Naturellement !
À l'issue des concertations avec les partenaires sociaux, il est apparu nécessaire, à l'image des exemples espagnol et néerlandais, de conserver de la souplesse et de ne pas prévoir de délais trop rigides. La réponse des organisations devra donc intervenir dans un délai « raisonnable », permettant à la négociation de se dérouler dans des conditions satisfaisantes pour l'ensemble des parties et d'éviter des manoeuvres dilatoires, notamment.
Enfin, je dirai un mot des règles d'engagement de la négociation.
Afin qu'une telle négociation s'engage dans de bonnes conditions et aboutisse, il conviendra que le plus grand nombre d'organisations syndicales de salariés et d'organisations représentant les employeurs s'impliquent dans ce processus. Au minimum, il faudra qu'un nombre suffisant d'organisations pour pouvoir conclure éventuellement un accord donnent une réponse positive.
C'est aujourd'hui la règle de la validité des accords. Si demain elle vient à changer - c'est d'ailleurs l'un des points qu'aborde le Conseil économique et social dans son avis -, nous appliquerons naturellement, par automatisme, la nouvelle règle de validité des accords.
Au demeurant, je rappelle qu'un bilan de la loi du 4 mai 2004 devra être établi à la fin de cette année - naturellement, le Parlement y sera associé - pour nous permettre de décider si nous allons plus loin en direction de l'accord majoritaire. Sur ce point, l'avis du Conseil économique et social est assez balancé, puisqu'il passe par la phase intermédiaire de la majorité relative avant d'envisager le passage à la majorité d'engagement, sachant que le dialogue social, c'est aussi un apprentissage.
J'en viens aux équilibres institutionnels.
Il était nécessaire de sortir du domaine de la seule déclaration sans portée normative telle qu'elle était contenue dans l'exposé des motifs de la loi du 4 mai 2004.
En même temps, si l'on ne voulait pas bouleverser les équilibres constitutionnels, il fallait s'en tenir au champ des procédures instituées très en amont des projets de loi, sans affecter les attributions constitutionnelles du Gouvernement ni du Parlement en matière d'initiative des lois et de procédure législative. De fait, la procédure prévue par le projet de loi s'arrête là où commence l'article 39 de la Constitution sur le dépôt des projets et propositions de lois.
S'agissant du Parlement, et je sais combien le Sénat y est attaché, la procédure législative n'est pas englobée et le texte ne vise pas le dépôt des projets et propositions de loi ni les actes qui leur sont postérieurs. En effet, la réforme proposée concerne les seuls rapports entre le Gouvernement et les partenaires sociaux et ne peut s'étendre à la procédure législative ni au droit d'amendement. Cela aurait nécessité une modification de la Constitution que je n'ai pas vue inscrite au programme du rendez-vous de février à Versailles.
Pour autant, l'esprit de la réforme modifiera sans aucun doute les pratiques et devrait empêcher toute dérive permettant des contournements de la procédure de concertation. C'est en tout cas l'exemple que nous montrent un certain nombre de pays où ni les règles constitutionnelles ni les règles parlementaires n'ont été bouleversées, et où un nouvel état d'esprit s'est progressivement institué. Les Pays-Bas sont de ce point de vue particulièrement intéressants : ayant connu d'importantes tensions sociales avant 1982, ils ont vu la signature d'un accord, l'accord de Wassenaar - le texte n'est guère plus long que le présent projet de loi -, dont on constate vingt-cinq ans après qu'il a donné naissance à des pratiques de dialogue social qui, encore au printemps dernier, ont permis à ce pays de traverser une crise sociale dans la concertation et la recherche de convergences. Voilà pourquoi la pratique de certains de nos voisins européens est très éclairante : même sans modification législative ou constitutionnelle, la procédure de consultation des partenaires sociaux est désormais, de fait, respectée.
Je voudrais aussi apporter une précision sur un point important qui n'avait pas été abordé à l'Assemblée nationale mais qu'a soulevé à juste titre votre rapporteur : la transposition des directives européennes par le législateur. Soit la directive laisse au Gouvernement, puis au Parlement un large pouvoir d'appréciation dans la définition du contenu de la transposition : le texte assurant la transposition sera alors constitutif d'une « réforme » au sens du projet de loi, et la procédure de concertation préalable sera applicable. Soit la directive enserre les autorités nationales dans un cadre très précisément défini qui, en droit et en fait, prive d'objet et d'utilité la procédure de concertation : ce sera donc non plus une « réforme » au sens du projet de loi, mais une simple transposition de directive adaptant le droit national au droit communautaire, et la procédure de concertation préalable ne sera pas applicable. Cette question a été étudiée par le Gouvernement, dont les réflexions ont été éclairées par le Conseil d'État dans la phase d'élaboration du projet de loi. Il me semblait important de répondre au questionnement de fond de Mme le rapporteur sur ce sujet.
S'agissant du Gouvernement, le projet de loi prévoit une réserve en cas d'urgence. Je sais que ce point a suscité des interrogations, mais les améliorations apportées par l'Assemblée nationale devraient permettre de les dissiper.
Si personne ne contestait le principe du recours à l'urgence prévu dans la plupart des procédures administratives, budgétaires, juridictionnelles, la crainte existait que ce recours ne puisse être abusif, permettant, là encore, de contourner la procédure. Pour cette raison, l'Assemblée nationale a souhaité préciser que, avant de prendre toute mesure nécessitée par l'urgence, le Gouvernement devra faire connaître sa décision aux partenaires sociaux et la motiver dans un document qu'il transmettra à ces derniers. Une chose est sûre : l'urgence décidée par le Gouvernement, motivée et expliquée aux partenaires sociaux, devra être réservée à des situations exceptionnelles tenant, notamment, à des motifs d'ordre public ou de santé publique. C'est là, je crois, un point de juste équilibre.
Toujours sur l'urgence, j'ajouterai que, si nous ne pouvons pas, en droit, faire de lien automatique entre l'urgence pour la procédure avec les partenaires sociaux et l'urgence dans la procédure législative, en fait, elles devraient, à terme, être le plus souvent convergentes.
Enfin, se pose la question du sort réservé à l'accord, fruit de la négociation interprofessionnelle. Si, à l'issue de la phase de concertation, un accord interprofessionnel est conclu, et si son application implique des dispositions législatives ou réglementaires - ce qui ne sera pas nécessairement toujours le cas -, il constituera la colonne vertébrale du futur projet de loi - sur lequel vous garderez une entière liberté d'appréciation et d'amendement - ou du futur décret.
Parlons des équilibres dans le temps.
Je voudrais enfin rappeler que le dialogue social est par nature dynamique et vivant, et que ce projet de loi n'a pas la prétention d'être un texte exhaustif.
D'autres questions devront être traitées dans un avenir proche. Je pense aux sujets soulevés par le rapport du président Hadas-Lebel, à propos desquels le Conseil économique et social a rendu son avis le 29 novembre dernier.
Cet avis du Conseil économique et social donne des orientations sur les évolutions qui devront intervenir sur les règles existantes en matière de représentativité des organisations syndicales, de validité des accords collectifs, de négociation collective dans les PME et de financement des organisations syndicales. Il constitue une étape importante afin de poursuivre la recherche de compromis sur le choix des solutions à mettre en oeuvre.
Si le Gouvernement est conscient que ces questions devront faire l'objet de réformes, il n'est pas paru opportun de les traiter dans le texte qui organise les rapports entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics.
Du point de vue de la méthode, il aurait été en effet paradoxal de faire figurer dans un texte organisant un nouveau mode de dialogue social entre partenaires sociaux et pouvoirs publics des dispositions qui sont essentielles pour les partenaires sociaux et qui n'auraient pas été examinées et discutées de manière suffisamment approfondie avec eux et avec la commission !
Sur le fond, les propositions du Conseil économique et social ne sont pas simplement techniques. Elles impliquent une transformation profonde du paysage syndical. Pour autant, elles se limitent à fixer des orientations qui sont à l'heure actuelle trop générales pour faire, en l'état, l'objet d'une transposition législative.
Nous devons donc procéder par étapes.
C'est la raison pour laquelle, à la demande du Premier ministre, Jean-Louis Borloo et moi-même allons rencontrer dès la fin du mois de janvier, après l'examen de ce texte, l'ensemble des organisations syndicales et professionnelles, pour aborder les questions qui restent ouvertes. Le critère de l'élection doit-il être exclusif ou être couplé avec d'autres critères ? Sur quelles élections fonder la représentativité ? Quel seuil faut-il retenir ? Quelle organisation et quel financement ? §Ce sont des interrogations majeures, qui doivent être approfondies et sur lesquelles nous devons encore rapprocher les points de vue.
En conclusion, je voudrais insister sur le fait que le projet de loi que nous vous proposons aujourd'hui pose un socle indispensable à la modernisation du dialogue social dans notre pays. Il a été conçu pour être « adaptable » aux réformes futures. Il constitue un levier pour de nouvelles réformes, ...