Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous venons de débattre ne marquera pas les annales législatives. Ambigu et imprécis, il est le fruit d'un travail superficiel et d'un souci d'affichage social en période électorale.
Dans les faits, il ne changera pas grand-chose à l'existant, tant les procédures de contournement permettront de le vider de toute substance, au gré du Gouvernement. Il suffira que des parlementaires déposent une proposition de loi ou que le Gouvernement invoque le prétexte de l'urgence pour que l'exécutif puisse reprendre d'une main ce qu'il aura donné de l'autre.
Ce projet de loi ne crée pas d'obligation réelle. Pis encore, il institue une confusion entre la négociation collective, contraignante en droit, et la notion de dialogue social, en rien contraignante ! C'est ainsi se donner, à peu de frais et sans grand engagement, une bonne conscience sociale.
Si dialoguer pour éviter que les conflits ne se cristallisent en affrontements est louable, que ne l'avez-vous fait plus tôt, monsieur le ministre ? Aviez-vous besoin d'un projet de loi pour inciter les partenaires sociaux à s'emparer d'un thème qui les concerne ? Vous le savez bien, les syndicats répondent toujours présents quand on les sollicite, mais, durant cette législature, c'est vous qui les avez écartés de l'élaboration de toutes les lois les concernant.
En l'espèce, la commande qui vous a été passée par le MEDEF était claire : autonomiser le droit du travail pour faire prévaloir, à terme, le contrat sur la loi. Il faut reconnaître que vous vous êtes montrés, chers collègues de la majorité, les serviteurs zélés de votre clientèle électorale, comme en témoignent les coups portés, au travers du CPE et du CNE, à la notion de contrat de travail.
Même si vous êtes encore au milieu du gué, votre objectif est de plus en plus évident : distinguer ce qui relève de la loi de ce qui relève du dialogue entre les partenaires sociaux.
En soi, ce choix pourrait être intéressant. Cependant, en l'état actuel du rapport de force entre syndicats et patronat, il risque de se révéler nocif pour les droits et la sécurité juridique des salariés.
Si réellement vous vous étiez soucié de la revitalisation du dialogue social, monsieur le ministre, point n'aurait été besoin de ce projet de loi ; relancer les procédures de négociation collective eût suffi.
Si réellement vous aviez souhaité que les négociations entre partenaires sociaux puissent déboucher sur des accords viables et opposables en droit, il aurait fallu revenir aux fondamentaux. Oui, je persiste et je signe : seul le respect de la hiérarchie des normes peut garantir la portée effective et la validité de ces accords.
Si réellement vous aviez voulu développer la culture de l'échange et du compromis et faire du dialogue social autre chose que l'alibi de cinq années de casse du droit du travail, alors vous n'auriez pas choisi d'écarter toute proposition concernant la représentativité des syndicats.
Nul ne conteste que passer d'une culture du conflit à une culture de la négociation est souvent plus agréable et plus efficace pour opérer les réformes que toute société doit affronter. Mais, pour cela, il faut que le rapport de force entre syndicats et patronat soit équilibré.
Monsieur le ministre, la démocratie sociale méritait mieux que ce texte indigent. Néanmoins, nous comprenons que les syndicats, après avoir subi toute une législature votre toute-puissance et s'être vu écartés de toute consultation sur les sujets les concernant, apprécient ce temps de consultation que vous leur promettez.
Nous espérons que, contrairement à ce qui s'est passé pour la loi Fillon de 2004, qui portait déjà sur le dialogue social, vous respecterez cette fois-ci vos engagements. L'expérience nous a malheureusement appris que c'était rarement le cas.
Toutefois, parce que nous comprenons l'importance, pour les syndicats, de disposer de ce temps d'échange et de revendication, le groupe socialiste a choisi de s'abstenir sur ce texte.