Toujours au chapitre des questions institutionnelles, ce texte n'apporte aucune réponse à la question pourtant fondamentale de la répartition des compétences entre les domaines législatif et réglementaire, d'une part, et le domaine de la négociation collective, d'autre part.
La rénovation du dialogue social, c'est aussi la double question de la représentativité des organisations syndicales et de leur financement. Sur ces deux thèmes, le Conseil économique et social et M. Hadas-Lebel, dont vous avez évoqué le rapport, monsieur le ministre délégué, ont émis des propositions très intéressantes, dont rien ne transparaît ici, mais que nous serions bien inspirés de prendre en compte plutôt que d'attendre un nouveau projet de loi. Pourquoi donc toujours attendre et remettre à plus tard ?
Pourtant, il faudra bien reconnaître l'émergence de nouveaux acteurs syndicaux. Pour ce faire, le critère de l'élection sera déterminant, mais il ne devra pas être le seul. Il conviendra aussi de prendre en compte l'importance des effectifs de chaque organisation, leur implantation territoriale et leur présence dans les secteurs public et privé et dans les branches.
Monsieur le ministre délégué, nous savons que, sur la base de toutes les propositions qui ont été faites, vous avez été chargé d'élaborer un avant-projet de loi destiné à modifier les règles de la représentativité. Croyez bien que nous serons très attentifs à son contenu.
Il est un autre serpent de mer, sans doute le plus important de tous, la désaffection des syndicats, autrement dit l'essoufflement de l'engagement syndical, engagement que nous avons le devoir de revaloriser si nous voulons faire vivre le dialogue social. Or des solutions existent. Notre collègue député Francis Vercamer propose un système dans lequel les résultats de la négociation ne s'appliqueraient qu'aux adhérents des syndicats. À première vue, c'est vrai, une telle proposition semble iconoclaste. Mais ne faut-il pas y réfléchir ? Avec un tel système, les salariés bénéficiant d'accords d'entreprise seraient incités à adhérer et aucun syndicat ne serait plus tenté de ne pas participer à un accord avantageux, sachant que ses adhérents ne pourraient pas, dès lors, en profiter. C'en serait fini des comportements de passager clandestin !
D'autres solutions, moins radicales, peuvent être envisagées, comme celle qui consisterait à faire profiter, au titre de leur cotisation, les adhérents non imposables d'un crédit d'impôt, ou à valider les acquis de l'expérience acquise dans le cadre de fonctions syndicales.
Pour rénover le dialogue social, les instances de négociation doivent aussi être simplifiées, monsieur le ministre délégué, comme le recommande M. Chertier dans son rapport. Mais aujourd'hui, il n'est nullement question de tout cela. La frilosité de votre texte est, à notre avis, révélatrice de quelque chose de très profond et de très grave. Dans le fond, en France, on ne veut pas croire aux vertus d'une démocratie sociale vraiment consensuelle ; on ne veut pas croire aux vertus d'un dialogue constructif qui ferait avancer les choses. La démocratie sociale souffre du même mal que la démocratie politique. C'est un mal, hélas, bien français, dont nous devrons un jour nous guérir, et cela demandera du courage.
Démocratie sociale et démocratie politique sont aujourd'hui paralysées par des clivages d'un autre temps, des affrontements idéologiques surannés : d'un côté, c'est le patronat contre les salariés ; de l'autre, la droite contre la gauche. Tout cela est dépassé ! Nos électeurs, les citoyens, le disent, mais nous ne voulons pas l'admettre.
En matière de dialogue social, la France est véritablement en retard, ce qui n'est pas étonnant. De même que nous sommes incapables de dépasser les vieux clivages idéologiques gouvernementaux, nous ne parvenons pas à considérer salariés et employeurs comme de vrais partenaires sociaux, des partenaires qui se respectent, se comprennent et parlent pour construire. Aujourd'hui, les pays européens gouvernés par des coalitions centristes sont aussi ceux où la démocratie sociale est la plus dynamique et ceux qui s'en sortent le mieux dans la compétition économique internationale. C'est un tout !
À cette culture poussiéreuse et bipolaire de l'affrontement, l'UDF souhaite voir se substituer une véritable culture du consensus, du débat et de la construction. C'est pourquoi nous croyons en la démocratie sociale et pensons qu'il est urgent de miser sur son dynamisme. La France, nous le savons tous, nous le répétons tous, a besoin de réformes. Or seules des réformes préparées avec ceux auxquels elles s'appliqueront et ceux qui seront chargés de les mettre en oeuvre, pourront être acceptées.
Nous-mêmes, parlementaires, n'acceptons pas que des textes nous soient imposés et voulons donner notre point de vue, pour enrichir les propositions qui nous sont faites. Car il n'existe pas un point de vue unique dans une démocratie ! Telle est la raison pour laquelle nous ne pourrons jamais réformer structurellement notre pays sans rénover véritablement la démocratie sociale. Sur cette voie, le présent projet de loi permet de faire un pas, mais un pas minuscule. Nous le ferons ensemble, monsieur le ministre délégué, car le groupe de l'UC-UDF votera ce texte.