Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du 11 février 2009 à 10h30
Attribution de fréquences de réseaux mobiles — Débat sur une déclaration du gouvernement

Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mesdames, messieurs les Marseillais, le débat d’aujourd’hui nous permet d’exposer la vision stratégique de notre pays en matière non seulement de fréquences, mais aussi d’économie numérique.

Mon collègue Luc Chatel vous a présenté la politique du Gouvernement sur les fréquences à 2, 1 gigahertz et 2, 6 gigahertz, ainsi que sur la sous-bande de fréquences 790-862 mégahertz qui seront affectées à l’internet mobile à très haut débit.

Pour les fréquences à 2, 1 gigahertz, notre souhait est bien de voir émerger un nouvel opérateur mobile au profit des Français et de la couverture des territoires.

Je souhaite, pour ma part, exposer brièvement quelques-uns des enjeux de l’économie numérique au cœur des projets territoriaux qui, je le sais, vous tiennent à cœur.

J’évoquerai, à ce titre, le dividende numérique, le passage à la télévision tout numérique, la télévision mobile personnelle et les nouveaux services audiovisuels, et, plus globalement, l’aménagement numérique des territoires.

S’agissant tout d’abord du dividende numérique, la France connaît une opportunité historique, celle de la disponibilité de fréquences dites « en or ».

En effet, le passage à la télévision tout numérique va libérer des fréquences et permettra de dégager ce qui est communément appelé « le dividende numérique ».

Ces fréquences basses sont extrêmement intéressantes, car elles permettent de diviser considérablement le coût de déploiement des réseaux mobiles en zones peu denses. C’est un élément essentiel au service de la couverture des territoires.

Le dividende numérique est, pour notre pays et pour l’Europe, comme l’a été en d’autres temps le GSM, une occasion unique de définir une politique ambitieuse dans le domaine du numérique.

Le dividende numérique va contribuer tout d’abord à l’aménagement du territoire, en développant l’internet à très haut débit, grâce à l’affectation de la sous-bande 790-862 mégahertz. La procédure d’attribution de ces fréquences sera lancée d’ici à la fin de l’année 2009, selon plusieurs critères que mon collègue Luc Chatel vous a exposés.

Le dividende numérique permettra le développement des nouveaux services de télévision : la télévision haute définition, la télévision mobile personnelle et la radio numérique dont on parle moins, mais qui arrive aussi.

Quelles sont les étapes suivantes ?

Des travaux sont menés avec les partenaires européens de la France pour que l’Europe tout entière bénéficie de ce dividende d’autant plus facile à mettre en place que nous prenons des options conjointes. C’est important, notamment dans les régions frontalières.

Le Royaume-Uni vient ainsi de prendre une décision identique à celle du Gouvernement français ; l’Allemagne devrait le faire dans les prochaines semaines. Dès lors, nous espérons, dans quelques mois, convaincre nos derniers partenaires européens, afin que le dividende numérique devienne une réalité européenne.

J’en viens maintenant au passage à la télévision tout numérique.

Le dividende numérique ne sera perçu par nos concitoyens que si nous réussissons le déploiement sur l’ensemble du territoire national des dix-huit chaînes de télévision gratuite en qualité numérique et, surtout, l’arrêt dans de bonnes conditions de la diffusion des chaînes analogiques avant le 30 novembre 2011. C’est l’une de mes priorités.

La TNT offre, en premier lieu, davantage de choix pour le téléspectateur, plus d’information, plus de culture et plus de loisirs, mais aussi, en second lieu, plus de qualité. Enfin, elle présente la simplicité de ne pas obliger le téléspectateur à changer de téléviseur pour obtenir beaucoup mieux.

Les réseaux de TNT vont couvrir 95 % de la population. Les 5 % de foyers restants pourront s’équiper de paraboles satellites pour recevoir gratuitement les dix-huit chaînes nationales de la TNT.

Une offre de TNT gratuite par satellite est déjà en place ; une deuxième offre devrait émerger dans les prochains mois, afin de donner plus de choix aux Français.

Mais, pour réussir le passage au tout numérique, il faut s’assurer que l’ensemble des foyers reçoivent effectivement la TNT sur leurs postes de télévision. Il s’agit là, à mon avis, du défi le plus ambitieux.

J’observe que, trois ans après le lancement du déploiement de la TNT, et malgré un taux de couverture de la population qui approche désormais 89 %, seuls 57, 8 % des foyers sont aujourd’hui équipés d’au moins un poste capable de recevoir la TNT, et 29, 9 % seulement des foyers ont équipé l’ensemble de leurs postes de télévision.

Pour rendre compréhensible et perceptible cette opération relative au dividende numérique, il faut, dès maintenant, accélérer le rythme d’équipement des foyers. Tel est l’objectif du dispositif national d’accompagnement du public vers la télévision numérique terrestre qui a été présenté le 6 novembre dernier et qui sera définitivement mis en place avant le 31 mai 2009.

L’accompagnement des publics sensibles, personnes âgées et handicapées, particulièrement vulnérables face au changement technique, sera encouragé financièrement par l’État. Les ménages à faibles revenus seront, eux aussi, aidés pour l’acquisition et l’installation du matériel de réception. Ainsi, ce sont deux types différents d’aides qui seront mis en place.

L’opération pilote qui a eu lieu à Coulommiers et qui s’est achevée la semaine dernière livre ses premiers enseignements. D’abord, la mobilisation des élus et du tissu associatif est la clé pour assurer la réussite du projet. Ensuite, les conditions de l’assistance financière pour aider dans cette tâche doivent être simplifiées ; je m’y emploie ces jours-ci. Enfin, un effort accru d’information doit être fait, notamment pour expliquer les quelques problèmes techniques auxquels ont dû faire face les habitants de Coulommiers et des neuf autres communes environnantes dans un habitat collectif.

Une deuxième opération pilote sera mise en œuvre à Kaysersberg à partir du 14 avril et jusqu’au 27 mai 2009.

La troisième opération pilote aura lieu en juin, avec le lancement de l’extinction de l’analogique à Cherbourg – l’arrêt est prévu pour le 18 novembre 2009 –, et dans le Nord-Contentin, soit pour environ 200 000 habitants.

L’Alsace et la Basse-Normandie suivront à compter de la fin de l’année 2009, puis la Lorraine, la Champagne-Ardenne, la Franche-Comté, la Bretagne et les Pays-de-la-Loire passeront, dans cet ordre, au « tout numérique » en 2010. Pour les autres régions, l’ordre de passage sera défini dans les mois qui viennent.

Je réunis demain le Comité stratégique pour le numérique, afin de finaliser rapidement l’ensemble du dispositif national d’accompagnement du public vers la télévision numérique terrestre et publier l’ensemble du calendrier de l’opération.

Je souhaite également évoquer la télévision mobile personnelle, la TMP, puisque le dividende numérique, opération que nous engageons aujourd’hui, permettra à de nouveaux services audiovisuels d’émerger.

Ainsi, tout comme l’arrivée du transistor a transformé l’utilisation de la radio, la TMP représente une évolution majeure des modes de consommation télévisuels. Une dynamique mondiale se met en place et il est important que la France y prenne une part à la mesure de son activité radiophonique.

Derrière les pays pionniers tels que la Corée et le Japon, les marchés de la TMP tendent à se multiplier, notamment, dans le cadre européen, en Italie, en Autriche et en Suisse. Il n’y a pas de raison pour que nous restions à l’écart de ce développement.

La définition du modèle économique de la TMP est compliquée : faut-il prévoir la gratuité ou l’absence d’abonnement ? Quel sera le mode de rémunération des distributeurs ?

Je vais donc lancer dans les prochains jours une mission de médiation, qui travaillera jusqu’à la fin du mois de mars 2009, entre les différents éditeurs et distributeurs de services, en y associant bien entendu le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Cette médiation devra examiner la possibilité de débuter les travaux d’investissement sur un réseau pilote de TMP, grâce à un « noyau dur » d’acteurs, que sont les principaux opérateurs de télécommunications et les chaînes de télévision, afin de permettre à une chaîne de valeur de se construire.

J’en viens enfin à l’aménagement numérique des territoires. L’implication budgétaire de l’État y est constante. Ainsi, les investissements sur les réseaux d’initiative publique depuis 2002 sont estimés à 2, 5 milliards d’euros, dont près de 50 % sont pris en charge par des investisseurs privés et près de 34 % par les collectivités territoriales.

L’État et l’Europe, au travers des contrats de plan État-région, pour 220 millions d’euros, et des fonds européens, également pour 220 millions d’euros, ont assumé 16 % de ce financement.

Sur la période 2007-2013, 300 millions d’euros seront consacrés par l’État à l’aménagement numérique des territoires.

Dans ce domaine, il s’agit en priorité, selon moi, d’assurer le haut débit fixe et mobile pour tous les Français avant 2012 et de soutenir les collectivités dans leur rôle d’aménagement du territoire.

L’internet haut débit constitue aujourd’hui, comme l’eau ou l’électricité, une commodité essentielle. Les taux de couverture de la population par les différents réseaux d’accès à l’internet haut débit fixe, affichés par les opérateurs eux-mêmes, révèlent que près de 2 % de la population française, répartis sur une fraction significative du territoire, ne sont pas desservis. Cela signifie que 1 à 2 millions de Français sont exclus de la société de l’information.

Un appel à manifestation d’intérêt a ainsi été lancé le 12 janvier dernier, afin d’identifier des opérateurs universels du haut débit fixe.

Chaque Français, quel que soit son lieu de résidence, bénéficiera ainsi d’un droit à l’accès à internet haut débit à un tarif abordable, inférieur à 35 euros par mois, matériel compris. Ces opérateurs – nous avons déjà enregistré plusieurs candidatures – bénéficieront d’un label, qui sera mis en place avant la fin de l’année.

Par ailleurs, dans le cadre des dispositions de la loi de modernisation de l’économie, dite LME, un réseau rural mobile de troisième génération, mutualisant les équipements entre opérateurs, permettra d’assurer à tous les Français un accès au haut débit mobile d’ici à 2012. Je lancerai des expérimentations sur cette mutualisation dans les prochaines semaines.

Les collectivités locales sont fortement impliquées dans la révolution numérique. Elles ont contribué à l’émergence de plus de 100 réseaux d’initiative publique, en investissant plusieurs centaines de millions d’euros pour le désenclavement numérique des territoires. Elles doivent être soutenues.

Ainsi, une circulaire va bientôt mettre en place des instances de coordination entre l’État et les collectivités, afin notamment de définir des schémas directeurs numériques. Une aide financière sera fournie par l’État pour la définition de ces schémas.

Par ailleurs, deux décrets, qui seront publiés prochainement, permettront d’accélérer l’aménagement numérique des territoires. Le premier portera sur le droit à la connaissance des réseaux, instauré par la LME, le second permettra une meilleure connaissance de la couverture des services.

Enfin, doter les collectivités locales d’un outil réglementaire supplémentaire, comme le serait leur investissement minoritaire dans des sociétés qui déploient des réseaux, facilitera leur intervention concernant le très haut débit.

J’ai donc lancé, avec la Caisse des dépôts et consignations, une étude sur ce sujet et, plus globalement, sur la place de l’investissement public pour le très haut débit. J’espère pouvoir y donner suite très rapidement.

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