Enfin, alors que le Président de la République avait vanté les mérites du dialogue social devant le Conseil économique et social, le 10 octobre dernier, le Gouvernement nous soumettait, quelques jours plus tard, le projet de loi pour le développement et la participation de l'actionnariat salarié, dont le titre III intitulé « Dispositions relatives au droit du travail » visait, une fois encore et sans aucune concertation, à remettre en cause les droits collectifs des salariés et à fragiliser le contrat de travail.
Le présent projet de loi se veut donc celui du rachat, de la réconciliation avec les partenaires sociaux, après les avoir ignorés systématiquement. Mais avec un bilan aussi peu flatteur, on ne pouvait que douter de la capacité de ce gouvernement à rétablir le déséquilibre qui s'est instauré entre la loi et la négociation depuis le début de la législature. Les doutes ont été rapidement confirmés, car le texte qui nous est soumis est incomplet et insuffisant.
Il est incomplet, car il ne porte que sur les mécanismes du dialogue social, laissant de côté la question de la représentativité des partenaires sociaux. Pourtant, le Conseil économique et social vient de rendre un avis qui retient le principe d'une modification des règles de représentativité et de validation des accords. Les règles actuelles sont manifestement obsolètes !
Nous ne pouvons continuer d'appliquer un système qui repose sur une présomption de représentativité établie au profit de cinq organisations syndicales par un arrêté de 1966 selon lequel la validité d'un accord repose sur la seule signature d'une de ces cinq organisations. On ne peut plus parler de démocratie sociale, alors que les dispositions actuelles du code du travail privent un salarié sur deux du secteur privé du droit de participer à la désignation de représentants.
L'arrêté de 1966 répondait à des circonstances historiques particulières, mais le monde du travail a profondément changé depuis quarante ans. Cet arrêté doit donc être abrogé et remplacé par un dispositif aux termes duquel la représentativité des syndicats est démocratiquement vérifiée - et non plus administrativement octroyée - et fondée sur des élections professionnelles généralisées à tous les salariés.
Concernant la validation des accords, depuis la réforme « Fillon » du 4 mai 2004, un accord est considéré comme majoritaire s'il est signé par la majorité des syndicats en nombre, qu'ils représentent ou non la majorité des salariés. On peut ainsi se trouver en présence d'accords dits « majoritaires », mais qui ne sont approuvés que par une minorité de salariés. Cela n'est pas très démocratique !
Il serait donc préférable que tout accord, pour être valide, soit conclu par une ou plusieurs organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés lors du scrutin de représentativité le plus récent.
Mais le texte qui nous est soumis est également insuffisant. Tout d'abord, il ne comprend aucune précision s'agissant des modalités selon lesquelles les partenaires sociaux feront connaître leur intention d'engager une concertation. Comment cette dernière sera-t-elle formalisée ? Tout reste flou à cet égard.
Ensuite, cette procédure ne concerne pas les textes d'origine parlementaire, ce qui maintient intact le droit d'initiative parlementaire, mais permet ainsi au Gouvernement de « contourner l'obstacle » en faisant éventuellement présenter une proposition de loi par des amis politiques.
Par ailleurs, les questions essentielles de la protection sociale sont sorties du champ de la consultation annuelle, ce qui est regrettable.
Enfin, l'article 1er précise que ce texte n'est pas applicable en cas d'urgence. Or la déclaration d'urgence est une procédure précise, qui a été mise en oeuvre pour la totalité des textes concernant le droit du travail depuis 2002, à l'exception du texte relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Il aurait donc suffi de saisir le Parlement en urgence d'un projet de loi, comme ce fut le cas pour le contrat première embauche, pour ne pas avoir à consulter préalablement les partenaires sociaux. On ne progresse pas vraiment !
Aujourd'hui, tout salarié doit se voir reconnaître un droit effectif à la représentation syndicale et à la négociation collective. Ce principe, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, doit devenir une réalité. L'ambition d'une démocratie sociale forte et renouvelée doit concerner tous les salariés, notamment ceux des petites entreprises, qui restent trop souvent exclus du dialogue social.
Votre texte, messieurs les ministres, ne répond pas à cette ambition. Faute de traiter de l'indispensable rénovation de notre démocratie sociale, il n'est pas à la hauteur des enjeux. Il ne s'agit que d'une démarche d'affichage, car le Gouvernement a beaucoup à se faire pardonner en matière de dialogue social...