Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 14 avril 2005 à 15h00
Pouvoirs de police en mer — Adoption définitive d'un projet de loi

Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, face aux risques liés aux activités conduites en mer, ou à partir de la mer, le ministère de la défense est aujourd'hui un acteur de première ligne pour préserver la sécurité des Français et les intérêts de notre pays.

Qu'il s'agisse de prévention d'actions terroristes venant de la mer, qu'il s'agisse de lutte contre l'immigration clandestine, de lutte contre le narcotrafic ou de pêche illicite, nos armées, et notamment la marine nationale, seules ou en coordination avec les autres administrations, effectuent un travail dont l'efficacité mérite d'être soulignée.

L'activité du premier trimestre 2005 peut d'ailleurs le confirmer s'il en était besoin. Ainsi, en matière de lutte contre l'immigration clandestine, le Patrouilleur La Rieuse a récemment procédé, au large de Mayotte, à l'arraisonnement d'une embarcation de clandestins ; au titre de la lutte contre le narcotrafic, un Falcon a repéré un navire de pêche vénézuélien suspect qui a été transféré aux douanes françaises ; en février et mars, quatre navires pratiquant la pêche illicite ont été interceptés au large de la Guyane Française et déroutés.

Les moyens juridiques d'action de nos armées peuvent être encore accrus dans ces domaines, pour améliorer leur efficacité. C'est précisément l'objet du projet de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui à la Haute Assemblée, au nom du Premier ministre.

Il vise à intégrer au droit français un certain nombre de progrès du droit international. Force est en effet de constater que le dispositif juridique jusqu'alors applicable a démontré ses limites.

Ainsi, la loi du 15 juillet 1994 prévoit les mesures de coercition que l'Etat peut mettre en oeuvre en vertu du droit international de la mer : l'arraisonnement des navires, la visite à bord, le déroutement.

Jusqu'à présent, la marine nationale ne pouvait toutefois exercer ses prérogatives à l'égard de navires étrangers que sous certaines conditions. Dans le cas le plus général, elle ne pouvait agir que si les navires suspects entraient dans ses eaux territoriales. En haute mer, elle ne pouvait intervenir que s'ils étaient soupçonnés de piraterie, de transport d'esclaves ou d'émissions radios non autorisées.

Certains accords internationaux permettent d'aller au-delà de ce « droit commun ». C'est en particulier le cas des mesures d'entraide prévues par la convention de Vienne contre le trafic de stupéfiants.

Dans ce cas, il est permis de prendre des mesures à l'encontre de navires étrangers, y compris en haute mer, à condition d'avoir une délégation de l'Etat du pavillon et, lorsqu'ils sont dans des eaux territoriales autres que les nôtres, par délégation de l'Etat côtier concerné.

Il faut bien reconnaître que tout cela demeure très restrictif.

Un exemple suffira à illustrer les limites d'action qu'impose le droit actuel. En mars 2002, une frégate française déployée en Méditerranée n'a pu, face à un cargo transportant des migrants clandestins, que l'accompagner jusqu'aux eaux territoriales italiennes. Ce sont alors les autorités italiennes qui ont procédé à l'arraisonnement, au contrôle et au débarquement de l'équipage. Même avec l'accord de l'Etat du pavillon du cargo, le commandant de la frégate française ne disposait pas des outils juridiques lui permettant d'intervenir directement, tout simplement parce que la loi de 1994 ne prévoyait pas ce type d'action dans le cadre de la lutte contre l'immigration illicite.

Il convenait donc de prévoir ces situations dans la loi française. Tel est l'objet du présent projet de loi, qui complète et renforce les dispositions de la loi de 1994.

Il permettra désormais à l'Etat de prendre des mesures de coercition à l'égard de tout navire en cas de soupçons de trafic de stupéfiants ou de trafic de migrants.

La marine nationale pourra ainsi intervenir, y compris dans les eaux territoriales d'un Etat étranger, sous réserve de la signature d'un accord ad hoc.

Le nouveau texte établit également la compétence des autorités françaises en matière de recherche, de constatation, de poursuite et de jugements d'infractions dans les cas de trafic illégal de migrants et de stupéfiants. Lorsqu'elles concernent des navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité, ces mesures s'appliquent automatiquement. Dans le cas contraire, elles sont naturellement subordonnées, soit à l'assentiment de l'Etat du pavillon, soit à des accords internationaux.

En ce qui concerne la lutte contre le trafic de stupéfiants, la loi permettra, ce qui est important, d'étendre les mesures d'entraide aux Etats non partie à la Convention de Vienne, sur la base d'accords particuliers entre la France et l'Etat du pavillon.

Un premier accord a d'ailleurs déjà été conclu en avril 2003 pour la coopération en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants dans les Caraïbes. Il est en cours de ratification.

La nouvelle loi répondra également à l'augmentation de l'immigration clandestine par voie maritime, que l'on constate sur pratiquement toutes les mers. Elle facilitera la mise en oeuvre par l'Etat français des mesures prévues par le protocole de Palerme, ratifié par la France et entré en vigueur le 28 janvier 2004.

Ainsi, ce sont simplement les moyens juridiques d'une action qui sont aujourd'hui élargis en vue de renforcer l'efficacité de la marine nationale.

Après l'adoption de ce projet de loi par le Parlement, la France sera dotée d'un outil juridique permettant à la marine nationale, à la gendarmerie, aux douanes et aux affaires maritimes de lutter plus efficacement contre les activités illicites dans la plupart des espaces maritimes.

Ce sera une contribution à la sécurité de l'ensemble de nos compatriotes.

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