Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, dans le cadre du débat qui nous est proposé aujourd’hui, je souhaiterais formuler quelques réflexions et adresser une demande au Gouvernement.
Tout d’abord, on peut à bon droit se demander si le marché de la téléphonie mobile en France a besoin de plus de concurrence.
Les opérateurs actuels ont répondu à la forte croissance du marché en assurant un bon niveau de service et un prix qui se situe dans la moyenne européenne. Dont acte.
Seulement, le taux de pénétration du téléphone mobile en France est encore inférieur à la moyenne européenne, et l’évolution des prix est moins favorable au consommateur que sur certains marchés étrangers.
Les trois opérateurs actuels constituent – ce n’est faire offense à personne que de le dire – une sorte d’oligopole, comme l’a souligné Pierre Hérisson. Ils ont d’ailleurs été condamnés en 2007 pour entente.
En quoi la situation a-t-elle changé aujourd’hui ? Si les innovations existent, et c’est indéniable, chacun copie cependant chacun, si bien que l’offre reste quasi identique, sans bénéfices pour les consommateurs.
Ce marché a besoin des stimuli d’une concurrence renforcée, et ce pour servir les intérêts des consommateurs. §Alors comment faire ? Accorder une plus grande part du marché aux MVNO ou créer un quatrième réseau ?
Force est de constater la part marginale des MVNO : 5 % du marché de la téléphonie mobile contre 25 % en Allemagne et 15 % au Royaume-Uni.
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, les MVNO étaient présentés comme la solution alternative pour renforcer la concurrence. Pourquoi n’ont-ils pas rempli cette fonction ? Leurs offres restent concentrées sur les cartes prépayées et les forfaits de faible durée, comme personne ne l’ignore. Comme l’indique le plan France numérique 2012, « les MVNO n’exercent pas de concurrence frontale sur le cœur de l’offre des trois opérateurs de réseau, constitué de forfaits avec engagement de douze ou vingt-quatre mois permettant d’appeler de façon illimitée certains numéros. »
Ainsi que le Conseil de la concurrence le relevait aussi en juillet dernier, des conditions contractuelles particulièrement contraignantes ont été accordées par les opérateurs de réseaux aux MVNO.
Tout d’abord, « les tarifs négociés pour l’utilisation des réseaux permettent aux opérateurs de réseau de contrôler la pression concurrentielle par les prix susceptible d’être exercée par les MVNO ».
Ensuite, « les opérateurs hébergés ne maîtrisent aucun élément de réseau et sont contraints de transmettre des informations commerciales clés ».
Enfin, « la combinaison des clauses d’exclusivité souvent très longues – allant parfois jusqu’à dix ans –, des durées des contrats et des droits de priorité accordés à l’opérateur hôte, empêche les MVNO de renégocier ces conditions d’hébergement en faisant jouer la concurrence entre opérateurs de réseau ».
En outre, selon le Conseil de la concurrence, l’arrivée de nouveaux opérateurs à l’occasion de futurs appels d’offres en matière de fréquences serait susceptible de profiter aux MVNO. Nous y sommes, enfin presque.
Ce marché a donc besoin d’un renforcement de la concurrence, et cet objectif sera à mon sens atteint par la concurrence réelle entre les MVNO et les opérateurs, mais aussi par l’attribution d’une quatrième licence, comme l’a décidé très justement M. le Premier ministre.
Seulement, nous le savons tous, l’entrée d’un nouvel opérateur ne signifie pas forcément une concurrence renforcée. Par exemple, Bouygues, troisième opérateur, arrivé sur le marché seulement un an et demi après les deux premiers, a été condamné, quelques années plus tard, pour entente avec ces derniers.
J’appelle donc l’attention du Gouvernement sur cette question, ne doutant pas que le cahier des charges permettra de prendre de solides garanties.
Je m’interroge également sur la capacité aussi bien financière que pratique de ce nouvel opérateur à déployer un nouveau réseau, ce qui coûte tout de même de 1, 5 à 2 milliards d’euros. D’autant que nous ne savons pas si l’arrêt de la cour d’appel de Versailles condamnant Bouygues à démonter une des ses antennes dans le Rhône fera ou non jurisprudence.
La cour d’appel invoque l’incertitude relative à un éventuel impact sur la santé des riverains. Il me semble aujourd’hui essentiel de savoir si, oui ou non, les antennes comportent un risque pour la santé. J’ai d’ailleurs bien noté, madame la secrétaire d’État, votre idée d’un « Grenelle des antennes ». Ce serait absolument nécessaire sur ces questions.
Toujours est-il que ce nouvel opérateur se trouvera confronté à diverses difficultés pour mettre en place et/ou utiliser par mutualisation les équipements de réseau nécessaires.
Enfin, et c’est pour moi l’essentiel, l’octroi d’une quatrième licence doit nécessairement être synonyme d’une meilleure couverture pour le milieu rural. Cela a déjà été dit, mais je me permets d’insister.
Auteur de la proposition de loi sur l’itinérance ou « roaming » – ces deux termes ne sont cependant pas exactement synonymes –, proposition devenue loi en 2002, je voudrais savoir comment et en quoi ce nouvel opérateur améliorera la couverture de téléphonie mobile en zone rurale, alors même que les phases 2 et 3 de cette loi sur l’itinérance ne sont pas encore terminées.
Je suis d’accord avec le Gouvernement pour considérer l’augmentation de la concurrence comme une possible baisse de prix pour le consommateur.
Mais il ne faut pas l’oublier, aujourd’hui, dans certaines zones rurales, territoires où les opérateurs n’investissent pas forcément de manière prioritaire, nous en sommes non pas à comparer lequel des trois opérateurs est le moins cher, mais à nous féliciter qu’au moins l’un d’entre eux passe, et à tenter de convaincre l’un des trois de couvrir telle ou telle petite commune. Je pense notamment aux communes dites associées, issues de la loi Marcellin.
Les opérateurs, accompagnés d’ailleurs par les collectivités départementales, l’État et l’Europe, ont fait des efforts en ce domaine. Mais le débat ne doit pas s’articuler uniquement autour de la question du prix du service, alors que la fourniture du service en lui-même n’est pas encore effective, loin s’en faut, sur l’ensemble du territoire.