 10 ;

3° Il est ajouté un sous-titre II ainsi rédigé :

« SOUS-TITRE II

« DE LA PARTICIPATION DES CITOYENS AU JUGEMENT DES AFFAIRES PÉNALES

« Art. 10-1. – Les citoyens peuvent être appelés, comme jurés, à composer le jury de la cour d’assises constitué conformément aux articles 254 à 267 et 288 à 305-1.

« Ils peuvent également être appelés, comme citoyens assesseurs :

« 1° À compléter le tribunal correctionnel et la chambre des appels correctionnels dans les cas prévus par les articles 399-2 et 510-1 ;

« 2° À compléter le tribunal de l’application des peines et la chambre de l’application des peines de la cour d’appel dans les cas prévus par les articles 712-13-1, 720-4-1 et 730-1 ;

« 3°

Supprimé

« Les règles relatives à la désignation des citoyens assesseurs sont fixées par les dispositions du présent sous-titre.

« Art. 10-2. – Il est établi annuellement, pour chaque tribunal de grande instance, une liste de citoyens assesseurs dont le nombre est fixé par arrêté du ministre de la justice.

« Art. 10-3. – Peuvent seules être inscrites sur la liste annuelle des citoyens assesseurs établie pour chaque tribunal de grande instance les personnes remplissant les conditions suivantes :

« 1° Ne pas avoir été inscrites la même année sur la liste annuelle du jury d’assises en application des articles 263 et 264 ;

« 2° Ne pas avoir exercé les fonctions de juré ou de citoyen assesseur au cours des cinq années précédant l’année en cours et ne pas avoir été inscrites, l’année précédente, sur une liste annuelle du jury ou sur une liste annuelle des citoyens assesseurs ;

« 3° Satisfaire aux conditions prévues par les articles 255 à 257 ;

« 4° Résider dans le ressort du tribunal de grande instance ;

« 5°

Supprimé

« 6°

Supprimé

« Art. 10-4. – Les citoyens assesseurs sont désignés parmi les personnes ayant été inscrites par le maire sur la liste préparatoire de la liste annuelle du jury d’assises établie, après tirage au sort sur les listes électorales, dans les conditions prévues par les articles 261 et 261-1.

« Les personnes inscrites sur la liste préparatoire en sont avisées par le maire qui les informe :

« 1° Qu’elles sont susceptibles d’être désignées soit comme juré, soit comme citoyen assesseur ;

« 2° Qu’elles peuvent demander au président de la commission prévue à l’article 262 le bénéfice des dispositions de l’article 258.

« Le maire adresse en outre aux personnes inscrites sur la liste préparatoire un recueil d’informations dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État. Les réponses au recueil d’informations sont adressées directement par les personnes concernées au président de la commission instituée par l’article 262.

« Art. 10-5. – La liste annuelle des citoyens assesseurs de chaque tribunal de grande instance est dressée, après établissement de la liste annuelle du jury d’assises, par la commission instituée par l’article 262. La commission est alors présidée par le président du tribunal de grande instance. Le bâtonnier siégeant au sein de la commission est celui de l’ordre des avocats de ce tribunal.

« La commission examine la situation des personnes figurant sur la liste préparatoire dans un ordre déterminé par le tirage au sort. La commission exclut les personnes qui ne remplissent pas les conditions prévues par l’article 10-3, celles auxquelles a été accordée une dispense en application de l’article 258, ainsi que celles qui, au vu des éléments figurant dans le recueil d’informations ou résultant de la consultation des traitements prévus par les articles 48-1 et 230-6, ne paraissent manifestement pas être en mesure d’exercer les fonctions de citoyens assesseurs. Elle peut procéder ou faire procéder à l’audition des personnes avant leur inscription sur la liste annuelle.

« La commission délibère dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l’article 263.

« La liste annuelle des citoyens assesseurs est arrêtée lorsque le nombre de personnes inscrites atteint celui fixé en application du second alinéa de l’article 10-2. Elle est alors adressée au premier président de la cour d’appel et aux maires des communes du ressort du tribunal de grande instance.

« Le premier président s’assure que la liste a été établie conformément aux exigences légales et avise les personnes retenues de leur inscription.

« Art. 10-6. – À la demande du président du tribunal de grande instance ou du procureur de la République, le premier président de la cour d’appel, après avoir convoqué le citoyen assesseur et l’avoir mis en mesure de présenter ses observations, se prononce sur son retrait de la liste annuelle :

« 1° Lorsqu’il se trouve dans l’un des cas d’incompatibilité ou d’incapacité prévus par la loi ;

« 2° Lorsque, sans motif légitime, il s’est abstenu à plusieurs reprises de répondre aux convocations l’invitant à assurer son service juridictionnel ;

« 3° Lorsqu’il a commis un manquement aux devoirs de sa fonction, à l’honneur ou à la probité.

« Si, en raison du nombre des retraits décidés en application du présent article ou des décès constatés, le bon fonctionnement de la justice se trouve compromis, le premier président convoque la commission mentionnée à l’article 10-5 afin de compléter la liste.

« Art. 10-7. – Le service des audiences de la chambre des appels correctionnels et de la chambre de l’application des peines est réparti entre les citoyens assesseurs par le premier président de la cour d’appel.

« Le service des audiences du tribunal correctionnel et du tribunal de l’application des peines est réparti entre les citoyens assesseurs par le président du tribunal de grande instance, siège de ces juridictions.

« Il est procédé à la répartition prévue aux deux premiers alinéas pour chaque trimestre. Les citoyens assesseurs doivent être avisés quinze jours au moins avant le début du trimestre de la date et de l’heure des audiences au cours desquelles ils sont appelés à siéger comme titulaires ou peuvent être appelés comme suppléants. Toutefois, le premier président de la cour d’appel ou le président du tribunal de grande instance peut appeler à siéger sans délai, avec son accord, un citoyen assesseur soit en cas d’absence ou d’empêchement du titulaire et de ses suppléants, soit lorsque la désignation d’un citoyen assesseur supplémentaire apparaît nécessaire en application de l’article 10-8, soit en cas de modification du calendrier des audiences imposée par les nécessités du service.

« Art. 10-8. – Lorsqu’un procès paraît devoir entraîner de longs débats, le premier président de la cour d’appel ou le président du tribunal de grande instance peut décider qu’un ou plusieurs citoyens assesseurs supplémentaires assistent aux débats. Ces citoyens assesseurs supplémentaires remplacent le ou les citoyens assesseurs qui seraient empêchés de suivre les débats jusqu’au prononcé de la décision.

« Art. 10-9. – Les citoyens assesseurs appelés à siéger au sein de la chambre des appels correctionnels et de la chambre de l’application des peines sont désignés parmi les citoyens assesseurs inscrits sur les listes annuelles des tribunaux de grande instance du département où la cour a son siège. En cas de nécessité, ils peuvent être désignés, avec leur accord, sur les listes annuelles des autres tribunaux de grande instance du ressort de la cour d’appel. Le premier président informe les présidents des tribunaux de grande instance de son ressort des désignations auxquelles il a procédé.

« Les citoyens assesseurs appelés à siéger au sein du tribunal correctionnel ou du tribunal de l’application des peines sont choisis parmi les citoyens assesseurs figurant sur la liste annuelle du tribunal de grande instance, siège de la juridiction. En cas de nécessité, ils peuvent être désignés, avec leur accord, sur la liste annuelle de l’un des tribunaux de grande instance limitrophes appartenant au ressort de la même cour d’appel. Le président de ce tribunal en est informé.

« Art. 10-10. – Chaque citoyen assesseur ne peut être appelé à siéger, y compris comme assesseur supplémentaire, plus de huit jours d’audience dans l’année.

« Toutefois, lorsque l’examen d’une affaire se prolonge au-delà de la limite prévue au premier alinéa, le citoyen assesseur est tenu de siéger jusqu’à l’issue du délibéré.

« Art. 10-11. – Avant d’exercer leurs fonctions, les citoyens assesseurs inscrits sur la liste annuelle prêtent serment devant le tribunal de grande instance de bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de conserver le secret des délibérations.

« Art. 10-12. – Les citoyens assesseurs désignés pour siéger à une audience ne peuvent être récusés que pour l’une des causes de récusation applicables aux magistrats.

« Cette récusation peut être demandée par le ministère public ou les parties avant l’examen au fond.

« Les trois magistrats de la juridiction statuent sur la demande de récusation.

« Le citoyen assesseur qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s’abstenir le fait connaître avant l’examen au fond. Le président de la juridiction peut alors l’autoriser à se faire remplacer par un citoyen assesseur dans les formes prévues par l’article 10-7. En début d’audience, le président rappelle les dispositions du présent alinéa.

« Art. 10-13. – L’exercice des fonctions de citoyen assesseur constitue un devoir civique.

« Art. 10-14. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent sous-titre. Il précise, en particulier :

« 1° Les modalités selon lesquelles les citoyens assesseurs doivent bénéficier, avant d’exercer leurs fonctions, d’une information sur le fonctionnement de la justice pénale ;

« 2° Les modalités et le calendrier des opérations nécessaires à l’établissement de la liste annuelle des citoyens assesseurs ;

« 3° Les modalités de l’indemnisation des citoyens assesseurs. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Contrairement à ce qui a pu être dit tout à l’heure, je souhaite que la justice s’ouvre, qu’elle n’enferme pas dans une tour d’ivoire une caste de gens qui sauraient tout. Les citoyens doivent pouvoir participer à l’œuvre de justice, laquelle est rendue en leur nom – je remarque d’ailleurs que nombre d’entre eux y participent déjà –, mais pas n’importe comment, pas comme vous souhaitez le faire.

Selon l’exposé des motifs du projet de loi, la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale « assure que les décisions juridictionnelles ne sont pas déconnectées des évolutions de la société ». Voilà qui est aimable pour les magistrats ! Comme si les juges étaient complètement déconnectés des évolutions sociétales et rendaient leurs décisions n’importe comment ! Ils sont tout à fait ancrés dans la société, contrairement à ce que l’on reproche trop souvent à ces professionnels et à leurs organisations syndicales.

Je le répète, je suis pour la participation des citoyens à la justice, mais d’une autre façon. Ainsi, le système de l’échevinage me paraît bien meilleur. Les citoyens seraient également tirés au sort, mais ils participeraient aux juridictions de façon permanente, pendant un certain temps. Ils apprendraient ainsi à les connaître, ils verraient en quoi consiste l’action de juger et ils auraient préalablement accès aux dossiers. Ils ne seraient pas comme ces citoyens, arrivés d’on ne sait où, qui vont siéger, tenez-vous bien, huit jours par an seulement – encore heureux que la commission des lois ait prévu de leur interdire de siéger à la fois dans les tribunaux correctionnels et les juridictions de l’application des peines –, et pour qui il est prévu une procédure d’une lourdeur extraordinaire !

Tout cela pose de graves problèmes.

Le premier est celui de leur formation.

Vous parlez juste d’information. Un amendement déposé par le groupe centriste, sans doute par amabilité pour le Gouvernement et son ancien président de groupe, tentera de vous éviter de subir les foudres du Conseil constitutionnel en introduisant la question de la formation. Le Conseil constitutionnel a en effet estimé que les juges de proximité doivent être formés.

Comment va-t-on former des gens qui siégeront huit jours par an ? Seront-ce huit jours consécutifs ou alternatifs ? Nul ne le sait !

Le deuxième problème concerne leur serment.

Les citoyens assesseurs seront censés prêter un serment ad hoc, qui n’est pas encore prévu par le code de procédure pénale. Il ne s’agira ni du serment des magistrats professionnels – ils sont donc en dessous d’eux ! – ni du serment assez long prévu par le code de procédure pénale pour les jurés, qui rappelle leurs exigences par rapport à la société, aux inculpés et aux victimes. Ce sera un serment ad hoc très court. Il nous a été répondu qu’un serment plus long aurait pris trop de temps sur le déroulement de l’audience correctionnelle.

Enfin, se pose le problème du mode de désignation de ces assesseurs, sur lequel nous reviendrons peut-être tout à l’heure si notre amendement est examiné.

Tous nos collègues qui sont également maires savent que la liste des jurés d’assises est tirée au sort, chaque année au mois de juin, dans les mairies. Quelques noms sont retirés – même si on ne devrait pas le faire –, et le maire transmet une liste triple à la commission départementale, qui fait un tri objectif par rapport à la loi. Ces citoyens peuvent alors devenir jurés d’assises.

Mais pour juger les délits, il faudra présenter beaucoup plus de garanties que pour juger les crimes, car, en plus du tirage au sort, ces personnes devront encore faire l’objet d’une enquête. Sur quoi portera-t-elle ? Sur leur bonne moralité ? Tout cela n’a aucun sens ! Votre procédure est totalement boiteuse.

Pourquoi ne pas avoir prévu une procédure de récusation, comme en cour d’assises ? À en croire la fameuse étude d’impact, qui n’étudie rien du tout d’ailleurs, c’est parce que le fait de permettre, dans chaque affaire, aux avocats ou au procureur de récuser tel ou tel citoyen assesseur en fonction de son sexe ou de tout autre critère prendrait trop de temps.

À défaut de récuser, on trie. Mais de quelle manière ? Selon quels critères ? Faut-il conserver les notables, ceux qui sont « bien », et écarter ceux qui sont « mal » ? Tout cela n’est pas sérieux !

C’est en définitive une très mauvaise loi, qui, de la façon dont elle a été conçue, gâche totalement la grande idée qui consistait à permettre aux citoyens de participer plus nombreux, et de manière plus satisfaisante, aux jugements rendus et à l’œuvre de justice. Nous sommes en effet un certain nombre, y compris dans les rangs de l’opposition, à penser qu’il s’agissait d’une bonne idée. Il me semble malheureusement que ce texte handicapera sérieusement à l’avenir tout nouveau projet d’ouverture de la justice aux citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le mode de désignation des citoyens assesseurs, qui s’inspire de celui des jurés d’assises, sans tout à fait s’aligner sur ce dernier – il s’agit notamment de se prémunir d’un éventuel risque de ralentissement de la procédure –, pose évidemment problème.

Comme l’a dit Jean-Pierre Michel, ces citoyens tirés au sort sur des listes électorales seront le fruit d’une sorte de sélection opérée par le maire, chargé d’adresser aux personnes inscrites sur la liste préparatoire un « recueil d’informations ». Je précise en outre qu’ils ne prêteront pas un serment aussi complet que celui des jurés d’assises.

Cela étant, je souhaite surtout m’attarder sur une incohérence particulièrement notable : l’impossibilité de récuser ces citoyens assesseurs. En effet, seule l’une des causes de récusation applicables aux magistrats pourra leur être opposée.

Parce que les citoyens ne choisissent pas leur juge et que les magistrats professionnels présentent des garanties d’indépendance et d’impartialité, les possibilités de les récuser sont limitées et très encadrées.

Au contraire, les jurés d’assises, simples citoyens tirés au sort, peuvent être récusés par la défense et le ministère public au début de chaque affaire. Ils ne présentent en effet a priori aucune garantie d’impartialité. Ils peuvent parfaitement être impliqués de manière directe ou indirecte dans une affaire, ce qui pourrait influencer leur jugement.

Ainsi, loin de renforcer les liens entre l’institution judiciaire et le peuple et d’augmenter la légitimité démocratique d’une justice dont vous ne cessez d’affirmer qu’elle doit être rendue au nom du peuple français – elle l’est, en tout état de cause ! –, vous allez créer un climat de suspicion en favorisant une défiance envers les décisions rendues ainsi que des contestations sur la nouvelle institution elle-même.

Ce n’est pas en introduisant, en amont, un système mixte combinant le tirage au sort et la sélection que ce problème sera résolu, bien au contraire, puisque ce dispositif entérine des critères dont on dira, à tout le moins, qu’ils sont subjectifs.

Alliance de subjectivité et de partialité, on se demande bien comment ce nouveau dispositif, censé réaffirmer l’importance du peuple, pourra donner confiance en la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Au moment où nous abordons l’article 1er de ce texte, je veux revenir sur l’introduction des jurés populaires à plusieurs stades de la procédure pénale.

Comme unique réponse à l’état de faiblesse de la justice en France, le texte du Gouvernement constitue, en dépit de vos dénégations, monsieur le garde des sceaux, un nouvel acte de défiance à l’égard des magistrats. Il est la traduction législative de la campagne politique de mise en cause systématique de leur travail.

Le Président de la République, toujours prompt à rejeter sur d’autres la responsabilité de ses propres échecs, a distillé dans l’opinion, à la faveur de plusieurs faits divers, l’idée selon laquelle les magistrats agiraient, par leurs décisions, contre la volonté des Français en matière de sécurité publique. À en croire Nicolas Sarkozy, tout irait mieux avec des jurés « citoyens » !

Je souhaite revenir sur les quatre raisons principales qui nous poussent à refuser ce dispositif.

La première est liée à sa complexité.

Aux termes du projet de loi, deux citoyens assesseurs, tirés au sort sur les listes électorales, siégeraient pour une semaine aux côtés des trois magistrats professionnels qui composent les tribunaux correctionnels. Ce « service judiciaire obligatoire » de huit jours n’est demandé ni par les magistrats ni par les justiciables. Ceux-ci ont pourtant en commun de subir en première ligne la dégradation du service public de la justice.

Ce dispositif créera des difficultés matérielles majeures, dont le Gouvernement semble vouloir se délester sur les magistrats et les élus locaux. Ainsi, les maires auront pour charge d’adresser aux personnes tirées au sort sur les listes électorales « un recueil d’informations ». Une commission, sur la base de ces recueils qu’elle devra traiter, dressera la liste annuelle des citoyens assesseurs pour chaque tribunal de grande instance. La justice française, d’ores et déjà engorgée, a-t-elle besoin qu’on lui impose ainsi de nouvelles lourdeurs administratives ?

La deuxième raison a trait à la charge financière du dispositif.

L’indemnisation de quelque 8 000 citoyens assesseurs appelés chaque année nécessitera des moyens financiers importants, évalués à plus de 20 millions d’euros. Sachant que l’institution judiciaire est déjà exsangue, au point qu’elle a des difficultés à payer les jurys d’assises et les juges de proximité, et que le budget du ministère de la justice, de par sa faiblesse, classe la France au trente-septième rang européen, tout cela n’est pas sérieux !

La troisième raison tient au risque de dégradation des conditions de jugement.

J’y insiste, l’introduction de citoyens assesseurs contribuera à dégrader un peu plus les conditions de jugement. Ces citoyens, novices en droit, devront prendre connaissance de l’intégralité des éléments des dossiers. Les délais de jugement, déjà longs du fait de l’encombrement des tribunaux, seront encore allongés. Le risque d’une paralysie du système est donc réel, au détriment des personnes jugées et des victimes. Sur ce point, je vous renvoie aux propos de M. Garraud, secrétaire national de l’UMP en charge de la justice.

Le Gouvernement a choisi de réserver à certains délits la présence de citoyens assesseurs, sans que l’on connaisse d’ailleurs les critères qui ont présidé à cette « sélection ». La commission a décidé d’inclure dans la liste les infractions au code de l’environnement passibles d’une peine égale ou supérieure à cinq ans, quand bien même celles-ci sont souvent d’une grande technicité et nécessitent une expertise juridique qui touche aussi bien au droit de l’environnement qu’au droit international ou européen. En revanche, les affaires liées à la délinquance en col blanc ont étonnement été exclues. Comment justifier que les citoyens assesseurs, présentés comme une panacée par le Gouvernement, en soient tenus à distance ?

La quatrième raison a trait à la question de la constitutionnalité du dispositif.

Le projet de loi instaure une justice à deux vitesses, comme l’ont souligné les auteurs des différentes motions de procédure. Nul doute que le Conseil constitutionnel sera amené à se prononcer sur la conformité à la Constitution de mesures qui portent atteinte à l’égalité entre les citoyens et à l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Les Français attendent de la justice qu’elle assure un traitement égal des citoyens devant la loi, qu’elle soit rendue dans des délais raisonnables et que ses décisions soient rapidement mises à exécution. Ce texte va à rebours de ces trois objectifs. Nous avons été nombreux à le dire, mais nous ne sommes manifestement pas parvenus à convaincre le Gouvernement pour le moment.

Pour conclure, je formulerai un grief supplémentaire à l’encontre de ce texte : nul ne peut ignorer aujourd’hui l’évolution de notre société et la part démesurée, mais malheureusement incontournable, que prennent la communication et les médias dans l’information et la désinformation de nos concitoyens.

Dès lors, comment peut-on croire que la présence de jurés « citoyens », ignorants du droit, et dont certains auront été extraits de chez eux à contrecœur, apportera une réelle plus-value au travail des magistrats ? Au mieux, ils seront dépendants des magistrats ; au pire, ils seront dépendants des médias et ils ne sauront exprimer qu’un état de l’opinion telle qu’elle peut être saisie dans l’instant.

On ne peut juger dans le sentiment ou dans le ressentiment. L’application de la loi doit rester notre commune garantie de justice et de liberté. C’est un métier et, comme l’a si bien dit notre collègue Jacques Mézard, le citoyen attend, non de rendre la justice, mais que justice lui soit rendue. Ce n’est vraiment pas la voie que vous empruntez. C’est pourquoi nous demanderons la suppression de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Il est important pour nous de dire que l’article 1er nous semble ouvertement provocateur à l’égard des magistrats professionnels.

En voulant instaurer des citoyens assesseurs au sein des tribunaux correctionnels et des tribunaux de l’application des peines, le Gouvernement ne met en place qu’un mécanisme attentatoire au bon fonctionnement de la justice, de nature à semer la suspicion.

Monsieur le garde des sceaux, vous prétendez vouloir restituer la justice au peuple et, pour ce faire, vous souhaitez associer aux magistrats professionnels des « citoyens assesseurs ». Cette participation des citoyens ne nous paraît pas fondée.

En effet, le système que vous tentez de mettre en place ne fera que ralentir considérablement une justice française déjà à l’agonie par votre faute. Vous associez à des professionnels des citoyens qui ignoreront tout de la subtilité du droit et de la complexité des éléments constitutifs des délits.

À l’alinéa 44 de l’article 1er, vous avancez comme principal argument l’intégrité de ces citoyens assesseurs et le fait qu’ils auront prêté le serment de « bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de conserver le secret des délibérations ». C’est tout simplement grotesque, car rien ne prouve que ce serment leur permettra de faire preuve de l’impartialité nécessaire à cette fonction.

Tout porte à croire que vous cherchez à défier les magistrats !

À l’alinéa 51, vous soulevez un problème auquel vous n’apportez pas de solution, à savoir celui de la formation de ces citoyens assesseurs. Selon le texte, « un décret en Conseil d’État » en fixera les modalités. Tout cela est fort obscur et ne laisse rien présager de bon.

Comme j’en ai formulé le souhait tout à l’heure, lors de la discussion générale, le contenu de cette formation doit être clairement énoncé. Il doit surtout répondre aux besoins liés à ce nouveau statut de « citoyen assesseur ». Ce dernier doit pouvoir faire preuve de la mesure et du discernement nécessaires pour mener à bien son « devoir civique », comme vous vous plaisez à le souligner à l’alinéa 49.

Enfin, un dernier aspect de cet article reste en suspens. Il concerne la façon dont le Gouvernement compte s’assurer de la présence de ces « jurés populaires » aux procès correctionnels.

Vous n’êtes pas sans savoir combien il est difficile de constituer un jury en cour d’assises. Or vous semblez penser que tous les citoyens désignés se précipiteront pour effectuer cette mission de huit jours par an, devant les tribunaux correctionnels comme devant les tribunaux de l’application des peines. Vous vous leurrez ! Vous vous heurterez en effet aux mêmes difficultés que devant les assises, lesquelles seront encore accentuées par un système de dispenses fort compliqué à mettre en œuvre.

Ainsi, il reste bien des points à élucider, bien des zones d’ombre dans ce projet de loi insipide qui relève, en effet, du populisme judiciaire. Nous avons besoin de réponses précises afin de ne pas mettre en place de nouveaux mécanismes qui ne feront que ralentir l’appareil judiciaire.

Dans l’intérêt de la justice pénale, nous ne pouvons que nous opposer fermement à cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 44 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 91 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Trois raisons nous poussent à demander la suppression de ces fameux jurés citoyens.

Premièrement, l’article 1er contient une ambiguïté.

Depuis le début de l’après-midi, vous nous expliquez, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, que la création de ces jurés citoyens n’a strictement rien à voir avec la sévérité ou le laxisme des décisions de justice. C’est également ce qui ressort de l’exposé des motifs du projet de loi. Pourtant, le 31 décembre dernier, le Président de la République affirmait, avec sa vigueur habituelle, qu’il voulait protéger les Français de la violence chaque jour plus brutale des délinquants multiréitérants. De quelle manière ? En adjoignant des jurés populaires aux tribunaux correctionnels ! Le peuple pourrait ainsi donner son avis sur la sévérité de la réponse à apporter à des comportements qui provoquent l’exaspération du pays.

Mettez-vous d’accord ! S’agit-il de rendre les jugements plus sévères – les juges professionnels ne l’étant pas suffisamment aux yeux du Président de la République – ou s’agit-il d’autre chose ?

J’aurais plutôt tendance à m’en remettre aux propos du Président de la République.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Ce serait bien la première fois !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Telle est en effet sa volonté !

Reste que le Président de la République a commis une magnifique erreur d’appréciation, comme cela lui arrive à l’occasion, ce qui explique l’embarras dans lequel vous vous trouvez aujourd’hui, monsieur le garde des sceaux. Car, vous le savez bien, au fond, sa position n’est guère cohérente !

Rien ne prouve en effet, comme vous l’avez vous-même indiqué, et comme le souligne l’étude d’impact, que nos magistrats sont moins sévères que ceux des pays voisins. Un rapport du Conseil de l’Europe en fait d’ailleurs la démonstration, en procédant à une comparaison des décisions rendues dans les différents pays membres de cette organisation. Rien ne vient non plus étayer la thèse selon laquelle les jurés populaires se montreront plus sévères que les magistrats professionnels.

Deuxièmement, comme Mme Tasca vient de le rappeler, juger est un métier !

Avec votre texte, nous aurons, d’un côté, des gens ayant réussi un concours, après avoir suivi quatre à cinq années d’études universitaires, trente et un mois de formation et une formation continue, et, de l’autre, des gens ayant été tirés au sort. Les seconds donneront donc leur point de vue, voire s’opposeront aux premiers sans nécessairement avoir toute la qualification. Certes, me direz-vous, une formation leur sera dispensée. Cette formation d’une journée leur donnera certainement l’autorité et la qualification nécessaires pour aborder des questions difficiles …

Troisièmement, je veux relever un paradoxe sur lequel vous ne vous êtes pas beaucoup appesanti.

Votre texte a un effet magique : un citoyen chasse l’autre !

Les citoyens qui étaient jusqu’à maintenant présents dans les chambres de l’application des peines, qui sont membres d’associations de victimes ou d’associations de réinsertion, possédaient des compétences spécifiques. Or par qui allez-vous les remplacer ? Par des citoyens qui n’ont pas de qualification et qui n’ont manifesté aucun intérêt particulier pour ces questions !

Mme Catherine Tasca applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 44.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J’ai déjà expliqué au cours de la discussion générale et lors de mon intervention sur l’article les raisons qui nous poussent à demander la suppression de l’article 1er. Elles tiennent à la fois aux objectifs poursuivis, au mode de désignation et à la difficile applicabilité de ce dispositif, dont l’utilité semble dévoyée. En effet, qu’apporteront ces deux citoyens assesseurs, qui ne forment pas un jury, si ce n’est ce qu’en attend le Président de la République, qui est l’initiateur de cette réforme ?

Entendons-nous bien, nous considérons que la participation des citoyens à la justice est une bonne chose. En revanche, elle ne doit pas se faire dans n’importe quelles conditions.

Je le répète, nous sommes favorables à un système d’échevinage s’inspirant des assesseurs des tribunaux pour enfants ou des conseillers prud’homaux. Ces citoyens sont volontaires et, surtout, ils siègent au sein de ces juridictions en raison de leurs qualités, de leurs compétences professionnelles, de leur intérêt pour le sujet en cause. Ils peuvent, par exemple, appartenir à une association dont l’objet a un lien direct avec les problèmes traités par la juridiction.

Ce système a une grande utilité. Or vous supprimez les représentants des associations de victimes. Comme le disait Alain Anziani, ces citoyens, vous les chassez !

Pourquoi ne pas avoir choisi un dispositif qui a fait ses preuves au lieu d’opter pour un système relativement contre-productif, si je puis dire ? Ces jurés tirés au sort, qui ne seront pas vraiment des jurés, n’apporteront rien aux jugements en matière correctionnelle, voire ils les brouilleront.

Entre l’échevinage et le tirage au sort, vous avez choisi la méthode du tirage au sort, sans nous expliquer pourquoi. Sont-ce pour des raisons d’économie ? Pourtant, je ne crois pas que cela coûte plus cher. Est-ce parce que cette procédure ne correspond pas à ce que vous attendez de la présence de ces deux citoyens qui siégeront pendant huit jours dans un tribunal correctionnel ? Je crois plutôt que la réponse se trouve là.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 91 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il s’agit d’un amendement de suppression, le premier d’une longue liste.

Nous l’avons déjà dit : tout ou presque est à supprimer dans ce projet de loi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous sommes donc cohérents avec nos positions.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez peu répondu à nos questions, sauf par des artifices oratoires dans lesquels vous excellez.

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

J’essaie de vous égaler…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous n’aurez aucun mal, monsieur le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Quoique ce soit assez difficile pour les artifices !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je vous remercie de ce compliment, qui me va droit au cœur.

À la question portant sur l’engagement de la procédure accélérée, vous avez donné pour seule réponse le fait que cela figurait dans le programme du Président de la République. Partant de là, il vous reste peu de temps pour accomplir le reste de son programme, en particulier « travailler plus pour gagner plus » ! Il y en a d’autres, je peux en faire une longue liste.

Nous savons tous qu’il n’existe aucune justification sérieuse à ce texte. Il ne s’agit que d’une opération de communication.

Je souligne en outre l’absence totale de concertation. Les représentants professionnels nous l’ont dit : ils n’ont vu que très rapidement la Chancellerie, au mois de décembre 2010.

Au vu de la cadence à laquelle ce dossier a été mené dans le débat parlementaire, on ne peut pas non plus parler de concertation, même si nous reconnaissons que le rapporteur, comme à son habitude, a fait son maximum dans le minimum de temps dont il disposait.

Monsieur le garde des sceaux, il faudrait nous faire connaître une bonne fois pour toutes les objectifs de ce texte. Est-ce la sévérité ? Est-ce l’aggravation des peines ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Dans ces conditions, vous êtes en contradiction avec le Président de la République. Vous êtes aussi en contradiction avec l’étude d’impact, puisqu’il y est écrit qu’il faut « éviter une érosion de la peine pour des délits très graves » !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Vous n’aviez qu’à ne pas la lire !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Votre opinion du travail parlementaire est très révélatrice …

Si je vous entends bien, l’objectif n’est pas l’aggravation des peines. Heureusement, puisque nous avons appris aujourd’hui qu’il y a 64 000 personnes dans les prisons françaises et que les records sont en train d’être battus, une nouvelle fois !

Un autre objectif possible est l’accélération du cours de la justice, même si nous avons eu ce soir la démonstration que cette réforme était le meilleur moyen de la freiner.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous nous avouez donc que l’objectif est de freiner le cours de la justice et de prendre plus de temps. Dont acte ! Cela figurera au Journal officiel.

S’agit-il de diminuer le coût des procédures ? Nous savons tous que c’est l’inverse qui va se produire. Le dispositif que vous préconisez coûtera plus cher, comme le montre également l’étude d’impact.

On ne peut donc pas dire que vos objectifs représentent une solution merveilleuse pour un meilleur fonctionnement de la justice. Cela justifie pleinement la suppression de l’article 1er.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Ces trois amendements identiques visent à supprimer l’article 1er, qui définit pour l’essentiel les modalités de désignation des citoyens assesseurs.

L’institution de citoyens assesseurs constitue l’un des volets essentiels de la réforme proposée par le projet de loi.

Dans son principe, la participation des citoyens aux juridictions pénales n’a pas suscité d’opposition de la part des interlocuteurs que j’ai auditionnés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je dis bien « dans son principe » !

La participation des citoyens peut se prévaloir de l’expérience des jurés, dont les présidents de cours d’assises nous ont tous indiqué qu’elle était très fructueuse, tant pour les citoyens que pour les magistrats. J’ai d’ailleurs quelques difficultés à comprendre comment on peut être à la fois obstinément favorable aux jurés et obstinément défavorable aux citoyens assesseurs. Une certaine filiation existe malgré tout entre les responsabilités des uns et celles des autres.

Je ferai également observer que les critiques se sont plutôt cristallisées sur quatre aspects : le mode de désignation des citoyens assesseurs, le rôle qui leur serait confié pour le jugement des délits, notamment les catégories de délits qui leur seraient confiées, la substitution des citoyens assesseurs aux jurés pour la formation des cours d’assises dans leur composition simplifiée et enfin, bien sûr, la question des moyens nécessaires à la mise en œuvre de la réforme.

Pour les trois premiers points – la question des moyens est plus compliquée –, la commission a cherché, dans le texte qu’elle soumet au Sénat, à apporter des améliorations qui permettent de mettre fin à beaucoup de critiques.

Il reste effectivement le choix entre les échevins et les citoyens assesseurs. Pour sa part, le Gouvernement a penché pour les citoyens assesseurs plutôt que pour l’échevinage. J’avoue que la réflexion était ouverte. Il y a des avantages et des inconvénients à chaque solution.

Cela étant, je m’étonne que personne ne se pose la question, par exemple, de la présence des associations de victimes dans le cadre des juridictions de l’application des peines. J’ai énormément de respect pour les associations de victimes, qui savent prendre une hauteur remarquable dans leurs prises de position, mais est-ce réellement leur place ? J’avoue me poser la question.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je veux avant tout préciser que, depuis que j’ai été nommé garde des sceaux, je n’ai jamais remis en cause la capacité des magistrats, la difficulté de leur travail et leur façon de rendre la justice. Personne ne peut rapporter une phrase que j’aurais prononcée en ce sens. J’ai au contraire toujours veillé à apporter le soutien de la Chancellerie aux magistrats.

Je n’accepte donc pas l’argument selon lequel ce texte vise à mettre en doute la capacité des magistrats à bien juger. Pour ma part, je ne l’ai jamais employé et j’aimerais que l’on m’en donne acte !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Vous non, mais le Président de la République…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

C’est moi qui suis ici, madame la sénatrice. Je vous demande donc de m’en donner acte et de cesser de m’opposer un argument qui est faux.

J’accepte tous les arguments dans le débat, à condition qu’ils soient vrais.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Pour ma part, je n’ai pas le moindre problème avec le principe d’une participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale.

J’ai entendu M. Anziani parler de « simples citoyens ». Je me revendique « simple citoyen », comme beaucoup d’autres Français, et j’estime qu’on n’a pas besoin d’avoir fait cinq ans d’études pour pouvoir juger. On n’a jamais demandé à un seul membre d’un jury d’assises d’avoir fait cinq ans d’études !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il faut avoir de la considération pour les « simples citoyens ».

Il y a dans cette attitude des relents de monarchie de Juillet : il faudrait avoir certaines capacités pour pouvoir participer à l’œuvre de justice.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

L’objectif poursuivi n’est en aucun cas d’aggraver les peines. Je le répète : les magistrats ne sont pas laxistes ; ils appliquent la loi telle qu’elle a été votée et beaucoup de personnes sont condamnées. Les citoyens assesseurs apporteront simplement une vision différente.

La recherche du Gouvernement est autre. En participant au jugement des délits les plus graves, nous voulons avant tout que les Français exercent leur citoyenneté. C’est tout, mais c’est déjà beaucoup. Dans notre société, les occasions sont en effet rares de montrer que l’on est un citoyen, que l’on est capable de participer à la vie en commun. Tel est l’objectif poursuivi par ce texte. Voilà pourquoi le plus grand nombre possible de citoyens doit participer à cette œuvre !

Je conçois parfaitement que l’on puisse ne pas être d’accord avec ce projet de loi, voire qu’on le condamne. Cela fait en effet partie du débat. Mais ne déformez pas les intentions de ses auteurs !

Je le reconnais, le nouveau système sera plus coûteux et la procédure sera plus longue. Les citoyens assesseurs auront sans doute besoin d’explications plus nombreuses, ce qui est susceptible d’allonger les débats. C'est la raison pour laquelle M. le Premier ministre a accepté la mobilisation de moyens supplémentaires. Je ne dis pas pour autant que ceux-ci seront suffisants.

Si nous avons recours à l’expérimentation, c’est pour procéder à des vérifications. Nous voulons savoir si le dispositif fonctionnera correctement ou s’il sera nécessaire d’apporter des mesures correctives avant sa généralisation en 2014.

Dans une société où les individus se côtoient de plus en plus, mais où le « vivre-ensemble » se délite, il est indispensable de renforcer l’esprit de citoyenneté. Saisissons donc toutes les occasions qui vont dans ce sens !

Certes, on peut toujours discuter des modalités d’application du système proposé et chercher à les perfectionner. Comme je l’ai indiqué, je suis prêt à entendre tous les arguments. Mais je n’accepte pas que l’on m’accuse de critiquer les magistrats. Je ne les ai jamais critiqués ! Mon seul objectif est de faire participer les citoyens à la vie collective.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je souhaite répondre à l’interrogation de notre éminent rapporteur, qui affirme ne pas comprendre que l’on puisse être favorable aux jurés et défavorable aux citoyens assesseurs.

Je constate en tout cas que lui perçoit très bien la distinction. Grâce à lui, nous avons un amendement qui modifie le dispositif initialement prévu dans le projet de loi pour la composition des jurys d’assises !

En outre, puisque certains se réfèrent aux grands principes, je rappelle que, si la justice est effectivement rendue « au nom du peuple français » – dans les grands pays démocratiques, la justice est toujours rendue au nom du peuple ! –, c’est selon deux modalités.

La première est très ancienne et jouit d’une sacralisation quasi religieuse. Tout citoyen peut participer à l’administration de la justice, par exemple en faisant partie d’un jury. Les procédures d’élimination qui existent relèvent essentiellement de la responsabilité de la défense. Il n’y a pas de réelle sélection. Or le projet de loi prévoit que les citoyens assesseurs devront passer devant une commission chargée de vérifier s’ils ont bien la capacité de remplir leurs tâches. Avouez que c’est tout de même un peu curieux !

La seconde modalité se fonde sur le recrutement de magistrats professionnels ayant passé des concours ou des examens professionnels pour pouvoir rendre la justice au nom du peuple français.

En l’occurrence, vous instituez un système « intermédiaire ». Nous ne comprenons pas ce qui justifie une telle innovation. À mon avis, c’est là que réside le problème principal, en plus des aspects qui ont déjà été soulignés, notamment sur la lourdeur de la procédure. Pensant combiner les avantages respectifs des deux systèmes existants, les promoteurs de la réforme vont surtout ajouter des inconvénients.

En réalité, l’alternative est très simple : soit on souhaite que les citoyens participent à l’administration de la justice, et il faut recruter des jurés sans leur faire passer d’examens, soit on refuse qu’ils puissent se prononcer sur des délits, a priori moins graves que des crimes, et il faut confier cette mission à des magistrats professionnels. Mais nous ne comprenons pas le mélange que vous voulez nous imposer !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le garde des sceaux, je ne comprends pas pourquoi vous semblez croire que nous vous mettons en cause personnellement.

Nous nous réjouissons que vous soyez présent pour défendre votre projet de loi. Votre démarche est sans nul doute préférable à celle de votre collègue ministre du travail, qui nous a récemment envoyé une secrétaire d’État ne connaissant strictement rien au texte dont elle devait assurer la défense devant la Haute Assemblée !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Mais vous êtes membre du Gouvernement et, à ce titre, vous en êtes solidaire ! Dès lors, ce que vous pensez à titre personnel ne nous intéresse pas. Nous connaissons vos idées, mais cela n’a aucun intérêt dans le débat.

Ce qui nous importe, c’est ce que disent le Président de la République et le Gouvernement. Malheureusement pour vous, la lecture de l’exposé des motifs et de l’étude d’impact qui accompagnent le projet de loi confirme nos dires.

Je vous renvoie aussi aux propos du Président de la République et du ministre de l’intérieur de l’époque. De deux choses l’une : ou bien vous êtes solidaire de ces déclarations ou bien vous ne l’êtes pas. Dans cette dernière hypothèse, il faut en tirer les conséquences ! (

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Il me semble que c’est bien cela, la continuité de l’État !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Permettez-moi de vous faire part de quelques remarques, questions ou réflexions.

Tout d’abord, M. le rapporteur s’est interrogé sur la place des associations de victimes en matière d’application des peines. Mais elles ont évidemment leur place ! Il y a un équilibre avec les associations d’insertion !

Ensuite, nous sommes bien entendu favorables à la constitution de jurys incluant des citoyens. Nous n’avons d’ailleurs jamais dit que nous y étions opposés. Ce qui nous interpelle, ce sont les méthodes et le calendrier de mise en œuvre de modifications aussi profondes !

Monsieur le garde des sceaux, nous avons demandé quels étaient les objectifs précis du projet de loi. À ce jour, vous ne nous avez toujours pas répondu. Or une réforme ne peut se concevoir que si elle est mise au service d’un objectif précis, concret et compris par tous.

Enfin, vous avez fait référence aux « cinq années d’études ». Ce n’est ni moi ni mon groupe qui nous sommes abrités derrière un article du journal Libération relatant la joie d’un enseignant de vingt-quatre ans de participer aux jurys citoyens.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Trente-quatre ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Peu importe son âge ; lui avait bien les cinq années d’études !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le garde des sceaux, vous nous avez demandé à plusieurs reprises de vous « donner acte » que vous ne mettiez pas en cause les magistrats. Soit ! Nous vous en donnons acte.

Mais cela n’empêche nullement de constater qu’il y a une crise dans la magistrature.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Les magistrats et l’institution judiciaire s’estiment méprisés par le pouvoir en place. Il n’est qu’à observer les mouvements menés ici ou là par les professionnels pour protester contre le sort qui leur est réservé.

À votre tour de nous donner acte d’une réalité. Quand il compare les magistrats à des « petits pois » – je reprends l’expression que j’avais citée tout à l’heure –, le Président de la République met en cause la magistrature et l’institution judiciaire ! Quand l’ancien ministre de l’intérieur Brice Hortefeux stigmatise, parce qu’elle n’a pas l’heur de lui plaire, une décision d’un tribunal du Bobigny condamnant des policiers, il met en cause la magistrature !

Je vous le dis en toute amitié, nous regrettons que, dans ces moments-là, le garde des sceaux reste aussi silencieux !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de vingt amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 7 à 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le garde des sceaux, que les choses soient claires : je ne vous ai jamais accusé au cours de ce débat de ne pas défendre les magistrats. J’imagine mal en effet un garde des sceaux faisant le procès de la magistrature. Cependant, nous avons parfaitement le droit de considérer que la volonté de l’exécutif, telle qu’elle se manifeste dans le présent projet de loi, est de mettre en cause le travail des magistrats professionnels de notre pays.

Rassurez-vous, nous avons bien compris que vous étiez là pour assurer un équilibre entre les propos excessifs du Président de la République et des membres de l’exécutif – ils viennent d’être excellemment rappelés par notre collègue Alain Anziani – et la nécessité de respecter notre magistrature.

L’amendement n° 92 rectifié vise à supprimer les alinéas 7 à 12, qui créent les citoyens assesseurs en leur permettant de compléter le tribunal correctionnel et la chambre des appels correctionnels ainsi que le tribunal de l’application des peines et la chambre de l’application des peines de la cour d’appel.

Comme vous avez bien voulu le reconnaître voilà quelques minutes, cette nouvelle procédure allongera la durée des audiences et coûtera plus chère !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Étant très attaché aux principes traditionnels de la République, je respecte profondément les citoyens. Mais, pour avoir plaidé dans de nombreuses affaires devant la cour d’assises, je puis vous certifier, même si cela ne correspond pas à l’opinion générale, que les jurés ne sont pas la panacée. Encore une fois, en disant cela, je pense être fidèle à mes convictions.

Vous auriez très bien pu limiter le nouveau dispositif au tribunal correctionnel, mais il a fallu que vous y ajoutiez la chambre des appels correctionnels, puis le tribunal d’application des peines et la chambre d’application des peines de la cour d’appel. Disons-le clairement, votre objectif était de répondre à des interpellations de l’opinion à la suite de certaines libérations ayant occasionné des drames, comme cela se produit inévitablement.

Certes, on peut toujours faire mieux. Mais il est indécent d’utiliser de tels drames à des fins d’affichage médiatique pour prendre des options sécuritaires au lieu d’adopter les mesures qui s’imposent.

Au sein du tribunal d’application des peines et, plus encore, de la chambre d’application des peines, il y a des personnes qui, sans être des magistrats professionnels, disposent d’une expérience et d’une compétence. Or vous voulez les remplacer par des citoyens assesseurs dépourvus de toute formation. Allez-vous au moins donner à ces femmes et à ces hommes une formation sur la réalité de l’univers carcéral et sur les processus de réinsertion ? À défaut, comment voulez-vous qu’ils puissent se forger une opinion qui tienne debout et prendre de bonnes décisions ?

Vous le voyez, la suppression des alinéas 7 à 12 s’impose.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 4, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je partage ce qui vient d’être dit par M. Mézard, et je souhaite ajouter un élément qui est un peu différent.

Avons-nous tous bien conscience que ce qui nous est proposé changera la nature profonde de la procédure d’audience devant le tribunal correctionnel ?

Aujourd'hui, au tribunal correctionnel, nous avons un ou plusieurs magistrats qui maîtrisent parfaitement leur dossier, parce qu’ils y ont travaillé avant l’audience. Les avocats aussi ont eu accès au dossier. Nous avons donc des personnes qui connaissent la totalité des pièces, témoignages ou expertises et l’ensemble des déclarations.

Demain, si la réforme proposée est adoptée, nous aurons un nouveau système, un système de l’oralité.

Il faudra que le président lise un certain nombre de papiers et que les jurés citoyens demandent des explications ; ils pourront même, paraît-il, accéder aux pièces.

Nous le voyons bien, tout cela aura des conséquences sur le temps consacré à la procédure. La difficulté est précisément que nos institutions judiciaires, déjà surchargées, manquent de temps. Et vous voulez leur imposer des délais encore plus longs !

Le grand perdant d’une telle réforme sera à l’évidence le justiciable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 5, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cet amendement a le même objet que le précédent, mais il concerne l’application des peines.

Mes chers collègues, nous avons eu un débat extrêmement difficile, mais, dans le même temps, très constructif, lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire. Je salue d’ailleurs une nouvelle fois notre collègue Jean-René Lecerf, dont les apports à ce texte ont été considérables, à tel point que certains ont même pu parler d’une « loi Lecerf ».

L’un des objets précis de cette loi était d’essayer de faire en sorte que la prison soit non seulement un lieu de répression et de sanction – elle doit l’être –, mais également un lieu de préparation à la réinsertion. Évidemment, l’un des outils de cette politique est l’application des peines et la libération conditionnelle.

Or vous nous proposez ici, tout d’un coup, d’introduire des jurés citoyens dans le circuit. Tout cela va-t-il dans le même sens ? En effet, une telle proposition sous-tend une critique implicite : si vous voulez modifier le système actuel, c’est parce qu’il ne fonctionne pas.

Monsieur le rapporteur, vous qui avez suivi les débats de près, je vous interroge : la juridiction de l’application des peines ne fonctionne-t-elle pas correctement aujourd'hui ? Est-elle dangereuse pour le citoyen ? Ne donne-t-elle pas des résultats satisfaisants pour la personne qui a été condamnée ? Réalisons plutôt un diagnostic, établissons une évaluation et voyons ensuite quelles sont les mesures nécessaires !

En l’état, le seul événement ayant justifié la création des jurés citoyens – pourquoi se cache-t-on à chaque fois la vérité ? – est la récidive d’une personne remise en liberté. Pour un seul cas, va-t-on modifier l’ensemble du système ? C’est un risque tout à fait inutile, mais c’est un risque très important dans la mesure où il met en péril la réinsertion de personnes qui, demain, quoi qu’il en soit, retrouveront la liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 6, présenté par MM. Michel et Anziani, Mmes Klès et Tasca, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 12 à 53

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous demandons que les citoyens assesseurs soient désignés exactement comme les jurés d’assises et que l’on applique à la chambre correctionnelle la procédure de récusation en vigueur dans les cours d’assises.

Nous ne voulons pas qu’il soit possible de choisir – on ne sait d’ailleurs sur quels critères – parmi les jurés d’assises ceux qui pourraient être assesseurs dans les tribunaux correctionnels et ceux qui ne seraient que jurés d’assises.

Je souhaite également poser une question annexe à M. le garde des sceaux : prévoit-il un décret, une circulaire ou un arrêté afin d’augmenter la liste des jurés dans chaque département ? Au vu de leur nombre actuel, il ne sera pas si simple de composer des sessions d’assises, entre les citoyens qui siégeront pour les tribunaux correctionnels, ceux qui siégeront pour les tribunaux pour enfants de seize à dix-huit ans et ceux qui siégeront pour les tribunaux de l’application des peines. Aujourd’hui, il n’est déjà pas évident de s’assurer de la présence de jurés d’assises, qu’il faut quelquefois aller chercher chez eux, qu’en sera-t-il demain si leur nombre reste identique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 93 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, par souci de cohérence, je présenterai en même temps les amendements n° 94 rectifié, 95 rectifié, 96 rectifié et 97 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 94 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 14 à 20

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 95 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 21 à 25

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 96 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 26 à 30

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 31 à 35

Supprimer ces alinéas.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ces cinq amendements, dont certains sont de coordination, ont trait aux dispositions relatives à l’établissement des listes de citoyens assesseurs.

Selon l’étude d’impact, la mise en œuvre du dispositif des citoyens assesseurs nécessitera la mobilisation de 9 000 personnes supplémentaires par an sur l’ensemble du territoire, toutes juridictions confondues, soit 54 400 vacations.

Tous les magistrats vous le diront, à condition d’accepter de les entendre, il est déjà aujourd’hui très complexe de satisfaire les besoins en jurés d’assises, besoins qui s’élèvent à près de 25 000 personnes par an. On ne compte plus le nombre de personnes tirées au sort qui cherchent tous les prétextes – certificats médicaux à l’appui – pour échapper à leur obligation de siéger et dont le manquement pour motif illégitime est puni par une amende. Nous connaissons cette situation depuis des années. On peut comprendre ces personnes, par exemple au vu de la faible indemnisation journalière qui leur est versée.

Quoi qu’il en soit, les mêmes causes appellent les mêmes effets : assurer un chiffre de 9 000 citoyens assesseurs par an, c’est mobiliser deux à trois fois plus de personnes par tirage au sort, ce qui paraît presque impossible au bout de quelques années de mise en œuvre. Nous pensons particulièrement aux tribunaux correctionnels siégeant dans le même ressort qu’une cour d’appel.

Par ailleurs, il est heureux que la commission des lois ait supprimé le dispositif initial du projet de loi pour l’article 10-4 du code de procédure pénale, lequel prévoyait d’adresser à la personne un questionnaire où elle établissait elle-même sa moralité. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, me direz-vous ! Il est néanmoins anormal que le Parlement ne puisse connaître au minimum le contenu des informations destinées à être recueillies.

Parallèlement, la seule journée de formation initiale prévue pour les citoyens assesseurs sera très insuffisante. Sur un plan pratique, qui assurera cette formation et pour quel coût ? À raison de 158 tribunaux correctionnels siégeant cinquante-deux semaines par an, la formation des citoyens assesseurs nécessitera 8 200 journées de travail, au détriment des fonctions de jugement. Il eût sans doute été préférable d’organiser des formations spécifiques pour chaque type d’intervention susceptible de concerner les citoyens assesseurs.

Une fois de plus, tout cela témoigne de la précipitation avec laquelle a été élaboré ce texte. Nous risquons d’aboutir à un monstre juridique et politique, impraticable, qui déréglera un système judiciaire n’en ayant absolument pas besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 36 à 38

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 99 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 39

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ces deux amendements visent à supprimer les articles 10-7 et 10-8 nouveaux du code de procédure pénale, qui fixent les conditions dans lesquelles sont affectés les citoyens assesseurs. Cette compétence d’affectation relèvera du président de la juridiction, chargé d’édicter des ordonnances de roulement. Bien entendu, il s’agira pour lui d’une charge particulièrement lourde, dans la mesure où, contrairement aux cours d’assises, les tribunaux correctionnels siègent en permanence. Les chefs de cour n’avaient certainement pas besoin de cette charge nouvelle, d’autant qu’aucune compensation n’est prévue.

Rien n’est précisé sur les modalités de convocation des citoyens assesseurs, alors que la non-présentation est civilement répréhensible, il faut le rappeler. Or l’envoi de lettres recommandées aura, lui aussi, un coût.

Quel sera le résultat au final ? Nous assisterons à un ralentissement de la procédure et à une désorganisation de la cour, surtout en fin de session. Il eût certainement été plus utile de mobiliser les 8 millions d’euros que coûte cette réforme en année pleine pour recruter des greffiers, dont on sait qu’ils font cruellement défaut.

De plus, comme nous le rappelions tout à l’heure, il sera très difficile de trouver des citoyens assesseurs en nombre suffisant, en particulier quand les débats seront amenés à durer et nécessiteront l’appel de citoyens supplémentaires. Nous avons tous annoncé, y compris vous, monsieur le garde des sceaux, que, avec cette réforme, les audiences dureraient beaucoup plus longtemps. Je rappelle que les citoyens assesseurs, normalement, pourront être appelés huit jours dans l’année. Il s’agit donc d’un système d’une complexité terrible, beaucoup plus grande que celui des jurés d’assises. Il déséquilibrera nos juridictions et leur posera des problèmes de fonctionnement importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 100 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 40 et 41

Supprimer ces alinéas.

L'amendement n° 101 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 42 et 43

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ces deux amendements soulèvent une nouvelle fois la question de la disponibilité des citoyens assesseurs. La commission a partiellement tenté de pallier cette difficulté en abaissant de vingt-trois ans à dix-huit ans l’âge à partir duquel on peut être tiré au sort. Il n’est cependant pas certain que cette modification soit suffisante. D’abord, parce que ne peut être citoyen assesseur celui qui a exercé cette fonction durant les cinq années précédentes. Ensuite, parce que peuvent prétendre à une dispense les personnes de plus de soixante-dix ans. Or les retraités sont en général les personnes les plus disponibles.

Plus généralement, tout donne l’impression que, à aucun moment de la rédaction de ce projet de loi, n’a été posée la question de l’essence même de la notion de jury populaire. Cet acquis, dont il est possible de discuter, peut difficilement être remis en cause s’agissant des assises. Néanmoins, juger son prochain n’est pas une tâche anodine qui relèverait d’un simple devoir citoyen. L’impact psychologique peut être éprouvant. Il suffit d’avoir assisté à des audiences de cour d’assises pour se convaincre de leur dureté, notamment lorsqu’un juré est appelé à connaître d’une affaire ayant pour lui une résonance très personnelle. On sort rarement indemne d’une telle expérience, qu’il s’agisse de juger un crime aujourd’hui ou de juger un crime demain.

Dès lors, prévoir la possibilité de passer du statut de juré populaire à celui de citoyen assesseur fait disparaître tout ce qui fait l’essence même du juré d’assises, à savoir l’intime conviction. Si les citoyens assesseurs doivent connaître demain entre six et dix dossiers par audience – on nous dit qu’ils en traiteront plutôt quatre –, c’est-à-dire siéger au moins huit heures d’affilée, il est évident que l’avis des magistrats sera prééminent, a fortiori sur les matières les plus techniques.

Tout concourt donc à enrayer la sérénité de la justice. Celle-ci est certes imparfaite, mais rien ne nous oblige à aller encore davantage vers l’imperfection !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 152 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Détraigne, Zocchetto et Amoudry, Mme Morin-Desailly, MM. Merceron et Biwer, Mme Férat et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 42

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours de cette période, les citoyens assesseurs désignés pour siéger au sein d’une chambre des appels correctionnels ou d’un tribunal correctionnel ne peuvent être appelés à siéger au sein d'une chambre de l'application des peines, d’un tribunal de l'application des peines ou d'un tribunal correctionnel pour mineurs. Les citoyens assesseurs désignés pour siéger au sein d'une chambre de l'application des peines ou d’un tribunal de l'application des peines ne peuvent être appelés à siéger au sein d’une chambre des appels correctionnels ou d’un tribunal correctionnel ou d'un tribunal correctionnel pour mineurs. Les citoyens assesseurs désignés pour siéger au sein d'un tribunal correctionnel pour mineurs ne peuvent être appelés à siéger au sein d'une juridiction correctionnelle pour majeurs ou d'une juridiction de l'application des peines.

La parole est à M. Yves Détraigne.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement vise à éviter la dispersion du citoyen assesseur entre divers types de juridictions sur les huit jours pendant lesquels il sera mobilisé.

Il tend à prévoir que le citoyen ne pourra pas participer alternativement durant ces huit jours à des juridictions de jugement, à des juridictions traitant de l’application des peines, ou encore à un tribunal correctionnel pour mineurs.

Si j’osais, je dirais qu’il s’agit de viser l’efficacité maximale et de « rentabiliser » le recours au citoyen assesseur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 102 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 44

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’alinéa dont nous demandons la suppression tend à imposer aux citoyens assesseurs de prêter serment de « bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de conserver le secret des délibérations ». Nous aurons l’occasion de revenir sur la question du serment lors de l’examen de l’article 3 du projet de loi.

Pour l’heure, nous nous étonnons que ce serment soit, à quelques nuances près, le même que celui que prêtent les juges de proximité et les assesseurs des tribunaux pour enfants. Or ces deux catégories d’assesseurs sont recrutées sur des critères stricts et précis, et présentent des garanties de formation, d’expérience, bien plus importantes qu’un simple citoyen – cette expression, monsieur le garde des sceaux, n’a absolument rien de péjoratif – ayant seulement été tiré au sort. Nous défendrons donc à l’article 3 un amendement visant à établir un dispositif mieux adapté. En attendant, la suppression de cet alinéa s’impose.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 104 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 45 à 48

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement a trait au problème de la récusation, qui vise par essence à garantir l’impartialité objective et apparente de la juridiction de jugement. Devant une cour d’assises, cette procédure est ouverte au ministère public et à l’accusé, qui peuvent en faire usage sans motivation.

Tout autre est le système qui est ici proposé, puisque les motifs et les conditions de récusation applicables aux citoyens assesseurs sont ceux qui valent pour les magistrats et qui sont limitativement énumérés à l’article 668 du code de procédure pénale.

Or les magistrats ont été formés pour juger et présentent par nature des garanties d’indépendance renforcée. Ils connaissent le droit et peuvent naturellement se déporter en cas d’incompatibilité. On ne peut transposer ce raisonnement pour des citoyens étrangers aux arcanes du droit et qui peuvent sans malice ne pas se déporter par eux-mêmes.

En tout état de cause, il faut être cohérent, aller au bout de la logique, garantir l’impartialité de la formation de jugement en instaurant un véritable système de récusation. Je pense en particulier au ressort des tribunaux les plus petits où, bien évidemment, des problèmes extrêmement importants risquent de se poser du fait que, dans nombre de villes moyennes, tout le monde se connaît. Donc, même si cela prend du temps, ce système de récusation est nécessaire. En s’abstenant de le mettre en place, on prend des risques et manifestement, là aussi, on va au-devant de graves difficultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 105 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 45 et 46

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

« Art. 10-12. - Avant l’examen au fond, les citoyens assesseurs désignés pour siéger peuvent être récusés par le prévenu ou son avocat d’abord, le ministère public ensuite.

« Ni le prévenu, ni son avocat, ni le ministère public ne peuvent exposer leurs motifs de récusation.

« L’accusé ou son avocat non plus que le ministère public ne peuvent récuser plus de deux citoyens assesseurs chacun.

« S'il y a plusieurs prévenus, ils peuvent se concerter pour exercer leurs récusations ; ils peuvent les exercer séparément.

« Dans l'un et l'autre cas, ils ne peuvent excéder le nombre de récusations déterminé pour un seul prévenu.

« Si les prévenus ne se concertent pas pour récuser, le sort règle entre eux le rang dans lequel ils font les récusations. Dans ce cas, les citoyens assesseurs récusés par un seul, et dans cet ordre, le sont pour tous jusqu'à ce que le nombre des récusations soit épuisé.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement de repli a pour objet de créer un véritable système de récusation des citoyens assesseurs, largement inspiré par celui qui est en vigueur devant la cour d’assises et qui n’est pas ouvert à la victime, contrairement à l’article 10-12. Le problème de la récusation, je l’ai déjà dit tout à l'heure, est extrêmement important, surtout dans les petites et moyennes juridictions.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 106 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 49

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

S’agissant de cet alinéa 49, nous approuvons la modification apportée par la commission. Le texte initial de l’article 10-13 instituait en contravention de cinquième classe, punie de 1 500 euros d’amende, l’absence non justifiée ou illégitime d’un citoyen assesseur dûment convoqué. Un minimum de cohérence est en effet indispensable, dès lors que la même absence s’agissant d’un juré d’assises est constitutive d’une amende civile de 3 750 euros.

Cependant, la commission aurait dû aller plus loin et supprimer cet article 10-13 en entier. Exercer les fonctions de citoyen assesseur serait un devoir civique : cet alinéa est surtout une pure déclaration symbolique à portée non normative. En ces temps où de nombreuses catégories d’intérêts revendiquent sans arrêt de nouveaux droits au détriment de l’intérêt général, il convient de ne pas affaiblir la portée de la notion de devoir en l’utilisant de façon déraisonnable ou inappropriée, comme c’est le cas dans cet article.

À notre sens, il convient de revenir à l’esprit de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont le préambule énonce que « cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ». En d’autres termes, il convient de cultiver la parcimonie ...

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 107 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 50 à 53

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il s’agit d’un amendement de pure coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 149 rectifié, présenté par MM. Maurey, Détraigne et Zocchetto, Mmes Gourault et Morin-Desailly, MM. Merceron et Biwer, Mme Férat et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 51

Remplacer le mot :

information

par le mot :

formation

La parole est à M. Yves Détraigne

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Dans le droit fil de l'amendement n° 152 rectifié bis, que j’ai présenté voilà quelques minutes, le présent amendement a pour objet de permettre aux citoyens assesseurs appelés à siéger de disposer, non d'une simple information sur le fonctionnement de la justice pénale, mais plutôt d'une formation de manière qu’ils soient plus efficaces dans les fonctions qu’ils vont devoir exercer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président. Mes chers collègues, l’ensemble de ces amendements en discussion commune ayant été présentés, je vous propose, à cette heure, de renvoyer la suite de la discussion à la prochaine séance.

Assentiment.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 18 mai 2011, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (Procédure accélérée) (n° 438, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois (489, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 490, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.