La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’attribution de fréquences de réseaux mobiles, conformément à l’article 22 de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de concrétiser aujourd'hui un engagement que j’avais pris ici même lors de la discussion de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs et qui a d’ailleurs été repris, le 12 janvier dernier, par M. le Premier ministre au cours d’une réunion interministérielle sur l’économie numérique.
Les technologies de l’information et de la communication, les TIC, représentent, au cours des dix dernières années, la moitié du différentiel de croissance observé entre les États-Unis et l’Europe. Elles participent aussi, à hauteur de 40 %, à la hausse de la productivité de notre économie. Ce secteur a donc un impact économique déterminant grâce aux innovations qu’il entraîne pour l’ensemble de notre industrie. J’observe de nombreuses applications dans des secteurs aussi variés que l’automobile, l’aéronautique, la télémédecine ou la formation, par exemple.
Dans cette période de crise économique sans précédent, vous connaissez la volonté du Gouvernement. Nous devons certes nous mobiliser pour faire face à l’urgence financière et économique – en témoigne le plan de relance –, mais nous devons aussi poursuivre les réformes pour préparer la France au « monde d’après ».
La crise est dure, violente, mais elle prendra fin un jour. Et, ce jour-là, nous devrons être prêts à rebondir plus vite que les autres. Il nous faut, dès aujourd’hui, identifier les relais de croissance stratégique et réaliser les investissements nécessaires. Naturellement, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les NTIC, et particulièrement les télécoms, en font évidemment partie. C’est ce qui explique la politique très ambitieuse menée par le Gouvernement depuis dix-huit mois en matière de numérique, notamment en faveur du développement de la concurrence dans les télécommunications.
Ce développement de la concurrence répond, à mon sens, à plusieurs enjeux.
Le premier enjeu est industriel et économique, l’objectif étant de renforcer l’investissement.
On le sait, la concurrence est saine pour stimuler le marché, et les analystes tablent sur une croissance de 7 % environ du marché global, grâce notamment au renforcement de la concurrence.
Les investissements engendrés par l’arrivée d’un éventuel nouvel entrant sur le marché du mobile seront importants pour l’économie et l’emploi du fait des investissements nécessaires pour la construction d’un nouveau réseau, la recherche de nouveaux services et la distribution des offres correspondantes.
D’ailleurs, il faut bien avoir à l’esprit que, sous peine de perdre en compétitivité, il ne sera pas dans l’intérêt des opérateurs historiques de réduire la voilure de leurs investissements, notamment pour ce qui concerne la couverture du territoire, un sujet qui vous est cher à juste titre, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous veillerons tout particulièrement à ce que les engagements pris dans ce domaine soient tenus. D’ailleurs, l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, devra les contrôler et, en cas de non-respect, nous n’hésiterons pas à mettre en œuvre les pouvoirs de sanction que vous avez récemment renforcés.
Le deuxième enjeu concerne le pouvoir d’achat des consommateurs.
D’après les simulations réalisées par les services de mon ministère, l’ouverture du marché des mobiles à un nouvel acteur au moins pourrait, à terme, représenter une baisse moyenne de 7 % des prix pour les consommateurs. Ces simulations tiennent compte de ce qui se passe dans d’autres pays européens lors du passage de trois opérateurs à quatre. Ainsi, c’est tout simplement 1, 2 milliard d’euros par an qui serait « rendu » aux Français en termes de pouvoir d’achat, sur un marché dont le chiffre d’affaires avoisinerait, en 2015, 21 milliards d’euros.
Le troisième enjeu a trait à l’innovation.
Il est clair que l’entrée de nouveaux acteurs viendra bousculer les opérateurs historiques et intensifier la course technologique en faveur de nouveaux produits et services. Là, on parle de la prochaine génération de service.
Aujourd’hui, les offres triple play concilient, dans une même offre, la télé, l’internet et le téléphone. Demain, l’offre quadruple play rajoutera une nouvelle dimension, puisqu’il sera possible de consulter de n’importe quel terminal, chez soi, dans la rue ou au bureau, l’ensemble de ses documents et données personnelles. C’est un nouvel âge de la convergence qui s’ouvre aujourd'hui.
Or, si nos opérateurs nationaux sont bien placés dans cette course technologique, ils ne sont pas pour autant en avance sur leurs concurrents européens. Une stimulation saine du marché serait donc bienvenue pour mettre toutes les chances de notre côté et répondre à l’ambition fixée à la fois par l’Europe, avec la stratégie de Lisbonne, et le Président de la République, qui est de faire de la France, d’ici à 2012, un pays leader en matière de technologies de l’information et de la communication.
Pour comprendre les orientations du Gouvernement sur ce dossier complexe, il faut nous rappeler son historique.
Souvenez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, en 2000 et 2001, dans le contexte de l’emballement financier et économique créé par « la bulle internet », l’État avait fixé un prix de 5 milliards d’euros pour les licences 3G. La 3G était alors la première étape vers le portable haut débit. Seuls deux opérateurs avaient répondu à cette offre, qui, avec le recul, paraît vertigineuse. Un troisième opérateur, Bouygues, avait renoncé à suivre. Deux éléments ont joué avec, d’abord, le dégonflement de la bulle internet et, ensuite, la volonté du gouvernement de l’époque d’éviter un duopole qui aurait tué toute concurrence. Il a donc été décidé de baisser les prix, l’État optant pour une redevance fixe à 619 millions d’euros couplée d’une redevance variable de 1 % du chiffre d’affaires.
Aujourd’hui, nous sommes dans une situation qui n’est pas si éloignée. L’appel à candidatures que l’État avait lancé en 2007 pour l’attribution de nouvelles fréquences n’avait pas trouvé preneur auprès de nouveaux acteurs. Il faut donc, comme par le passé, revoir notre offre pour permettre à de nouveaux concurrents de se positionner, tout en garantissant une égalité de traitement de l’ensemble des opérateurs.
Dans le même temps, l’État doit aussi veiller à soutenir la croissance du secteur ainsi que la couverture du territoire et à valoriser convenablement ces nouvelles fréquences, ce qui représente pour les finances publiques de l’argent, beaucoup d’argent. Nous avons donc demandé à l’ARCEP de mener une consultation publique, qu’elle a réalisée au cours de l’été 2008.
À cet égard, je vous livrerai, mesdames, messieurs les sénateurs, le fruit des réflexions du Gouvernement.
Comme l’a annoncé le Premier ministre le 12 janvier dernier, nous pensons qu’il est souhaitable de diviser le « paquet » de fréquences supplémentaires en trois lots. Un lot de 2x5 mégahertz sera « réservé » à un nouvel entrant à un tarif qui ne doit pas être, par définition, discriminatoire par rapport aux offres précédentes. À ce lot, s’ajoutera l’accès à la bande 900 mégahertz, essentielle pour répondre aux enjeux de la couverture du territoire, mais j’y reviendrai dans un instant.
Par ailleurs, nous proposons deux autres lots de 2x5 mégahertz chacun, « ouverts à tous », auxquels tous les opérateurs, y compris les opérateurs historiques, pourront postuler.
Comment le nouvel opérateur sera-t-il choisi, et sur quels critères ?
Il ne sera pas choisi sur un critère de prix, puisque nous proposons que celui-ci soit fixé en amont. Guidés par un souci d’équité avec les opérateurs existants, nous suggérons une règle simple : fixer un prix correspondant au tiers du prix accordé précédemment. Il sera donc du tiers de 619 millions d’euros, soit environ 206 millions d’euros pour un tiers des fréquences attribuées.
Différents types de raisonnements pourraient justifier de demander plus ou, au contraire, moins. Dans ce contexte, nous proposons la solution qui, de l’avis de nombreux experts, apparaît la plus juste et la plus sûre juridiquement. Le décret qui fixera ce montant sera soumis pour avis au Conseil d’État, afin de nous assurer de l’équité d’une telle démarche.
Si le critère financier est écarté, quels autres critères feront la différence pour l’attribution d’une nouvelle licence ?
Nous avons opté pour ce qui est, en termes techniques, une « procédure de soumission comparative », que l’on pourrait qualifier, en termes plus parlants, de « concours de beauté » !
Il s’agit de déterminer quels postulants présentent les meilleures garanties et proposent les meilleurs engagements, notamment en matière d’ampleur et de rapidité des déploiements, de cohérence et de crédibilité du projet, de capacité à stimuler la concurrence au bénéfice du consommateur, d’environnement et de qualité de service.
Dans un souci d’équité entre les opérateurs existants et le nouvel entrant, il paraît souhaitable que les critères retenus en 2009 soient similaires à ceux qui avaient permis d’attribuer les premières licences en 2001 et en 2002.
Il convient notamment de faire en sorte que le nouvel entrant déploie un réseau sur l’ensemble du territoire, cela pour favoriser la concurrence, même dans les zones rurales. Ainsi, pour le lot réservé, le Gouvernement s’oriente vers la reprise des mêmes obligations minimales de couverture que celles qui avaient été proposées dans les précédents appels à candidatures.
Sur ce point, je tiens à indiquer que la diminution de la quantité de fréquences sur laquelle porte l’appel à candidatures pour la bande 2, 1 gigahertz n’a pas d’incidence sur la capacité du nouvel entrant à se déployer sur l’ensemble du territoire. C’est à partir de la bande de 900 mégahertz que le nouvel opérateur pourra assurer la couverture des zones peu denses. Il y aura accès afin de bénéficier de conditions tout aussi avantageuses que les opérateurs existants pour la couverture du territoire.
Afin de faciliter la couverture en téléphonie mobile de troisième génération, la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a prévu des dispositions pour imposer la mutualisation des réseaux 3G en zones peu denses. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, chargée de définir les conditions de cette mutualisation des réseaux, devrait prochainement rendre ses conclusions sur ce sujet. Il faut d’ailleurs garder à l’esprit que partager les investissements à quatre, et non plus à trois, peut aussi être un avantage compétitif pour une couverture plus grande.
Le partage des fréquences disponibles a un autre avantage : il permet, grâce aux deux lots de fréquences restants, de répondre à la demande des opérateurs qui souhaitent des fréquences supplémentaires.
Pour le coup, le prix offert par les opérateurs pour ces fréquences, pour ces deux lots ouverts à tous, pourrait être un critère déterminant.
La loi de modernisation de l’économie a ouvert la possibilité de mettre aux enchères certaines fréquences. Ce pourrait être le meilleur moyen pour l’État de vendre au meilleur prix. Pour ces fréquences, nous nous orientons donc vers une mise aux enchères ou une procédure de soumission comparative permettant d’envisager, au-delà du critère de prix, des engagements des opérateurs existants de nature à favoriser le dynamisme du marché français.
Par exemple, les opérateurs pourraient être incités à s’engager à assouplir les conditions d’accueil des Mobile Virtual Network Operators, les MVNO, sur leur réseau si un critère de stimulation de la concurrence était retenu.
Ce point est essentiel ; je sais que vous y êtes sensibles. Il a fait l’objet de discussions à l’Assemblée nationale. Le fait d’attribuer des fréquences nouvelles aux opérateurs historiques pourrait permettre d’assouplir les conditions d’accueil et de conforter la place des MVNO sur le marché.
Concernant la couverture du territoire, il n’y a pas matière à demander aux opérateurs historiques d’aller plus loin que les engagements de couverture 3G très ambitieux, parfois au-delà de 99 % de couverture de la population, qui ont déjà été pris.
En revanche, et les élus ruraux y sont tous sensibles, il s’agira de s’assurer que ces engagements ont bien été respectés, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Le Gouvernement y veillera. C’est notamment pour cela que nous avions choisi ensemble de renforcer, grâce à la loi de modernisation de l’économie, les pouvoirs de sanctions de l’ARCEP dans ce domaine. Le Gouvernement n’hésitera pas à prendre des sanctions sur ce point.
Par ailleurs, je souhaite que l’attribution de ces nouvelles fréquences soit décidée après l’attribution du premier lot de fréquences, le lot « réservé » à de nouveaux acteurs. Cela permettrait au lauréat du premier lot de pouvoir, s’il le souhaite, se positionner sur les autres lots. C’est à la fois, pour lui, une possibilité d’acquérir des fréquences supplémentaires et, pour l’État, l’opportunité d’obtenir un meilleur prix.
Tels sont les sujets que je souhaitais évoquer sur l’attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile.
Avant de céder la place à ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet, je terminerai par l’attribution des fréquences pour l’internet mobile à très haut débit.
Je voudrais insister sur l’importance d’une attribution rapide de ces fréquences 3G, car elle s’inscrit dans une politique beaucoup plus large en faveur du développement de l’économie numérique que précisera Nathalie Kosciusko-Morizet et qui passera par l’attribution, dans les années à venir, de nouvelles bandes pour l’internet mobile à haut débit.
Il s’agit, d’une part, de la bande de 2, 6 gigahertz, qui devrait être libérée par les militaires à partir de 2010 et qui offre de grandes capacités, permettant ainsi une bonne couverture des zones denses.
Il s’agit, d’autre part, des fréquences de la bande 790-862 mégahertz, qui seront libérées par le passage de l’analogique au numérique, le dividende numérique – l’extinction de la télévision analogique devant avoir lieu d’ici au 1er décembre 2011 – et qui ont d’excellentes propriétés pour la couverture du territoire.
Une attribution conjointe de ces fréquences doit permettre de traiter simultanément les problématiques liées aux zones denses et aux zones rurales, et ainsi de réduire le risque de constitution d’une fracture numérique pour le très haut débit mobile, sujet cher au Gouvernement.
Voilà les principaux points que je souhaitais évoquer d’entrée de jeu. Nous attendons vos propositions et, à l’issue de ce débat, le Gouvernement engagera le processus d’attribution de cette quatrième licence de téléphonie mobile.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. le président. Avant de donner la parole à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, je ne résiste pas à la tentation de saluer – cela fera plaisir à notre éminent collègue M. Roland Povinelli ! – les adjoints aux maires de la ville de Marseille présents dans les tribunes. Autant de sénateurs en herbe !
Applaudissements
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mesdames, messieurs les Marseillais, le débat d’aujourd’hui nous permet d’exposer la vision stratégique de notre pays en matière non seulement de fréquences, mais aussi d’économie numérique.
Mon collègue Luc Chatel vous a présenté la politique du Gouvernement sur les fréquences à 2, 1 gigahertz et 2, 6 gigahertz, ainsi que sur la sous-bande de fréquences 790-862 mégahertz qui seront affectées à l’internet mobile à très haut débit.
Pour les fréquences à 2, 1 gigahertz, notre souhait est bien de voir émerger un nouvel opérateur mobile au profit des Français et de la couverture des territoires.
Je souhaite, pour ma part, exposer brièvement quelques-uns des enjeux de l’économie numérique au cœur des projets territoriaux qui, je le sais, vous tiennent à cœur.
J’évoquerai, à ce titre, le dividende numérique, le passage à la télévision tout numérique, la télévision mobile personnelle et les nouveaux services audiovisuels, et, plus globalement, l’aménagement numérique des territoires.
S’agissant tout d’abord du dividende numérique, la France connaît une opportunité historique, celle de la disponibilité de fréquences dites « en or ».
En effet, le passage à la télévision tout numérique va libérer des fréquences et permettra de dégager ce qui est communément appelé « le dividende numérique ».
Ces fréquences basses sont extrêmement intéressantes, car elles permettent de diviser considérablement le coût de déploiement des réseaux mobiles en zones peu denses. C’est un élément essentiel au service de la couverture des territoires.
Le dividende numérique est, pour notre pays et pour l’Europe, comme l’a été en d’autres temps le GSM, une occasion unique de définir une politique ambitieuse dans le domaine du numérique.
Le dividende numérique va contribuer tout d’abord à l’aménagement du territoire, en développant l’internet à très haut débit, grâce à l’affectation de la sous-bande 790-862 mégahertz. La procédure d’attribution de ces fréquences sera lancée d’ici à la fin de l’année 2009, selon plusieurs critères que mon collègue Luc Chatel vous a exposés.
Le dividende numérique permettra le développement des nouveaux services de télévision : la télévision haute définition, la télévision mobile personnelle et la radio numérique dont on parle moins, mais qui arrive aussi.
Quelles sont les étapes suivantes ?
Des travaux sont menés avec les partenaires européens de la France pour que l’Europe tout entière bénéficie de ce dividende d’autant plus facile à mettre en place que nous prenons des options conjointes. C’est important, notamment dans les régions frontalières.
Le Royaume-Uni vient ainsi de prendre une décision identique à celle du Gouvernement français ; l’Allemagne devrait le faire dans les prochaines semaines. Dès lors, nous espérons, dans quelques mois, convaincre nos derniers partenaires européens, afin que le dividende numérique devienne une réalité européenne.
J’en viens maintenant au passage à la télévision tout numérique.
Le dividende numérique ne sera perçu par nos concitoyens que si nous réussissons le déploiement sur l’ensemble du territoire national des dix-huit chaînes de télévision gratuite en qualité numérique et, surtout, l’arrêt dans de bonnes conditions de la diffusion des chaînes analogiques avant le 30 novembre 2011. C’est l’une de mes priorités.
La TNT offre, en premier lieu, davantage de choix pour le téléspectateur, plus d’information, plus de culture et plus de loisirs, mais aussi, en second lieu, plus de qualité. Enfin, elle présente la simplicité de ne pas obliger le téléspectateur à changer de téléviseur pour obtenir beaucoup mieux.
Les réseaux de TNT vont couvrir 95 % de la population. Les 5 % de foyers restants pourront s’équiper de paraboles satellites pour recevoir gratuitement les dix-huit chaînes nationales de la TNT.
Une offre de TNT gratuite par satellite est déjà en place ; une deuxième offre devrait émerger dans les prochains mois, afin de donner plus de choix aux Français.
Mais, pour réussir le passage au tout numérique, il faut s’assurer que l’ensemble des foyers reçoivent effectivement la TNT sur leurs postes de télévision. Il s’agit là, à mon avis, du défi le plus ambitieux.
J’observe que, trois ans après le lancement du déploiement de la TNT, et malgré un taux de couverture de la population qui approche désormais 89 %, seuls 57, 8 % des foyers sont aujourd’hui équipés d’au moins un poste capable de recevoir la TNT, et 29, 9 % seulement des foyers ont équipé l’ensemble de leurs postes de télévision.
Pour rendre compréhensible et perceptible cette opération relative au dividende numérique, il faut, dès maintenant, accélérer le rythme d’équipement des foyers. Tel est l’objectif du dispositif national d’accompagnement du public vers la télévision numérique terrestre qui a été présenté le 6 novembre dernier et qui sera définitivement mis en place avant le 31 mai 2009.
L’accompagnement des publics sensibles, personnes âgées et handicapées, particulièrement vulnérables face au changement technique, sera encouragé financièrement par l’État. Les ménages à faibles revenus seront, eux aussi, aidés pour l’acquisition et l’installation du matériel de réception. Ainsi, ce sont deux types différents d’aides qui seront mis en place.
L’opération pilote qui a eu lieu à Coulommiers et qui s’est achevée la semaine dernière livre ses premiers enseignements. D’abord, la mobilisation des élus et du tissu associatif est la clé pour assurer la réussite du projet. Ensuite, les conditions de l’assistance financière pour aider dans cette tâche doivent être simplifiées ; je m’y emploie ces jours-ci. Enfin, un effort accru d’information doit être fait, notamment pour expliquer les quelques problèmes techniques auxquels ont dû faire face les habitants de Coulommiers et des neuf autres communes environnantes dans un habitat collectif.
Une deuxième opération pilote sera mise en œuvre à Kaysersberg à partir du 14 avril et jusqu’au 27 mai 2009.
La troisième opération pilote aura lieu en juin, avec le lancement de l’extinction de l’analogique à Cherbourg – l’arrêt est prévu pour le 18 novembre 2009 –, et dans le Nord-Contentin, soit pour environ 200 000 habitants.
L’Alsace et la Basse-Normandie suivront à compter de la fin de l’année 2009, puis la Lorraine, la Champagne-Ardenne, la Franche-Comté, la Bretagne et les Pays-de-la-Loire passeront, dans cet ordre, au « tout numérique » en 2010. Pour les autres régions, l’ordre de passage sera défini dans les mois qui viennent.
Je réunis demain le Comité stratégique pour le numérique, afin de finaliser rapidement l’ensemble du dispositif national d’accompagnement du public vers la télévision numérique terrestre et publier l’ensemble du calendrier de l’opération.
Je souhaite également évoquer la télévision mobile personnelle, la TMP, puisque le dividende numérique, opération que nous engageons aujourd’hui, permettra à de nouveaux services audiovisuels d’émerger.
Ainsi, tout comme l’arrivée du transistor a transformé l’utilisation de la radio, la TMP représente une évolution majeure des modes de consommation télévisuels. Une dynamique mondiale se met en place et il est important que la France y prenne une part à la mesure de son activité radiophonique.
Derrière les pays pionniers tels que la Corée et le Japon, les marchés de la TMP tendent à se multiplier, notamment, dans le cadre européen, en Italie, en Autriche et en Suisse. Il n’y a pas de raison pour que nous restions à l’écart de ce développement.
La définition du modèle économique de la TMP est compliquée : faut-il prévoir la gratuité ou l’absence d’abonnement ? Quel sera le mode de rémunération des distributeurs ?
Je vais donc lancer dans les prochains jours une mission de médiation, qui travaillera jusqu’à la fin du mois de mars 2009, entre les différents éditeurs et distributeurs de services, en y associant bien entendu le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Cette médiation devra examiner la possibilité de débuter les travaux d’investissement sur un réseau pilote de TMP, grâce à un « noyau dur » d’acteurs, que sont les principaux opérateurs de télécommunications et les chaînes de télévision, afin de permettre à une chaîne de valeur de se construire.
J’en viens enfin à l’aménagement numérique des territoires. L’implication budgétaire de l’État y est constante. Ainsi, les investissements sur les réseaux d’initiative publique depuis 2002 sont estimés à 2, 5 milliards d’euros, dont près de 50 % sont pris en charge par des investisseurs privés et près de 34 % par les collectivités territoriales.
L’État et l’Europe, au travers des contrats de plan État-région, pour 220 millions d’euros, et des fonds européens, également pour 220 millions d’euros, ont assumé 16 % de ce financement.
Sur la période 2007-2013, 300 millions d’euros seront consacrés par l’État à l’aménagement numérique des territoires.
Dans ce domaine, il s’agit en priorité, selon moi, d’assurer le haut débit fixe et mobile pour tous les Français avant 2012 et de soutenir les collectivités dans leur rôle d’aménagement du territoire.
L’internet haut débit constitue aujourd’hui, comme l’eau ou l’électricité, une commodité essentielle. Les taux de couverture de la population par les différents réseaux d’accès à l’internet haut débit fixe, affichés par les opérateurs eux-mêmes, révèlent que près de 2 % de la population française, répartis sur une fraction significative du territoire, ne sont pas desservis. Cela signifie que 1 à 2 millions de Français sont exclus de la société de l’information.
Un appel à manifestation d’intérêt a ainsi été lancé le 12 janvier dernier, afin d’identifier des opérateurs universels du haut débit fixe.
Chaque Français, quel que soit son lieu de résidence, bénéficiera ainsi d’un droit à l’accès à internet haut débit à un tarif abordable, inférieur à 35 euros par mois, matériel compris. Ces opérateurs – nous avons déjà enregistré plusieurs candidatures – bénéficieront d’un label, qui sera mis en place avant la fin de l’année.
Par ailleurs, dans le cadre des dispositions de la loi de modernisation de l’économie, dite LME, un réseau rural mobile de troisième génération, mutualisant les équipements entre opérateurs, permettra d’assurer à tous les Français un accès au haut débit mobile d’ici à 2012. Je lancerai des expérimentations sur cette mutualisation dans les prochaines semaines.
Les collectivités locales sont fortement impliquées dans la révolution numérique. Elles ont contribué à l’émergence de plus de 100 réseaux d’initiative publique, en investissant plusieurs centaines de millions d’euros pour le désenclavement numérique des territoires. Elles doivent être soutenues.
Ainsi, une circulaire va bientôt mettre en place des instances de coordination entre l’État et les collectivités, afin notamment de définir des schémas directeurs numériques. Une aide financière sera fournie par l’État pour la définition de ces schémas.
Par ailleurs, deux décrets, qui seront publiés prochainement, permettront d’accélérer l’aménagement numérique des territoires. Le premier portera sur le droit à la connaissance des réseaux, instauré par la LME, le second permettra une meilleure connaissance de la couverture des services.
Enfin, doter les collectivités locales d’un outil réglementaire supplémentaire, comme le serait leur investissement minoritaire dans des sociétés qui déploient des réseaux, facilitera leur intervention concernant le très haut débit.
J’ai donc lancé, avec la Caisse des dépôts et consignations, une étude sur ce sujet et, plus globalement, sur la place de l’investissement public pour le très haut débit. J’espère pouvoir y donner suite très rapidement.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La parole est à M. Pierre Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires économiques, permettez-moi de me réjouir de la tenue de ce débat aujourd’hui au Sénat. Le sujet des fréquences hertziennes semble technique, mais il mérite d’être discuté au Parlement, et spécialement à la Haute Assemblée, qui consacre une partie de son travail à la prospective.
Le spectre hertzien revêt une importance stratégique, comme la commission des affaires économiques a déjà eu l’occasion de le souligner, et cette importance va croissant avec l’exigence toujours plus grande de nos concitoyens pour la mobilité. L’homme contemporain vit de plus en plus connecté à des réseaux variés et s’attend à pouvoir user de cette connexion à tout moment et où il se trouve.
Or seule la transmission par radiofréquences peut satisfaire cette attente. C’est dire l’enjeu que représentent l’attribution de fréquences et la nécessité pour le Parlement de débattre de l’affectation du domaine public hertzien, ressource rare et actif immatériel de l’État, vecteur de croissance pour l’économie numérique et, plus largement, pour l’ensemble de notre économie, qui en a bien besoin à l’heure actuelle !
Le 12 janvier dernier, le Premier ministre a pris acte de cette situation en annonçant différentes mesures qui inscrivent le numérique dans une logique de relance de l’économie française. À ce titre, il a donné le coup d’envoi à la procédure d’attribution de fréquences destinées au très haut débit mobile, qui succédera à l’UMTS, Universal mobile telecommunications system. Il s’agit de la bande 2, 6 gigahertz, identifiée dès la Conférence mondiale des radiocommunications, la CMR, de 2000 et destinée au déploiement de capacités en zones denses et de la bande 800 mégahertz, identifiée lors de la CMR de novembre 2007.
Aujourd’hui utilisée par la radiodiffusion télévisuelle, cette bande de fréquences basses présente des qualités de propagation qui la destinent, dès l’extinction de la télévision analogique, à compléter la bande 2, 6 gigahertz pour la couverture du territoire en haut débit mobile. C’est pourquoi, conformément aux préconisations de la Commission du dividende numérique présidée par notre excellent collègue Bruno Retailleau, l’arrêté du Premier ministre du 22 décembre 2008 attribue cette bande 800 mégahertz à l’ARCEP, à compter du 1er décembre 2011.
Dans ce schéma global d’attribution de fréquences, il n’était plus possible de laisser en jachère les fréquences restant à attribuer à l’UMTS dans la bande 2, 1 gigahertz et identifiées dès la CMR de 1992. L’essor de l’UMTS engendre des besoins d’accès au spectre, que les fréquences toujours libres dans cette bande peuvent contribuer à satisfaire.
De surcroît, les opérateurs mobiles existants ont besoin de visibilité. En effet, si un nouvel entrant était autorisé dans la bande 2, 1 gigahertz, ces opérateurs seraient tenus, conformément à leur cahier des charges, de lui restituer des fréquences dans la bande 900 mégahertz. Enfin, et ce point n’est pas à négliger, l’attribution de fréquences disponibles pourrait alimenter, à hauteur de 619 millions d’euros, le fonds de réserve pour les retraites.
Si l’on se fonde sur les intentions que le Gouvernement a annoncées le 5 février dernier concernant le prix de la licence et que vous venez de rappeler, monsieur le secrétaire d’État, cet avantage en termes de recettes fiscales sera néanmoins contrebalancé par la baisse des recettes de l’impôt sur les sociétés liée à la moindre rentabilité probable des opérateurs mobiles. Il faut que nous en soyons conscients.
Revenons un moment sur l’histoire mouvementée de l’attribution de la bande 2, 1 gigahertz. En 2000, un premier appel à candidatures proposait déjà quatre licences, mais deux seulement furent attribuées en 2001, au prix fort de 4, 95 milliards d’euros ! Il est du rôle de la commission des affaires économiques de faire ces rappels. Après l’éclatement de la bulle financière, le prix de ces licences fut divisé par huit et, au terme d’un nouvel appel à candidatures, une troisième licence fut accordée à la fin de l’année 2002 à Bouygues Telecom, au prix de 619 millions d’euros, prix rétroactivement appliqué à Orange et à SFR.
La quatrième licence restant disponible, un troisième appel à candidatures a été lancé en 2007, mais la candidature d’Iliad, qui exigeait un étalement du paiement de la redevance de 619 millions d’euros, a été rejetée en octobre 2007.
Le Gouvernement avait alors souhaité, par la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite loi Chatel, reprendre la main sur la fixation des redevances UMTS, qui figurait jusque-là en loi de finances. Le législateur a demandé en contrepartie la tenue d’un débat préalable au Parlement. C’est ce qui nous vaut d’être réunis aujourd’hui.
C’est donc un quatrième appel à candidatures que le Gouvernement demande à l’ARCEP de lancer, mais sous une forme inédite, ce qui permet d’espérer qu’il ne reste pas infructueux : trois lots sont proposés, de 5 mégahertz chacun, correspondant à la largeur d’un canal UMTS. L’un de ces lots est réservé à un nouvel entrant, les deux autres mettront en compétition de nouveaux entrants et opérateurs mobiles existants.
Le schéma que propose ainsi le Gouvernement semble sage. En donnant la priorité à un nouvel entrant sur une partie du spectre, il entend dynamiser le marché de la téléphonie mobile. Il n’est pas simple de mesurer le degré de concurrence en ce domaine. En tout état de cause, l’amende infligée par le Conseil de la concurrence aux trois opérateurs en place pour la période 2000-2002 a pu légitimement nourrir des soupçons d’oligopole.
Il s’agit d’une tendance naturelle du marché de la téléphonie mobile, en raison des barrières d’entrée que constituent les investissements considérables à consentir pour acquérir une licence et déployer un réseau.
Même les opérateurs de réseau mobile virtuel, les MVNO, qui ne détiennent pas de réseau en propre, n’ont pas pu animer la concurrence sur le marché de détail : leur part de marché ne dépasse pas 5 % du parc d’abonnés au mobile. Pourquoi ne jouent-ils pas un rôle plus décisif ?
En raison des conditions commerciales, techniques et tarifaires que les opérateurs de réseau leur consentent et que le Conseil de la concurrence a parfaitement analysées dans son avis de juillet 2008, les MVNO sont, pour la plupart, prisonniers de leur opérateur-hôte, auquel ils sont liés par une clause d’exclusivité. Comment, dès lors, pourraient-ils mettre en concurrence les opérateurs de réseau ? En outre, la croissance externe des MVNO est bridée par la préemption de leur base de clients, voire de leurs actifs, par leur opérateur-hôte : sans consolidation entre MVNO, quel développement ces opérateurs peuvent-ils espérer?
L’apparition d’un quatrième opérateur de réseau pourrait changer la donne. Il n’existe pourtant pas de corrélation évidente entre le nombre d’opérateurs de réseau et le niveau des prix : le treizième rapport de la Commission européenne sur la mise en œuvre du cadre réglementaire des communications électroniques laisse apparaître des prix très élevés pour la téléphonie mobile en Allemagne, où l’on compte pourtant quatre opérateurs UMTS, et des prix très bas en Finlande, où l’on en compte seulement trois. L’existence de quatre opérateurs UMTS n’apportera donc aucune garantie au marché du mobile en France. L’exemple espagnol, où le quatrième opérateur peine à exister, appelle aussi à la prudence.
Néanmoins, le marché mobile français étant déjà arrivé à un certain degré de maturité, l’enjeu des opérateurs en place est la fidélisation du client. Si un nouvel entrant était autorisé dans ce contexte stabilisé, il devrait nécessairement déployer une stratégie plus ambitieuse pour gagner des clients, et non pas seulement pour les fidéliser. À ce titre, il devra probablement déployer des efforts en termes de prix ou d’innovation susceptibles de bénéficier au consommateur. C’est d’ailleurs bien là l’enjeu.
Dans le contexte de convergence du fixe et du mobile, un nouvel entrant qui proposerait déjà des accès internet fixes pourrait miser sur le transport quasi gratuit de la voix sur réseau IP, et installer, dans les box de ses clients haut débit, des minirelais lui permettant ainsi d’étendre son réseau de téléphonie mobile. Des offres attractives et illimitées en quadruple play – fixe, mobile, haut débit et télévision – pourraient ainsi se développer. Ce serait alors une nouvelle avancée de la banalisation des nouvelles technologies, ainsi ouvertes à tous.
L’entrée d’un nouvel opérateur sur le marché du mobile peut donc offrir de nouvelles opportunités en matière de tarifs et d’usages. Mais le bénéfice escompté ne doit pas s’obtenir à n’importe quel prix. D’abord, il est essentiel que l’attribution d’une licence à un nouvel entrant se fasse de manière équitable, pour ne pas déstabiliser l’industrie du mobile.
À ce titre, la solution retenue par le Gouvernement, qui consiste à proposer ce lot de 5 mégahertz à un prix proportionnellement équivalent au prix acquitté par les trois premiers opérateurs, semble raisonnable.
Toutefois, on peut s’interroger sur l’exactitude et sur la valeur juridique de cette méthode. En tout état de cause, un certain nombre de précautions devront être prises.
Les uns estimaient que l’accès au rang d’opérateur mobile grâce au lot réservé à un nouvel entrant impliquait de survaloriser ce lot. Il est important de signaler ce point.
D’autres jugeaient que le quatrième opérateur, à qui l’on proposait la bande représentant le tiers de celle qui était occupée par chacun des trois autres, était pénalisé et qu’il devait donc payer moins cher que s’il avait concouru pour un lot identique à ceux détenus par les autres opérateurs.
Entre ces deux positions, le prix de 206 millions d’euros représente-t-il vraiment un compromis équitable ? La question mérite d’être posée.
Assurer l’équité, c’est aussi exiger de ce quatrième opérateur qu’il contribue à la réduction de la fracture numérique. Le déploiement de la 3G ayant pris du retard, il revient à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, d’obtenir des opérateurs existants qu’ils remplissent leurs obligations en la matière, notamment en utilisant pour la 3G la bande 900 mégahertz initialement dédiée au GSM.
Vous l’avez affirmé, monsieur le secrétaire d’État, le cahier des charges du nouvel entrant sera au moins aussi exigeant que celui des trois opérateurs en place, non seulement pour assurer l’équité entre les opérateurs, mais aussi pour ne pas sacrifier la couverture du territoire sur l’autel du consumérisme. Il est essentiel d’imposer au nouvel entrant des obligations de couverture nationale identiques à celles qui incombent aux opérateurs en place, surtout en milieu rural. Notre collègue Bruno Sido reviendra sur ce sujet dans quelques instants, plus particulièrement sur son financement.
C’est ambitieux, mais pas forcément utopique ; le nouvel entrant sera autorisé à utiliser la bande 900 mégahertz, et ces fréquences basses lui permettront de déployer à moindre coût son réseau ; il bénéficiera aussi, pendant un temps, de l’itinérance sur un réseau mobile GSM existant, dès qu’il couvrira 25 % de la population ; enfin, il aura accès aux sites 2G réutilisés en 3G.
Ce dernier point est essentiel ; seul le partage de sites permettra un déploiement rapide de ce quatrième réseau et, dans un second temps, une division par quatre du coût de l’extension de la couverture 3G du territoire, comme le prévoit la loi de modernisation de l’économie.
Dans le contexte actuel d’inquiétude croissante de la population, mais aussi du juge, sur les conséquences des réseaux mobiles sur la santé, cette mutualisation apparaît surtout comme le meilleur moyen d’assurer le déploiement des réseaux.
Sur ce point, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous, au nom du Gouvernement, à la fois rassurer la population sur la nature des risques réellement encourus par son exposition aux différentes sources d’ondes électromagnétiques – au-delà de celles qui sont liées à la téléphonie mobile – et rassurer les opérateurs sur votre volonté de développer les réseaux numériques, socles de la croissance de demain ?
Vous avez annoncé à l’Assemblée nationale un « Grenelle » des antennes. C’est une excellente idée, car il me paraît urgent de traiter au fond cette question lancinante, qui a pris une dimension nouvelle à la suite d’un arrêt récemment rendu par la cour d’appel de Versailles. Il faut qu’enfin le Gouvernement se positionne pour ne pas laisser au seul juge toute latitude pour interpréter le principe de précaution ou la notion de « troubles de voisinage ». C’est une question essentielle pour l’avenir. Il est temps d’apporter des réponses claires qui mettent un terme à cette polémique grandissante, aujourd’hui relayée par des décisions de justice.
Assurer l’équité, c’est aussi impliquer le nouvel entrant dans la dynamisation nécessaire de la concurrence sur le marché de la téléphonie mobile. Le fait de réserver 5 mégahertz à un nouvel entrant sur le marché de la téléphonie mobile ne doit pas servir d’alibi pour ne pas chercher, de manière complémentaire, à raviver le rôle d’aiguillon concurrentiel que doivent jouer les opérateurs mobiles virtuels.
Comme l’a souligné le Conseil de la concurrence dans son avis de juillet dernier, l’octroi d’une quatrième licence peut créer une dynamique positive, mais à la condition « qu’elle s’accompagne d’un “déverrouillage” des conditions techniques, tarifaires et contractuelles faites aux opérateurs virtuels ».
Ce sont les quatre opérateurs de réseau qui doivent s’engager dans ce « déverrouillage » indispensable. À ce titre, je souhaiterais savoir si le Gouvernement, que ce soit dans le cadre du concours de beauté prévu pour les nouveaux entrants ou lors des enchères envisagées pour les deux lots ouverts à tous les opérateurs mobiles, entend fixer des obligations claires aux opérateurs virtuels, lesquelles s’imposeraient aussi bien au nouvel opérateur qu’aux opérateurs existants. Les mobile virtual network operators, les MVNO, doivent être en mesure de concurrencer les offres de détail des opérateurs de réseau, notamment en détenant leurs propres éléments de cœur de réseau. Ils devraient aussi pouvoir aisément mettre en concurrence les opérateurs de réseau, grâce à des contrats plus courts et moins exclusifs.
Pour conclure, je tiens à confirmer que la commission des affaires économiques soutient la décision du Gouvernement de ne plus tarder à attribuer les fréquences encore disponibles. Mais cette attribution doit se faire avec prudence et équité, dans le souci de promouvoir à la fois la concurrence et l’investissement, et doit bénéficier au consommateur d’aujourd’hui mais aussi de demain, quel que soit l’endroit où il se situe sur le territoire. C’est bien de mobilité qu’il s’agit.
Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, l’accélération de la couverture des zones blanches mobiles est un objectif essentiel qui doit être au centre de nos préoccupations, tout comme la généralisation de la TNT et l’accès à l’internet haut débit pour tous. Ces chantiers, engagés au titre de la mise en œuvre du plan numérique, doivent répondre aux exigences d’égalité d’accès au service sur l’ensemble du territoire.
Si je salue une réelle volonté de placer la France au premier rang des grandes nations numériques, je déplore, en revanche, que le débat soumis au Parlement soit tronqué. En effet, le calendrier est bouclé, la redevance d’ores et déjà fixée et le lancement de l’appel à candidatures s’effectue dans des conditions de neutralité discutables.
Si je m’en tiens à la présentation faite devant notre assemblée, nous devons ouvrir la concurrence à un quatrième opérateur.
Si je tiens compte de la présentation faite aux médias – avant même celle qui est faite à notre assemblée – de ce projet d’attribution des fréquences, tout laisse à penser que cet appel à candidatures reste du « sur mesure » pour un candidat autrefois évincé.
Aujourd’hui, l’objectif est, selon votre stratégie, d’attribuer les fréquences disponibles dans les bandes des 2, 1 gigahertz, dites « 3G » - comme cela a été rappelé, cette attribution a pris beaucoup de retard – ainsi que trois lots de 5 mégahertz, dont deux lots seront ouverts aux trois opérateurs existants, le troisième étant réservé à un nouvel entrant.
Ce nouvel entrant potentiel, par exemple Free, avance déjà son objectif : faire baisser la facture de chaque foyer d’environ 1 000 euros par an. De ce point de vue, l’ouverture à la concurrence est indiscutable.
Vous avez d’ailleurs rappelé, monsieur le secrétaire d’État, que l’ensemble pouvait représenter une économie globale de 1, 224 milliard d’euros par an. Si ces prévisions s’avèrent exactes, vous avez effectivement raison de rechercher la diminution des prix et, ainsi, de favoriser le pouvoir d’achat. Encore faut-il veiller à ce que cette baisse des prix soit pérenne !
De ce fait, je peux comprendre un appel à candidatures taillé sur mesure pour la bonne cause. Mais je vous rappelle que l’attribution de ces fréquences constitue d’abord un mode de valorisation important du patrimoine immatériel de l’État. L’opération, en ces temps difficiles pour les finances publiques, n’est donc pas anodine.
Puisque le Parlement s’est dessaisi, aux termes de la loi du 3 janvier 2008, dite loi Chatel, de la faculté de fixer le montant de la licence, je voudrais vous indiquer nos préoccupations.
Le nouvel entrant, quel qu’il soit, devra être soumis aux mêmes règles que ses concurrents en termes d’investissements. Il devra aussi proposer un plan de développement ambitieux et offrir, malgré ses prix bas, un service public de qualité ainsi que des solutions de désenclavement pour une couverture nationale du territoire.
S’agissant, tout d’abord, des investissements, je rappellerai que les trois opérateurs ont déboursé successivement 619 millions d’euros chacun pour leur licence.
Le chiffre de 206 millions d’euros annoncé pour le nouvel opérateur, s’il n’est pas dérisoire, semble très faible, même s’il est défini comme la division équitable et raisonnable du tiers des fréquences attribuées à l’époque.
Monsieur le secrétaire d’État, vous arguiez, la semaine passée, lors du débat à l’Assemblée nationale, du caractère proportionnel que devait revêtir une redevance. Certes ! Mais vous conviendrez avec moi que l’attribution de cette licence se rapproche plus d’un droit d’entrée que d’une véritable redevance !
Il conviendrait donc de préserver un droit d’entrée plus juste au regard des trois opérateurs en place, qui ont réalisé la plupart des investissements permettant de couvrir 99 % du territoire. Ainsi, le nouvel entrant bénéficie d’un réseau 3G déjà en partie déployé.
Le deuxième volet est celui de l’emploi et du développement. Si j’ai bien entendu vos arguments sur la place prépondérante des technologies de l’information et de la communication, et même si je souscris aux objectifs d’investissements dans cet outil de croissance, je pense qu’il convient d’être vigilant, en période de crise, sur les conséquences pour les emplois et la politique d’investissement des opérateurs actuels.
En effet, tous les analystes, ainsi que le rapport de la direction du trésor portant sur l’ouverture à la concurrence, craignent que les opérateurs historiques ne soient fragilisés. Une perte de 25 % de leurs revenus est annoncée. Si le nouvel entrant détient 10 % des parts du marché, cette perte conduira nécessairement à une suppression d’emplois et à une diminution préjudiciable de l’ensemble des services qui, chez certains opérateurs, sont déjà très insuffisants !
Après le passage de la tempête Klaus, nous avons pu mesurer dans le grand sud-ouest que la réactivité de certains opérateurs était inexistante !
Mme Terrade marque son approbation
Dans ces conditions, l’appel à candidatures devra prévoir un mécanisme de compensation de ces effets, à travers un plan ambitieux de développement prenant en compte le problème de l’emploi.
Enfin, en termes de service public, je vous invite à bien mesurer les effets que cette ouverture pourrait avoir sur la qualité des services, notamment sur celles du service après-vente et de l’assistance.
Bien entendu, il conviendra de comparer cet engagement à celui de la couverture ADSL où, dans de nombreux départements, seul l’opérateur historique assure le service.
Si l’on souhaite ouvrir à la concurrence, je vous invite également, à l’instar de M. Hérisson, qui a parlé au nom de la commission des affaires économiques, à préserver les MVNO. En tout cas, il faut protéger la capacité de ces opérateurs à exister sur le marché de la téléphonie mobile. L’accueil de ces petits opérateurs, qui représentent aujourd’hui un peu plus de 5 % du marché, permettrait de faire baisser les prix sans avoir à supporter les coûts de déploiement d’un réseau, la capacité des MVNO étant louée aux opérateurs. L’absence de clauses d’exclusivité et de droits de priorité constitue l’une des pistes à explorer. Quoi qu’il en soit, nous vous demandons de bien vouloir prendre en compte la préservation de ces petits opérateurs dans le cadre de cet appel à candidatures.
Enfin, permettez-moi de vous interroger une nouvelle fois sur les objectifs de couverture du territoire et sur les modalités d’attribution de ces licences. S’il est clair que l’ouverture à la concurrence est nécessaire, il est indispensable que l’offre de téléphonie soit abordable, afin que tout le monde puisse y accéder et, surtout, que le candidat retenu présente un projet répondant aux préoccupations liées à l’aménagement du territoire par une couverture rapide du territoire.
À ce titre, il nous apparaît essentiel que l’appel à candidatures exige du candidat qu’il s’engage à couvrir 80 % du territoire dans la première phase, et qu’il ne se limite pas aux 25 % annoncés, qui seraient satisfaits par un seul déploiement à Paris et à Lyon ! À mes yeux, ce point est crucial et je pense, mes chers collègues, que vous partagez tous ce point de vue.
On sait que le nouvel entrant présumé avait sollicité un investissement progressif là ou les autres opérateurs avaient investi en masse. La couverture des zones rurales doit être le premier critère d’attribution. N’oublions pas que l’enjeu principal est de réduire la fracture numérique !
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, sans être hostile à ce plan, je vous engage à reprendre les éléments essentiels que je viens de vous exposer, et qui me paraissent incontournables. Ils permettront de préserver une qualité de services ainsi que l’emploi, qui demeure, bien entendu, au centre de nos préoccupations, et de réaliser un aménagement équilibré de notre territoire dans les meilleurs délais. Il est temps que la politique gouvernementale prenne en compte ces besoins, en particulier pour les territoires ruraux.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, depuis quelques mois, la Chine compte plus d’internautes que n’en comptent les États-Unis ; de même, il y a plus de « mobinautes », c'est-à-dire d’abonnés au téléphone mobile, en Inde qu’aux États-Unis.
La révolution numérique est non seulement planétaire, mais aussi systémique, dans le bon sens du terme. N’en doutons pas, comme les deux précédentes révolutions industrielles, elle est en train de redessiner profondément la carte de la prospérité mondiale.
Dans cette nouvelle bataille, sur ce nouveau front, la France et l’Europe disposent d’avantages et d’atouts, mais connaissent aussi des retards.
Parmi leurs atouts, citons la pénétration du haut débit ou le prix du triple play, qui est, en France, trois fois moins élevé qu’aux États-Unis.
Parmi les handicaps dont souffre l’Europe, citons le plus faible développement du très haut débit, par rapport aux États-Unis et, surtout, au continent asiatique, ainsi que des investissements insuffisants dans les nouvelles technologies de l’information. Ceux-ci sont deux fois plus faibles qu’aux États-Unis et de deux à quatre fois plus faibles que dans les pays d’Europe du Nord.
Madame et monsieur les secrétaires d'État, votre objectif est de créer en France un environnement numérique aussi avancé que possible pour placer notre pays à la tête des grandes nations à même de relever cette nouvelle ambition numérique et de croissance.
La politique du spectre est capitale, car elle peut nous aider à relever ce défi. Sans doute comme la plupart de mes collègues, je me réjouis de l’organisation d’un tel débat, même s’il est un peu frustrant qu’il ne soit pas conclu par un vote. Les fréquences et le spectre sont un bien public appartenant à l’État, mais aussi une ressource rare, qu’il faut affecter. Enfin, leur potentiel économique et social est extrêmement important.
Par conséquent, la gestion du spectre par l’État ne saurait se réduire à une gestion patrimoniale aux termes de laquelle celui-ci chercherait simplement à maximiser son profit immédiat. Au contraire, l’État doit adopter une vision stratégique afin de préparer l’avenir de la France. S’agissant du spectre, les choix sont décisifs, et ceux que vous nous proposez, madame et monsieur les secrétaires d’État, doivent nous permettre de relever trois défis successifs.
Le premier défi, c’est celui des usages et des technologies. Comme l’atteste l’essor de l’internet mobile, ces deux aspects sont liés : l’augmentation du débit a pour corollaire l’essor de l’internet mobile.
S’agissant de ces défis technologiques, nous sommes confrontés à une double exigence : d’une part, celle d’un débit croissant ; d’autre part, celle d’une mobilité croissante.
Les nouveaux usages réclament des débits croissants, des bandes passantes d’une capacité croissante, d’une part, en raison d’une plus grande utilisation d’internet, d’autre part, parce qu’internet est désormais utilisé de façon simultanée. Le très haut débit répond précisément à cette exigence d’une capacité croissante.
Voilà quelques années, Ericsson avait calculé que, grosso modo en cinq ans, soit de 2007 à 2012, le trafic serait multiplié par sept en Europe occidentale. Il faut donc que nos tuyaux puissent répondre à cette explosion des usages et du trafic.
La deuxième exigence, c’est celle de la mobilité. La société de l’information, c’est la société de l’ubiquité et de la mobilité : « Ce que je veux, quand je veux et où je veux, sans fil à la patte. » Ce fil à la patte peut à la rigueur exister chez soi ou au bureau, mais on a en tout cas besoin de mobilité. Par conséquent, il ne fait aucun doute que le développement des réseaux et des grandes infrastructures d’aujourd’hui et de demain passe non seulement par le très haut débit filaire, notamment la fibre optique, mais aussi par le très haut débit mobile.
Pour ma part, je tire deux conclusions de ce premier défi que nous devons relever, compte tenu des décisions que vous annoncez.
D’une part, il me paraît logique de permettre aux opérateurs du fixe d’œuvrer aussi dans le mobile et de les accompagner dans cette démarche de convergence. Une porteuse de 5 mégahertz est un début. Mais, à l’avenir, il ne sera pas possible de se limiter à cette capacité, même s’il est entendu que l’opérateur du premier temps pourra postuler dans un deuxième temps.
D’autre part, s’agissant du dividende numérique, il faut se projeter très vite dans l’avenir, car, dans le domaine du très haut débit mobile, 2012, c’est demain. Il faudra prévoir des tuyaux, ce qu’on appelle des canalisations, qui autoriseront réellement des débits de 100 mégabits non seulement en crête, mais encore en débit moyen, dans le cas où l’antenne est éloignée ou lorsque plusieurs personnes téléphonent ou surfent en même temps.
Afin que cette infrastructure soit dès à présent dimensionnée pour les vingt prochaines années, il faudra que ces canalisations aient une capacité de 15 mégahertz.
Je reviendrai tout à l’heure sur ce point capital.
Après avoir exposé le premier défi que nous devons relever, celui de la technologie, j’en viens au deuxième défi, économique.
Mes chers collègues, nous devons nous poser une question : quel est le meilleur écosystème permettant de maximiser et d’optimiser le surplus économique et social ?
Est-ce un système à 3, tel qu’il existe actuellement, un système à 3, 5 ou un système à 4 ? S’agissant d’une ressource rare, le Gouvernement doit prendre des décisions, notamment quant à la bande de fréquence 2, 1. Partout en Europe, les décisions ont été prises et les fréquences affectées.
S’agissant du dividende numérique, nous ne devons pas tarder, même si je sais que son extraction, dont dépend le passage au tout-numérique, constitue un énorme chantier. Madame la secrétaire d’État, j’espère que vous disposerez des moyens politiques pour le piloter dans toutes ses dimensions, car, si tel n’était pas le cas, nous courrions de grands risques.
Nous devons impérativement prendre de l’avance et affecter les fréquences en or du dividende en 2009. Cette décision est la bonne, parce que les industriels ont besoin de visibilité pour produire, par exemple, les terminaux nécessaires, mais aussi parce que nous devons être prêts à mettre en place le très haut débit LTE, qui autorisera des débits supérieurs à ceux que permettent aujourd’hui la 3G et la 3G+.
Madame la secrétaire d’État, vous avez partiellement répondu à la question suivante : à quoi le succès du GSM est-il dû, succès qu’il importe de reproduire ? Il tient à l’harmonisation des normes au niveau européen. Précisément, où en est-on à l’heure actuelle ?
Pour en revenir à la 3G, deux conditions doivent à mon avis être remplies pour que l’attribution d’une quatrième licence ait du sens.
Premièrement, elle ne doit pas privilégier un modèle ou inciter le nouvel entrant à adopter un comportement de passager clandestin. En clair, cela signifie que les gains immédiats pour les consommateurs ne sauraient être obtenus au détriment de l’investissement et de l’innovation, qui conditionnent, pour les mêmes consommateurs, les futurs gains en pouvoir d’achat.
En d’autres termes, le nouvel attributaire de cette quatrième licence devra scrupuleusement satisfaire aux obligations de la précédente soumission comparative. En matière de coût, la bonne solution est sans doute celle que vous retiendrez, madame et monsieur les secrétaires d’État, dans la mesure où, sur un plan juridique, elle est la plus « bordée ». Aussi, je vous invite à retenir une solution juridique plutôt que toute autre solution ou tout autre échafaudage, qui, à mon avis, présentent un certain nombre de risques.
Deuxièmement, pour que la quatrième licence ait un sens, il convient de déverrouiller le marché. Comme l’a souligné avec raison Pierre Hérisson, le nombre d’opérateurs présents sur un marché ne garantit pas à lui seul la baisse des tarifs.À cet égard, le cas de l’Allemagne est exemplaire.
Seules les conditions de déverrouillage du marché, et notamment du marché de gros, c’est-à-dire les MVNO, garantissent une baisse des prix.
Nous avons discuté de cette question lors de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
En France, les MVNO, dont le nombre est inférieur à cinq, sont d’une taille très modeste et voient leurs parts de marché diminuer. Je rappelle que la moyenne européenne se situe à 18 %.
C’est donc un vrai souci, dont il faut tirer toutes les conséquences. Ainsi, les critères d’attribution devront, pour les 5 mégahertz et 10 mégahertz sur la bande 2, 1, respecter ce choix. Mais cela ne suffit pas. Sur la base des conclusions rendues par le Conseil de la concurrence au cours de l’été dernier, l’ARCEP devra organiser une table ronde réunissant l’ensemble des opérateurs, afin de refonder un modèle de développement des MVNO. Aujourd’hui, un tel modèle est inexistant en France.
Oui, la quatrième licence peut permettre de déverrouiller le marché, mais de façon partielle. C’est pourquoi il ne faut pas négliger les MVNO.
Le troisième défi, c’est celui de la couverture du territoire.
Parmi les pays européens, la France est celui dont la densité démographique est l’une des plus faibles. En outre, sa population rurale représente 31 % de sa population totale, contre 4 % au Royaume-Uni, 10 % en Italie et 20 % en Allemagne. Cette spécificité française rend notre pays plus fragile, ainsi qu’on le constate lorsqu’il s’agit de déployer le réseau à haut débit. Certes, des progrès ont été enregistrés dans les domaines de la troisième génération de mobiles, de la TNT ou de la radio. Mais je rappelle que, si l’on reçoit cinquante-deux stations de radio à Paris, on ne peut cependant en capter que quatre ou cinq dans certaines zones de France ! Pourtant, nous sommes au XXIe siècle !
La quatrième licence est une exigence très importante. Pour autant, son attribution ne doit pas se faire au détriment de l’aménagement du territoire, qui, pas plus que la couverture du territoire, ne doit être une variable d’ajustement.
Oui, monsieur le président.
Il faudra veiller à ce que la couverture soit extrêmement importante. Pour ma part, j’estime qu’une couverture de 80 % de la population au bout de huit ans est trop tardive. Cette exigence devra être un critère de sélection des candidats.
Enfin, en matière d’obligation de couverture, il y a la troisième échéance, notamment pour SFR et Orange. L’ARCEP, qui, en vertu de la loi de modernisation de l’économie, dispose d’un pouvoir de sanction, ne doit pas accepter de transiger sur la question du coût de la couverture et qu’il soit porté atteinte à cette troisième échéance.
Pour conclure, je ferai trois remarques.
Premièrement, vous avez raison d’associer des fréquences hautes, qui permettent de gros débits dans des zones denses, avec des fréquences basses, qui permettent de bons débits dans des zones peu denses. C’est un pari gagnant aussi bien pour la bande 2, 1 UMTS que pour la bande du dividende.
Deuxièmement, le Conseil économique, social et environnemental nous expliquait hier que, en 2020, seuls 40 % des Français seront reliés à la fibre optique. Cela signifie que, pendant longtemps, le déploiement du très haut débit sera multimodal : il se fera dans les grandes villes et dans les zones très denses à partir de la fibre. Mais le très haut débit mobile permettra aussi d’assurer la desserte des zones moins denses. Cela signifie que la multimodalité porte à la fois sur la fibre et sur les fréquences radioélectriques.
La mutualisation est un aspect capital. On voit bien que seuls deux opérateurs bénéficieront des 72 mégahertz de sous-bande qui restent à répartir. Il n’est pas question que des abonnés à un opérateur qui ne serait pas l’un des deux opérateurs du dividende ne puissent pas téléphoner lorsqu’ils sont en dehors de Paris ou des grandes villes. Beaucoup de nos collègues s’interrogent sur ce point.
À tout le moins, conservons à la France sa spécificité en matière de régulation, à savoir la concurrence par les infrastructures. Certes, la mutualisation est indispensable pour compléter le réseau, mais je puis vous assurer, mes chers collègues, que, sans cette concurrence par les infrastructures, les finances des collectivités locales auraient été davantage sollicitées.
Pour conclure, j’évoquerai la question de la prévisibilité. En France, nous sommes très inventifs dès lors qu’il s’agit de créer des taxes – par exemple, sur le chiffre d’affaires – ou des règles. En outre, nos jurisprudences contredisent toutes les analyses scientifiques. Aussi, au moment où il est question d’attribuer une quatrième licence et donc de créer un nouveau réseau physique, il faudra à mon avis aller au-delà d’un « Grenelle des antennes ».
Voilà quelques jours, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale a adopté un amendement par lequel elle pose le principe de l’exposition la plus faible possible aux ondes radioélectriques.
Le Gouvernement doit se monter ferme et, peut-être, réfléchir à un dispositif d’inversion de la charge de la preuve pour permettre le déploiement des réseaux. À défaut, ce dernier sera stoppé, et ce seront les populations rurales qui, une nouvelle fois, en pâtiront.
Ces décisions sont très importantes pour préparer la France de demain. Mes chers collègues, je ne doute pas que vous en soyez convaincus comme je le suis moi-même.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE
Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de l’attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile, conformément aux dispositions de l’article 22 de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, qui prévoit un débat au Parlement avant la mise en œuvre des dispositions relatives à l’exploitation d’un réseau mobile de troisième génération.
À la demande du Gouvernement, l’ARCEP va lancer un appel à candidatures pour la mise à disposition des fréquences de la bande de 2, 1 gigahertz correspondant à la quatrième licence UMTS, non encore attribuée. Il devrait y avoir trois lots de 5 mégahertz chacun, un des lots étant réservé à un nouvel entrant.
En outre, il est prévu que l’ARCEP engage une consultation publique sur les conditions et les modalités d’un appel à candidatures conjoint dans les bandes de fréquences de 790-862 mégahertz, c’est-à-dire la partie du dividende numérique affectée à l’internet à très haut débit après l’extinction de la télévision en analogique, et de 2, 6 gigahertz, bande qui devrait être libérée par les militaires à partir de 2010.
Le débat sur la quatrième licence s’engage cependant dans un contexte très particulier puisque les parlementaires ont pris connaissance de nouvelles informations, notamment le prix du ticket d’entrée, et ce dans la presse du 5 février, c’est-à-dire avant le premier débat prévu le même jour, à dix heures trente, à l’Assemblée nationale.
Cette manière de procéder ne paraît guère respectueuse ni de la lettre, ni de l’esprit de la loi, ni donc des droits du Parlement.
Les parlementaires auraient-ils été « victimes » de la course de vitesse, devant les médias, entre les deux ministères – je n’ose pas dire entre les deux ministres –, chacun voulant à l’évidence marquer son territoire et ne rien céder à l’autre ?
Quoi qu’il en soit, l’ouverture de la procédure d’attribution de la quatrième licence soulève des questions de plusieurs natures.
Tout d’abord, y a-t-il place sur le marché pour un nouvel opérateur, dans un climat de profonde crise économique et sociale ? Quelles seraient les conséquences de l’arrivée de ce nouvel entrant pour les trois premiers opérateurs et pour les opérateurs de réseau mobile virtuel, les MVNO ?
Le marché de la téléphonie mobile représente aujourd’hui plus de 58 millions d’utilisateurs et, en 2008, pour la première fois, les communications téléphoniques passées avec un mobile sont plus nombreuses que celles qui sont passées depuis un poste fixe.
Dans la mesure où il n’y a que trois opérateurs de téléphonie mobile en France, il est tentant d’en tirer la conclusion qu’il y a place pour un quatrième. C’est d’ailleurs ce que fait le Gouvernement, qui estime qu’un quatrième opérateur pourrait apporter une croissance de 7 % du marché.
Une analyse de la situation dans les autres grands États de l’Union européenne montre que le quatrième opérateur occupe une place marginale – 2, 5 % de parts de marché en Espagne – et qu’il éprouve de grandes difficultés à se maintenir. Ses dirigeants peuvent être conduits soit à une cession à l’un des trois premiers opérateurs – c’est déjà fait aux Pays-Bas –, soit à la recherche d’une telle cession, comme c’est le cas en Allemagne et en Grande-Bretagne.
En outre, compte tenu de la situation économique prévisible en 2009, il est très vraisemblable que le marché de la téléphonie mobile subisse aussi les effets de la crise. Une étude menée par l’agence Reuters évoque la possibilité d’une contraction du marché de plus de 6 %, les consommateurs hésitant, notamment, à changer leur terminal mobile.
Par ailleurs, nous avions cru comprendre que le Gouvernement voulait améliorer le sort des MVNO qui demandent des conditions d’hébergement plus justes sur les plans technique et tarifaire. Je discerne mal en quoi l’arrivée d’un quatrième opérateur permettrait de répondre à cette attente.
Il est donc légitime de s’interroger sur l’opportunité de faire entrer maintenant un nouvel opérateur sur un marché qui subira, comme tous les autres, les effets de la crise. À moins qu’il n’y ait un lien avec l’instauration de la taxe de 0, 9 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications pour contribuer au financement des chaînes publiques de télévision ! S’agirait-il d’inciter les trois opérateurs à ne pas augmenter leurs tarifs lors de l’entrée en vigueur de la taxe ?
Cette interrogation m’amène à la deuxième question que pose la décision du Gouvernement : l’arrivée d’un quatrième opérateur est-elle de nature à faire baisser les prix ?
L’objectif du Gouvernement est de rendre du pouvoir d’achat aux Français, objectif qu’il ne parvient pas à atteindre. Il considère que l’arrivée d’un quatrième opérateur devrait stimuler la concurrence et se traduire par une baisse des prix de 7 % et par une meilleure offre de services.
Les associations de consommateurs se réjouissent de l’attribution de la quatrième licence, tout en attendant de connaître plus précisément les modalités de l’appel à candidatures. Elles considèrent probablement que, si les tarifs baissent sur tout le territoire national sans déstabiliser pour autant l’équilibre du marché, l’arrivée d’un quatrième opérateur sera bénéfique. Mais qu’en sera-t-il réellement ?
Selon une étude de l’observatoire économique de la téléphonie mobile, le prix moyen de la minute mobile sortante est moins élevé en France que dans les pays qui comptent plus de trois opérateurs. Il semble donc que l’accroissement de la concurrence ne garantisse pas à lui seul la baisse des prix pour les consommateurs.
Par ailleurs, même en admettant que le nouvel opérateur veuille faire baisser les prix, ne sera-t-il pas tenté par la solution du low cost, avec les effets néfastes qui en résulteraient pour l’économie : bas salaires et diminution de l’offre de services, par exemple ?
En outre, il ne disposera dans un premier temps que de 5 mégahertz, auxquels s’ajouteront les 5 mégahertz libérés par les autres opérateurs dans les dix-huit à vingt-quatre mois suivant l’attribution de la nouvelle licence.
Il est donc possible que les tarifs du nouvel opérateur soient compétitifs, mais seulement sur les territoires où il disposera d’un réseau. Pour qu’il propose une offre géographiquement plus étendue, il faudra attendre qu’il ait atteint les taux de couverture de population lui permettant de bénéficier de la clause d’itinérance, à savoir du droit d’utiliser le réseau de ses concurrents, moyennant rémunération.
Cela dit – et j’appelle votre attention sur ce point –, pouvoir utiliser des réseaux est une chose, vouloir le faire en est une autre !
Cela me conduit à évoquer la question des contraintes qui seront imposées au nouvel opérateur en matière d’aménagement du territoire.
Le cahier des charges annexé à la licence octroyée à chaque opérateur mobile actuellement sur le marché précise ses obligations en matière de couverture de la population.
Les trois opérateurs se sont engagés à résorber les zones blanches. Actuellement, chacun d’eux consacre environ un milliard d’euros par an à l’amélioration de son réseau.
L’itinérance fait aussi partie des obligations des opérateurs. Il s’agit de la possibilité pour un opérateur d’utiliser les infrastructures mises en place par un autre. Dans la situation actuelle, un opérateur couvrant 25 % de la population peut bénéficier de l’itinérance. Ce pourcentage peut paraître important, mais je rappelle que la couverture de la région d’Île-de-France et des cinq autres plus grandes agglomérations françaises suffit pour l’atteindre, donc pour bénéficier de l’itinérance.
L’article 119 de la loi de modernisation de l’économie prévoit un partage des installations des réseaux de troisième génération. Les conditions de la mise en œuvre de ce partage, notamment le seuil de couverture exigé, seront déterminées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Avec ces dispositions, le nouvel entrant peut ne pas investir et se contenter de profiter des infrastructures des autres opérateurs. Dès lors, l’intérêt concurrentiel à investir pour les autres opérateurs est réduit. Le risque existe que ces derniers ralentissent leurs investissements dans les zones moins denses et moins rentables, avec pour conséquence un moindre effort en faveur de la réduction de la fracture numérique.
Il est donc particulièrement important que les obligations demandées au nouvel entrant en matière de couverture du territoire soient identiques à celles qui ont été exigées des opérateurs actuellement en place.
J’en viens à la question de savoir si la procédure retenue par le Gouvernement présente toutes les garanties d’un strict respect des règles de la concurrence.
Le nouvel opérateur obtiendra un droit d’accès à moindre frais : 206 millions d’euros, à comparer aux 619 millions d’euros acquittés par chaque opérateur en place qui dispose d’un lot de 15 mégahertz.
Avec un lot de 5 mégahertz, complété par un autre lot de 5 mégahertz libérés par les autres opérateurs, le nouvel entrant disposera donc de 10 mégahertz pour le prix de 5 ! Son entrée sur le marché se fera ainsi dans des conditions qui lui seront favorables.
Dès lors, on peut se demander comment vont réagir ses concurrents. Ne risquent-ils pas de considérer la procédure d’attribution comme une aide déguisée de l’État au nouvel entrant ?
On peut également s’interroger sur ce qui pourrait se passer dans l’hypothèse où il n’y aurait qu’un seul candidat. Dans ce cas, est-il prévu d’attribuer malgré tout une licence, ou bien un nouvel appel à candidatures sera-t-il lancé ?
La question n’est pas anecdotique. En effet, si l’on en croit toutes les rumeurs qui agitent le microcosme parisien, les jeux seraient faits en faveur d’un opérateur qui n’avait pas voulu verser, en 2007, les 619 millions d’euros correspondant à l’attribution d’une bande de fréquences de 15 mégahertz. Ledit opérateur avait même demandé au juge des référés du Conseil d’État de mettre fin à la procédure d’attribution. Cette requête avait alors été rejetée.
Telles sont, madame et monsieur les secrétaires d’État, les principales questions que je tenais à évoquer au nom du groupe socialiste.
Toutefois, l’actualité me conduit à aborder une question supplémentaire. En effet, et ce jugement est une première, la cour d’appel de Versailles, confirmant le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre, a ordonné le démontage d’émetteurs relais de téléphonie mobile en invoquant l’incertitude d’un éventuel impact sur la santé des riverains.
Cette décision de justice exige que le Gouvernement précise clairement sa position sur ce sujet dans la mesure où le quatrième opérateur devra installer de nouvelles antennes relais.
À l’Assemblée nationale, Mme le secrétaire d’État a suggéré la tenue d’un « Grenelle des antennes » afin de répondre à l’inquiétude de nos concitoyens sur l’exposition aux ondes électromagnétiques. Pourquoi pas ? Au nom de l’application du principe de précaution, il convient en effet de définir le niveau de protection nécessaire si l’on veut couvrir tout le territoire en téléphonie mobile en évitant une avalanche de recours en justice.
Notre groupe est également très attentif aux modalités qui seront retenues pour l’attribution des deux autres lots – concours de beauté ou enchères ? –, étant précisé qu’il nous paraît essentiel que l’État encaisse au moins 619 millions d’euros pour les trois lots, c’est-à-dire autant que si la quatrième licence avait été attribuée en même temps que les trois premières.
Je rappelle enfin, à l’attention du Gouvernement, qu’un recensement complémentaire, réalisé en liaison avec l’Assemblée des départements de France, a fait apparaître que 364 communes supplémentaires sont situées en zone blanche en téléphonie mobile et que de très nombreuses autres communes sont en zone grise, c’est-à-dire qu’elles ne sont desservies que par un ou deux opérateurs.
Dès lors, on peut penser que l’objectif prioritaire consiste non pas forcément à attribuer une quatrième licence, mais plutôt à assurer la couverture complète du territoire national par les trois opérateurs existants. Il reste en effet encore bien du travail à réaliser dans ce domaine.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, permettez-moi de me réjouir du présent débat sur l’attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile et du fait que le Parlement puisse, au-delà, évoquer le sujet essentiel du développement du numérique.
Le paysage numérique est en pleine évolution : une évolution permanente, une évolution sur tous les fronts.
Ces évolutions sont d’abord technologiques : le net mobile est en plein essor, la génération LTE, ou long term evolution, est en marche, la fibre se développe.
Elles sont aussi fort heureusement politiques et administratives puisque le Gouvernement, cet été, a introduit des dispositions positives dans la loi de modernisation de l’économie, avant de présenter, en octobre, le plan France numérique 2012.
Ce plan, très important, reconnaît enfin « le haut débit comme une commodité essentielle au même titre que l’eau et l’électricité » et assure que chaque Français bénéficiera du haut débit au 1er janvier 2010. Nous le souhaitons réellement et espérons sincèrement que les objectifs fixés seront atteints.
Le 12 janvier, le Premier ministre a présenté une stratégie d’ensemble s’agissant des fréquences et des réseaux mobiles. Il était temps, puisque la France est en retard dans l’affectation de ses fréquences, ce qui risque de nuire à la compétitivité de nos opérateurs et, au-delà, de notre pays.
Le Premier ministre a annoncé le lancement d’une consultation publique sur l’attribution des fréquences du dividende numérique et dans la bande des 2, 6 gigahertz réservée au très haut débit mobile.
Il a également décidé d’un appel à candidatures pour les fréquences de troisième génération avec, sur les trois lots, un lot de deux fois 5 mégahertz réservé à un nouvel entrant, c’est-à-dire à un quatrième opérateur.
C’est l’objet principal de notre débat de ce jour.
Sur le principe, on ne peut qu’approuver l’idée qu’il y ait un quatrième opérateur, car on ne peut qu’être favorable à la concurrence, sous réserve bien entendu qu’elle soit encadrée.
Le Conseil de la concurrence a souligné, dans son avis de juillet 2008, qu’un quatrième opérateur favoriserait la concurrence sur le marché de détail et également sur le marché des MVNO.
Si la baisse des tarifs de détail n’a jamais fait de doute – elle est évalué à 7 % –, l’impact positif d’un quatrième opérateur sur les MVNO a parfois été contesté – il l’a été encore ce matin par M. Teston –, certains considérant le quatrième opérateur comme un concurrent potentiel.
En réalité, il semble qu’un nouvel opérateur aura besoin des MVNO pour rentabiliser son réseau. En cela, leurs intérêts seront convergents.
On peut donc espérer que les MVNO, qui n’ont que 5 % des abonnés aux mobiles et représentent à peine 2 % du chiffre d’affaires du secteur, connaîtront un développement leur permettant de rompre avec des parts de marché marginales au regard de la situation observée chez nos voisins européens.
Pour cela, il faudra certainement, madame et monsieur les secrétaires d’État, revoir certains aspects réglementaires qui semblent freiner leur développement. M. Retailleau a parlé de « déverrouillage » ; vous en direz certainement plus sur ce sujet tout à l’heure.
La concurrence devrait également favoriser l’innovation, l’émergence de nouveaux services, de nouvelles offres, et le taux de pénétration du mobile.
Enfin, d’un point de vue économique, les investissements susceptibles d’être réalisés par un quatrième opérateur sont évalués à 1, 5 milliard d’euros ce qui, dans le contexte économique actuel, est plus que jamais appréciable et devrait permettre des retombées positives en termes d’emploi.
Quels que soient les éléments positifs attendus, il faut bien entendu encadrer cette concurrence que nous appelons de nos vœux.
Le président de l’ARCEP a déclaré devant le groupe d’études « Postes et communications électroniques » que l’ARCEP veillera à l’équité entre les opérateurs quant aux conditions d’accès au marché en termes de prix, de couverture et d’investissement.
En termes de prix, cette licence ne doit naturellement pas être bradée, d’autant que la concurrence qui en résultera risque d’avoir une incidence sur les résultats des opérateurs et, par là même, sur les recettes fiscales de l’État.
En termes de couverture, sujet important sur lequel je reviendrai, il convient que le quatrième opérateur ait les mêmes obligations que ses concurrents, en tenant toutefois compte du fait que ses capacités de couverture ne seront pas identiques.
En termes d’investissement, enfin, la mutualisation des infrastructures est bien entendu nécessaire. Il faudra cependant éviter que le quatrième opérateur n’investisse a minima pour bénéficier ensuite uniquement de l’itinérance offerte par ses concurrents.
Le quatrième opérateur ne doit pas être un « passager clandestin » ou un « coucou », selon l’expression utilisée par certains. Une telle situation serait néfaste au développement du réseau, car les opérateurs ne seraient plus incités à investir.
J’attire toutefois votre attention, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, sur la complexité de cette question. L’implantation de pylônes est en effet de plus en plus difficile en raison des réticences qu’elle suscite pour des questions environnementales et de santé publique. La récente décision de la cour d’appel de Versailles demandant le démontage d’une antenne au nom du principe de précaution a de quoi inquiéter les opérateurs, les élus et les utilisateurs.
Comment concilier le principe de précaution et l’arrivée d’un quatrième opérateur développant son propre réseau ? Autrement dit, comment développer les infrastructures sans multiplier les pylônes ? C’est un peu la quadrature du cercle ! Je serais heureux d’entendre le Gouvernement sur ce sujet.
Par ailleurs, il faut veiller à préserver la capacité des opérateurs français sur les marchés internationaux. Nous avons la chance d’avoir, dans ce domaine, des acteurs économiques performants. Nous en avons plus que jamais besoin ; veillons à ne pas les fragiliser !
Nous espérons que la vigilance de l’ARCEP ne sera pas amoindrie par un nombre limité, voire très limité de postulants, et que cette Autorité se réservera la possibilité de ne pas attribuer la quatrième licence si les propositions qui lui sont faites ne répondent pas à ses attentes et aux critères fixés.
La mission de l’ARCEP est donc complexe, puisqu’elle doit tout à la fois assurer les conditions de la concurrence et veiller à ne pas fragiliser les opérateurs existants.
Nous sommes à nouveau confrontés à la fameuse quadrature du cercle ! Là encore, le Gouvernement aura certainement des informations utiles à nous communiquer.
Cependant, quels que soient les avantages escomptés par l’attribution de cette quatrième licence, les garanties demandées par l’ARCEP et les assurances données par le Gouvernement, je ne peux m’empêcher d’éprouver une forte inquiétude, celle que la concurrence entre opérateurs, renforcée par l’arrivée d’un nouvel entrant, ne nuise encore à la couverture numérique du territoire, qui n’est pas aujourd’hui satisfaisante.
J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer à cette tribune mon attachement à la couverture numérique du territoire. Il existe encore aujourd’hui, vous le savez, un grand nombre de communes sans aucune couverture en téléphonie mobile et en haut débit. C’est notamment vrai dans mon département, qui, comme d’autres, a hélas ! refusé de signer la convention avec l’État et les opérateurs pour améliorer la couverture du territoire.
Il est inacceptable – je le dis comme je le pense – de parler de très haut débit quand certains territoires n’ont pas le haut débit. C’est d’autant plus inacceptable que le numérique est devenu indispensable en termes d’aménagement du territoire, de développement économique, de sécurité des biens et des personnes, et tout simplement de qualité de vie. Il n’est pas acceptable qu’il y ait, d’un côté, une France où l’usage numérique se développe et évolue chaque jour vers des technologies plus novatrices et performantes et des services plus nombreux et innovants et, de l’autre, des déserts numériques. Cela est d’autant plus insupportable que nos concitoyens, y compris les services de l’État, sont de plus en plus appelés à recourir au numérique. Les territoires sans couverture numérique sont voués à mourir. Il faut donc tout faire pour remédier enfin à cette situation.
C’est pourquoi je me suis opposé à l’instauration de la taxe de 0, 9 % sur les opérateurs de télécommunications, dont la commission des affaires économiques a estimé qu’elle équivalait à 380 000 raccordements de moins par an à la fibre optique.
Le Sénat a adopté un amendement, cosigné par Bruno Retailleau, Pierre Hérisson et moi-même, tendant à permettre de déduire de l’assiette de cette taxe les investissements en faveur du numérique. Sa portée a malheureusement été limitée par l’adoption d’un sous-amendement. Il conviendra de réexaminer cette disposition.
Je ne voudrais pas que les opérateurs, au nom de cette taxe et de l’entrée d’un quatrième opérateur, soient encore moins prompts à remplir leurs obligations et à couvrir le territoire. On sait que les objectifs fixés par l’ARCEP ne sont pas tenus et que cette Autorité devra prendre, cet été, des sanctions. Je souhaite pour ma part que ces dernières soient exemplaires et même sévères.
Quant au nouvel entrant, il aura pour priorité, ce qui est normal, de couvrir les zones rentables, d’autant qu’il ne pourra pas, a priori, couvrir autant d’abonnés que ses concurrents actuellement en place.
Les collectivités locales ont, de manière plus ou moins heureuse mais souvent dispendieuse, beaucoup investi pour compenser les défaillances de l’État et des opérateurs. Elles risquent d’être à nouveau sollicitées pour assurer une bonne couverture de la TNT, qui n’est hélas ! pas encore acquise. Elles ne peuvent aller au-delà. L’État doit jouer son rôle sur ce sujet très important.
J’ai été étonné de la déclaration de M. Chatel selon laquelle il n’y avait pas lieu de demander aux opérateurs d’aller plus loin en termes de couverture du territoire.
Je crois au contraire qu’il faut très clairement exiger des opérateurs – je dis bien « exiger » –, au besoin par un texte spécifique et selon des modalités à fixer quant à la prise en charge des coûts, une véritable obligation de couverture numérique pour tous. Cela a été fait par nos aînés pour le téléphone fixe, voilà une vingtaine d’années.
Nous devons, j’en suis convaincu, faire de même aujourd’hui pour la téléphonie mobile et l’internet à haut débit, et fixer comme objectif un taux de couverture de 100 %. Comment pourrait-on atteindre le « haut débit fixe et mobile pour tous en 2012 », cher à Mme Kosciusko-Morizet, si nous nous contentons des objectifs actuels ?
Loin d’être retardée par la crise économique, la couverture du territoire devrait en bénéficier.
Mme Kosciusko-Morizet a déclaré ceci à l’Assemblée nationale : « Les investissements dans l’économie numérique sont des plus productifs, car ils accroissent la compétitivité de l’ensemble des autres secteurs de l’économie. En outre, les emplois de l’économie numérique sont peu délocalisables ». C’est vrai, et c’est pourquoi je regrette, madame et monsieur les secrétaires d’État, que le numérique soit le grand absent du plan de relance de l’économie, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis.
Je regrette que ce secteur n’ait été cité par le Premier ministre, dans son discours du 2 février, qu’au travers d’une mesure ponctuelle et limitée, et qu’il n’ait pas été cité du tout, me semble-t-il, par le Président de la République, lors de son entretien télévisé du 5 février dernier.
Aussi, j’espère ardemment, madame et monsieur les secrétaires d’État, que, dans les prochaines semaines, le Gouvernement prendra des mesures fortes pour favoriser le développement numérique des territoires et, par là même, l’économie tout entière. Ces mesures sont tout particulièrement attendues par notre assemblée qui, vous le savez, est celle des territoires. Par avance, je vous en remercie.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, c’est sous la forme d’un amendement de dernière minute, non présenté devant la commission des affaires économiques, que, le 14 décembre 2007, le Gouvernement avait souhaité préciser sous quelles modalités les attributions des fréquences UMTS seraient en quelque sorte utilisées.
Cet amendement précisait, par ailleurs, que le produit des droits d’entrée comme des redevances acquittés par les opérateurs était affecté au Fonds de réserve des retraites, ou FRR.
Trois opérateurs – Orange, SFR et Bouygues – ont acquitté 619 millions d’euros pour obtenir l’une des trois premières fréquences.
Cette attribution, outre le droit d’entrée indiqué, est l’objet d’une redevance fondée sur le chiffre d’affaires, à hauteur de 1 % de celui-ci. Sans surprise, Orange, suivi de SFR et enfin de Bouygues, est le principal contributeur, disposant de la part de marché la plus importante.
Reste posée la question de la quatrième licence.
Dans un premier temps, le Gouvernement est intervenu dans le débat, lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie, pour prévoir expressément des conditions particulières d’attribution.
Cela fut réglé, d’une certaine manière, par les articles 114 et 119 de la loi de modernisation de l’économie qui, au-delà des critères habituels de qualité de couverture du territoire et de service rendu aux usagers de la téléphonie, permettaient de mettre en œuvre, sous la responsabilité de l’Autorité de régulation, une procédure de mise aux enchères de la quatrième licence.
Cette procédure de mise aux enchères prévoyait de facto des critères autonomes pouvant fort bien déroger aux contraintes de service public, dérogation allant évidemment jusqu’à un partage de la fréquence et, en conséquence, de conditions particulières de prix d’entrée !
Le cadre juridique de la loi Châtel est donc clairement fixé.
Il reste une fréquence disponible, et il est question, pour des raisons d’adaptation de l’offre de services aux capacités des candidats, de la partager.
Dans les faits, ce qui risquait d’arriver, avec le schéma choisi par la loi Châtel – comme quoi il faut toujours se méfier de l’urgence et de la précipitation en matière législative –, c’était un recours contre le niveau des enchères proposées au nouvel intervenant sur les fréquences de troisième génération, intervenant dont le nom circulait : le groupe Iliad, propriétaire, entre autres, de la marque Free.
Un prix d’ami, peu élevé, tel que celui qui pouvait être proposé à Iliad, et c’était immédiatement le recours des trois premiers attributaires devant la Commission européenne, pour non-respect des principes de concurrence libre et non faussée !
Alors, le Gouvernement a opté pour la solution de mise en place de conditions spécifiques d’attribution. Ce choix consiste à partager la quatrième fréquence en trois parties, ce qui pourra in fine justifier bien entendu que Free ne s’acquitte pas du même droit d’entrée que les autres.
Sans surprise, Free annonce aujourd’hui être prêt à payer 206 millions d’euros, soit le tiers de la somme payée par les autres opérateurs.
Quant à l’imposition du chiffre d’affaires, elle peut rester identique, là n’est pas la question.
Nous avons donc pu voir, dans cette affaire, la mise en œuvre d’une des formes les plus répandues de la loi ces derniers mois : l’adaptation du texte aux décisions stratégiques des groupes susceptibles de tirer parti de tel ou tel dispositif.
Nous avons débattu voilà peu d’un plan de relance dont les majors du secteur du bâtiment et des travaux publics attendent clairement le maintien de leur profitabilité. Il ne faut donc pas s’étonner d’en être arrivé là s’agissant de la téléphonie mobile !
La presse de ce mois de janvier est d’ailleurs explicite. Le 12 janvier dernier, Les Échos, journal qu’on ne peut guère taxer d’être partisan de la dissolution du capitalisme, titrait ainsi : Le quatrième opérateur mobile : le résultat d’une intense bataille de lobbying.
L’objectif du débat qui nous est donc proposé ce jour est parfaitement factuel. Il s’agit simplement de prendre acte d’une décision du Gouvernement qui, via l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, dont le président vient d’ailleurs de changer, va permettre, au nom du développement de la concurrence au profit des consommateurs, à un nouvel opérateur d’ajouter à ses prestations de services comme fournisseur d’accès internet une offre de téléphonie mobile.
Pourquoi l’opérateur Free n’a-t-il pas les moyens de payer plus que prévu, ou de s’acquitter du même droit d’entrée que les autres ?
Peut-être tout simplement parce que le groupe Iliad s’est attaché, ces dernières années – avant même d’améliorer la qualité de service à la clientèle, qui, pour certains aspects, semble aussi low cost que les tarifs d’abonnement –, à absorber peu à peu les opérateurs qui étaient présents sur le marché national mais n’avaient pas réussi à y faire leur place. Ainsi, pour ne donner qu’un exemple, le groupe fondé par Xavier Niel, en exploitant des services télématiques de mise en relation de personnes, a acquis l’ensemble des marques lancées sur le marché français par Telecom Italia, telles que Alice, Infonie ou Liberty Surf, par exemple.
Par ailleurs, Iliad s’était positionné sur le segment du renseignement téléphonique, en réservant l’un des numéros mis en vente, et s’est retiré de cette activité moins de six mois après l’attribution d’un service par l’Autorité de régulation !
Nous avons donc mis la loi au service des impératifs de développement d’un groupe dont l’image publique est pourtant assez nettement détériorée et qui doit d’abord faire face à des exigences de rendement, avant toute autre considération, et notamment avant toute couverture du territoire en termes de qualité de service de téléphonie mobile ! Drôle de manière de faire de la loi l’expression de l’intérêt général !
Les quelques dizaines d’emplois créés par Iliad risquent de n’être rien par rapport aux centaines d’emplois qu’on peut s’attendre à perdre dans l’ensemble de la filière des télécommunications.
Reste le cas des finances publiques. Ce soudain empressement à faire la courte échelle pour permettre à Iliad de trouver la voie de la profitabilité grâce au développement d’une offre globale – internet et téléphonie mobile – rencontre, pure coïncidence sans doute, la crise financière.
Je rappelle que les droits d’entrée et les redevances des opérateurs alimentent le Fonds de réserve des retraites. Dans le même temps, la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision prévoit de taxer le chiffre d’affaires des opérateurs de communications électroniques, ce qui fait de l’attribution de la quatrième licence un petit gisement de ressources fiscales de plus !
Or, le Fonds de réserve des retraites vient de souffrir de la crise financière, sur la place boursière de Paris comme dans la maison mère, c’est-à-dire Wall Street.
En effet, en utilisant les surplus des comptes sociaux des années précédentes et les redevances versées par les opérateurs de téléphonie, le Fonds de réserve des retraites a essentiellement placé ces ressources sur le marché des actions. Pour le moment, la capitalisation de ces actions est en chute de 20 %, à hauteur de 6, 8 milliards d’euros, pour l’ensemble de l’année 2008 ! Cette déperdition, même virtuelle, amène à s’interroger sur la capacité d’intervention du FRR à l’échéance 2020, où il est censé faire face au déséquilibre démographique du papy-boom. En conséquence, cette soudaine accélération de l’attribution de la quatrième fréquence arrive au bon moment.
Pour l’ensemble de ces raisons, qu’il s’agisse de la loi adaptée aux desiderata d’une entreprise comme d’un mauvais usage des deniers publics, le groupe CRC-SPG ne peut que manifester son opposition au schéma retenu dans le cadre de l’attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile.
En conclusion, comment ne pas s’étonner que, treize ans après l’adoption de la loi Fillon-Larcher de réglementation des télécommunications, et malgré la concurrence libre et non faussée, nous ayons encore autant de zones blanches pour l’accès internet et une qualité médiocre de couverture mobile ?
À moins que – permettez-moi de le dire à tous les partisans du libéralisme sans rivages ni entraves – la réponse ne soit dans la question !
Un jour prochain, il faudra bien, mes chers collègues, que nous interrogions cette logique européenne qui, notamment dans les pays voisins, se traduit par un approfondissement continu de la fracture numérique.
Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, dans le cadre du débat qui nous est proposé aujourd’hui, je souhaiterais formuler quelques réflexions et adresser une demande au Gouvernement.
Tout d’abord, on peut à bon droit se demander si le marché de la téléphonie mobile en France a besoin de plus de concurrence.
Les opérateurs actuels ont répondu à la forte croissance du marché en assurant un bon niveau de service et un prix qui se situe dans la moyenne européenne. Dont acte.
Seulement, le taux de pénétration du téléphone mobile en France est encore inférieur à la moyenne européenne, et l’évolution des prix est moins favorable au consommateur que sur certains marchés étrangers.
Les trois opérateurs actuels constituent – ce n’est faire offense à personne que de le dire – une sorte d’oligopole, comme l’a souligné Pierre Hérisson. Ils ont d’ailleurs été condamnés en 2007 pour entente.
En quoi la situation a-t-elle changé aujourd’hui ? Si les innovations existent, et c’est indéniable, chacun copie cependant chacun, si bien que l’offre reste quasi identique, sans bénéfices pour les consommateurs.
Ce marché a besoin des stimuli d’une concurrence renforcée, et ce pour servir les intérêts des consommateurs. §Alors comment faire ? Accorder une plus grande part du marché aux MVNO ou créer un quatrième réseau ?
Force est de constater la part marginale des MVNO : 5 % du marché de la téléphonie mobile contre 25 % en Allemagne et 15 % au Royaume-Uni.
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, les MVNO étaient présentés comme la solution alternative pour renforcer la concurrence. Pourquoi n’ont-ils pas rempli cette fonction ? Leurs offres restent concentrées sur les cartes prépayées et les forfaits de faible durée, comme personne ne l’ignore. Comme l’indique le plan France numérique 2012, « les MVNO n’exercent pas de concurrence frontale sur le cœur de l’offre des trois opérateurs de réseau, constitué de forfaits avec engagement de douze ou vingt-quatre mois permettant d’appeler de façon illimitée certains numéros. »
Ainsi que le Conseil de la concurrence le relevait aussi en juillet dernier, des conditions contractuelles particulièrement contraignantes ont été accordées par les opérateurs de réseaux aux MVNO.
Tout d’abord, « les tarifs négociés pour l’utilisation des réseaux permettent aux opérateurs de réseau de contrôler la pression concurrentielle par les prix susceptible d’être exercée par les MVNO ».
Ensuite, « les opérateurs hébergés ne maîtrisent aucun élément de réseau et sont contraints de transmettre des informations commerciales clés ».
Enfin, « la combinaison des clauses d’exclusivité souvent très longues – allant parfois jusqu’à dix ans –, des durées des contrats et des droits de priorité accordés à l’opérateur hôte, empêche les MVNO de renégocier ces conditions d’hébergement en faisant jouer la concurrence entre opérateurs de réseau ».
En outre, selon le Conseil de la concurrence, l’arrivée de nouveaux opérateurs à l’occasion de futurs appels d’offres en matière de fréquences serait susceptible de profiter aux MVNO. Nous y sommes, enfin presque.
Ce marché a donc besoin d’un renforcement de la concurrence, et cet objectif sera à mon sens atteint par la concurrence réelle entre les MVNO et les opérateurs, mais aussi par l’attribution d’une quatrième licence, comme l’a décidé très justement M. le Premier ministre.
Seulement, nous le savons tous, l’entrée d’un nouvel opérateur ne signifie pas forcément une concurrence renforcée. Par exemple, Bouygues, troisième opérateur, arrivé sur le marché seulement un an et demi après les deux premiers, a été condamné, quelques années plus tard, pour entente avec ces derniers.
J’appelle donc l’attention du Gouvernement sur cette question, ne doutant pas que le cahier des charges permettra de prendre de solides garanties.
Je m’interroge également sur la capacité aussi bien financière que pratique de ce nouvel opérateur à déployer un nouveau réseau, ce qui coûte tout de même de 1, 5 à 2 milliards d’euros. D’autant que nous ne savons pas si l’arrêt de la cour d’appel de Versailles condamnant Bouygues à démonter une des ses antennes dans le Rhône fera ou non jurisprudence.
La cour d’appel invoque l’incertitude relative à un éventuel impact sur la santé des riverains. Il me semble aujourd’hui essentiel de savoir si, oui ou non, les antennes comportent un risque pour la santé. J’ai d’ailleurs bien noté, madame la secrétaire d’État, votre idée d’un « Grenelle des antennes ». Ce serait absolument nécessaire sur ces questions.
Toujours est-il que ce nouvel opérateur se trouvera confronté à diverses difficultés pour mettre en place et/ou utiliser par mutualisation les équipements de réseau nécessaires.
Enfin, et c’est pour moi l’essentiel, l’octroi d’une quatrième licence doit nécessairement être synonyme d’une meilleure couverture pour le milieu rural. Cela a déjà été dit, mais je me permets d’insister.
Auteur de la proposition de loi sur l’itinérance ou « roaming » – ces deux termes ne sont cependant pas exactement synonymes –, proposition devenue loi en 2002, je voudrais savoir comment et en quoi ce nouvel opérateur améliorera la couverture de téléphonie mobile en zone rurale, alors même que les phases 2 et 3 de cette loi sur l’itinérance ne sont pas encore terminées.
Je suis d’accord avec le Gouvernement pour considérer l’augmentation de la concurrence comme une possible baisse de prix pour le consommateur.
Mais il ne faut pas l’oublier, aujourd’hui, dans certaines zones rurales, territoires où les opérateurs n’investissent pas forcément de manière prioritaire, nous en sommes non pas à comparer lequel des trois opérateurs est le moins cher, mais à nous féliciter qu’au moins l’un d’entre eux passe, et à tenter de convaincre l’un des trois de couvrir telle ou telle petite commune. Je pense notamment aux communes dites associées, issues de la loi Marcellin.
Les opérateurs, accompagnés d’ailleurs par les collectivités départementales, l’État et l’Europe, ont fait des efforts en ce domaine. Mais le débat ne doit pas s’articuler uniquement autour de la question du prix du service, alors que la fourniture du service en lui-même n’est pas encore effective, loin s’en faut, sur l’ensemble du territoire.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la secrétaire d’État, vous nous avez manqué, lors de l’examen du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ! (Sourires.)
L’attribution de nouvelles fréquences de réseaux mobiles pose une sérieuse question de santé publique. En effet, qui dit nouvelles fréquences, dit forcément nouvelles antennes-relais. Or, aujourd’hui, on ne peut plus nier l’existence de risques pour la santé, liés aux ondes électromagnétiques émises par les antennes-relais de téléphonie mobile.
C’est d’autant plus vrai que le développement récent de la technologie mobile, notamment avec l’apparition de la 3G, a conduit les opérateurs à augmenter considérablement la puissance de leurs antennes, soumettant les populations riveraines à des rayonnements de plus en plus nocifs. Leurs craintes et leurs interrogations, légitimes, quant à leur santé et à celle de leurs enfants méritent des réponses claires et rapides.
En effet, ces dernières années, monsieur Sido, de nouvelles preuves scientifiques se sont accumulées quant à la nocivité de ces ondes pour les organismes.
Vous n’ignorez pas, madame la secrétaire d’État, les conclusions du rapport international Bioinitiative, publié en août 2007 par un groupe de scientifiques européens, indépendants des pressions des opérateurs et des constructeurs de téléphonie mobile.
Ce rapport extrêmement précis et rigoureux synthétise de nombreuses études scientifiques et démontre que les normes actuelles ne protègent en rien la population.
Ces normes ne prennent aujourd’hui en compte que les effets thermiques des ondes électromagnétiques et laissent de côté les effets non-thermiques, dont les mécanismes ne sont pas encore complètement connus, je vous l’accorde.
Des cancérologues, dont l’éminent professeur Dominique Belpomme, ont constaté depuis dix ans une augmentation significative du nombre de cancers des glandes salivaires, qui ne sont pas protégées par la boîte crânienne lors de l’utilisation du téléphone portable.
De plus, l’utilisation intensive des téléphones mobiles provoque l’accumulation de molécules toxiques dans le cerveau, par un mécanisme physiologique appelé « ouverture de la barrière hémato-encéphalique ».
Ces agressions sont à l’origine de tumeurs du cerveau et pourraient également avoir un lien avec le développement précoce de maladies neurodégénératives telles la maladie d’Alzheimer.
On constate également une hausse suspecte des cas de leucémie chez les enfants. Enfin, des risques pour les fœtus ont été mis en évidence, ce qui nécessite que des précautions soient prises par les femmes enceintes.
Alors, qui devons-nous croire ? Les opérateurs de téléphonie mobile et les industriels, qui, intéressés à développer toujours plus leur chiffre d’affaires, s’obstinent à nier que les ondes électromagnétiques représentent un risque sanitaire ? Ou bien les scientifiques et les médecins, qui, jour après jour, apportent de nouvelles preuves de ces risques pour la santé et demandent la simple application du principe de précaution ?
Nous ne pouvons pas nous permettre de rester les bras croisés face à une possible catastrophe sanitaire d’ici quelques années !
Le récent arrêt de la cour d’appel de Versailles, qui, considérant qu’une antenne-relais de Bouygues Telecom provoquait un trouble anormal de voisinage, a ordonné son démontage, nous impose de prendre nos responsabilités et d’agir rapidement. Avec cette jurisprudence, les contentieux vont se multiplier sur tout le territoire ; d’ailleurs, depuis qu’elle est intervenue, nombre de nos concitoyens contactent les associations telles que Robin des Toits, PRIARTEM, Écologie sans frontière, Agir pour l’environnement, CRIIREM, …
… pour faire part de leurs inquiétudes quant à la présence d’innombrables antennes-relais au-dessus de leurs têtes et de leur intention d’engager eux aussi des procès contre les opérateurs.
De nombreuses villes ont déjà mis en place, par le biais de chartes, des seuils d’exposition maximum. À Paris, le plafond d’exposition est fixé à 2 volts par mètre en moyenne par vingt-quatre heures, mais cela ne règle pas le problème des dépassements qui se produisent dans la journée. À Valence, dans la Drôme, le maire, pour protéger les enfants, a pris un arrêté créant des zones d’exclusion dans un rayon de cent mètres autour des écoles, en application du principe de précaution.
L’insécurité juridique est donc désormais trop grande, tant pour les élus locaux que pour les opérateurs. Il est temps pour nous de régler la question en fixant au niveau national de nouvelles normes plus protectrices de la santé de nos concitoyens.
Actuellement, la France se contente de suivre la recommandation de la Commission européenne qui propose des taux d’émission allant de 41 volts par mètre à 61 volts par mètre, selon la technique. Ces seuils sont trop élevés par rapport à ceux qu’appliquent nos voisins européens : 4 volts par mètre en Suisse, 3 volts par mètre au Luxembourg, et même 0, 6 volt par mètre en Toscane en Italie, à Salzbourg en Autriche, ou à Valence en Espagne.
Les nouvelles technologies ne doivent pas être à l’origine de handicaps supplémentaires. Ce sont souvent les plus modestes de nos concitoyens qui se voient imposer l’implantation des antennes à proximité de leurs habitations : les opérateurs de téléphonie mobile n’arrivant plus à convaincre les syndicats de copropriété d’installer ces antennes sur leurs toits malgré les loyers qu’ils promettent, ils se tournent aujourd’hui vers les organismes d’HLM. Ainsi, des inégalités environnementales viennent se superposer aux inégalités sociales, les immeubles concernés étant parfois couverts de véritables forêts d’antennes.
Outre la question de la puissance des rayonnements, c’est donc bien celle de l’accumulation des antennes-relais qui doit être posée : avec l’attribution de nouvelles fréquences, le risque est grand d’en voir apparaître encore davantage.
Madame la secrétaire d’État, face au développement continu de ces antennes, il est urgent de mettre en place une politique fondée sur le principe de précaution. Cette politique devrait s’appuyer sur une autorité nouvelle, indépendante des opérateurs, dont la mission serait de recevoir les plaintes de nos concitoyens concernant les dépassements de seuils ou les installations non conformes et qui serait habilitée à sanctionner les opérateurs ne respectant pas les règles. Cette autorité aurait le pouvoir d’effectuer des mesures sur place et de faire respecter les normes en ordonnant soit le démontage des antennes, lorsque ce serait nécessaire, soit la modification des installations litigieuses. Elle pourrait également mener, en coopération avec les autorités sanitaires, les scientifiques et les associations, des études épidémiologiques afin d’identifier les zones de surexposition.
Il faudrait aussi revoir les procédures d’installation des antennes-relais en mettant en place un processus de décision démocratique qui passe par une autorisation préalable du maire, sur le modèle du permis de construire, avec l’obligation de réaliser une étude d’impact sanitaire et environnemental.
Les scandales sanitaires passés, comme ceux de l’amiante ou des éthers de glycol, doivent nous enseigner que l’on ne peut négliger la santé à long terme et que le principe de précaution – il est inscrit, je le rappelle, dans la Constitution – doit s’appliquer.
Nous devons veiller à empêcher que les intérêts économiques ne prédominent sur la nécessité de sauvegarder la santé publique.
En conclusion, madame la secrétaire d’État, je salue l’idée que vous avez lancée d’un « Grenelle des antennes » associant non seulement les opérateurs et les autorités sanitaires, mais aussi les élus locaux et les associations qui luttent pour le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Je souligne néanmoins que, si l’idée sous-tendant une telle concertation est qu’internet est aussi fondamental pour l’espèce humaine que l’eau – c’est ce que vous avez indiqué tout à l’heure, et cela me paraît tout à fait exagéré –, il sera effectivement difficile de l’organiser dans de bonnes conditions.
L’effet et la nocivité des ondes électromagnétiques doivent encore être étudiés. Pour autant, il nous faut aujourd’hui partir du principe de précaution, car nous savons que, en multipliant les antennes, nous multiplions les risques et que les effets sont cumulatifs dans le temps. Alors, soyons prudents !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, naturellement, comme vient de le rappeler mon prédécesseur à cette tribune, chacun est attentif à tous les risques, médicaux ou autres, lorsqu’il s’agit de technologies nouvelles.
Aujourd’hui, il est question de la quatrième licence mobile, sujet important qui suscite de nombreuses interrogations et a d’importantes implications pour notre société, notre économie et nos nouveaux usages. C’est en fait le défi de la fin de la fracture numérique qui est posé.
Compte tenu du rôle structurant joué par les nouvelles technologies en milieu rural, un objectif doit être atteint en 2012 : le haut débit, la téléphonie mobile et la télévision numérique terrestre devront desservir l’ensemble du territoire.
Un quatrième opérateur permettrait-il une meilleure couverture des zones blanches ? Y aurait-il une mission de service universel pour une couverture totale du territoire ? Telles sont les deux principales questions que nous posons.
Le Gouvernement a souhaité, à travers ce débat, nous donner sa vision en matière de numérique, notamment du point de vue de l’aménagement du territoire. Nous avons eu un éclairage utile sur le plan France numérique 2012 et l’avancement de sa mise en place sur le territoire national, dans les zones rurales notamment, ainsi que sur les projets du Gouvernement en matière de couverture des zones blanches de la téléphonie mobile, d’extension des réseaux en fibre optique et de développement de la télévision mobile personnelle.
Une question se pose tout de même : le passage au tout numérique sera-t-il effectif le 30 novembre 2011 ? Le contexte financier venant de changer du fait de la crise mondiale, on peut s’interroger sur les moyens financiers qui ont été prévus !
Il est bien évident que dans nos territoires les plus reculés, que l’on appelle les « zones rurales sensibles », ou « fragiles », et où le téléphone mobile passe très mal, les populations connaîtront un véritable bouleversement dans leur quotidien : le 30 novembre 2011 – si le délai est tenu ! –, leur vieux téléviseur analogique à tube ne fonctionnera plus, et il faut espérer pour elles que la TNT et le téléphone mobile arriveront à l’heure dite. Sans cela, jamais la fracture numérique n’aura été aussi criante.
Madame et monsieur les secrétaires d’État, les départements aussi s’inquiètent : seront-ils sollicités financièrement pour la TNT ? J’aimerais entendre votre point de vue sur la question.
Nous sommes en 2009, et la volonté de mettre un terme à la désertification d’un certain nombre de territoires et de créer une nouvelle dynamique au profit des espaces ruraux n’existe réellement que depuis quelques années. Je rappellerai simplement le Comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire, ou CIADT, de 2001, à l’occasion duquel le Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, avait proposé de nouvelles orientations pour l’aménagement numérique des territoires, ainsi que la signature de conventions avec les trois opérateurs mobiles, qui marqua le grand départ de leur implantation. D’autres textes liés à l’aménagement du territoire et au développement des territoires ruraux sont parus en 2003, en 2004, en 2005 et en 2006 ; nous avons ainsi manifesté notre volonté de donner à ces territoires des chances nouvelles.
La feuille de route du CIADT de 2001 avait donc pour objet de permettre aux habitants de nos campagnes de bénéficier du même niveau de services, de la même ouverture permanente au monde que les habitants de nos villes. Qu’ils soient agriculteurs, commerçants, artisans, salariés, chefs d’entreprise ou enseignants, ils doivent à l’évidence avoir accès à toutes les techniques nouvelles pour s’implanter sur un territoire, pour s’y développer, ou tout simplement pour pouvoir y rester.
La complémentarité entre le monde rural et le milieu urbain a été sans cesse prêchée, mais elle n’a pas été appliquée aussi souvent qu’on veut bien le dire ! Certes, les disparités entre les communes rurales et les communes urbaines s’atténuent lentement, progressivement. Mais, nous le savons très bien, il subsiste encore un grand fossé entre les moyens des communautés de communes et les moyens des communautés d’agglomération !
M. Jean Desessard approuve.
L’essor des technologies de l’information et de la communication est essentiel à l’attractivité et au développement des territoires ruraux, notamment pour inciter les entreprises à s’installer et pour encourager leurs collaborateurs à y rester. Il s’agit d’une question de fond, mais aussi d’une question de survie !
Nous ne pouvons plus nous autoriser quelque retard que ce soit dans l’application de toutes ces techniques modernes alors qu’il nous a déjà été suffisamment reproché d’avoir pris trop de temps pour les mettre en œuvre.
S’agissant du problème de la téléphonie mobile, il faut reconnaître que les opérateurs ne se sont pas bousculés pour installer des pylônes dans la « France profonde », préférant, parce que c’était bien plus rentable financièrement, couvrir l’ensemble des villes. Or, je le rappelais à l’instant, nous savons que la couverture en téléphonie mobile des zones rurales défavorisées est un facteur essentiel du développement. Souvenez-vous, madame et monsieur les secrétaires d’État : vos prédécesseurs avaient envisagé de réaliser la couverture de la totalité des communes françaises par le réseau de téléphonie mobile d’ici à la fin de 2007 ; et puis, l’échéance a été reportée…
Voilà où nous en sommes ! D’un côté, trois opérateurs de téléphonie mobile prospèrent ; d’un autre, des territoires et des citoyens subissent une situation d’inégalité que rien ne saurait continuer de justifier.
Comme mes collègues, j’appelle donc de mes vœux un engagement du Gouvernement, ferme et suivi d’effets, et je souhaite que, si nécessaire, l’État impose aux opérateurs chargés de réaliser cette couverture de consentir l’effort d’équipement requis : ils en ont tout à fait les moyens, pour peu qu’ils veuillent bien y consacrer les financements nécessaires, financements dont ils disposent d’ailleurs d’ores et déjà !
Madame et monsieur les secrétaires d’État, nous attendons de vous que cette évolution soit accélérée et que le problème soit effectivement réglé en 2012, comme cela a été annoncé.
L’attribution d’une quatrième licence de téléphonie mobile 3G ne peut que réjouir le consommateur – selon une étude, les tarifs devraient diminuer d’environ 7 % –, surtout le consommateur habitant des zones rurales non encore couvertes. Je regrette cependant que ce projet semble plutôt mal accueilli par les trois opérateurs en place, qui évoquent déjà des suppressions d’emplois. Pourtant, les abonnements à la téléphonie mobile ont fait un tel bond depuis quelques années qu’il est tout à fait vraisemblable qu’un quatrième opérateur trouvera sa place sans nuire aux trois autres, dans un objectif commun de service universel.
La concurrence va faire « bouger » les trois opérateurs et ne peut qu’être stimulante : il y a en effet un marché non pas seulement à se partager avec les trois opérateurs, mais aussi à créer. Par conséquent, cette décision me paraît bonne.
Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Bruno Retailleau applaudit également.
Avant de donner la parole aux représentants du Gouvernement, je tiens à indiquer qu’il nous faudra interrompre nos travaux à treize heures.
M. Jean Desessard. Il faut que les secrétaires d’État passent au haut débit !
Sourires
M. le président. Ils auront droit, comme vous, à un litre d’huile d’olive provenant de la commune de Charleval, dont le conseil municipal suit nos débats depuis les tribunes !
Nouveaux sourires et applaudissements
Mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai rapidement à trois des sujets que vous avez évoqués et qui tiennent à cœur à l’ensemble des intervenants.
La première question est celle de la couverture du territoire en téléphonie mobile.
Je souhaite d’abord rappeler quelques chiffres sur la couverture du territoire français. Les réseaux mobiles de deuxième génération couvrent actuellement 99 % de la population française. La difficulté, c’est le 1 % restant, le dernier kilomètre – je le sais en tant qu’élu local rural –, et c’est également, comme M. Sido l’a rappelé, la comptabilisation des zones blanches, notamment l’intégration des communes associées au mode de calcul.
Un plan de couverture des zones blanches de la téléphonie mobile, auquel sont associés les opérateurs, l’ARCEP, les associations de collectivités et l’État, est en cours et doit permettre d’achever la couverture de tous les bourgs-centres d’ici à 2011.
La couverture des réseaux 3G est aujourd’hui de 70 %, et les opérateurs ont pris des engagements ambitieux allant jusqu’à 99 % de la population. Quand j’ai indiqué tout à l’heure qu’il ne s’agissait pas forcément de leur demander de prendre de nouveaux engagements, je voulais dire qu’il s’agissait plutôt de faire respecter les engagements précédents. Vous avez adopté des dispositions importantes dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie, qui vont permettre à l’État et à l’ARCEP de prendre des sanctions et de les faire appliquer si des retards étaient constatés.
Par ailleurs, des dispositions ont été prises récemment pour faciliter les déploiements. Les opérateurs, qui l’ont souhaité, ont été autorisés à réutiliser leurs fréquences 2G, dont les propriétés physiques les rendent plus intéressantes pour la couverture du territoire, pour faire de la 3G.
Enfin, il est prévu que le nouvel opérateur – c’est important – bénéficiera pour une période de six ans d’une prestation d’itinérance sur les réseaux 2G des autres opérateurs dès lors que son réseau couvrira plus de 25 % de la population.
Cette prestation, qui sera temporaire, lui permettra d’offrir à ses clients, dès l’ouverture du réseau commercial et pendant une période limitée, un service complet. Elle vise à augmenter la concurrence à la hauteur de ce que nous attendons.
Le deuxième sujet que vous avez été nombreux à évoquer concerne les MVNO. Si nous débattons aujourd’hui d’un quatrième opérateur du réseau mobile, c’est parce que la concurrence n’a pas bien fonctionné et que les MVNO n’ont pas trouvé leur place et leur modèle économique dans le système actuel. Il convient donc d’y remédier.
Pour les deux lots non réservés à un nouvel entrant, l’amélioration des conditions faites aux MVNO fera partie de nos critères. La prise en compte, à côté du critère financier, d’un critère de concurrence, qui doit inciter à prendre des engagements forts à l’égard des MVNO, est le scénario sur lequel nous travaillons avec l’ARCEP. Il y a certes le prix, mais il faut également un critère destiné au développement des MVNO.
J’en viens enfin au dernier sujet évoqué ici : nous ferions un appel d’offres sur mesure pour un candidat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, lors de la consultation publique menée par l’ARCEP, plusieurs opérateurs ont manifesté leur intérêt par rapport à cet appel d’offres.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Comme il s’agit de données publiques, je peux les évoquer ici même
M. Jean Desessard. s’exclame.
: le groupe Bolloré, Altitude Telecom, le groupe Inquam se sont déclarés intéressés par l’éventualité d’une quatrième licence. Nous ne sommes donc pas à l’abri d’une surprise en la matière !
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu de la contrainte horaire, et en dépit de la grande qualité de ce débat, je me limiterai à quelques réponses très précises aux différentes questions soulevées.
Comme l’ont souligné Hervé Maurey, Pierre Hérisson, Raymond Vall et Odette Terrade, des problèmes existent en matière de couverture. Il y a plusieurs façons d’aborder le sujet. Tout d’abord, je vous confirme que, dès les prochaines semaines, des expérimentations vont être menées en matière de mutualisation des réseaux haut débit mobile ; nous en attendons beaucoup, et vous en serez bien entendu tenus étroitement informés.
Il faut également compléter la couverture en 2G. En effet, comme l’a souligné Hervé Maurey, il y a quelque indécence à parler du 3G alors que certains habitants n’ont pas encore le 2G. Il reste 364 communes à couvrir : 80 % seront couvertes d’ici à la fin 2010, et la totalité en 2011.
Cela dit, pour être complètement honnête, je dois admettre que notre système actuel et nos statistiques présentent deux insuffisances.
D’abord, les communes sont considérées comme couvertes dès lors que le centre-bourg dispose d’une couverture mobile, ce qui ne correspond pas forcément à la perception qu’en ont les habitants. On devrait donc pouvoir faire évoluer cette notion.
Ensuite, nous avons lancé un appel à candidatures pour la couverture des réseaux de communication, et les axes de transport prioritaires retenus l’ont été selon une définition qui semble quelque peu restrictive : on parle des autoroutes, des axes routiers principaux, avec un axe par liaison, reliant au sein de chaque département le chef-lieu de département aux chefs-lieux d’arrondissement, et les tronçons de route sur lesquels circulent en moyenne annuelle au moins 5 000 véhicules par jour.
Je lancerai rapidement une réflexion pour améliorer la couverture tant des communes situées en zones blanches que des axes de transport prioritaires, en tenant compte également des critères importants aux yeux de nos concitoyens.
Bruno Retailleau a souligné l’importance d’une harmonisation des fréquences du dividende numérique à l’échelon européen. Nous avançons vite sur ce point. La Finlande, la Suisse et le Royaume-Uni se sont alignés sur notre proposition. L’Allemagne y réfléchit. L’Irlande, les Pays-Bas et la Norvège ont lancé des études. Je vais à Barcelone lundi prochain, et j’espère que vous m’y accompagnerez : il nous reste à convaincre l’Espagne, qui n’est pas encore complètement sur la même ligne, mais nous y travaillons.
Enfin, je dirai quelques mots de la santé et des fréquences, sujet qui a été évoqué par nombre d’entre vous, notamment Pierre Hérisson, Jean Desessard, Michel Teston et Hervé Maurey. C’est un sujet complexe, les inquiétudes sur cette question allant croissant et étant parfois paradoxales : en effet, ce sont souvent les mêmes personnes qui, d’un côté, s’inquiètent d’un éventuel impact des ondes électromagnétiques sur leur santé et refusent l’installation d’une antenne à proximité de leur domicile et, d’un autre côté, sont très désireuses de disposer d’une couverture de qualité et d’accéder à de plus en plus de services nécessitant des infrastructures toujours plus nombreuses.
Les élus locaux sont aujourd’hui en première ligne et ne sont pas forcément bien armés face à ces inquiétudes. Ces dernières finissent par gagner les opérateurs eux-mêmes, lesquels se voient imposer des obligations de couverture auxquelles nous tenons fermement et que nous ferons appliquer – Luc Chatel l’a rappelé – et, en même temps, s’interrogent sur leurs capacités à y répondre.
Dans ce contexte, c’est le bon moment, me semble-t-il, pour réunir l’ensemble des acteurs concernés par ces sujets autour d’une table ronde : opérateurs de téléphonie, radiodiffuseurs, associations d’élus et de consommateurs, scientifiques. Puisque tout le monde est inquiet, il doit y avoir des voies de passage. J’ajoute que cela n’a jamais été fait. Des discussions bilatérales ont certes eu lieu à l’échelon national, entre les associations d’élus et les opérateurs, avec des chartes qui n’ont pas toujours été appliquées localement – nous le savons tous –, ou entre l’État et les associations environnementales ou les associations de consommateurs, nos concitoyens se tournant en définitive bien souvent vers les tribunaux.
La première réunion de cette table ronde, organisée par Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même, dans l’esprit du Grenelle de l’environnement, pourrait avoir lieu le 19 mars prochain.
Plusieurs pistes peuvent déjà être envisagées.
Nous pourrions procéder à une comparaison internationale, car il n’y a pas de raison que les choses se passent mieux ailleurs ; il n’y a pas non plus de raison que les normes soient si différentes entre les États membres européens, même s’il y a malgré tout quelques explications à cet égard. Il faut donc pouvoir étudier les choses sereinement.
Une autre piste est la mutualisation des équipements, puisque la multiplication de ces derniers n’aide pas forcément à la sérénité sur ce sujet.
Jean Desessard proposait la création d’une nouvelle autorité ; pourquoi pas ? Nous pourrons en parler lors de cette table ronde. Je tiens cependant à souligner que des autorités existent déjà : la Fondation santé et radiofréquences, qui conduit des programmes de recherche sur ce sujet – elle est contestée sur différents points, mais elle existe – et l’Agence nationale des fréquences, qui effectue des mesures. C’est peut-être aussi par des évolutions à partir des autorités existantes que nous pourrons progresser.
Par ailleurs, des parlementaires seront conviés à cette table ronde, et j’espère que vous serez nombreux à vous joindre à ces travaux.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. –M. Bruno Retailleau applaudit également.
Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 208 et distribuée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.