N'est-ce pas formidable ? votre action de ces dernières années contredit totalement votre argumentation !
Pour en venir à l'amendement n° 30, il ressemble fortement aux amendements défendus par Mme Le Texier et par M. Fischer, sauf qu'il élargit le corps électoral à l'ensemble de la population active, en particulier aux chômeurs et aux emplois précaires.
Le dialogue social ne peut avoir d'autre vertu que d'instaurer la démocratie sociale.
Cela suppose, d'une part, que la représentativité de tous les acteurs concernés par le contrat social, je dis bien « tous », soit garantie par leur vote et, d'autre part, qu'une seule organisation même représentative ne puisse engager par son accord l'ensemble du corps des votants si elle est minoritaire.
Mes collègues ici présents et, avant eux, ceux de l'Assemblée nationale ayant déjà argumenté en faveur d'une élection de représentativité au niveau d'une branche professionnelle, je m'en tiendrai à relever que ce texte exclut du pacte social toute une partie de la population active.
Permettez-moi de m'insurger contre le fait que, dans une démocratie, la représentation et l'expression d'une population particulière ne soient pas mieux assurées : je veux parler des chômeurs et des travailleurs précaires.
Ainsi, par le simple fait de perdre son emploi ou d'avoir un emploi précaire, un actif deviendrait tout à coup passif, simple usager, sujet plus qu'acteur, isolé, sans mandataire ni médiateur. Bref, statistique et invisible.
Je parle ici des 2, 172 millions de personnes que comptabilise le ministère de l'emploi au titre des chiffres officiels du chômage, et aussi des 2, 276 millions de personnes non comptabilisées mais néanmoins au chômage dans les départements d'outre-mer, demandeurs d'emploi temporaire ou à temps partiel, ou « dispensées de recherche d'emploi », ou cherchant un emploi mais ayant travaillé plus de soixante-dix-huit heures dans le mois, ou « demandeurs d'emploi non immédiatement disponibles ». Sans oublier tous les autres précaires du travail qui, comme ces 4, 4 millions, sont privés des possibilités d'expression et des moyens de pression dont disposent les travailleurs en activité, et donc privés de place dans l'échange social.
J'attendais de ce projet de loi de modernisation du dialogue social la prise en compte de la précarité croissante de notre société. Or, pas de dialogue social sans démocratie sociale, pas de démocratie sociale sans existence sociale, pas d'existence sociale sans mandataire ni médiateur.
Le droit d'exister des chômeurs et des travailleurs précaires, c'est le droit d'être représentés partout où leurs intérêts sont en jeu. Déjà exclus du marché du travail une fois, ils ne veulent pas non plus être exclus de la citoyenneté. Liés par une réalité collective au-delà de leur situation et problématique individuelles, ils doivent, comme tout un chacun, pouvoir faire entendre leur voix et faire valoir leurs droits.
Sauf à vouloir instaurer cette « double peine », c'est donc bien la population active dans son ensemble qui doit être concernée par le dispositif de dialogue social que vous proposez et par l'élection de représentativité des organisations syndicales que nous vous demandons.
Permettre aux demandeurs d'emploi de prendre part à l'élection des organisations syndicales favoriserait en outre une action réconciliant la défense des salariés en place et celle des demandeurs d'emploi.