Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l'année dernière, si les partenaires sociaux avaient été consultés, la plus grave crise sociale de la législature, celle du CPE, aurait pu être évitée. Un tel constat donne le vertige.
Mais, à l'époque, le Gouvernement a voulu passer en force, par le biais d'un simple amendement déposé sur le projet de loi sur l'égalité des chances. Et ce, c'est ce qui est sans doute le plus grave, après s'être engagé, dans l'exposé des motifs du projet de loi du 4 mai 2004 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, à « renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail ».
Aujourd'hui, le Gouvernement semble prendre acte de son échec. Trop tard, diront les esprits chagrins. Mais nous ne sommes pas chagrins et nous pensons que mieux vaut tard que jamais. À condition, toutefois, que la réforme qui nous est soumise soit à la hauteur de l'enjeu. Hélas, ce n'est pas tout à fait le cas !
Le présent projet de loi va, certes, dans le bon sens, mais il demeure toujours très en deçà de ce que l'on pourrait attendre d'une modernisation du dialogue social digne de ce nom.
Nous demandions depuis longtemps que le principe d'une négociation préalable avec les partenaires sociaux, au moins avant toute réforme touchant au droit du travail, devienne contraignant. Un engagement dans l'exposé des motifs d'un projet de loi, si solennel fût-il, ne suffisait pas. Les faits l'ont prouvé, hélas !
Le présent texte donne valeur législative à ce principe. C'est une étape importante, mais, à notre avis, insuffisante. En effet, c'est bien connu, ce que fait une loi, une autre loi peut le défaire. Le principe d'une concertation avec les partenaires sociaux préalable aux réformes du droit du travail devrait être inscrit dans la Constitution. Notre socle constitutionnel consacre déjà l'existence du dialogue social, en reconnaissant le droit à la négociation collective, qui fait partie des principes particulièrement nécessaires à notre temps inscrits dans le préambule de la Constitution de 1946.
En intégrant dans notre loi fondamentale le principe défendu dans le présent projet de loi, nous donnerions corps au droit constitutionnel que je viens d'évoquer. Prochainement, le Congrès devrait se réunir. N'y a-t-il pas là une occasion à saisir ? À cet égard, nous déplorons que, aux dernières nouvelles, il n'en soit pas question.
Que ce principe ne soit inscrit qu'au niveau législatif n'est pas la seule chose que nous regrettons. Il y a en effet plus grave. L'exception d'urgence prévue par le projet de loi risque très fortement de le vider de sa substance. Selon nous, ce texte pourrait contenir en lui-même le germe de son inefficacité.
En effet, si l'on se fie à la pratique législative récente, prévoir que la procédure de concertation, de consultation et d'information n'est pas applicable en cas d'urgence, c'est la condamner à rester lettre morte la plupart du temps. Pratiquement tous les textes sociaux de cette législature, en tout cas tous ceux qui ont réformé le code du travail, ont fait l'objet, comme d'ailleurs - ironie du sort ! - le présent projet de loi, d'une déclaration d'urgence de la part du Gouvernement. Cela signifie que, selon les termes du texte que nous allons examiner, ils n'auraient pas donné lieu à négociation avec les partenaires sociaux !
À cet égard, le CPE a battu tous les records : après avoir été créé par voie d'amendement, il a été supprimé par l'adoption d'une proposition de loi émanant du groupe de l'UMP. Avec de telles pratiques, et en l'absence de réels garde-fous juridiques, le dialogue social a bien lieu, mais dans la rue, hélas !
Sur ce point, l'Assemblée nationale a notablement amélioré le présent texte, en précisant que le Gouvernement sera tenu de justifier auprès des partenaires sociaux sa décision lorsqu'il invoquera l'urgence.
Mais ce n'est pas suffisant ! Nous vous présenterons un amendement tendant à supprimer, purement et simplement, cette exception d'urgence. A minima, il nous semble nécessaire que le Gouvernement, s'il invoque l'urgence, réunisse les partenaires sociaux. Les syndicats devront en effet pouvoir s'exprimer sur le recours à cette procédure.
Par ailleurs, pour un projet de loi de « modernisation du dialogue social », on nous présente un texte singulièrement léger ! Or beaucoup doit être fait pour redynamiser, donner corps à la démocratie sociale dans notre pays. Apparemment, telle n'est pas du tout l'ambition du projet de loi dont nous entamons l'examen.
Ce projet de loi traite des textes d'origine gouvernementale. Les propositions de loi, donc d'origine parlementaire, sont, elles, comme d'habitude, passées sous silence. Elles sont pourtant apparues, au cours de la législature - j'y ai fait allusion tout à l'heure -, comme des moyens commodes, pour le Gouvernement, de se tirer de mauvais pas. Avec le texte qui nous est proposé aujourd'hui, ce genre d'arrangement, par-dessus les partenaires sociaux, sera toujours possible. Quelles leçons avons-nous donc tirées du CPE ?