Intervention de Alain Gournac

Réunion du 17 janvier 2007 à 15h00
Modernisation du dialogue social — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Alain GournacAlain Gournac :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier mon ami M. Philippe Nogrix de m'avoir permis de m'exprimer à cet instant, ce qui me permettra de participer à une réunion sur la formation professionnelle.

L'État a trop longtemps hésité entre deux attitudes : favoriser la négociation collective nationale ou régler par la voie législative les grandes questions sociales.

Aussi, le renforcement de la négociation collective constitue-t-il aujourd'hui autant une exigence démocratique qu'un facteur de compétitivité favorable à la croissance et à l'emploi.

Pour cela, l'action des pouvoirs publics et celle des organisations patronales et syndicales doivent aller dans le sens de la complémentarité.

Faisons un rapide état des lieux.

En France, l'État ne détient pas officiellement le monopole de la production des normes sociales. En effet, le préambule de la Constitution de 1946 affirme que tout salarié « participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ».

Ce principe est confirmé par l'article L. 131-1 du code du travail, qui reconnaît « le droit des salariés à la négociation collective de l'ensemble de leurs conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail, et de leurs garanties sociales ».

Or, si la négociation collective est reconnue comme source du droit, elle apparaît cependant dans les faits largement régie par la loi.

Le cadre législatif de la négociation collective est en effet très précis. La loi établit une distinction entre la convention collective, qui détermine l'ensemble des conditions de travail et des garanties sociales, et l'accord collectif, qui ne porte que sur quelques-uns de ces sujets.

Elle définit également la qualité des signataires des conventions et des accords collectifs.

La loi détermine aussi la valeur juridique des conventions et des accords.

Deux procédures, à savoir l'extension et l'élargissement, qui supposent toutes deux l'intervention du ministre du travail, permettent d'appliquer une convention ou un accord au-delà de leur champ initial.

Par ailleurs, la loi du 13 novembre 1982 oblige à mener des négociations périodiques, sans toutefois imposer d'obligation de conclure.

De plus, et de façon traditionnelle, il arrive que la loi française impose aux partenaires sociaux de négocier sur un point donné dans un délai déterminé, sous peine de voir le législateur intervenir.

La loi du 4 mai 2004, en affichant la volonté du gouvernement de promouvoir le dialogue social, constitue une étape décisive.

Elle a su, avec succès, procéder à la transposition de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle.

Mais il est vrai qu'elle n'a pas transcrit sous forme normative l'affirmation d'un dialogue social préalable systématique.

Dans la pratique, cependant, la négociation collective progresse. Une étude récente de la direction de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a mis en évidence le dynamisme de la négociation collective en France. Celle-ci a progressé entre décembre 1997 et décembre 2004, passant de 93, 7 % à 97, 7 % des salariés du secteur concurrentiel non agricole.

Désormais, seuls 2, 3 % des salariés, soit un peu plus de 350 000 personnes, ne sont toujours pas couverts par un texte conventionnel ou statutaire.

Le rapport de notre excellente et compétente collègue Catherine Procaccia rappelle que « à côté des négociations traditionnelles sous la forme d'avenants, en matière de retraite complémentaire et d'assurance chômage, les années 2003 et 2004 ont été particulièrement marquées par la signature de l'accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle du 20 septembre 2003 et de l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes du 1er mars 2004 ».

Quant à l'année 2005, elle a été également une année de négociations interprofessionnelles particulièrement riches autour de thèmes innovants : l'emploi des seniors, le télétravail et la convention de reclassement personnalisé.

L'articulation entre la loi et la négociation collective demeure cependant perfectible.

Nous avons un engagement ancien en faveur de la négociation collective et du paritarisme. Ce dernier, instauré en 1967, est un acquis de notre démocratie sociale.

Pour autant, les relations entre l'État et les partenaires sociaux, en France, demeurent complexes, alors que de nombreux exemples européens - vous en avez fait état, monsieur le ministre, et nous nous sommes rendus dans les pays concernés avec M. le président de la commission des affaires sociales - nous démontrent qu'il est possible d'oeuvrer différemment et de façon plus efficace.

Notre mode de fonctionnement, ou plus exactement de non-fonctionnement, présente de nombreux inconvénients.

Tout d'abord, il fait pâtir les entreprises de conflits parfois durs qui réduisent leurs performances et ainsi les pénalisent. Ensuite, il porte préjudice aux usagers, victimes des conflits sociaux. Enfin, il ternit l'image de l'État et des syndicats, qui apparaissent incapables de dialoguer.

Or il n'y a pas de fatalité. Les réformes sont acceptées quand elles reposent sur un diagnostic partagé et que les modalités en sont négociées au préalable. §Cela demande du temps mais, à terme, c'est bien plus constructif, bien plus profitable à tous.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion