Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre aux orateurs, je souhaite compléter mes échanges avec Mme le rapporteur.
Madame le rapporteur, une fois encore, je vous remercie sincèrement de la qualité de vos travaux et des échanges que nous avons eus, qui nous ont permis de répondre à un certain nombre d'interrogations.
Je vous remercie également d'avoir bien compris les équilibres constitutionnels dont ce texte, qui est délicat, doit tenir compte. Il s'agit de modifier les pratiques du Gouvernement sans affecter les prérogatives constitutionnelles du Parlement et du Gouvernement, telles qu'elles sont prévues par l'article 39 de la Constitution, singulièrement les prérogatives du Parlement en matière d'amendement et de transposition des accords collectifs, qui doivent être respectées.
L'essentiel est qu'il existe un dialogue entre le Parlement et les partenaires sociaux, mais tel n'est pas l'objet du présent texte. Ce dialogue relève de la responsabilité de la Haute Assemblée, et du Parlement en général.
Madame le rapporteur, la notion d'agenda partagé, formule utilisée par Dominique-Jean Chertier dans son rapport, est inspirée de la pratique sociale constatée en Europe, plus particulièrement aux Pays-Bas.
Même si nous connaissons les limites des rapports dont le Parlement est demandeur et si nous savons qu'ils sont souvent lourds pour le Gouvernement, le rapport sur les concertations et les consultations effectuées au cours de l'année ne me paraît pas être une simple formalité. Il est en effet important pour la transparence du dialogue social que les échanges soient rendus publics. Cela est conforme aux principes qui ont été posés lors de la préparation du projet de loi et au cours des échanges que nous avons eus avec les partenaires sociaux.
J'ai bien entendu, madame le rapporteur, vos préoccupations concernant la procédure parlementaire et le respect d'un certain nombre de temps. Certains éléments relèvent toutefois du règlement des assemblées. En préparant le texte, j'ai eu l'occasion d'en discuter avec le président du Sénat et celui de l'Assemblée nationale, mais ce sujet relève de la seule décision de chacune des assemblées.
M. Gournac a rappelé, et il était important de le faire, le fondement constitutionnel de la négociation collective, à savoir le préambule de la Constitution de 1946, ainsi que la place de la loi et du contrat.
Ce texte s'inscrit dans une longue histoire. Brièvement, il est le fruit d'un dialogue social. Ainsi, l'accord sur les seniors et les dispositifs en matière de suivi salarial sont le résultat d'un dialogue social approfondi.
Je tiens à dire à M. Gournac que la couverture conventionnelle globale a beaucoup progressé entre 1997 et 2005, passant de 93, 7 % à 98 % des salariés non agricoles. Vous le voyez, nous n'avons pas été en panne d'accords et de dialogue social !
M. Nogrix s'est exprimé avec le tempérament que nous lui connaissons. Je rappelle simplement que la CFDT et le MEDEF souhaitaient une réforme constitutionnelle. Il nous a semblé, aux uns et aux autres, y compris en définitive à ces deux organisations, qu'une telle réforme n'était sans doute pas nécessaire. Je rappelle le principe posé dans le préambule de la Constitution de 1946.
Les relations du travail seront profondément modifiées. Un décret devra être pris après un temps de concertation et de consultation devant la Commission nationale de la négociation collective. Cela va changer la donne, j'en prends le pari, et ce quel que soit le gouvernement.
Ce pari, je l'ai déjà en partie gagné ce matin. J'ai en effet eu à opposer à l'un de mes collègues venu me trouver le texte qui impose que la Commission nationale de la négociation collective soit saisie de tout avant-projet de loi et puisse en discuter. Nous allons assister à une évolution des mentalités et nous nous rendrons compte dans vingt-cinq ans, à la manière des Pays-Bas, que ce texte aura changé la donne dans le domaine des rapports sociaux.
M. Nogrix ayant évoqué la loi pour l'égalité des chances, j'informe la Haute Assemblée que, entre les mois de septembre et de décembre 2006, nous avons permis à 22 000 jeunes sans aucune qualification d'entrer dans la vie active, dans une entreprise, et de bénéficier d'une formation, à la suite de l'adoption de la loi sur l'accès des jeunes à la vie active en entreprise qui est elle-même due à une initiative du président du groupe UMP à l'Assemblée nationale.
Vous le voyez, les dispositions que vous avez votées au printemps - les décrets d'application ont été publiés au mois de septembre - ont des effets concrets. Je tenais à vous donner cette information, car les statistiques du mois de décembre viennent de nous être communiquées.
M. Bernard Seillier a évoqué le coût social de l'absence de dialogue social, et il a raison, mais il ne faut pas oublier son coût économique. Nous devons, les uns et les autres, le mesurer. Il a par ailleurs abordé la question de l'architecture du dialogue social. Je l'ai dit tout à l'heure, une simplification est nécessaire. Ce sera une deuxième pierre, monsieur Madec, sur laquelle il faudra continuer de construire.
Par ailleurs, la question de la représentativité a été évoquée. En revanche, celle de la validité des accords n'a pas été abordée, sauf par vous, monsieur Fischer. Le Conseil économique et social mène une réflexion sur ce sujet. Entre la majorité relative qu'il propose et l'accord majoritaire et le droit d'opposition, il y a sans doute une voie à trouver, en même temps que le dialogue social se construira.
Un autre point très important a été abordé : le financement de la vie syndicale. En la matière, à l'instar de ce qui a été fait voilà un peu plus d'une quinzaine d'années pour les partis politiques, il est nécessaire de se pencher sur la transparence des financements des organisations, qu'elles soient professionnelles ou syndicales, d'ailleurs.
Monsieur Fischer, je peux vous le garantir, il s'agit non pas d'instrumentaliser le dialogue social, mais tout simplement d'apporter une souplesse à la négociation collective. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des textes que vous avez évoqués.
S'agissant des dispositions relatives aux mutations économiques, les partenaires sociaux ont négocié pendant plus d'un an avant de constater qu'ils étaient en désaccord. Ces dispositions ont été soumises à la Commission nationale de la négociation collective. Le processus s'est poursuivi, car, constitutionnellement, le Gouvernement et le Parlement conservent naturellement leurs capacités d'initiative. Il s'agit là d'un exemple typique de négociations engagées, mais sans aboutir. Le Gouvernement s'en est néanmoins largement inspiré pour son texte sur les mutations économiques.
Il suffit de voir combien d'accords de méthode et d'accords de gestion prévisionnelle des emplois et compétences sont aujourd'hui signés par toutes les organisations.
Certes les négociations n'aboutiront pas toutes, parce que certains sujets sont très difficiles, mais nous poussons pour que cela soit le cas.
Ainsi, s'agissant d'un sujet d'actualité, la pénibilité au travail, nous disons que les partenaires sociaux doivent reprendre leurs négociations. Hier soir, nous leur avons proposé qu'un groupe d'appui interadministratif, piloté par l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, les aide, comme nous l'avons fait pour l'accord sur les seniors ou dans le cadre de la négociation de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, non pas pour négocier à leur place, mais simplement parce que cela peut avoir un effet catalyseur qui leur permettra d'avancer. Toutefois, il appartient aux partenaires sociaux de faire avancer les négociations. Voilà pourquoi nous leur avons proposé de les reprendre sur ce sujet important.
Enfin, sur l'articulation entre la modernisation du dialogue social et la réforme de la représentativité, si l'avis du Conseil économique et social est important, il n'a pas pour autant réglé les problèmes. Concernant les seuils de représentativité, quels sont les critères ? Certains ont évoqué le nombre d'adhérents, ainsi que la question de la transparence concernant ce nombre. Il s'agit là de sujets importants, que nous aborderons dans quelques jours.
Madame Le Texier, la loi du 4 mai 2004 ne remet pas en cause le principe de faveur. §Je tiens à le dire devant la Haute Assemblée. L'accord collectif ne peut pas déroger à la loi, sauf s'il est plus favorable que la loi.
Vous évoquiez le CPE ; j'ai déjà mentionné les concertations sur l'emploi des seniors ou sur les salaires. Je pourrais également parler du travail qui a été fait s'agissant de la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social
Monsieur Dassault, vous avez évoqué, ainsi que Mme Le Texier, la question du nombre de salariés adhérant à une organisation syndicale.
Je crois qu'on ne peut pas comparer la France au Danemark. Il n'est pas non plus possible de la comparer à la Belgique, car les organisations y sont distributrices. Or, s'agissant de la possibilité évoquée par M. Nogrix que l'adhésion ait pour contrepartie des bénéfices, ou plutôt des dividendes, versés à l'adhérent, une telle conception n'appartient pas, me semble-t-il, à notre culture.
Je rappelle par ailleurs qu'il existe au Danemark une procédure de sauvegarde pour les 13 % de salariés n'adhérant pas à une organisation syndicale. Vous m'accorderez toutefois que cette procédure constitue une sorte de principe de « défaveur ».
Je ne suis pas non plus certain que la proposition de Mme Royal de rendre obligatoire l'adhésion à un syndicat soit réellement compatible avec la liberté syndicale, ni qu'elle constitue une avancée de la démocratie sociale !