Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de modernisation du dialogue social que nous examinons cet après-midi marque, en dépit de sa brièveté - deux articles seulement -, une étape importante dans l'histoire des relations sociales dans notre pays, puisque dorénavant, après le vote de ce texte, elles devraient être profondément modifiées, en tout cas, nous le souhaitons.
Ce texte a parfois été présenté, et le sera sans doute encore cet après-midi, comme une réponse à la crise ouverte par le contrat première embauche, le CPE. Pour ma part, je considère qu'il s'agit d'une lecture erronée et réductrice car la réalité est bien différente.
Comme M. le ministre l'a rappelé, ce texte s'inscrit dans la continuité d'une action qui a déjà été entamée depuis décembre 2005 avec le rapport demandé à M. Dominique-Jean Chertier, ancien conseiller social de M. Jean-Pierre Raffarin. Ce rapport a servi à des entretiens bilatéraux avec les organisations syndicales et professionnelles qui ont abouti à l'élaboration d'un avant-projet de loi, soumis à la Commission nationale de la négociation collective en novembre 2006. Le texte qui est présenté aujourd'hui au Sénat a été enrichi par un certain nombre d'amendements adoptés par l'Assemblée nationale.
Il devrait permettre une réelle amélioration du dialogue entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Cette réforme a un objectif très clair : sortir de la logique du conflit « à la française » et faire évoluer les pratiques.
Aujourd'hui peu organisée, la concertation préalable à l'adoption des réformes est de qualité et de portée très variables selon les dossiers. Cela a été rappelé par les partenaires sociaux que nous avons auditionnés en commission.
Il arrive que ces derniers soient étroitement associés à la conception des réformes : dans ce cas, le législateur renvoie même parfois à la négociation collective le soin de définir les contours d'une réforme avant de reprendre les termes de l'accord ainsi conclu dans la loi. C'est, par exemple, la procédure qui a été suivie pour la convention de reclassement personnalisé de 2005 ou le plan pour l'emploi des seniors de 2006. Mais, malheureusement, il arrive aussi que les pouvoirs publics, dans un souci de rapidité, choisissent d'agir seuls et négligent quasi complètement la phase de concertation. Chacun a en mémoire un ou plusieurs exemples...
Ce projet de loi vise donc à généraliser de meilleures pratiques : il prévoit de formaliser davantage et de systématiser la concertation avec les partenaires sociaux.
Il repose sur un triptyque que l'on peut résumer ainsi : concertation, consultation et information.
Concertation, tout d'abord : le texte prévoit que toute réforme touchant aux relations du travail, à l'emploi ou à la formation professionnelle fera obligatoirement l'objet d'une concertation avec les organisations syndicales et patronales, en vue de l'ouverture d'une négociation nationale interprofessionnelle.
Les partenaires sociaux, s'ils le souhaitent, pourront informer le Gouvernement de leur intention d'engager une négociation, en indiquant le délai qu'ils jugent nécessaire pour la mener à bien.
En revanche, le Gouvernement pourra se dispenser d'appliquer cette procédure en cas d'urgence. Pour mieux encadrer cette dérogation, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui impose, à notre avis, utilement au Gouvernement de motiver sa décision de déclarer l'urgence et d'en informer les partenaires sociaux. L'urgence ne devrait être utilisée que dans des cas exceptionnels, qui ont été précisés sur notre demande en commission par M. le ministre, une crise sanitaire par exemple.
Consultation, ensuite : le projet de loi prévoit que le Gouvernement devra soumettre aux différentes instances du dialogue social les projets de loi et de décret, élaborés au vu des résultats de la concertation et de la négociation entrant dans le champ de la compétence. Ces instances sont la Commission nationale de la négociation collective, le Comité supérieur de l'emploi et le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie.
Les partenaires sociaux, qui siègent dans ces structures et qui ne sont pas les seules organisations dites « représentatives », comme l'a rappelé M. le ministre en les citant nominativement tout à l'heure, auront ainsi l'occasion d'exprimer leur point de vue. Ils pourront notamment faire part de leur désapprobation si le texte présenté par le Gouvernement s'éloigne sensiblement de l'accord qu'ils auront préalablement conclu.
Information, enfin : le projet de loi institue un rendez-vous annuel d'échanges entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, dans le cadre de la Commission nationale de la négociation collective, inspiré de l'idée, qui m'avait beaucoup plu dans le rapport de Dominique-Jean Chertier, d'« agenda partagé ».
Un rapport sera remis chaque année au Parlement pour l'informer des procédures de concertation. Bien qu'aucun d'entre nous ne soit traditionnellement favorable à la remise de rapports, pour une fois, nous avons pensé que ce document pourrait avoir son utilité, en tout cas dans les premières années, pour voir si l'expérience mérite ou non d'être confirmée.
La réforme du dialogue social ne sera cependant couronnée de succès que si elle s'accompagne d'un changement des pratiques. C'est bien au-delà des termes l'objectif de ce texte.
Il faut souligner, en premier lieu, que le texte ne modifie en rien les prérogatives constitutionnelles du Gouvernement et du Parlement : le Gouvernement n'est pas tenu de reprendre intégralement le contenu de l'accord des partenaires sociaux, et les parlementaires conservent la plénitude de leur pouvoir d'amendement. J'y suis, comme vous je présume, particulièrement attachée.