Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 17 mai 2011 à 22h15
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 1er

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Il est important pour nous de dire que l’article 1er nous semble ouvertement provocateur à l’égard des magistrats professionnels.

En voulant instaurer des citoyens assesseurs au sein des tribunaux correctionnels et des tribunaux de l’application des peines, le Gouvernement ne met en place qu’un mécanisme attentatoire au bon fonctionnement de la justice, de nature à semer la suspicion.

Monsieur le garde des sceaux, vous prétendez vouloir restituer la justice au peuple et, pour ce faire, vous souhaitez associer aux magistrats professionnels des « citoyens assesseurs ». Cette participation des citoyens ne nous paraît pas fondée.

En effet, le système que vous tentez de mettre en place ne fera que ralentir considérablement une justice française déjà à l’agonie par votre faute. Vous associez à des professionnels des citoyens qui ignoreront tout de la subtilité du droit et de la complexité des éléments constitutifs des délits.

À l’alinéa 44 de l’article 1er, vous avancez comme principal argument l’intégrité de ces citoyens assesseurs et le fait qu’ils auront prêté le serment de « bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de conserver le secret des délibérations ». C’est tout simplement grotesque, car rien ne prouve que ce serment leur permettra de faire preuve de l’impartialité nécessaire à cette fonction.

Tout porte à croire que vous cherchez à défier les magistrats !

À l’alinéa 51, vous soulevez un problème auquel vous n’apportez pas de solution, à savoir celui de la formation de ces citoyens assesseurs. Selon le texte, « un décret en Conseil d’État » en fixera les modalités. Tout cela est fort obscur et ne laisse rien présager de bon.

Comme j’en ai formulé le souhait tout à l’heure, lors de la discussion générale, le contenu de cette formation doit être clairement énoncé. Il doit surtout répondre aux besoins liés à ce nouveau statut de « citoyen assesseur ». Ce dernier doit pouvoir faire preuve de la mesure et du discernement nécessaires pour mener à bien son « devoir civique », comme vous vous plaisez à le souligner à l’alinéa 49.

Enfin, un dernier aspect de cet article reste en suspens. Il concerne la façon dont le Gouvernement compte s’assurer de la présence de ces « jurés populaires » aux procès correctionnels.

Vous n’êtes pas sans savoir combien il est difficile de constituer un jury en cour d’assises. Or vous semblez penser que tous les citoyens désignés se précipiteront pour effectuer cette mission de huit jours par an, devant les tribunaux correctionnels comme devant les tribunaux de l’application des peines. Vous vous leurrez ! Vous vous heurterez en effet aux mêmes difficultés que devant les assises, lesquelles seront encore accentuées par un système de dispenses fort compliqué à mettre en œuvre.

Ainsi, il reste bien des points à élucider, bien des zones d’ombre dans ce projet de loi insipide qui relève, en effet, du populisme judiciaire. Nous avons besoin de réponses précises afin de ne pas mettre en place de nouveaux mécanismes qui ne feront que ralentir l’appareil judiciaire.

Dans l’intérêt de la justice pénale, nous ne pouvons que nous opposer fermement à cet article.

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