Mon collègue Roland Muzeau l'avait annoncé dès le stade de nos travaux en commission, nous avons tenu à reprendre et à défendre la proposition d'amendement commune à la CFDT et à la CGT.
Symboliquement donc, mais aussi parce que, au fond, et ce depuis longtemps déjà, nous partageons l'idée que l'on ne peut traiter de la rénovation de notre démocratie sociale sans refonder la légitimité de ses acteurs et sans leur donner les moyens juridiques et financiers pour faire vivre cette dernière, nous portons cet amendement devant le Sénat.
Comme l'explicite son objet, en intégrant deux des points principaux des conclusions de l'avis rendu par le Conseil économique et social à la fin du mois de novembre dernier, dont le vote, je tiens à le préciser, a été acquis à une large majorité - 132 voix pour, 58 contre -, et ce malgré de vraies divergences, le présent amendement donne une véritable ambition à la réforme de la démocratie sociale en proposant de fonder la représentativité syndicale sur l'élection des salariés, y compris ceux des petites entreprises, et en avançant vers la mise en place des accords majoritaires.
Dominique Olivier, secrétaire confédéral de la CFDT, nous a rappelé lors de son audition qu'un accord peut être valablement signé aujourd'hui par une seule organisation syndicale si les autres s'abstiennent d'exercer leur droit d'opposition, et que chaque organisation se voit reconnaître le même poids.
Nous nous accordons à peu près tous sur la nécessité de redonner de la crédibilité au dialogue social et à ses acteurs.
Nous savons tous pertinemment que le contexte syndical dans lequel a été pris l'arrêté du 31 mars 1966 posant le caractère irréfragable de la représentativité des cinq confédérations existantes alors a évolué. Le nombre de syndiqués a chuté et de nouveaux syndicats sont apparus.
Reconnaissons ensemble que cette situation est aujourd'hui dépassée. Voyons, comme le souligne le rapport Hadas-Lebel, que la jurisprudence s'est éloignée de la lettre des critères posés en termes de représentativité pour les infléchir et les compléter dans le sens d'une adaptation plus fine aux réalités d'un syndicalisme de représentation plus que d'adhésion.
Mettons sur un pied d'égalité toutes les organisations syndicales dès lors qu'elles sont légalement constituées, et tirons-en les conséquences qui s'imposent, comme l'a fait le Conseil économique et social. Abrogeons l'arrêté de 1966, fondons la représentativité sur le vote de tous les salariés et, en ce qui concerne les accords, allons jusqu'au bout du principe majoritaire.
J'ai bien entendu M. le ministre délégué dire aux défenseurs d'une telle position qu'il jugeait inopportun d'aborder ce sujet dans le cadre du présent texte. Madame le rapporteur, ce matin, a plaidé dans le même sens en donnant un avis défavorable sur cet amendement.
Je ne partage évidemment pas cette analyse, qui peine à cacher un manque de courage que la presse dans son ensemble n'a pas manqué de relever. Voici, pour preuve, quelques titres relevés : « Villepin botte en touche », « Le Premier ministre enterre la réforme », « Le Gouvernement tergiverse ».
Je ne partage pas plus les arguments développés pour tenter de justifier qu'il faudrait ne pas poser les grands principes de la réforme dès aujourd'hui - l'amendement fait référence à 2010 - pour laisser ensuite aux partenaires sociaux le soin de lui donner tous les prolongements nécessaires.
Vous nous dites, monsieur le ministre délégué, qu'il vous paraît indispensable de rapprocher les points de vue des organisations syndicales et patronales et, dans le même temps, que le fait d'accélérer la réforme de la représentativité irait à l'encontre de la procédure de concertation initiée par le présent texte. Nous n'y comprenons plus rien, c'est contradictoire !
Je remarque simplement que votre désir de ne pas vous heurter à l'opposition de certains syndicats est bien soudain, variable selon les sujets, en particulier lorsqu'une partie de l'UMP et du MEDEF hésite. Mais, surtout, je me dois de vous dire ce que vous savez déjà et qu'il convient de lire entre les lignes de ce projet de loi : le pouvoir politique doit pouvoir trancher, essentiellement lorsque les positions des uns et des autres sont éloignées, sinon aucune réforme ne pourrait plus avoir lieu.
S'agissant de la question de la représentativité, les points de vue des organisations syndicales et patronales sont divergents, les lignes de fracture dépassant les clivages habituels.
Après le rapport Hadas-Lebel, le Conseil économique et social a été saisi, à la demande du Premier ministre ; son président a piloté le groupe de travail ; il y a eu débat, échanges, concertation ; un avis consensuel a été rendu. Le Président de la République s'est engagé, le pouvoir politique devait en tirer les conséquences et acter, dès maintenant, des principes guidant la réforme du dialogue social.
Nous regrettons vivement que vous n'ayez pas eu ce courage politique. Ce texte, de facto minimaliste, insuffisant, ne permet pas aux sénateurs communistes de s'engager, à ce stade du débat, en faveur de son adoption.
Nous nous abstiendrons donc, nous l'avons dit, mais nous tenions, au cours de ce débat, à souligner les problèmes incontournables que ce gouvernement ou un autre, quel qu'il soit, devra affronter.
En guise de conclusion, je veux souligner la grande importance que le groupe communiste républicain et citoyen attache à ces amendements. Nous tenions vraiment à avoir ce débat ce soir.