Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 17 mai 2011 à 22h15
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 1er

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Ces cinq amendements, dont certains sont de coordination, ont trait aux dispositions relatives à l’établissement des listes de citoyens assesseurs.

Selon l’étude d’impact, la mise en œuvre du dispositif des citoyens assesseurs nécessitera la mobilisation de 9 000 personnes supplémentaires par an sur l’ensemble du territoire, toutes juridictions confondues, soit 54 400 vacations.

Tous les magistrats vous le diront, à condition d’accepter de les entendre, il est déjà aujourd’hui très complexe de satisfaire les besoins en jurés d’assises, besoins qui s’élèvent à près de 25 000 personnes par an. On ne compte plus le nombre de personnes tirées au sort qui cherchent tous les prétextes – certificats médicaux à l’appui – pour échapper à leur obligation de siéger et dont le manquement pour motif illégitime est puni par une amende. Nous connaissons cette situation depuis des années. On peut comprendre ces personnes, par exemple au vu de la faible indemnisation journalière qui leur est versée.

Quoi qu’il en soit, les mêmes causes appellent les mêmes effets : assurer un chiffre de 9 000 citoyens assesseurs par an, c’est mobiliser deux à trois fois plus de personnes par tirage au sort, ce qui paraît presque impossible au bout de quelques années de mise en œuvre. Nous pensons particulièrement aux tribunaux correctionnels siégeant dans le même ressort qu’une cour d’appel.

Par ailleurs, il est heureux que la commission des lois ait supprimé le dispositif initial du projet de loi pour l’article 10-4 du code de procédure pénale, lequel prévoyait d’adresser à la personne un questionnaire où elle établissait elle-même sa moralité. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, me direz-vous ! Il est néanmoins anormal que le Parlement ne puisse connaître au minimum le contenu des informations destinées à être recueillies.

Parallèlement, la seule journée de formation initiale prévue pour les citoyens assesseurs sera très insuffisante. Sur un plan pratique, qui assurera cette formation et pour quel coût ? À raison de 158 tribunaux correctionnels siégeant cinquante-deux semaines par an, la formation des citoyens assesseurs nécessitera 8 200 journées de travail, au détriment des fonctions de jugement. Il eût sans doute été préférable d’organiser des formations spécifiques pour chaque type d’intervention susceptible de concerner les citoyens assesseurs.

Une fois de plus, tout cela témoigne de la précipitation avec laquelle a été élaboré ce texte. Nous risquons d’aboutir à un monstre juridique et politique, impraticable, qui déréglera un système judiciaire n’en ayant absolument pas besoin.

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