Je vous remercie, monsieur le président, de vos mots de bienvenue.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la mondialisation et la construction du marché unique européen sont à l'origine d'une reconfiguration de l'économie française.
Notre pays a fait le pari - pouvait-il en être autrement ? - de l'ouverture au commerce international, et il s'est inséré dans les flux des échanges mondiaux.
La compétitivité de nos entreprises se mesure désormais à l'échelle planétaire. Pour continuer à faire face à la concurrence mondiale et conquérir de plus vastes marchés, elles doivent faire preuve de réactivité et d'audace. Cela n'exclut pas, toutefois, que les conditions du marché soient équilibrées, et que ni le dumping social ni le dumping financier ne viennent perturber les règles de loyauté.
Le besoin de souplesse des entreprises doit se concilier avec la préservation et le renforcement de la cohésion sociale. La modernisation de notre modèle social impose une démarche collective, avec un principe qui se nomme concertation. Les réformes nécessaires ne peuvent s'accomplir que dans un climat de confiance, dans lequel chacun prend et prendra ses responsabilités.
Tel est le défi auquel nous devons répondre.
C'est pour ces raisons que la modernisation du dialogue social est, aux yeux du Gouvernement, un enjeu essentiel. C'est pour ces raisons que le projet de loi dont nous commençons aujourd'hui la discussion au sein de votre assemblée vise à introduire dans le code du travail un chapitre préliminaire qui associe les partenaires sociaux à l'élaboration des normes et des réformes sociales. Il reprend ainsi les principes exposés par le Président de la République devant le Conseil économique et social, le 10 octobre dernier.
C'est une rénovation profonde de notre démocratie sociale que nous engageons avec ce texte. En fixant une nouvelle méthode de travail, en appelant à un pacte de confiance, en faisant du dialogue social la pierre angulaire de notre modèle social, nous nous donnons les moyens de relever le pari de la modernisation de notre pays, en préservant la valeur et la richesse de sa cohésion sociale.
Ce projet s'inscrit dans la continuité des actions menées par le Gouvernement depuis 2002
Si ce projet « marque une avancée historique », pour reprendre les termes d'une organisation syndicale auditionnée par la commission des affaires sociales du Sénat, il s'inscrit dans la continuité des actions législatives menées par le Gouvernement, qui ont visé à développer le dialogue social et la négociation collective.
Cette évolution s'est concrétisée, en premier lieu, par une extension du champ de la négociation collective en ce qui concerne la plupart des textes intéressant le champ des relations du travail. Citons, par exemple, les récentes lois sur le temps de travail, ou les dispositions de la loi de programmation pour la cohésion sociale de janvier 2005 relatives aux mutations économiques et à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Les textes qui ont été adoptés ces dernières années dans le champ du droit du travail organisent, selon des modalités diverses, un renvoi à la négociation collective, le plus souvent au niveau de l'entreprise, tout en préservant les exigences de l'ordre public social.
À ceux qui viendraient à en douter, les résultats de 2005 et, bientôt, de 2006 démontreront que l'activité conventionnelle a été soutenue : rappelons-le, en 2005, 44 accords interprofessionnels sont intervenus, 1 144 accords de branches ont été passés, et 20 000 accords d'entreprise au moins ont été signés, selon le bilan de la négociation collective.
La loi du 4 mai 2004 a représenté la deuxième étape de cette évolution. Il s'agit là d'un texte essentiel quant au droit de la négociation collective.
Dans la ligne de la « position commune », signée par la plupart des partenaires sociaux en 2001, ce texte a introduit un principe majoritaire dans la signature des accords et donne davantage de place et d'autonomie aux accords d'entreprise, les plus proches des réalités et des contraintes concrètes de l'entreprise et de ses salariés.
Pour franchir une troisième étape, il nous était impératif d'associer étroitement les partenaires sociaux. Nous avons donc choisi d'élaborer ce projet de loi en concertation avec eux. Nous avons fait le choix d'avancer ensemble, progressivement, en nous appliquant la méthode que nous souhaitions organiser par ce projet de loi.
Inspiré des préconisations du rapport de Dominique-Jean Chertier, annoncé le 12 décembre 2005 devant la Commission nationale de la négociation collective, la CNNC, et remis au Premier ministre en avril 2006, ce projet a fait l'objet d'une large concertation avec les partenaires sociaux.
Les rencontres bilatérales se sont d'abord déroulées sur la base de fiches présentant plusieurs scénarios d'évolution, ce qui était nouveau, puis sur la base d'un avant-projet, susceptible d'évolutions.
À la fin du mois de septembre, accompagné d'une délégation des partenaires sociaux, je me suis rendu aux Pays-Bas et en Espagne, deux pays qui ont su moderniser leurs relations sociales, de manière différente. L'expérience de ces deux pays nous a permis de comprendre qu'un dialogue social nourri et plus apaisé reposait d'abord sur une relation de confiance entre les partenaires sociaux et l'État, permettant la recherche de convergences et, parfois, d'un consensus.
La concertation s'est achevée le 6 novembre 2006, devant la Commission nationale de la négociation collective. Cette réunion a permis de procéder aux derniers ajustements, aux amendements, pourrait-on dire, que souhaitaient certaines organisations syndicales et professionnelles.
Pour illustrer le souci de convergence, l'option initialement envisagée, qui consistait à modifier au travers de ce texte l'architecture de nos instances de consultation, comme le préconisait le rapport de M. Dominique-Jean Chertier, n'a pas finalement été retenue. Non que la question ne se pose pas, mais les remarques des partenaires sociaux ont montré que c'était un exercice différent. La priorité était bien, ici, de poser les principes de nouveaux rapports entre les partenaires sociaux et l'État. Cette rationalisation des instances n'en reste pas moins nécessaire, me semble-t-il, et elle devra se réaliser en concertation avec les partenaires sociaux.
Sans pouvoir prétendre à un caractère totalement consensuel, ce projet de loi constitue un point de convergence fort avec les organisations représentatives. Même si certaines organisations auraient souhaité que le projet traite aussi de la représentativité syndicale, toutes ont reconnu qu'un pas important avait été franchi au profit de la rénovation des relations sociales.
Quels sont les objectifs et le contenu du projet de loi ?
Comme je l'ai indiqué, ce texte vise à modifier la pratique qui s'est instaurée dans les rapports entre les gouvernements et les partenaires sociaux.
Alors que les pouvoirs publics ont très souvent le sentiment que les textes sociaux sont élaborés en concertation avec eux, qu'ils sont consultés sur ces textes, les partenaires sociaux ont le sentiment inverse : ils se sentent écartés de l'élaboration des textes essentiels qui régissent notamment les relations du travail. Cette situation n'est pas nouvelle.
Il fallait donc inventer de nouvelles règles du jeu, en partie inspirées de celles qui s'appliquent au niveau de l'Union européenne, de façon à donner un cadre clair et organisé au dialogue social.
Ces nouvelles règles résident en trois principes : la concertation, la consultation, l'information.
Premier principe : la concertation. Lorsque le Gouvernement envisage une réforme concernant les règles générales du droit du travail, à savoir les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle, il doit, dans un premier temps, se concerter avec les organisations syndicales et professionnelles représentatives au niveau national et interprofessionnel.
Cette concertation se fait sur la base d'un document d'orientation, adressé aux organisations syndicales et professionnelles représentatives au niveau national et interprofessionnel, à charge pour ces dernières de dire si elles envisagent ou non de négocier un accord, dans un délai qu'elles indiquent.
Deuxième principe : la consultation. Les textes législatifs et réglementaires élaborés par le Gouvernement au vu des résultats de la concertation et de la négociation devront être présentés devant les instances habituelles du dialogue social que sont la Commission nationale de la négociation collective, pour tout ce qui concerne les relations du travail, le Comité supérieur de l'emploi, en matière d'emploi, et le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, pour ce qui touche la formation professionnelle.
À cette occasion, je précise que nous comblons un vide de notre droit du travail, qui ne prévoyait aucune consultation préalable obligatoire en cas de réforme portant, notamment, sur le contrat de travail. La compétence de la Commission nationale de la négociation collective n'est donc plus cantonnée aux règles de la négociation, mais elle est étendue aux relations individuelles du travail. Par ailleurs, la compétence consultative du Conseil supérieur de l'emploi, qui était jusqu'alors facultative, devient obligatoire.
Troisième principe : l'information. Est prévu un rendez-vous annuel entre le Gouvernement, au niveau du Premier ministre - le texte est très clair sur ce point -, et les partenaires sociaux devant la Commission nationale de la négociation collective, au cours duquel les pouvoirs publics et les organisations représentatives feront part de leur calendrier de réformes et de négociations. C'est l'expérience très positive de la Fondation du travail aux Pays-Bas qui a inspiré l'instauration de cette rencontre annuelle.
L'Assemblée nationale a souhaité garantir la publicité des échanges qui auront lieu à cette occasion et a prévu que soit publié le compte rendu des débats. Il s'agit d'un complément qui me paraît utile.
Nous avons eu des échanges approfondis avec Mme le rapporteur, qui a réalisé un travail dont je souhaite saluer la qualité : elle a, notamment, soulevé des questionnements qui n'avaient pas été abordés par l'Assemblée nationale, même si certains l'avaient été devant le Conseil d'État.