La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.
La séance est reprise.
L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question, de même que le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre ; elle concerne la situation économique et sociale de notre pays.
En effet, 225 000 chômeurs de plus, 125 000 RMIstes de plus : tel est le triste bilan des trente-deux mois des divers gouvernements Raffarin !
Après trente-deux mois, cinq rapports sur le sujet, la création récente d'un conseil d'orientation pour l'emploi, la tenue, il y a deux jours, d'un séminaire gouvernemental, des annonces répétées, le taux de chômage a dépassé durablement les 10 % et concerne aujourd'hui près de 2, 5 millions de personnes en France.
Hier, le Gouvernement nous répondait : « héritage des socialistes ! »
Oui ! sur les travées de l'UMP.
Aujourd'hui, il nous dit : « choc pétrolier ! économie mondiale ! »
Quand reconnaîtra-t-il enfin ses responsabilités dans cette situation dramatique ? Derrière les chiffres froids, il y a des hommes, des femmes, de la souffrance et du désarroi. Vous tous, mes chers collègues, sur quelques travées que vous siégiez, vous le savez bien : vous les recevez dans vos mairies, dans vos permanences !
Les promesses n'engagent que ceux qui les croient, a-t-on l'habitude de dire.
Les deux priorités annoncées par M. Raffarin étaient la lutte contre le chômage, avec une diminution de 10 % d'ici à la fin de 2005 - on n'en prend pas le chemin - et la baisse des impôts de 30 % en cinq ans, conformément à l'engagement du Président de la République.
Devant l'évidence, vous commencez à reconnaître que ce sera difficile à tenir.
Vous maintenez cependant l'objectif d'une baisse des impôts. L'impôt sur la fortune, par exemple, a effectivement baissé, mais en quoi cela améliore-t-il la situation des Français ?
Ce type de mesure injuste et inefficace ne fait finalement que priver encore un peu plus l'Etat de ses moyens d'actions pour l'emploi. Le Gouvernement défait les mesures efficaces du gouvernement Jospin : sur trente-deux mois, il avait, lui, obtenu que 630 000 chômeurs retrouvent un emploi !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
A ce jour, aucun des dispositifs mis en place n'est couronné de succès.
Face à ce constat d'échec, comment comptez-vous redresser la barre ? Que dites-vous et que faites-vous pour les jeunes de ce pays, qui doutent de plus en plus de leur place et de leur avenir dans la société ? Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour apporter une réponse et un espoir aux hommes et aux femmes de ce pays qui sont dans la détresse ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail, et de la cohésion sociale. Madame la sénatrice, je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler qu'entre l'arrivée de François Mitterrand à la présidence de la République et son départ, le nombre des Français au chômage est passé de 1, 5 million à 2, 9 millions.
Applaudissementssur les travées de l'UMP.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je dirai simplement que, sur ce sujet, nous devons tous faire preuve d'une réelle modestie.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Venons-en aux mesures précises et concrètes.
Madame la sénatrice, vous vous trompez quand vous osez dire, dans cette assemblée, que le chômage touche durablement plus de 10 % de nos concitoyens. Les mois et les semestres qui viennent démontreront le contraire.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
Un train de contrats, de mesures est en place aujourd'hui.
Je citerai, tout d'abord, les nouveaux contrats d'apprentissage, pilotés par M. Laurent Hénart. Je rappelle que l'apprentissage avait été délaissé durant les cinq années du gouvernement Jospin.
Les contrats d'avenir, ensuite, permettront à près d'un million de personnes de s'adapter aux mutations et aux besoins de notre pays. Les conversions de reclassement personnalisé, les CRP, signées par l'ensemble des partenaires sociaux, vont éviter que les licenciés des entreprises de moins de 1 000 salariés, qui ne bénéficiaient d'aucune aide directe réelle, ne partent directement, dans les conditions que vous savez, aux ASSEDIC et à l'ANPE. Seront concernées 200 000 personnes par an.
Enfin, nous avons souhaité regrouper le service public de l'emploi plutôt que de laisser les chômeurs errer des ASSEDIC aux missions locales et des missions locales à l'ANPE, et ce sur la base du volontariat avec les régions, lesquelles sont pratiquement toutes de votre sensibilité, madame la sénatrice, et avec les départements.
En effet, le problème de la gestion des ressources humaines de notre pays est un défi qu'il nous incombe à tous, Etat, partenaires sociaux, villes et agglomérations, régions et départements, de relever.
C'est tous ensemble que nous ferons baisser structurellement le chômage et redonnerons un espoir à la jeunesse de notre pays.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la défense.
A la suite des événements tragiques de novembre 2004 survenus en Côte d'Ivoire, mon collègue M. André Vallet soulignait la légitimité historique et l'importance de la présence française dans ce pays, mais aussi le devoir qui incombait à la France envers la population locale comme envers tous nos compatriotes rapatriés dans l'urgence et dans la précarité.
Aujourd'hui, la situation connaît un nouveau tournant. C'est, en tout cas, ce que semblent nous indiquer les informations qui nous parviennent.
Grâce à l'opération Licorne, la présence militaire française en Côte d'Ivoire aux côtés de l'ONUCI, l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, a été confirmée et prolongée par un mandat du Conseil de sécurité, ...
...et les nombreuses négociations menées par le Président sud-africain, M. Thabo M'Beki, soutenu par l'Union africaine, la communauté internationale et la France, ont abouti à un accord, ce dont nous sommes satisfaits.
En dépit de tous ces éléments positifs, la tension semble monter en Côte d'Ivoire. La présence française, matérialisée par les soldats de l'opération Licorne, reste controversée, malgré le calme tout relatif des jeunes patriotes.
Il n'y a pas de commentaires à faire, mon cher collègue, il n'y a qu'à écouter : ce serait, au moins, une attitude digne !
La situation ne peut guère s'améliorer, compte tenu des allégations avancées par les autorités ivoiriennes quant à la légitimité et à la nature des interventions de nos forces ; je pense particulièrement à la sécurité des informations qu'elles ont collectées.
La paix reste précaire, comme le montrent les tensions entre le Président Laurent Gbagbo, qui - j'emploie le conditionnel - utiliserait des mercenaires pour déstabiliser la rébellion et les Forces nouvelles.
Le retour à la démocratie dans ce pays sera extrêmement difficile sans une volonté clairement affichée par le pouvoir actuel. Et nous n'en sommes pas encore là.
Nous sommes très inquiets, madame la ministre, pour nos soldats, pour la paix, la sécurité et la démocratie en Côte d'Ivoire.
Dans cette perspective, pourriez-vous nous rassurer, si cela est possible ou, pour le moins, nous donner des indications sur l'aboutissement de la médiation du Président M'Beki ?
Son arbitrage, en ce qui concerne les futures élections présidentielles, sera un signe. Le Président Gbagbo s'y conformera-t-il en donnant à ses opposants la possibilité d'être candidats ?
Pensez-vous que les négociations sur le désarmement entre le Président et les forces rebelles, en application des accords de Pretoria, ont des chances d'aboutir ?
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur Nogrix, vous avez raison de souligner que la situation en Côte d'Ivoire est extrêmement instable et fragile. Les accrochages qui ont lieu tous les jours près de la zone de confiance, comme l'insécurité qui règne à Abidjan, le prouvent.
Pour autant, il faut bien constater - nous nous en réjouissons tous - que la médiation du président M'Beki dans des conditions particulières, c'est-à-dire avec, simplement, les parties africaines concernées, représente un élément nouveau important et porteur d'espoir.
L'accord qui a été passé et a été contresigné par tous les partenaires prévoit, en effet, l'arrêt des combats, le désarmement, notamment celui des milices, le démantèlement de celles-ci, la révision des lois liées au processus électoral et le respect des échéances électorales.
Le problème crucial est, bien entendu, celui de la tenue des élections et de l'éligibilité des candidats pour les élections présidentielles.
Un accord n'ayant pu intervenir lors de la réunion de l'ensemble des parties prenantes, celles-ci ont demandé au Président M'Beki de procéder à un arbitrage. Celui-ci a indiqué hier que tous ceux qui étaient présents à la réunion de Pretoria devraient pouvoir se présenter aux élections. Il a par ailleurs demandé au Président Laurent Gbagbo de mettre en oeuvre les lois nécessaires pour ce faire.
L'accord de Pretoria semble donc bien déboucher sur des avancées concrètes, qui s'inscrivent d'ailleurs dans la droite ligne des accords de Marcoussi et d'Accra.
Nous sommes tous conscients de la fragilité de la situation. Il faut néanmoins saisir l'opportunité que constitue l'accompagnement de l'ONU. Vous l'avez dit, celle-ci a prolongé d'un mois le mandat des forces impartiales, c'est-à-dire celles de l'ONU et celles de l'opération Licorne. Une nouvelle résolution sera prise afin d'accompagner le développement de ce processus.
En Côte d'Ivoire aujourd'hui, la situation est telle, tant d'un point de vue sécuritaire que d'un point de vue économique, qu'il est temps que l'ensemble des responsables prennent conscience de la nécessité de faire avancer ce processus politique.
Il y va de l'avenir de la Cote d'ivoire. Il y va aussi de l'avenir de l'Afrique de l'Ouest.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'an dernier déjà, le plan Fret 2006 de la SNCF prévoyait la réduction d'un tiers du fret ferroviaire et, s'agissant du transport combiné, l'abandon des liaisons d'une longueur inférieure à 800 kilomètres. Les subventions sont passées de 92 millions d'euros en 2002 à 16 millions d'euros en 2005.
De son côté, le 3 mars dernier, la Commission européenne a autorisé l'Etat français à « accorder des financements à la SNCF », à condition que celle-ci se plie à son ultimatum et diminue sa capacité de 18 %.
La SNCF devrait donc fermer le point nodal d'Ile-de-France, le hub de Villeneuve-Saint-Georges, le plus grand centre de transit. Le centre multitechnique de la Compagnie nationale de conteneurs, la CNC, qui est situé à Valenton-Bonneuil et compte 170 salariés, serait supprimé, ce qui entraînerait la suppression des cinq centres de Clermont-Ferrand, de Tours, de Grenoble, d'Hendaye et de Toulouse, sur les onze existants.
Par ailleurs, le prétendu plan de modernisation et de restructuration serait assorti de l'ouverture anticipée du marché ferroviaire français à de nouveaux opérateurs privés, qui géreraient ces terminaux, et l'ouverture du capital de la CNC et de Novatrans à de nouveaux actionnaires privés.
Tout cela est inacceptable !
Les transports de marchandises augmenteront de 40 % d'ici à 2020. Il s'agit là d'un enjeu de société : quatre millions de tonnes transportées par combiné représentent 200 000 camions en moins sur les routes et dans les villes.
Tous les modes de transports doivent être utilisés, mais il faut accorder toute sa place au ferroviaire. Il associe en effet les qualités de la route, en termes de proximité et de souplesse, aux atouts du rail, en termes de maillage du territoire, de sécurité, de régularité, d'économies d'énergie, de respect de l'environnement et de diminution des maladies allergiques dues à la pollution.
Le projet de protection de l'atmosphère en Ile-de-France et dans tous le pays en dépend.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les engagements que Jean-Claude Gayssot avait pris en 2002, au nom de l'Etat, doivent être tenus : doublement du fret ferroviaire et triplement du transport combiné rail-route. Mais, pour cela, il faut garder la maîtrise publique du transport combiné et ferroviaire.
La voilà la différence avec les services d'intérêt général que propose la Constitution européenne aux Français !
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d'Etat : je vous demande de revenir sur votre décision et de retirer ce plan global de réorganisation du transport combiné.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Madame la sénatrice, dans le domaine du transport ferroviaire, comme dans les autres, il y a les paroles, il y a les promesses et il y a les actes.
Ah oui ! sur les travées du groupe socialiste.
Vous avez évoqué la promesse de M. Gayssot...
...de doubler le trafic ferroviaire de marchandises.
Or, à partir du moment où M. Gayssot a promis le doublement du transport ferroviaire de marchandises, ...
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. ...non seulement la part de marché du ferroviaire s'est écroulée, mais, en valeur absolue, le transport de marchandises par chemin de fer a baissé régulièrement, année après année.
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Cette baisse s'est accompagnée du creusement du déficit imputable au fret ferroviaire, au point de menacer la grande entreprise publique qu'est la SNCF.
Au total, 450 millions d'euros de déficit étaient imputables au fret.
Qu'a fait le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin ?
Il a adopté un plan de redressement du fret ferroviaire...
...qui s'est traduit par l'attribution d'une subvention, avec l'accord de la Commission européenne, de 800 000 millions d'euros, auxquels il faut ajouter un effort de 700 000 millions d'euros, émanant de la SNCF, ...
...afin de renouveler le matériel, de rationaliser le service, de diminuer les pertes.
Cet effort est important, mais il sera difficile de redresser la situation de ce mode de transport. C'est grâce à des mesures de gestion, des mesures d'investissement courageuses que nous avons une chance d'y parvenir.
Vous avez évoqué le transport combiné, madame la sénatrice. Ce mode de transport, qui est un mode de transport intelligent, était, lui aussi, en train de s'effondrer, parce que, dans ce secteur également, les déficits se creusaient. Il n'avait pas été procédé à la rationalisation nécessaire. Nous la faisons aujourd'hui. Cela nous conduit à reconsidérer le schéma de transport combiné.
Nous fermons en effet le point nodal d'Ile-de-France, situé à Villeneuve-Saint-Georges, ...
...parce qu'il n'est pas rationnel de regrouper les trafics en Ile-de-France pour les éclater ensuite vers toute la France.
Le transport combiné est surtout nécessaire pour les dessertes portuaires qui, jusqu'à présent, étaient mal assurées.
Là encore, nous mettons des moyens. Nous augmentons la subvention par conteneur. Celle-ci passe en effet de 10 euros à 12 euros.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Nous rationalisons l'organisation du transport combiné. C'est le seul moyen de sauver ce mode de transport, qui est en effet intéressant en termes de protection de l'environnement. Voilà le travail du Gouvernement !
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Allez-vous retirer votre plan ? Répondez, monsieur le secrétaire d'Etat !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au cours des dix-huit derniers mois, la guerre déclarée au Darfour a fait au moins 180 000 morts. Deux millions de personnes ont été déplacées. Plus de 200 000 réfugiés sont actuellement au Tchad, où la guerre s'étend.
L'Organisation des Nations unies a dénoncé le nettoyage ethnique au Darfour. Les Etats-Unis ont été les premiers à qualifier les crimes qui y sont perpétrés de génocide.
Tous les témoignages se recoupent et décrivent l'horreur de ce conflit. Les tribus noires, partagées entre confessions chrétiennes et animistes, sont persécutées par les tribus arabes, soutenues par le régime islamiste de Khartoum. Ce terrible conflit résulte de l'agrégation d'incidents ethniques, religieux et politiques très graves, que les cessez-le-feu, obtenus sous la pression internationale, ne parviennent pas à résorber.
L'Europe et les Etats-Unis tentent de remédier à l'impunité des miliciens Jenjawids, les tribus arabes du Darfour encadrées par l'année soudanaise, dont les exactions aggravent les difficultés d'acheminement de l'aide humanitaire destinée aux réfugiés.
Une mise au point ferme et urgente s'impose sur la situation dans cette région, déchirée par une guerre dont les enjeux humains, politiques et économiques dépassent la sphère soudanaise : la Chine, les Etats-Unis, la France sont ainsi en concurrence dans la compétition ouverte pour l'exploitation pétrolière des ressources que recèlent ces territoires.
Mes questions sont les suivantes.
Que compte faire la France pour que la Cour pénale internationale siège le plus rapidement possible ?
Quel est le poids de la France dans l'aide financière de 4, 5 milliards de dollars qui vient d'être attribuée au Soudan ? Cette dernière sera-t-elle clairement conditionnée à la cessation des exactions commises au Darfour ?
Enfin, alors que les tensions entre le Tchad et le Soudan semblent avoir atteint un point de non-retour, que compte faire la France pour aider le Tchad à faire face à l'afflux de réfugiés et pour que la guerre civile ne s'étende pas à ce pays ? Le Tchad ne pourra répondre seul aux besoins de ces populations.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP. - Mme Catherine Tasca applaudit également.
Monsieur le sénateur, j'ai reçu ce matin même le représentant spécial du secrétariat général des Nations unies pour le Soudan, M. Jan Pronk, qui revenait de la conférence des donateurs qui s'est terminée hier, à Oslo.
Votre question, monsieur le sénateur, arrive au bon moment.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
Ce dossier comporte deux volets : l'accord de paix dans le sud et le problème du Darfour, que vous avez évoqués tour à tour.
L'accord de paix dans le sud a été signé en janvier dernier à Naïvasha. Il recevra un appui considérable de la communauté internationale. Les bailleurs de fonds, qui étaient réunis il y a encore deux jours à Oslo, ont en effet décidé de s'engager à hauteur de 4, 7 milliards de dollars pour la seule période 2005-2007. La France, pour sa part, contribuera à cet effort à hauteur de 120 millions d'euros.
Par ailleurs, se met en place, sur proposition américaine, une opération de maintien de la paix, à laquelle la France a bien entendu donné son accord : 10 000 hommes seront déployés pendant six ans.
Mais, bien entendu, et vous l'avez dit vous-même, il n'y aura pas de paix durable au Soudan, au Sud-Soudan en particulier, sans paix au Darfour. Là, les drames se prolongent, et c'est à juste titre qu'il faut s'en préoccuper.
La France a été la première à soulever l'ampleur et l'impact du drame du Darfour, au moment où la communauté internationale semblait être surtout attentive à la conclusion de l'accord dans le sud.
Je rappelle que Dominique de Villepin fut le premier représentant d'un gouvernement occidental à se rendre au Soudan et au Tchad. Depuis, Michel Barnier, Renaud Muselier et moi-même nous sommes rendus dans cette région.
Dès la fin de l'année 2003, la France a engagé des moyens pour venir en aide aux populations menacées. Elle a sensibilisé les autorités soudanaises à la nécessité de régler rapidement cette question. L'apport total de la France pour le seul Darfour s'élève d'ores et déjà à 80 millions d'euros.
La France a également porté une attention toute particulière au Tchad. La frontière est du Tchad a en effet été très fragilisée par ce conflit. Nous avons mis en place là-bas des politiques d'accueil aux réfugiés.
Enfin, monsieur le sénateur, vous vous interrogez sur le rôle de la Cour pénale internationale. La France s'est mobilisée à cet égard aux Nations unies.
La solution pacifique doit s'accompagner, selon nous, d'une décision judiciaire. Il ne faut pas que tout se fasse dans l'impunité.
Monsieur le sénateur, la France veillera sans relâche, avec les instances internationales européennes, à la fin du conflit du Darfour, auquel elle porte une grande attention.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le plan Climat, publié le 22 juillet 2004, décrit les objectifs du Gouvernement en matière de lutte contre l'effet de serre, afin de répondre aux exigences du protocole de Kyoto qui vient d'entrer en application, voire d'aller au-delà, grâce à des mesures destinées à relever un véritable défi énergétique.
L'Union européenne met en place les outils juridiques nécessaires au respect de l'environnement et à la mise en oeuvre du développement durable. La politique européenne sera fondée sur les principes de précaution, de prévention et de correction.
Sur l'initiative du Président de la République, Jacques Chirac, la charte de l'environnement figure désormais dans notre Constitution.
Cette charte oriente notre développement social, économique et industriel vers des activités intégrant la protection de l'environnement. Les Français sont fiers de leur patrimoine naturel et ont envie d'agir pour préserver leur environnement, mais tous ces textes qui viennent réglementer leur quotidien les inquiètent.
M. Dominique Mortemousque. A ce jour, monsieur le ministre, il serait nécessaire que l'on nous précise, de façon concrète, comment va se traduire, dans la vie de chacun de nos concitoyens, et plus particulièrement dans la vie de nos agriculteurs, artisans, industriels, membres des professions libérales qui contribuent à la richesse de notre pays, l'article 5 de la charte, qui définit le principe de précaution, lequel préoccupe un grand nombre d'entre nous.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir posé cette question extrêmement pertinente qui traite d'un sujet assez difficile. Elle reflète une véritable inquiétude que manifestent nombre de nos concitoyens.
Le principe de précaution en lui-même n'est pas une nouveauté puisqu'il figure dans le code de l'environnement depuis 1995. Il est également consacré dans le projet de Constitution européenne.
La charte de l'environnement, que le Parlement a récemment adoptée, grâce à la détermination du Président de la République et du Premier ministre, ...
... a permis de porter ce principe au niveau constitutionnel, c'est-à-dire au niveau juridique le plus élevé.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit de se prémunir contre des risques de dommages graves et irréversibles à l'environnement dont la réalisation est incertaine en l'état des connaissances scientifiques.
Dès lors que ces conditions d'application sont réunies, le principe de précaution impose aux autorités publiques de prendre des mesures immédiates et proportionnelles, par leur coût et leur ampleur, aux risques éventuels.
En outre, les autorités publiques doivent, dans le même temps, favoriser toute expertise utile pour apprécier le risque et pour moduler les mesures prises.
La rédaction équilibrée de cette charte de l'environnement exclut donc, par principe, toute mesure d'interdiction totale et définitive.
Par ailleurs, l'application de l'article 5 de la charte ne provoquera pas d'inflation réglementaire qui entraverait inutilement le quotidien de nos concitoyens, puisque le Gouvernement entend poursuivre son action déterminée en matière de simplification du droit. Dans ce domaine, mon ministère se veut exemplaire. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'envisage de solliciter bientôt votre autorisation pour simplifier, par ordonnance, la partie législative du code de l'environnement.
M. Serge Lepeltier, ministre. Dans les prochains mois, le Gouvernement démontrera que l'application du principe de précaution conduit non pas à l'inaction, comme certains pouvaient le craindre, mais, au contraire, à l'action, en particulier à la promotion d'une innovation et d'une recherche responsables. J'en veux d'ores et déjà pour preuve la création de l'Agence nationale pour l'innovation. Vous le voyez : le Gouvernement travaille pour l'avenir de notre pays.
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. René-Pierre Signé. Mais il y a le président du conseil général des Vosges !
Sourires
De nombreuses questions matérielles, humaines et financières font encore à ce jour l'objet de débats entre les collectivités locales et l'Etat en ce qui concerne la décentralisation.
Pour les départements, la compensation du mois de décembre 2003 reste en suspens tant pour le RMI que pour les postes de l'ANPE.
Le financement de la charge supplémentaire due à la mise en oeuvre des contrats d'avenir n'a pas été précisé et nous sommes toujours en désaccord sur la période à prendre en référence pour la compensation du RMI.
Les contours et le financement du transfert du handicap restent très imprécis, alors que les discussions sur les transferts des personnels TOS, techniciens, ouvriers et de service, et des routes nationales se poursuivent dans tous les départements.
Les ministres invités aux assises des conseillers généraux ont prononcé à Nantes, en présence de 2000 élus de toutes sensibilités, des propos qui se voulaient prudents et rassurants sur l'esprit et sur la méthode, même s'ils sont restés très flous vis-à-vis des compensations financières.
Les présidents d'exécutif local expriment leurs légitimes inquiétudes sur le coût des compétences transférées.
Ils aspirent à une vraie décentralisation, accompagnée des moyens humains et financiers nécessaires.
Ils n'ont jamais refusé le dialogue et réclament une évaluation conjointe et une vraie négociation avec tous, identique sur l'ensemble du territoire. Ils appellent de leurs voeux une juste compensation et une véritable péréquation, dans l'esprit de notre République.
Dans ce contexte, M. le Premier ministre a déclaré que l'Etat « se montrera généreux ». Ce serait enfin une bonne nouvelle ! Mais il a ajouté : « avec les départements qui acceptent de coopérer », ...
...c'est-à-dire ceux qui signeront rapidement et à qui l'Etat « augmentera la dotation globale de l'ordre de 5 % », ...
...ce qui serait parfaitement inconstitutionnel !
Aux questions que posent légitimement de très nombreux exécutifs de toutes sensibilités, il n'est pas possible de répondre par la discrimination, la carotte et le bâton.
Au caddy personnalisé de la décentralisation à la carte succèdent désormais les soldes à 5 %.
M. Yves Krattinger. Les exécutifs locaux, quels qu'ils soient, ne « jouent pas contre la décentralisation » et ne se situent pas en dehors de la loi. Ils revendiquent le dialogue et la négociation dans la transparence, l'égalité de traitement devant la loi, l'application uniforme des règles de la République et un Etat impartial. Cela correspond-il à la volonté de M. le Premier ministre ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de me donner l'occasion de faire aujourd'hui, au-delà des polémiques, le point sur la mise en oeuvre de la décentralisation.
Comme vous le savez, nous n'en sommes qu'à la phase de la signature de conventions provisoires destinées à permettre aux départements et aux régions de bénéficier des moyens identiques à ceux dont disposait l'Etat pour faire fonctionner les services qu'il transfère.
Les discussions qui se sont déroulées au cours des trois derniers mois ont déjà permis, non pas à vingt départements, comme cela a été dit hier, mais à cinquante-neuf départements et à quatre régions de signer au moins l'une des conventions de mise à disposition. Les collectivités locales, qui n'ont pas signé une telle convention, ne rencontreront pas pour autant de difficultés puisque les décisions seront prises par arrêté interministériel, après avis de la commission de conciliation.
Nous en sommes maintenant à la deuxième phase, celle de la partition définitive assortie de garanties.
D'où proviennent ces garanties ? Vous connaissez l'existence des commissions locales tripartites, ...
Quand elles auront signé, ce sera trop tard. L'Etat ne les écoute pas !
...composées de représentants de l'Etat, de représentants des collectivités et de représentants des personnels, qui auront pour mission d'évaluer localement, ce qui est la moindre des choses s'agissant d'une loi de décentralisation, quels devront être les personnels et les moyens transférés.
Vous connaissez aussi l'existence de la Commission consultative d'évaluation des charges, qui traite de tous les sujets. Ainsi, hier, elle a statué sur les problèmes que rencontrent les départements à propos des routes et sur les questions de formation et d'aide aux étudiants, qui sont du ressort des régions. Elle évaluera globalement, avec justesse, la réalité des charges qu'il convient de compenser.
Monsieur le sénateur, vous savez bien que toutes ces phases ont pour objet d'identifier dans chaque cas particulier les difficultés rencontrées par les collectivités afin que l'Etat puisse effectuer la compensation de la manière la plus appropriée.
Nous sommes en train de mettre en place...
Monsieur le sénateur, ce n'est qu'en instaurant un vrai dialogue avec l'Etat que les dossiers pourront aboutir !
Hier, M. le Premier ministre a fait remarquer que tous ceux qui se mettaient en dehors de la négociation n'assuraient pas la défense des intérêts de ceux qu'ils représentent.
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Vous le constatez : lorsqu'un dialogue est ouvert, les ajustements avec l'Etat se font naturellement. De toute façon, le dialogue est nécessaire à la démocratie : les Français l'attendent de nous.
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ma question s'adresse à M le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le 31 décembre 2004 a marqué la fin des dernières mesures de protection mises en place au sein de l'Union européenne pour protéger notre industrie textile des exportations chinoises. Or on a constaté un boom de ces exportations qui menace gravement l'industrie européenne.
Les chiffres dont nous disposons parlent d'eux-mêmes. Selon les statistiques des douanes chinoises, les exportations textiles de la Chine vers les vingt-cinq pays de l'Union européenne ont augmenté en valeur de 46 % au mois de janvier dernier et de 119 % au mois de février par rapport aux mêmes mois de l'année 2004. En volume, la hausse est de 650 % en janvier et de 1 500 % en février. Selon la fédération textile européenne Euratex, les pertes d'emplois s'élèvent à 1 350 par jour, soit un million d'ici à la fin de 2006. Quant à l'industrie de la chaussure, très présente dans le grand Sud-Ouest, elle connaît une situation semblable : les importations ont connu une hausse de 92 % depuis le début de l'année.
A qualité strictement identique, les écarts de coûts enregistrés entre la France et la Chine vont de un à dix. Le coût total d'un produit chinois, transport et droits de douane compris, est inférieur au seul coût des matières premières nécessaires à la fabrication du même produit en France. Le salaire de 100 salariés français permet de rémunérer 830 ouvriers en Chine.
Ces évolutions, sans précédent, se font au détriment de toute l'industrie européenne et de celle du Maghreb, qui connaissent des pertes de production et d'emplois, mais aussi des disparitions d'entreprises. Monsieur le ministre, la situation est catastrophique. Le déclenchement des mesures de sauvegarde prévues dans le protocole d'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, s'impose si la Chine elle-même ne prend pas les mesures adéquates pour limiter ses exportations.
Ma question est simple : monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer de la volonté du Gouvernement d'intervenir auprès de l'Union européenne afin de prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour mettre fin à cette catastrophe ?
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le sénateur, je sais combien vous êtes attentif, tout comme M. le président du Sénat, à l'avenir de la filière textile. Je tiens à vous assurer de la grande détermination du Gouvernement pour renforcer la compétitivité de ce secteur.
Sourires sur les travées socialistes
L'industrie textile est un secteur fortement concurrentiel, mais cette constatation ne doit pas nous rendre frileux.
Si la France a aujourd'hui une industrie textile exportatrice, c'est notamment, je tiens à le rappeler, grâce à l'Europe. En effet, monsieur de Richemont, vous n'êtes pas sans savoir que le marché européen est notre principal débouché. La France exporte deux tiers de son textile habillement dans les pays voisins. Nous n'avons pas à rougir des résultats enregistrés. L'Europe est aujourd'hui le deuxième exportateur mondial.
Cela dit, l'Europe et la France ont préparé de longue date la fin des quotas textiles. Un plan d'action spécifique en faveur de ce secteur a été élaboré à Bruxelles pour stimuler la recherche et l'innovation. Ce plan d'action, lancé au mois d'octobre dernier, vise à garantir la formation tout au long de la vie, à utiliser les fonds structurels pour aider les régions aujourd'hui fortement touchées par la situation que vous venez de décrire, ...
...enfin, à renforcer la lutte contre la contrefaçon et le piratage.
Lors de l'adhésion de la Chine à l'OMC, une clause de sauvegarde particulière a été prévue pour surmonter cette échéance : il est possible de limiter les importations de ce seul pays jusqu'en 2008.
Le Gouvernement a demandé à la Commission de poursuivre ses efforts et sa surveillance, précisément pour contrôler les importations de textile chinois.
Je rappelle que le gouvernement français, avec les onze autres Etats membres producteurs, a demandé à la Commission de prendre ces mesures. Sous notre pression, la Commission a déjà publié les règles selon lesquelles elle appliquera, le cas échéant, ces dispositions. Elle a également annoncé, voilà quelques jours, qu'elle décidera, au cours de la semaine prochaine, d'engager les enquêtes qui sont le prélude à ces mesures. Nous serons ainsi enfin à égalité avec le gouvernement américain, qui a adopté des dispositions analogues.
Enfin, monsieur de Richemont, vous savez que, pour que nous puissions nous battre à armes égales, il nous faut recréer de la valeur ajoutée. L'essentiel, pour nous, est de favoriser la créativité, de favoriser l'innovation, de favoriser la différence.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a mis en place des instruments tels que le crédit d'impôt recherche, les pôles de compétitivité, les pôles d'excellence - instruments...
M. Thierry Breton, ministre. ... qui vont concerner plusieurs secteurs, et précisément ceux que vous avez cités - ou encore l'agence pour l'innovation industrielle, qui aura elle-même des moyens pour investir en amont et faire en sorte que l'industrie française marque sa différence.
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le ministre, les mesures annoncées doivent être prises très rapidement !
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication représentent une véritable chance pour les territoires ruraux. Le Gouvernement a lancé, le 15 juillet 2003, avec les trois opérateurs français, un plan visant à assurer d'ici à 2007 la couverture en téléphonie mobile des zones blanches, qui ne sont actuellement couvertes par aucun opérateur.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, quel est l'état d'avancement de ce plan ?
Par ailleurs, dans certains cas, des pylônes appartenant à la société Télédiffusion de France peuvent être utilisés dans le cadre de ce plan. L'aménagement de pylônes existants présente un avantage financier pour les collectivités maîtres d'ouvrage, permet de faire progresser le plan plus rapidement, enfin, évite des oppositions locales de plus en plus fréquentes lors de la construction de nouveaux pylônes, en raison notamment de problèmes environnementaux.
Les crédits mis en place par l'Etat, s'ils sont suffisants en volume, ne permettent toutefois pas d'intervenir sur ces pylônes. Or, sur les 1 250 sites du plan zones blanches de la première phase, les pylônes de TDF pourraient représenter environ 200 sites, autorisant ainsi la couverture de 300 communes et territoires et de plusieurs milliers d'habitants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelle solution envisagez-vous pour régler ce problème afin de répondre, dans les délais prévus, à l'attente très forte de nos concitoyens ?
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur Fouché, le Gouvernement partage totalement votre avis.
Qu'il s'agisse du haut débit ou de la téléphonie mobile, rendre les nouvelles technologies de l'information et de la communication accessibles sur tout le territoire national représente un défi majeur que nous entendons relever. C'est un sujet qui mobilise le Gouvernement, et tout particulièrement Gilles de Robien et Frédéric de Saint-Sernin.
Il s'agit, comme vous l'avez très justement dit, de répondre aux attentes de nos concitoyens et aux enjeux d'une société et d'une économie modernes. Sans aménagement numérique de notre territoire, la société de l'information resterait éloignée des zones rurales, ce que, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne pouvons accepter.
Le Président de la République lui-même a clairement fixé l'objectif : d'ici à 2007, toutes les communes doivent avoir accès à l'internet haut débit et à la téléphonie mobile.
Le plan zones blanches a été lancé en juillet 2003 et permettra de couvrir d'ici à 2007 les 3 000 communes qui ne sont pas actuellement couvertes par un opérateur de téléphonie mobile.
La première phase de ce plan représente un investissement de 44 millions d'euros pour l'Etat, des financements de la part des collectivités locales et des opérateurs, et cela pour desservir 1 800 communes. La période d'identification des sites sur le terrain a été longue, et vous avez souligné certaines des difficultés que nous avons rencontrées.
Cette première phase progresse maintenant très rapidement, 85 % des départements concernés étant désormais engagés dans le plan zones blanches. Sur les 1 250 sites à créer pour la première phase, 93 pylônes ont été mis à disposition par les collectivités à la fin du mois de mars dernier, alors qu'il n'y en avait que 30 fin janvier. Après une phase de démarrage, nous sommes donc maintenant dans une phase d'accélération.
Aujourd'hui, 41 pylônes sont ouverts commercialement, contre seulement 13 au début de l'année.
La seconde phase de ce plan, qui commence cette année et sera financée par les opérateurs, permettra de couvrir 1 200 communes supplémentaires.
Vous avez parlé avec raison de l'éventuelle utilisation des pylônes de Télédiffusion de France. Il y a de nombreux avantage à utiliser ces pylônes : ces derniers existent, c'est avantageux financièrement...
...et, surtout, cela permet de réduire les atteintes à l'environnement.
L'utilisation de ces pylônes a cependant soulevé un problème de nature budgétaire, non pas par manque de crédit, mais en raison d'une difficulté d'imputation budgétaire. Au lieu de crédits relevant du titre VI, il nous fallait des crédits relevant du titre IV. Ce problème est en voie de règlement, de sorte que nous pourrons utiliser les pylônes de TDF.
Le Gouvernement est donc, comme vous-même, monsieur le sénateur, très attentif à l'avancement de ce plan, qui progresse rapidement et qui nous permettra de répondre à l'attente de tous nos concitoyens en territoires ruraux.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes.
Je rappellerai un seul chiffre, hélas terrible et qui ne date pas d'aujourd'hui :...
...près d'un demi million de jeunes sont inscrits à l'ANPE et 265 000 ne savent même pas à quelle porte frapper !
Depuis vingt ans, le taux d'emploi des jeunes en France est moitié moindre que celui de la population totale et moitié moindre que chez nos voisins européens : constat intolérable, qui mine particulièrement la confiance, révélateur d'une société qui n'a pas su trouver, vingt années durant, de solution pérenne à la transition entre école et travail.
Au moment même où le ralentissement économique frappe non seulement la France, mais aussi tout notre continent, et alors que l'Eurogroupe se réunit pour tenter d'y faire face, vous avez décidé, monsieur le ministre, de passer un contrat de confiance avec les jeunes.
Avec le plan de cohésion sociale, qui prévoit l'accompagnement, sur cinq ans, de 800 000 jeunes, et le développement de l'apprentissage, vous suscitez beaucoup d'attentes. La traduction législative de ce plan vous permet désormais de le mettre en oeuvre.
Il existe désormais un droit à l'accompagnement pour tous ceux qui sont confrontés à un risque d'exclusion professionnelle. Il incombe à l'Etat lui-même d'assumer ce devoir et cette responsabilité collective, comme je l'avais mentionné dans un amendement que j'avais déposé.
Maintenant que le temps du débat parlementaire est passé, nous sommes soucieux, à Paris comme dans toutes les régions et villes de France, de voir ces jeunes, si nombreux à nous solliciter dans nos permanences, accéder à l'emploi, notamment au sein des entreprises qui proposent des postes mais qui, paradoxalement, rencontrent aussi des difficultés à recruter.
Avec les CIVIS, les contrats d'insertion dans la vie sociale, les plateformes de vocation, les mesures pour l'apprentissage et d'insertion professionnelle des jeunes, vous vous êtes engagé à diviser par deux leur taux de chômage, à condition que toutes les parties concernées se mobilisent.
Au-delà de la cohérence économique et sociale du plan de M. Borloo, pouvez-vous nous dire aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, si la jeunesse de France peut vraiment et durablement reprendre espoir ?
Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur Goujon, lundi à Strasbourg, nous avons signé, avec Jean-Louis Borloo, les premiers contrats d'insertion dans la vie sociale. Je sais le rôle que vous avez joué au Sénat dans le développement de ce contrat et dans sa prise en charge par l'Etat.
J'en rappellerai simplement l'idée.
Chaque jeune au chômage, jusqu'au niveau bac, est confié à un tuteur. Il bénéficie d'un accès prioritaire à l'ensemble des offres d'emploi non pourvues - soit près de 400 000 offres -, grâce aux méthodes les plus modernes, dans les plateformes de vocation. Il a surtout un accès prioritaire à l'ensemble des dispositifs de formation. De surcroît, le fonds d'insertion permet de couvrir les frais de la vie quotidienne : logement, transport, garde d'enfant ou santé.
Ce programme est aujourd'hui engagé et il accueillera en 2005 au moins 100 000 jeunes de notre pays.
Deuxième volet : l'apprentissage. Nous avons lancé hier, avec Jean-Louis Borloo...
... une campagne d'information pour mobiliser les jeunes et les familles, leur rappeler que l'apprentissage, auquel je sais que votre assemblée est attachée, c'est d'abord une voie de réussite éducative, les mêmes diplômes pouvant être dispensés qu'à l'école avec le même taux de succès. C'est aussi et surtout une bonne voie pour décrocher son premier emploi.
Le crédit d'impôt pour les employeurs est opérationnel. Le décret a été publié : ce sont 1 600 à 2 200 euros par an par apprenti qui sont ainsi garantis à tous les maîtres d'apprentissage.
Lundi prochain, nous signerons le premier contrat d'objectifs et de moyens avec une région, la Bourgogne, et mardi, avec Jean-Louis Borloo, rue de Grenelle, ...
...nous rassemblerons les chambres de métiers, les chambres de commerce, les chambres d'agriculture et quinze branches professionnelles pour définir des objectifs chiffrés de développement de l'apprentissage.
Enfin, et c'est la concrétisation du changement de statut de l'apprenti, à partir de la rentrée de septembre, tous les apprentis de France se verront remettre une carte nationale d'apprenti sur le modèle de la carte d'étudiant, ...
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
...leur garantissant une protection sociale, un accès au logement, une aide au transport, ainsi que des réductions tarifaires.
La mise en place de cette carte nationale d'apprenti résulte d'ailleurs d'une initiative conjointe du groupe UMP et du groupe socialiste.
Vous le voyez, la jeunesse française a donc des raisons d'espérer, dès lors que nous nous donnons le temps de l'accueillir et de l'accompagner vers son premier emploi, et ce grâce à une loi de programmation qui débloque sur cinq ans les moyens nécessaires.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Dimanche dernier, un vice-procureur de Créteil a été violemment agressé et blessé à la tête par un individu dans un restaurant proche du Palais de justice.
Cette agression dont, au vu des premiers éléments de l'enquête, rien ne permet pour l'instant de dire qu'elle est liée à l'exercice de ses fonctions par ce vice-procureur, s'inscrit dans un contexte très sensible pour des magistrats qui donnent le meilleur d'eux-mêmes à leur mission.
Les horaires, le nombre de dossiers à traiter, la charge de travail supplémentaire occasionnée par des textes législatifs pléthoriques rendent difficile le travail des magistrats, et cela alors qu'ils sont souvent remis en cause par les médias et même par certains politiques !
Les agressions verbales ou physiques, dans l'enceinte même ou devant les portes des palais de justice, sont fréquentes, et l'agression de Créteil est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
Nos palais de justice ne disposent pour la plupart d'aucun service de sécurité, service pourtant indispensable à leur bon fonctionnement, et je doute que l'enveloppe nationale de 1, 5 million d'euros que le Gouvernement souhaite consacrer à cette mission ne suffise, d'autant que, si notre pays consacre 1, 89 % du budget de l'Etat au budget de la justice et même si celui-ci est en augmentation constante depuis 1995, il reste un des derniers de l'Union européenne.
Dans le même temps, la reprise en main discrète de la magistrature par votre gouvernement heurte les consciences.
Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Mme Michèle André. Ainsi, le 9 mars 2004, vous avez affirmé la hiérarchisation du parquet, puis placé méthodiquement comme procureurs de la République ceux qui vous sont proches
Nouvelles protestations sur les mêmes travées
...passant outre les avis contraires émis par le Conseil supérieur de la magistrature et prenant ainsi le contre-pied des bonnes pratiques instaurées par Mme Guigou.
Cette « culture de la soumission » risque de remettre en cause l'indépendance de la magistrature, qui est un des principes fondamentaux de notre République.
Comment en effet garantir le respect de l'article 66 de la Constitution, selon lequel les magistrats ont pour mission la protection, en toute indépendance, des libertés de nos concitoyens ?
Dans un tel contexte, et alors que vous annoncez le dépôt d'un projet de réforme du statut de la magistrature, que voulez-vous faire ?
Est-il vrai que, sur la base du rapport Cabannes, vous avez l'intention de modifier le serment des magistrats dans le sens d'un renforcement de leur devoir de réserve ?
Avez-vous l'intention d'utiliser la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, pour mettre la magistrature sous tutelle ?
Comment procéderez-vous pour concilier l'impératif économique et la qualité des décisions de justice rendues ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame André, votre question me donne l'occasion de faire, au nom du garde des sceaux, plusieurs mises au point, mais aussi de relever l'effort très important que le Gouvernement a décidé de consentir en faveur de la justice.
En ce qui concerne d'abord les magistrats, la loi d'orientation et de programmation pour la justice a permis de décider de la nomination de 950 magistrats, ...
...dont 430 sont effectivement nommés aujourd'hui.
En ce qui concerne les fonctionnaires de greffe, 3 500 doivent être nommés et, à ce jour, 1 334 l'ont effectivement été. Il y a encore, nous en sommes d'accord, des efforts à faire sur ce point, car les fonctionnaires de greffe contribuent réellement au bon fonctionnement de la justice.
S'agissant ensuite de la sécurité dans les palais de justice, Dominique Perben est le premier garde des sceaux à s'en être réellement préoccupé. Il a ainsi confié une mission d'évaluation au procureur général de Rouen, qui a déposé un rapport dont nous appliquons avec beaucoup de détermination les conclusions.
Vous avez évoqué, madame André, la récente agression d'un magistrat de Créteil, à qui je tiens, à titre personnel, à exprimer toute ma solidarité et tout mon soutien.
Ce magistrat, qui a en effet été agressé de façon très lâche et blâmable, l'a été en dehors de ses fonctions. Vous aurez observé que l'auteur de l'agression a déjà été interpellé, et Dominique Perben a dit sa détermination à faire toute la lumière sur cette affaire. C'est important, ne serait-ce que pour rendre honneur à des magistrats dont le travail est, vous l'avez dit avec raison, difficile et, bien trop souvent, critiqué à tort.
J'en reviens à la question des nominations.
Je vous rappelle que, de novembre 2003 à septembre 2004, il a été décidé de 390 déplacements de magistrats du parquet, déplacements soumis au contrôle du CSM, qui a donné un avis négatif pour onze d'entre eux seulement. Ce n'est que pour sept de ces onze déplacements que le garde des sceaux a maintenu sa position.
Il l'a fait, et c'est vérifiable, uniquement pour des raisons d'ordre technique, certainement pas pour des raisons d'ordre politique !
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
C'est la démonstration, mesdames, messieurs les sénateurs, de ce que le garde des sceaux entend, d'une part, exercer pleinement ses attributions, d'autre part, le faire de façon très constructive, dans un rapport intelligent avec le CSM.
Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Les polémiques sur ce point sont donc inutiles : mieux vaut être constructif, car le sujet est important.
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Philippe Richert.
M. le Président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le Président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le Président de l'Assemblée nationale, une demande tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.
Signé : Jean-Pierre RAFFARIN »
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, face aux risques liés aux activités conduites en mer, ou à partir de la mer, le ministère de la défense est aujourd'hui un acteur de première ligne pour préserver la sécurité des Français et les intérêts de notre pays.
Qu'il s'agisse de prévention d'actions terroristes venant de la mer, qu'il s'agisse de lutte contre l'immigration clandestine, de lutte contre le narcotrafic ou de pêche illicite, nos armées, et notamment la marine nationale, seules ou en coordination avec les autres administrations, effectuent un travail dont l'efficacité mérite d'être soulignée.
L'activité du premier trimestre 2005 peut d'ailleurs le confirmer s'il en était besoin. Ainsi, en matière de lutte contre l'immigration clandestine, le Patrouilleur La Rieuse a récemment procédé, au large de Mayotte, à l'arraisonnement d'une embarcation de clandestins ; au titre de la lutte contre le narcotrafic, un Falcon a repéré un navire de pêche vénézuélien suspect qui a été transféré aux douanes françaises ; en février et mars, quatre navires pratiquant la pêche illicite ont été interceptés au large de la Guyane Française et déroutés.
Les moyens juridiques d'action de nos armées peuvent être encore accrus dans ces domaines, pour améliorer leur efficacité. C'est précisément l'objet du projet de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui à la Haute Assemblée, au nom du Premier ministre.
Il vise à intégrer au droit français un certain nombre de progrès du droit international. Force est en effet de constater que le dispositif juridique jusqu'alors applicable a démontré ses limites.
Ainsi, la loi du 15 juillet 1994 prévoit les mesures de coercition que l'Etat peut mettre en oeuvre en vertu du droit international de la mer : l'arraisonnement des navires, la visite à bord, le déroutement.
Jusqu'à présent, la marine nationale ne pouvait toutefois exercer ses prérogatives à l'égard de navires étrangers que sous certaines conditions. Dans le cas le plus général, elle ne pouvait agir que si les navires suspects entraient dans ses eaux territoriales. En haute mer, elle ne pouvait intervenir que s'ils étaient soupçonnés de piraterie, de transport d'esclaves ou d'émissions radios non autorisées.
Certains accords internationaux permettent d'aller au-delà de ce « droit commun ». C'est en particulier le cas des mesures d'entraide prévues par la convention de Vienne contre le trafic de stupéfiants.
Dans ce cas, il est permis de prendre des mesures à l'encontre de navires étrangers, y compris en haute mer, à condition d'avoir une délégation de l'Etat du pavillon et, lorsqu'ils sont dans des eaux territoriales autres que les nôtres, par délégation de l'Etat côtier concerné.
Il faut bien reconnaître que tout cela demeure très restrictif.
Un exemple suffira à illustrer les limites d'action qu'impose le droit actuel. En mars 2002, une frégate française déployée en Méditerranée n'a pu, face à un cargo transportant des migrants clandestins, que l'accompagner jusqu'aux eaux territoriales italiennes. Ce sont alors les autorités italiennes qui ont procédé à l'arraisonnement, au contrôle et au débarquement de l'équipage. Même avec l'accord de l'Etat du pavillon du cargo, le commandant de la frégate française ne disposait pas des outils juridiques lui permettant d'intervenir directement, tout simplement parce que la loi de 1994 ne prévoyait pas ce type d'action dans le cadre de la lutte contre l'immigration illicite.
Il convenait donc de prévoir ces situations dans la loi française. Tel est l'objet du présent projet de loi, qui complète et renforce les dispositions de la loi de 1994.
Il permettra désormais à l'Etat de prendre des mesures de coercition à l'égard de tout navire en cas de soupçons de trafic de stupéfiants ou de trafic de migrants.
La marine nationale pourra ainsi intervenir, y compris dans les eaux territoriales d'un Etat étranger, sous réserve de la signature d'un accord ad hoc.
Le nouveau texte établit également la compétence des autorités françaises en matière de recherche, de constatation, de poursuite et de jugements d'infractions dans les cas de trafic illégal de migrants et de stupéfiants. Lorsqu'elles concernent des navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité, ces mesures s'appliquent automatiquement. Dans le cas contraire, elles sont naturellement subordonnées, soit à l'assentiment de l'Etat du pavillon, soit à des accords internationaux.
En ce qui concerne la lutte contre le trafic de stupéfiants, la loi permettra, ce qui est important, d'étendre les mesures d'entraide aux Etats non partie à la Convention de Vienne, sur la base d'accords particuliers entre la France et l'Etat du pavillon.
Un premier accord a d'ailleurs déjà été conclu en avril 2003 pour la coopération en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants dans les Caraïbes. Il est en cours de ratification.
La nouvelle loi répondra également à l'augmentation de l'immigration clandestine par voie maritime, que l'on constate sur pratiquement toutes les mers. Elle facilitera la mise en oeuvre par l'Etat français des mesures prévues par le protocole de Palerme, ratifié par la France et entré en vigueur le 28 janvier 2004.
Ainsi, ce sont simplement les moyens juridiques d'une action qui sont aujourd'hui élargis en vue de renforcer l'efficacité de la marine nationale.
Après l'adoption de ce projet de loi par le Parlement, la France sera dotée d'un outil juridique permettant à la marine nationale, à la gendarmerie, aux douanes et aux affaires maritimes de lutter plus efficacement contre les activités illicites dans la plupart des espaces maritimes.
Ce sera une contribution à la sécurité de l'ensemble de nos compatriotes.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le principe de la liberté de navigation et son corollaire, l'exclusivité de la loi du pavillon, reste un impératif essentiel pour une puissance maritime comme notre pays.
Vous l'avez rappelé, madame la ministre, ce principe ne connaît que de rares exceptions qui portent sur les actes de piraterie, la traite des esclaves et les émissions de radio non autorisées.
Ces infractions, réprouvées par la coutume et incriminées par la convention de Montego Bay font de tout navire qui s'y livre, un bâtiment réputé sans pavillon.
Le droit international a toutefois apporté plusieurs aménagements au principe de la loi du pavillon pour lutter contre deux formes de criminalité en mer : le trafic de stupéfiants et le trafic de migrants.
Les Etats se sont accordés sur la nécessité d'une coopération internationale pour lutter contre ces trafics. Le trafic de migrants et le trafic de stupéfiants ne permettent pas de déroger à la règle du pavillon, l'accord de l'Etat du pavillon étant toujours requis, mais cet accord est facilité et autorise une intervention sur les navires en infraction.
En droit interne, les modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs en mer sont définies par la loi du 15 juillet 1994. Cette loi a été adaptée une première fois en 1996 pour tenir compte des dispositions particulières, issues de la convention de Vienne, contre le trafic de stupéfiants.
En la matière, elle permet l'exercice de pouvoirs de contrôle et de coercition et elle déroge aux règles de la procédure pénale pour tenir compte des spécificités de la police des stupéfiants en haute mer. Elle habilite ainsi les commandants de bord à rechercher, à constater des infractions et à prendre les mesures nécessaires pour qu'une suite judiciaire puisse leur être donnée.
Le présent projet de loi nous propose une nouvelle adaptation de la loi de 1994 pour deux raisons principales.
D'abord, la pratique a fait apparaître le besoin de préciser la loi du 15 juillet 1994 pour assurer la sécurité juridique des opérations effectuées en mer.
Ensuite, la signature du protocole du 15 décembre 2000, relatif à la lutte contre le trafic de migrants ouvre de nouvelles possibilités d'intervention contre cette infraction, qu'il convient de transposer en droit interne.
Les précisions de nature à assurer la sécurité juridique des opérations peuvent être appréciées au regard de l'arrêt de la Cour de cassation, rendu le 15 janvier 2003, sur l'arraisonnement du Winner.
Le Winner, navire battant pavillon cambodgien - le Cambodge étant un Etat non partie à la Convention de Vienne - a été arraisonné par un bâtiment de la marine nationale au mois de juin 2002, après que le Cambodge eut donné son accord à cette intervention.
Prenant appui sur la convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer, la Cour de cassation a validé cette opération, faisant primer l'accord de l'Etat du pavillon.
Le présent projet de loi, en supprimant toute référence à la convention de Vienne, élargit les possibilités d'intervention à tout navire dont l'Etat du pavillon aurait sollicité ou agréé l'intervention des autorités françaises.
Il précise également que, pendant la durée du transit nécessaire aux opérations de déroutement, les agents de l'Etat dûment habilités peuvent prendre les mesures de coercition nécessaires et adaptées en vue d'assurer la préservation du navire et de sa cargaison, ainsi que la sécurité des personnes se trouvant à bord.
Dans un deuxième temps, le projet de loi tire les conséquences en droit interne des possibilités nouvelles ouvertes par le droit international. Ces possibilités sont de deux ordres.
Tout d'abord, en vertu d'accords régionaux pris sur la base de la convention de Vienne, des Etats peuvent s'entendre sur la possibilité pour des navires d'autres Etats d'intervenir dans leurs eaux territoriales pour réprimer le trafic de stupéfiants.
L'accord signé à San José, le 10 avril 2003, entre les pays continentaux ou insulaires de la Caraïbe est, pour le moment, le seul exemple. Il prévoit la possibilité pour les Etats de donner leur accord a priori pour l'intervention des autres parties sur un navire battant leur pavillon ou dans leurs eaux territoriales. Dans ce dernier cas, l'Etat intervenant agit sur délégation de l'Etat ayant donné son accord.
Le présent projet de loi élargit donc le champ d'intervention des autorités habilitées aux navires situés dans les espaces maritimes sous souveraineté d'un Etat étranger, en accord avec ce dernier.
Deuxième possibilité ouverte récemment par le droit international : l'intervention en haute mer sur des navires battant pavillon d'un autre Etat pour lutter contre le trafic de migrants. Cette possibilité fait l'objet de l'insertion dans le texte d'un titre spécifique et reprend, s'agissant de la lutte contre le trafic de migrants, des dispositions similaires à celles qui sont en vigueur pour la lutte contre le trafic de stupéfiants.
Le champ d'application est identique : il couvre les navires battant pavillon d'un Etat qui a sollicité l'intervention de la France ou agréé sa demande d'intervention, ainsi que les navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité. Le présent texte habilite les personnels chargés de la surveillance en mer à prendre les mesures de contrôle et de coercition prévues par la loi. Le commandant peut également faire procéder à la saisie des objets ou des documents liés aux infractions et ordonner le déroutement d'un navire. Tout comme pour le trafic de stupéfiants, le projet de loi établit la compétence des juridictions françaises lorsque des accords internationaux le prévoient ou avec l'accord de l'Etat du pavillon.
Ce texte s'applique en métropole, mais aussi à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Cette précision est utile dans la mesure où les infractions commises en mer concernent tout particulièrement ces territoires.
L'Assemblée nationale n'a que peu modifié ce texte, essentiellement par des amendements rédactionnels. Elle a ainsi tenu compte de la codification, intervenue récemment, du titre Ier`de la loi du 15 juillet 1994 au titre II du Livre V du code de la défense. Elle a apporté certaines précisions de nature à sécuriser la procédure en prévoyant, par exemple, que l'absence de remise d'une copie du procès-verbal à la personne intéressée en matière de trafic de migrants n'entache pas pour autant la procédure de nullité. Cette précision est rendue nécessaire par la difficulté d'identification des passeurs en matière de trafic de migrants.
Elle a également adopté deux amendements de fond, prévoyant la possibilité pour le procureur de la République d'ordonner, dans les collectivités d'outre-mer, la destruction des embarcations dépourvues de pavillon ayant servi à commettre les deux types d'infractions visés par loi, le trafic de stupéfiants et le trafic de migrants. Cette mesure de destruction, dont l'effet est très dissuasif, est mise en oeuvre depuis quelque temps en Guyane pour l'orpaillage clandestin. Cette procédure, strictement encadrée puisque placée sous le contrôle du procureur, ne sera donc pas systématique.
Le présent projet de loi conforte et complète de façon opportune le dispositif existant en opérant les transpositions nécessaires du droit international. Il vient à l'appui du mouvement engagé depuis plusieurs années d'une protection renforcée de nos approches maritimes, de plus en plus soumises à des risques et menaces d'ordre écologique, économique ou sécuritaire.
La commission des affaires étrangères a souscrit à cet objectif en émettant un avis favorable sur le projet de loi, assorti des amendements adoptés par l'Assemblée nationale.
Je bornerai donc mon propos à trois remarques.
La première, c'est que l'exercice par I'Etat de la police concerne bien sûr la marine nationale au premier chef, en raison de sa capacité d'intervention en haute mer et de son action spécifique de sauvegarde maritime. La codification de la loi de 1994 dans le code de la défense ne doit cependant pas faire passer au second plan le caractère nécessairement interministériel du dispositif de protection de nos approches maritimes, lequel implique le ministère des transports, mais aussi celui de l'économie, des finances et de l'industrie, ministère de tutelle de la douane. Il s'agit d'un modèle de coopération entre administrations qui doit être conforté et dont la communauté d'objectifs est à souligner.
Ma deuxième remarque, c'est que la dimension internationale des trafics appelle une coopération renforcée, notamment à l'échelle européenne, mais aussi avec nos partenaires de la rive sud de la Méditerranée. Nos partenaires européens n'ont certes pas tous une façade maritime, mais ils sont exposés aux conséquences des trafics par voie de mer. Or la coopération douanière et policière reste insuffisante et peu structurée. Nous devons donc constituer un réseau de coopération plus dense et plus efficace.
Le projet de loi de ratification de l'accord de San José, déposé à l'Assemblée nationale à l'automne dernier, devrait être transmis prochainement au Sénat afin de rendre effective et plus efficace la coopération esquissée dans la Caraïbe en matière de lutte contre les stupéfiants. Il constitue un véritable modèle.
Enfin, dans ma troisième remarque, je mettrai l'accent sur l'importance du renseignement maritime. Sans information sur les navires et leur cargaison, les dispositions que nous adoptons aujourd'hui risquent de rester vaines. Là encore, un vaste espace reste ouvert pour une coopération accrue entre nos administrations et avec nos partenaires européens pour faire face à des menaces communes.
Marquant son accord avec les objectifs du présent projet de loi et leur formulation, ainsi qu'avec les modifications apportées par l'Assemblée nationale, dont l'examen a du être à plusieurs reprises repoussé, votre commission vous propose, mes chers collègues, d'adopter ce texte sans modification.
Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF, du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Nogrix.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, originaire d'une région dont la mer constitue l'une des caractéristiques principales, j'attache bien entendu, vous le comprendrez, un grand intérêt à un sujet aussi capital que la sécurisation des espaces maritimes, sachant que beaucoup de Bretons sillonnent les mers.
Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui permet d'adapter la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer aux évolutions du droit international maritime, comme l'a rappelé notre excellent rapporteur.
En vertu d'accords internationaux, l'Etat français peut être amené à exercer certaines mesures coercitives à l'encontre de navires étrangers en haute mer, par délégation de l'Etat du pavillon, ou dans les eaux territoriales d'un Etat étranger, par délégation de l'Etat côtier.
Pour s'adapter à ces évolutions du droit international, le projet de loi répond à trois objectifs : élargir le champ d'intervention de l'Etat, renforcer les pouvoirs de l'Etat en matière de lutte contre les trafics maritimes de stupéfiants et psychotropes, enfin, ajouter un titre spécifique à la loi de 1994 pour renforcer les pouvoirs de l'Etat en matière de lutte contre l'immigration illicite par mer.
Le groupe UC-UDF du Sénat partage le souci du Gouvernement de modifier notre législation pour rendre plus efficace la lutte contre les trafics illicites en tous genres, notamment les trafics de stupéfiants ou d'immigrants clandestins effectués par voie maritime.
Il faut, en effet, mettre les moyens dissuasifs les plus efficaces à la disposition des services compétents pour aider ces derniers à remplir leurs différentes missions, difficiles mais indispensables, en vue d'assurer la sécurité de notre territoire et de nos citoyens.
L'augmentation de l'usage régulier de drogues est particulièrement préoccupante - nous le constatons tous -s'agissant notamment, hélas ! des drogues dites « dures », dont la consommation a tendance à se banaliser chez les jeunes.
Plusieurs études montrent malheureusement que la consommation de cocaïne et de médicaments psychotropes a augmenté de façon très significative, et ce pas seulement pour une première expérience, comme c'était le cas autrefois, - « juste pour voir », disaient les jeunes -, mais pour une consommation régulière.
Il faut donc, à tout prix, essayer de limiter au maximum l'introduction par voie maritime de ces véritables poisons pour notre jeunesse.
Je le répète, la réussite de cet objectif passe par la signature de conventions bilatérales entre Etats, vous le savez bien, madame la ministre.
Or, à ce jour, un seul accord de coopération régionale a été signé, à San José, le 10 avril 2003.
Le projet de loi portant ratification de cette convention n'a pas encore été discuté au Parlement. Il est donc souhaitable que ce texte soit inscrit rapidement à l'ordre du jour des deux assemblées, et je ne doute pas, madame la ministre, que vous y veillerez, car ce sujet est extrêmement préoccupant.
Je souhaite également mettre l'accent sur la nécessité de renforcer la lutte contre les réseaux de migration illicite.
Malheureusement, les images des journaux télévisés nous rappellent que les côtes européennes, et plus particulièrement sur le pourtour méditerranéen, celles de la Grèce, de l'Italie et de l'Espagne, sont trop fréquemment le lieu de véritables drames humains.
Voilà quelques jours encore, six morts étaient à déplorer sur la côte sud de la Sicile.
Nos territoires sont également concernés, en particulier nos territoires et départements d'outremer, Mayotte en particulier, qui concentre un flux migratoire très important, mais qui est aussi, malheureusement, le lieu de nombreux drames. Au début du mois de mars, à la suite du chavirage d'un bateau transportant des migrants, ont été comptabilisés, hélas, quatre morts et une trentaine de disparus.
Nous ne pouvons rester sans lutter contre le développement de tels trafics organisés en réseaux et dont les responsables, avides du gain qu'ils en escomptent, sont peu scrupuleux des conditions de confort et de sécurité de leurs passagers très vulnérables.
Renforcer la lutte contre la migration illicite par voie de mer est une mesure de sécurité intérieure, bien sûr, mais c'est aussi une mesure à caractère humanitaire, car s'attaquer aux trafiquants, c'est tenter de mettre un terme à ces filières particulièrement intolérables.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons qu'approuver ce projet de loi. Néanmoins, en guise de conclusion, je souhaite appeler votre attention, madame la ministre, sur trois aspects importants.
D'abord, il semble indispensable que, parallèlement au renforcement de notre législation, les pays membres de l'Union européenne fassent de réels efforts pour mettre en commun les moyens dont ils disposent et que la synergie prenne tout son sens également dans ce domaine.
Sur quelque mille tonnes de cocaïne produites chaque année en Amérique du Sud et en Amérique centrale, près d'un tiers sont acheminés vers l'Europe par la voie maritime. Une optimisation de la lutte contre le trafic de stupéfiants passe indiscutablement par la mise en oeuvre de programmes d'action communs à l'échelon de l'Union européenne.
Ensuite, il semble également important de renforcer nos liens avec les forces de police et les douanes des pays d'origine des trafics. Ces dernières sont d'ailleurs très souvent demandeuses d'un développement des coopérations avec d'autres Etats concernés, car ce type de délinquance dépasse en règle générale le cadre géographique d'un seul Etat.
Les trafics de la drogue sont le plus souvent l'oeuvre de réseaux mafieux très bien organisés, à dimension internationale, usant des armes technologiquement les plus avancées, ce qui justifie que des moyens exceptionnels et inhabituels soient mis en place pour les combattre. C'est une véritable guerre que nous avons à mener contre les membres de ces réseaux, qui connaissent les armes les plus destructrices et les plus efficaces.
Les Etats doivent donc s'impliquer non seulement par la surveillance des espaces maritimes, mais également par la signature de conventions de coopération bilatérale ou multilatérale ; je n'insisterai jamais assez sur le caractère particulier de la lutte contre les deux méfaits que je viens d'évoquer.
Enfin, madame la ministre, la corrélation entre les ambitions affichées et les moyens humains prévus pour remplir ces nouvelles missions est un aspect majeur, qu'il ne faudra pas négliger dans nos budgets. A cet égard, le groupe UC-UDF compte sur votre ténacité.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, la commission vous a chargé, avec M. Jean-Guy Branger, de préparer un rapport d'information sur l'action de l'Etat en mer. Ce document devrait permettre de dresser un état des lieux très utile des moyens dont les douaniers et les gendarmes disposent pour remplir leurs missions. Un certain nombre d'entre eux s'inquiètent légitimement d'une restructuration programmée de leurs services. Qu'en sera-t-il ? Une fois encore, nous comptons sur vos arbitrages et votre détermination.
Après ces quelques remarques, je terminerai mon propos en rappelant, madame la ministre, que le groupe UC-UDF votera le texte que vous nous soumettez aujourd'hui.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, modifiant la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui montre la volonté du Gouvernement d'apparaître résolument décidé à renforcer la lutte contre les activités illicites commises en mer.
Si nous comprenons les objectifs visés dans ledit projet, nous ne pouvons manquer de relever que les moyens proposés pour les atteindre sont beaucoup moins clairs et qu'ils mettent en exergue le fossé béant existant entre les intentions louables exprimées par le Gouvernement et les actions qui sont effectivement réalisées.
Pour illustrer cette contradiction, je prendrai l'exemple des douanes, dont le présent projet de loi vise à renforcer les compétences et les missions. Or, dans le même temps, une réforme du ministère de l'économie et des finances prévoit un remodelage complet des administrations exerçant leurs missions dans le cadre de l'action de l'Etat en mer, réforme qui diminuera fortement les moyens accordés aux douanes françaises.
Alors que le Gouvernement affiche l'ambition de lutter plus efficacement contre les trafics illicites dans la plupart des espaces maritimes, il supprime parallèlement à l'un des acteurs essentiels de la surveillance aéromaritime française et communautaire les moyens qui lui sont octroyés pour lutter contre ces trafics. C'est incompréhensible et inacceptable.
La recherche effrénée d'économies budgétaires ainsi que la volonté de vouloir rationaliser à outrance les moyens navals en présence se heurtent donc de plein fouet aux objectifs affichés par ailleurs de lutter contre les trafics illicites en tous genres.
La restructuration néfaste en cours est d'autant plus incompréhensible que les résultats de l'activité de l'administration des douanes sont sans cesse en hausse dans une Union européenne où la criminalité économique et financière croît en permanence. Il semble que la sécurité des populations ne soit plus une priorité du Gouvernement, qui privilégie la recherche du profit et élimine ce qui peut y faire obstacle.
Ainsi, sur 317 unités de surveillance terrestre des douanes, 124 ont d'ores et déjà été supprimées. Par ailleurs, 35 brigades de recherches, ainsi que des structures importantes de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, sont vouées au même sort.
Aujourd'hui, la fonction de renseignement est assurée par la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, chargée du démantèlement des grands réseaux de trafics illicites, et par les brigades régionales de recherches, les BRR, pour la collecte active du renseignement. Ces dernières sont reconnues comme étant des unités particulièrement performantes de leur administration dans la lutte contre tous trafics. Pourtant, selon le projet de restructuration en cours à Bercy, il est question de les supprimer, à l'exception de celles de la Corse et de l'outre-mer. C'est également incompréhensible, car le renseignement constitue un pilier indispensable pour démanteler les réseaux internationaux et combattre les organisations criminelles.
Ce projet de restructuration suscite donc des craintes très vives, qui sont tout à fait justifiées. S'il était réalisé en l'état, c'est tout l'édifice douanier qui s'écroulerait, et près de 200 emplois disparaîtraient.
Dès lors, comment surveiller, madame la ministre, l'ensemble de la façade maritime atlantique en diminuant fortement les moyens des douanes, dont l'efficacité a pourtant été démontrée dans la lutte contre les trafics illicites ?
Vous comprendrez, dès lors, que nous ne pouvons voter ce texte, dont les objectifs affichés sont contrecarrés par les réformes en cours à Bercy. Vous ne pouvez méconnaître, madame la ministre, que ces deux réformes sont en totale contradiction, une contradiction qui révèle que tous les discours volontaristes tenus par votre gouvernement resteront, dans les faits, lettre morte.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous vivons aujourd'hui au Sénat un jour exceptionnel pour la mer : réflexion prospective concernant nos atouts maritimes dans le cadre d'un colloque organisé toute la journée, examen en fin d'après-midi de deux textes relatifs à la mer.
Hélas ! nous sommes toujours confrontés au même paradoxe : une nation qui a une grande ambition maritime, mais des parlementaires trop peu nombreux dans cette enceinte pour en parler !
Sourires
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Et même un Berrichon !
Nouveaux sourires
Le projet de loi qui nous est soumis constitue une mise à jour de notre arsenal juridique en matière d'action maritime. Le droit de la mer doit évoluer pour faire face aux risques nouveaux et aux nouvelles modalités des risques traditionnels.
« La mer, la mer, toujours recommencée », écrivait déjà fort justement Paul Valéry...
Ce projet de loi vise à modifier la loi du 15 juillet 1994. Il s'agit, pour l'essentiel, d'adapter notre législation aux différentes modifications intervenues dans le droit international de la mer et, comme l'a relevé notre rapporteur, de permettre à notre pays de déroger, dans certains cas, à la règle du pavillon prévalant dans les espaces ne relevant pas de sa juridiction.
Ces dernières années, nous avons constaté une augmentation du nombre des trafics illicites en mer et nous savons que le narcotrafic, la piraterie, la traite d'esclaves, le transport illicite de migrants, le terrorisme, peuvent avoir dans cet espace gigantesque la possibilité de se développer. Cela vient s'ajouter aux risques dits « traditionnels » des activités maritimes avec les accidents de mer, la pollution notamment.
Je tiens à vous remercier, madame la ministre, de nous avoir fait parvenir un document intéressant, intitulé « Sauvegarde maritime, une dimension de sécurité renouvelée ». Nous y trouvons en effet de très utiles informations sur l'évolution des trafics illicites en mer.
L'exigence de sécurité à l'égard des risques provenant de la mer ne cesse de croître. La France a la particularité de posséder un espace maritime très vaste, sur plusieurs océans. En effet, l'espace maritime français s'étend sur près de onze millions de kilomètres carrés. Notre devoir de vigilance, à la hauteur de cette présence mondiale, est donc considérable.
En conséquence, il s'agit de doter la France d'un cadre juridique rénové pour lutter efficacement contre les trafics illicites dans l'espace maritime. Cette oeuvre législative est nécessaire, et nous la soutenons. Elle doit se réaliser en étroite concertation avec les membres de l'Union européenne et dans un esprit de coopération avec les pays riverains de la Caraïbe, du Pacifique, de la Méditerranée, de l'Atlantique ou de l'océan Indien.
Dans notre pays, le fondement juridique de l'intervention des services de l'Etat et de la marine nationale est la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer.
On l'a rappelé, ce texte a mis en place des procédures de contrôle et de coercition à l'encontre de navires étrangers, procédures que le droit international rend possibles, y compris en haute mer, dans des cas tels que la piraterie, le transport d'esclaves ou les émissions radiophoniques non autorisées.
A la suite de l'adoption de la convention de Vienne, il a été complété par des mécanismes d'entraide internationale à l'encontre de trafics illicites de stupéfiants en mer. Tel a été l'objet de la loi du 13 mai 1996.
Aujourd'hui, il apparaît nécessaire d'aller plus loin et de renforcer les moyens juridiques et opérationnels. Ce projet de loi vise donc à doter la France d'un cadre juridique adapté permettant à ses moyens hauturiers ou côtiers - la marine nationale, la gendarmerie, les affaires maritimes, les douanes - de lutter plus efficacement contre les trafics illicites dans l'espace maritime.
Soyons clairs : les évolutions du droit international qui sont abordées dans ce texte visent concrètement à ouvrir aux Etats de nouvelles possibilités d'intervention dans les espaces maritimes ne relevant pas de leur souveraineté.
Nous constatons que le texte qui nous est proposé recueille un accord politique assez large. Cette adaptation des outils juridiques qui encadrent les actions de la marine devrait rendre plus efficace la lutte que mène l'Etat français contre les activités illicites commises en mer.
Je souhaite donc, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, vous interroger, madame la ministre, sur des questions importantes que soulève incontestablement son application.
Je formulerai trois remarques, accompagnées de trois interrogations.
La première remarque a trait à la sauvegarde maritime et aux moyens qui lui sont consacrés.
Compte tenu des nouveaux risques apparus ces dernières années, l'action de l'Etat en mer s'exerce dans un cadre de coordination renforcée, formalisée par le décret du 6 février 2004 relatif à l'organisation de l'action de l'Etat en mer.
La protection des approches maritimes est une oeuvre collective : le dispositif est, par nature, interministériel et la marine nationale en est le pivot central. Au sein de ce dispositif, les pouvoirs de coordination des préfets ont été renforcés.
La marine nationale remplit une mission de sauvegarde, qui vise à la fois à assurer la protection des approches maritimes du territoire national, à exercer la pleine souveraineté dans les eaux territoriales et à maîtriser les risques liés aux activités maritimes.
Les activités de service public de la marine nationale concernent environ 2 000 marins, et ses moyens sont conséquents : 70 bâtiments, qui vont des frégates aux vedettes légères utilisées par les douanes ou la gendarmerie maritime en passant par les patrouilleurs, ainsi qu'une trentaine d'avions et d'hélicoptères. Ces fonctions constituent aujourd'hui plus d'un quart de l'activité de la marine nationale.
Madame la ministre, compte tenu des incertitudes qui pèsent sur l'exécution de la loi de finances de 2005 et sur la loi de programmation militaire en cours - incertitudes relevées notamment dans le rapport de notre collègue député Guy Teissier -, vous sera-t-il possible de tenir tous les engagements budgétaires nécessaires pour que la marine nationale puisse affronter la perspective d'un accroissement prévisible du nombre de ses activités de service public ?
Ma deuxième remarque a trait à l'évolution du droit international de la mer et à l'action de la France en la matière.
La convention des Nations unies sur le droit de la mer, dite convention de Montego Bay, constitue la pierre angulaire sur laquelle repose la législation actuelle.
Des évolutions sont bien sûr possibles - certaines ont d'ailleurs déjà eu lieu -, et le texte présenté par le Gouvernement aujourd'hui en est la preuve.
Certains Etats souhaitent une plus grande régulation et un plus grand contrôle des activités maritimes, allant même jusqu'à proposer un droit d'intervention direct non seulement en haute mer, mais également dans les eaux territoriales étrangères.
L'existence d'Etats défaillants ou incapables de faire respecter le droit dans leurs mers territoriales peut créer des situations de risque ou favoriser l'action de « voyous de la mer ». Faut-il alors élargir le droit d'intervention ?
N'oublions pas non plus que certains pays, tels les Etats-Unis par exemple, étendent déjà leurs contrôles en mer au-delà de leurs eaux territoriales.
En conséquence, quelle est la position de la France en la matière, madame la ministre ? Quelles sont vos propositions en matière de réforme du droit international de la mer ? Des négociations en ce sens existent-elles déjà au sein de l'Union européenne ?
Ma troisième remarque concerne un service qui exerce des missions spécifiques en mer : la douane ; les orateurs qui m'ont précédé en ont déjà parlé.
Nous savons que les douanes jouent un rôle important dans le cadre des actions maritimes conduites par l'Etat, en particulier dans le domaine du renseignement et du travail de recherche en amont, lequel permet de démanteler des réseaux ou d'empêcher des trafics.
Les actions de traque du narcotrafic dans les Caraïbes, mais aussi en Méditerranée ou ailleurs, imposent à la marine nationale une coopération avec les douanes et la police ainsi qu'une coopération internationale poussée. Le service garde-côtes des douanes est un acteur majeur de l'action du service public en mer.
Par ailleurs, les douanes participent également aux missions de sécurité intérieure et de protection de l'environnement en contrôlant et en observant les flux transfrontaliers de personnes, de marchandises, de capitaux.
Or les douanes, dont les compétences et les missions seront accrues avec ce projet de loi, sont actuellement victimes d'une réforme qui tend à planifier une forte diminution de leurs moyens.
Dans cette restructuration en cours est d'abord prévue une réforme du dispositif de renseignement de la douane, c'est-à-dire la suppression de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, chargée du démantèlement des grands réseaux de trafics illicites, ainsi que la disparition dans plusieurs régions, notamment dans celles qui sont situées sur la côte Atlantique ou encore dans la Manche - j'en parle en connaissance de cause - des brigades régionales de recherches.
Cette diminution des moyens portera atteinte au service public de surveillance aéromaritime assuré par la douane française pour la protection et la sauvegarde du territoire français et européen.
Enfin, troisième et dernière question, madame la ministre, la réforme de la douane envisagée par le Gouvernement va-t-elle permettre aux services douaniers d'exercer toutes leurs missions de lutte contre tous les trafics, notamment économiques et fiscaux, sur mer ?
J'en arrive à ma conclusion. Nous savons que, dans le domaine de l'action en mer, les domaines à couvrir sont nombreux : les pêches et la protection de nos ressources halieutiques, l'assistance aux marins en péril, la lutte contre le narcotrafic, contre l'immigration clandestine et contre le trafic des êtres humains, mais aussi la prévention en matière de terrorisme et, sur un autre plan, la protection face à l'accroissement des risques liés au transport maritime de matières dangereuses.
Ainsi, la surveillance du trafic en mer, depuis la terre comme à partir des airs, requiert la mise en oeuvre constante de moyens considérables. Le dispositif de sécurité aux frontières maritimes de l'Union européenne exige une meilleure coordination de nos politiques et une mutualisation de nos moyens.
Nous ne pouvons plus envisager d'assurer la sécurité aux frontières de manière isolée et strictement nationale. Dès maintenant, pour faire face à des besoins croissants en matière de sécurité maritime, il faut continuer à rechercher des solutions européennes.
Merci, madame la ministre, de continuer, pour votre part, à travailler dans ce sens.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons un texte particulièrement important pour la sécurité intérieure et extérieure de notre pays et celle de nos concitoyens, la sécurité en mer étant une préoccupation tout aussi majeure que la sécurité sur terre, surtout pour un pays comme la France, véritable puissance maritime et côtière.
Ce projet de loi doit nous permettre d'adapter les outils juridiques qui encadrent les actions de l'Etat français, afin de rendre plus efficace la lutte qu'il mène contre les activités illicites commises en mer.
Concrètement, ce texte vise à permettre à l'Etat de prendre à l'égard de tout navire des mesures de coercition, mais aussi de recherche, de constatation, de poursuite et de jugement d'infractions dans les cas de trafics de stupéfiants et de trafics de migrants. L'article 99 de la convention de Montego Bay évoque la « traite des esclaves ».
Le Gouvernement va ainsi doter la France d'un cadre juridique solide pour lutter efficacement contre les trafics illicites dans la plupart des espaces maritimes. C'est un objectif clair et précis auquel nous apportons, madame la ministre, notre soutien plein et entier.
En adoptant une législation interne destinée à rendre effectives les dispositions du droit international, la France, qui dispose d'un espace maritime de près de 11 millions de kilomètres carrés et de 5 500 kilomètres de côtes, a fait le choix de s'impliquer fortement dans la mise en place et dans le renforcement d'une véritable politique répressive en mer, au nom des impératifs de la sécurité maritime.
Sans implication ni intervention des Etats, le droit de la mer est aujourd'hui insuffisant pour lutter efficacement contre les trafics en tous genres et pour rendre les mers et les océans plus sûrs. Son extrême complexité a favorisé l'émergence de très nombreux risques difficiles à contrôler et l'apparition de nouveaux fléaux face auxquels il est impératif que la communauté internationale s'organise efficacement.
Prenons l'exemple - qui n'a rien d'exotique - des actes de piraterie sur les navires, qui ont été multipliés par trois en quelques années : 445 attaques en 2003, et plus encore en 2004.
Nous connaissons tous ces comportements qui perturbent la sécurité en mer et l'intégrité du milieu marin, que ce soit la piraterie, les conflits de pêche, la contrebande, le terrorisme, les trafics de stupéfiants ou les trafics de migrants, sans oublier, bien sûr, les pollutions maritimes.
La répression de ces fléaux relève de la responsabilité des Etats.
Madame la ministre, l'exemple que vous avez cité en Méditerranée est révélateur et bien explicite de l'inutilité qu'il y a à contrôler si l'on ne peut agir pour contrer et pour empêcher.
En adaptant la loi du 15 juillet 1994, le présent projet de loi permet à la France de prendre des mesures de contrôle et de coercition à l'égard de tout navire soupçonné de trafic de stupéfiants ou de trafic de migrants, tant dans les eaux territoriales françaises qu'en haute mer.
Mais la France pourra également agir à l'intérieur de la mer territoriale d'un Etat étranger - par délégation de l'Etat côtier ou de l'Etat du pavillon -, sur le fondement d'accords internationaux ad hoc. Ainsi, la situation que nous avons connue en Méditerranée pourra être évitée.
Par ailleurs, les pouvoirs des autorités françaises en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants sont élargis, et toute référence à la convention de Vienne de 1988 est supprimée.
Il s'agit d'une avancée intéressante, car cela permettra de fonder des mesures de contrôle et de coercition sur d'autres instruments internationaux, notamment sur les accords de coopération régionale comme celui qui a été signé le 10 avril 2003 à San Jose sur la répression du trafic illicite aérien et maritime dans la Caraïbe.
Enfin, il était indispensable de définir dans la loi le cadre d'intervention des moyens de l'Etat dans la lutte contre ces trafics.
Il s'agit d'une avancée tout à fait remarquable qu'il faut saluer à sa juste mesure. L'immigration clandestine par voie maritime, qui recouvre à la fois le phénomène des passagers clandestins et le transport collectif de réfugiés, c'est-à-dire le trafic d'êtres humains, est un réel fléau auquel la France, avec l'Italie, est particulièrement exposée depuis plusieurs années.
Le trafic illicite de migrants est le fait de réseaux criminels qui se livrent à une véritable traite des êtres humains dans des conditions indignes qu'il est nécessaire et urgent de combattre. Par ailleurs, il engendre pour les filières qui s'y livrent des profits gigantesques, comparables à ceux des trafics de drogue ou d'armes.
Nous assistons d'ailleurs à un phénomène assez étonnant : les trafiquants de drogue ont changé de « métier » puisqu'ils se livrent à présent au trafic d'êtres humains, plus rémunérateur et moins risqué s'agissant des peines encourues.
Dans l'ensemble, les dispositions relatives au trafic de migrants sont similaires à celles qui sont en vigueur pour la lutte contre le trafic de stupéfiants, et leur champ d'application est identique. Nous pouvons espérer que cela servira à arrêter, ou en tout cas à freiner ce trafic.
Il était important de donner une base juridique à l'application d'une politique répressive en mer.
Mais ce texte ne se borne pas à transposer l'accord international dans le droit interne, puisqu'il apporte des précisions procédurales bienvenues et ne cantonne pas leur champ d'application aux seuls Etats parties au protocole de Palerme.
Permettez-moi enfin, madame la ministre, même si certains s'inquiètent des budgets et des problèmes matériels - notamment en matière de renseignement -, de saluer ici le travail admirable effectué par le personnel de la marine nationale en haute mer, par celui des douanes, de la gendarmerie maritime et des affaires maritimes, qui sont les maîtres d'oeuvre sur le terrain de cette politique de sécurité maritime. Nous les en félicitons !
Madame la ministre, ce projet de loi est un excellent texte qui témoigne de votre volontarisme et de votre engagement, dont nous vous remercions. Il répond à un besoin juridique en comblant un vide préjudiciable à l'efficacité des services en charge de la surveillance des mers. Il précise également la portée et les conditions d'application d'un texte international et donne enfin une base juridique à la prévention d'une activité qui salit l'image des océans.
Ainsi, madame la ministre, si la convention des Nations unies de 1982, dite de Montego Bay, réaffirme le principe de la liberté des mers, il n'en reste pas moins que, comme le dispose notre code, la liberté de chacun s'arrête où commence celle d'autrui, y compris celle de pouvoir protéger notre pays et notre population.
Renforcer la protection de notre espace maritime, de plus en plus soumis à des menaces et à des risques de tous types, c'est un objectif que le groupe UMP soutiendra par le vote favorable et enthousiaste qu'il exprimera sur ce texte tout à l'heure, en espérant que tous nos collègues en feront autant.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer l'excellent travail qui a été accompli par les rapporteurs, ainsi que la qualité de la réflexion et de la contribution de chacun des intervenants, qui tous connaissent bien les problèmes de la mer.
Le présent projet de loi étend une capacité juridique. En effet, quels que soient les moyens mis à la disposition des personnels qui travaillent en haute mer, s'ils n'ont pas le droit d'agir, ces moyens ne leur servent à rien. Nous donnons donc une capacité juridique à ces personnels, qu'ils soient militaires ou douaniers.
Vous avez posé, les uns et les autres, un certain nombre de questions auxquelles je voudrais répondre.
Tout d'abord, M. le rapporteur a insisté sur la coopération entre les administrations. J'ai moi-même effectivement souligné l'importance de cette coopération, car c'est d'elle aussi que résulte l'efficacité. Il faut additionner, mais aussi diversifier les moyens ; c'est ce qui nous permettra d'envisager tous les cas de figure et de faire face à toutes les situations.
Vous avez évoqué ensuite, monsieur le rapporteur, ainsi que d'autres intervenants, la nécessité d'une coopération renforcée avec les pays européens. C'est l'un des rôles de l'Europe - rappelé dans le projet de traité constitutionnel - que de pouvoir renforcer notre capacité commune à nous protéger contre les intrusions d'un certain nombre de trafics. Cette problématique est au coeur même des dispositifs européens matérialisés dans le projet de traité constitutionnel qui sera soumis à référendum le 29 mai prochain.
S'agissant de la coopération avec les pays du sud de la Méditerranée, j'ai été conduite, au mois de décembre 2004, à réunir au ministère de la défense cinq des pays du sud de l'Europe - la France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et Malte -, et cinq pays du Maghreb - la Mauritanie, le Maroc, la Tunisie, l'Algérie et la Libye -, dans une perspective de réflexion et de travail en commun pour protéger les approches maritimes, en particulier contre les trafics de stupéfiants et les trafics de migrants illégaux, ainsi que contre le risque terroriste.
Vous avez également insisté, avec d'autres intervenants, sur l'importance du renseignement en matière maritime.
Le besoin de coopération est évident en la matière. Très souvent, nous intervenons sur des renseignements qui nous sont fournis non seulement par d'autres services que les nôtres, mais aussi par d'autres pays. Et c'est souvent dans le pays d'origine que nos propres services dans ce pays, voire les services de ce pays, nous fournissent l'indication que tel ou tel navire est suspect et contient probablement une cargaison suspecte. Cette coopération doit être entretenue, voire développée, parce qu'il est toujours plus facile de contrôler si l'on a des indications sur ce que l'on cherche et sur l'endroit où chercher.
M. Nogrix a souhaité que la ratification de la convention de San Jose puisse intervenir rapidement. C'est une nécessité, et je souhaite, pour ma part, que cette ratification puisse être soumise le plus tôt possible au vote des deux assemblées.
M. Nogrix a également souligné le besoin de coopération à la fois entre pays européens - la réponse que je viens de donner à M. le rapporteur devrait le rassurer à ce propos - et avec les pays où naissent les trafics. Je partage son sentiment : sur ce dernier point, je le répète, le renseignement est l'un des éléments qu'il nous faut développer.
Dans ce domaine, la coopération avec un très grand nombre de pays est de plus en plus grande. Je pense, par exemple, à certains pays d'Amérique latine, qui sont conscients que les trafics non seulement fondent leur développement sur des situations instables, mais également accompagnent et entretiennent des crises. Je pense également à l'Afghanistan, où, j'ai eu l'occasion de le dire ici même, le trafic de drogue est l'une des causes qui entretiennent, dans certaines régions, un système complètement autonome et indépendant du gouvernement central.
Une aide réciproque se développe donc en la matière et les gouvernements prennent de mieux en mieux la mesure de ces problèmes.
M. Nogrix a ensuite évoqué les moyens budgétaires, de même que MM. Le Cam et Trémel. Sur ce sujet, je voudrais apporter un certain nombre de précisions.
En ce qui concerne le budget du ministère de la défense, je suis parfaitement consciente que des moyens sont nécessaires lorsque l'on souhaite confier des missions supplémentaires aux personnels ou en renforcer l'efficacité. Tel est l'objet de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008, qui vise à rattraper les insuffisances budgétaires résultant en particulier des cinq années précédentes, qui avaient fait prendre du retard à un certain nombre de programmes, notamment dans le domaine maritime, et qui avaient empêché que soit assuré le maintien en condition opérationnelle, le MCO.
La marine est certainement l'une des armes qui ont le plus souffert de l'insuffisante réalisation de la loi de programmation militaire 1997-2002.
C'est la raison pour laquelle je veille à l'application stricte de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008. Ainsi, la loi de finances initiale pour 2005 sera totalement respectée, conformément à l'intention du Gouvernement. Je me réjouis d'ailleurs que le Premier ministre ait eu l'occasion de le rappeler très brillamment la semaine dernière : cela devrait ôter tout doute en la matière, puisque les arbitrages sont déjà rendus.
M. Le Cam s'est inquiété à la fois de la baisse des moyens financiers accordés aux douanes françaises et de la restructuration de cette administration.
Je rappelle, même si ce dossier est traité par un autre ministère que le mien - mais la solidarité gouvernementale m'autorise à en parler -, que le déploiement des moyens aériens et maritimes des douanes n'a pas été modifié depuis trente ans. Avouez que la situation a tout de même évolué durant cette période ! Peut-être eût-il été bon, dans les années passées, de se prononcer sur l'adaptation des moyens aux besoins qui s'exprimaient !
Un projet de réforme est aujourd'hui en cours. MM. André Boyer et Jean-Guy Branger ont été chargés de préparer un rapport d'information sur l'action de l'Etat en mer, qui devrait notamment apporter des réponses en ce qui concerne la réforme des moyens maritimes de la douane. En la matière, il convient d'apprécier la présence à la mer effective des bâtiments des douanes et non le seul nombre des unités affectées à ces missions : il faut faire le départ entre la théorie et la mise en oeuvre.
Le premier projet de schéma directeur est aujourd'hui axé sur la réforme des douanes et sur une meilleure efficacité opérationnelle. Il a été présenté aux représentants syndicaux par les directeurs régionaux des douanes. Nous sommes donc dans une phase de concertation, mais il serait anormal d'affirmer que les négociations sont achevées ou de se réfugier dans le passé. En trente ans, la situation a changé, et des adaptations s'imposent certainement.
J'ai déjà répondu aux interrogations de M. Trémel en ce qui concerne les prétendues incertitudes sur la loi de programmation militaire et sur la loi de finances initiale pour 2005. J'espère l'avoir rassuré. Je retiens d'ailleurs de son intervention, comme peut-être de celle de M. Le Cam, que le projet de loi de finances initiale pour 2006 - puisqu'il sera, lui aussi, en parfaite conformité avec la loi de programmation militaire - recueillera sans doute son approbation !
Sourires
M. Trémel m'a également interrogée sur le droit international de la mer et sur la question des Etats défaillants.
Je rappelle que la reconnaissance des droits des Etats côtiers sur leurs eaux territoriales est un principe fondamental du droit international de la mer. En tout état de cause, les interventions ne pourraient donc se faire que sur vis-à-vis d'Etats jugés vraiment défaillants. Or le problème se pose beaucoup plus souvent dans les « zones grises » que dans les eaux territoriales des Etats défaillants, et il ne peut se résoudre que dans le cadre d'une intervention des Nations unies. La question se révèle donc beaucoup plus complexe et sa solution ne peut se réduire à un « il faut faire » ou à un « il n'y a qu'à » !
S'agissant des douanes, monsieur Trémel, je pense vous avoir répondu.
Vous m'avez demandé si la réforme permettrait aux services douaniers d'exercer toutes leurs missions. Son objet est bien de renforcer leur possibilité d'exercer l'ensemble des missions !
Je remercie M. Del Picchia d'avoir approuvé le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui. Je partage tout à fait son avis sur les profits considérables que génèrent les trafics de drogue et les trafics de migrants. Très souvent, d'ailleurs, ils sont nettement supérieurs aux propres budgets nationaux des Etats d'origine, ce qui contribue à fragiliser un peu plus ces derniers.
Je lui sais tout particulièrement gré d'avoir salué l'ensemble des personnels qui agissent en haute mer. Cette reconnaissance à l'égard des personnels accomplissant ce travail, souvent dans des conditions difficiles, s'est d'ailleurs exprimée sur l'ensemble des travées de cette assemblée. En leur nom, je vous en remercie.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Dans l'intitulé de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer, ainsi que dans l'intitulé du chapitre unique du titre II du livre V de la première partie du code de la défense et dans celui de la section 1 de ce même chapitre, le mot : « contrôle » est remplacé par le mot : « police ».
L'article 1 er est adopté.
L'article L. 1521-2 du code de la défense est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils sont notamment habilités à exercer et à faire exercer au nom de l'Etat du pavillon ou de l'Etat côtier les mesures de contrôle et de coercition fixées en accord avec cet Etat. » -
Adopté.
Après le 2° de l'article L. 1521-1 du code de la défense, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Aux navires situés dans les espaces maritimes sous souveraineté d'un Etat étranger, en accord avec celui-ci. » -
Adopté.
L'article L. 1521-5 du code de la défense est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pendant le transit consécutif à la décision de déroutement, les agents mentionnés à l'article L. 1521-2 peuvent prendre les mesures de coercition nécessaires et adaptées en vue d'assurer la préservation du navire et de sa cargaison et la sécurité des personnes se trouvant à bord. » -
Adopté.
L'intitulé du titre II de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 précitée est ainsi rédigé : « Exercice par l'Etat de ses pouvoirs de police en mer dans la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes ». -
Adopté.
L'article 12 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 12. - La recherche, la constatation, la poursuite et le jugement des infractions constitutives de trafic de stupéfiants et commises en mer sont régis par les dispositions du titre II du livre V de la première partie du code de la défense et par les dispositions du présent titre qui s'appliquent, outre aux navires mentionnés à l'article L. 1521-1 du code de la défense :
« - aux navires battant pavillon d'un Etat qui a sollicité l'intervention de la France ou agréé sa demande d'intervention ;
« - aux navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité. » -
Adopté.
A l'article 13 de la même loi, après les mots : « sous l'autorité du préfet maritime », sont insérés les mots : « ou, outre-mer, du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer ». -
Adopté.
L'intitulé du chapitre Ier du titre II de la même loi est ainsi rédigé : « Des mesures prises soit à l'encontre d'un navire n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité, soit à la demande ou avec l'accord de l'Etat du pavillon ». -
Adopté.
L'article 14 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :
« A l'occasion de la visite du navire, le commandant peut faire procéder à la saisie des produits stupéfiants découverts et des objets ou documents qui paraissent liés à un trafic de stupéfiants. » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. - Le compte rendu d'exécution des mesures prises en application de la présente loi ainsi que les produits, objets ou documents placés sous scellés sont remis aux autorités de l'Etat du pavillon lorsque aucune suite judiciaire n'est donnée sur le territoire français. » -
Adopté.
L'article 15 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art 15. - Les auteurs ou complices d'infractions de trafic de stupéfiants commises en haute mer peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises lorsque des accords bilatéraux ou multilatéraux le prévoient ou avec l'assentiment de l'Etat du pavillon, ainsi que dans le cas où ces infractions sont commises à bord d'un navire n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité.
« L'assentiment mentionné à l'alinéa précédent est transmis par la voie diplomatique aux autorités françaises, accompagné des éléments permettant de soupçonner qu'un trafic de stupéfiants est commis sur un navire. Une copie de ces documents est transmise par tout moyen et dans les plus brefs délais au procureur de la République.
« Dans les départements et régions d'outre-mer, dans les collectivités d'outre-mer, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, le procureur de la République peut ordonner la destruction des seules embarcations dépourvues de pavillon qui ont servi à commettre les infractions de trafic de stupéfiants commises en haute mer, constatées par procès-verbal, lorsqu'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions. » -
Adopté.
Le deuxième alinéa de l'article 17 de la même loi est ainsi rédigé :
« Dans les départements d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, le tribunal compétent est la juridiction de première instance en matière correctionnelle située soit au siège du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer, soit au port vers lequel le navire est dérouté. » -
Adopté.
Le titre III de la même loi est ainsi rédigé :
« TITRE III
« EXERCICE PAR L'ETAT DE SES POUVOIRS DE POLICE EN MER DANS LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION ILLICITE PAR MER
« Art. 18. - Les infractions visées au présent titre sont celles qui, commises en mer, sont définies aux articles L. 622-1 et L. 622-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au I de l'article 28 de l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, au I de l'article 30 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française, au I de l'article 28 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, et au I de l'article 30 de l'ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie.
« Art. 19. - La recherche, la constatation, la poursuite et le jugement des infractions visées à l'article 18 sont régis par les dispositions du titre II du livre V de la première partie du code de la défense et par les dispositions du présent titre qui s'appliquent, outre aux navires mentionnés à l'article L. 1521-1 du code de la défense :
« - aux navires battant pavillon d'un Etat qui a sollicité l'intervention de la France ou agréé sa demande d'intervention ;
« - aux navires n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité.
« Art. 20. - Lorsqu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner que les infractions visées à l'article 18 se commettent à bord de l'un des navires visés à l'article 19 et se trouvant en dehors des eaux territoriales, les commandants des bâtiments de l'Etat et les commandants de bord des aéronefs de l'Etat, chargés de la surveillance en mer, sont habilités à exécuter ou à faire exécuter, sous l'autorité du préfet maritime ou, outre-mer, du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer, qui en avisent le procureur de la République, les mesures de contrôle et de coercition prévues par le droit international et la présente loi.
« CHAPITRE I ER
« Des mesures prises soit à l'encontre d'un navire n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité, soit à la demande ou avec l'accord de l'Etat du pavillon
« Art. 21. - I. - A l'occasion de la visite du navire, le commandant peut faire procéder à la saisie des objets ou documents qui paraissent liés à la commission des infractions visées à l'article 18.
« Ils sont placés sous scellés en présence du capitaine du navire ou de toute personne se trouvant à bord de celui-ci.
« II. - Le commandant peut ordonner le déroutement du navire vers une position ou un port appropriés lorsque des investigations approfondies qui ne peuvent être effectuées en mer doivent être diligentées à bord.
« Le déroutement peut également être ordonné vers un point situé dans les eaux internationales lorsque l'Etat du pavillon en formule expressément la demande, en vue de la prise en charge du navire.
« III. - Le compte rendu d'exécution des mesures prises en application de la présente loi ainsi que les produits, objets ou documents placés sous scellés sont remis aux autorités de l'Etat du pavillon lorsque aucune suite judiciaire n'est donnée sur le territoire français.
« CHAPITRE II
« De la compétence des juridictions françaises
« Art. 22. - Les auteurs ou complices d'infractions visées à l'article 18 et commises en haute mer à bord des navires visés à l'article 19 peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises lorsque des accords bilatéraux ou multilatéraux le prévoient ou avec l'assentiment de l'Etat du pavillon, ainsi que dans le cas où ces infractions sont commises à bord d'un navire n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité.
« L'assentiment mentionné à l'alinéa précédent est transmis par la voie diplomatique aux autorités françaises, accompagné des éléments permettant de soupçonner que les infractions visées à l'article 18 sont commises sur un navire. Une copie de ces documents est transmise par tout moyen et dans les plus brefs délais au procureur de la République.
« Art. 23. - Outre les officiers de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale, les agents des douanes ainsi que, lorsqu'ils sont spécialement habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les commandants des bâtiments de l'Etat, les officiers de la marine nationale embarqués sur ces bâtiments et les commandants de bord des aéronefs de l'Etat, chargés de la surveillance en mer, peuvent constater les infractions visées à l'article 18 et en rechercher les auteurs selon les modalités suivantes :
« 1° Le procureur de la République compétent est informé préalablement et par tout moyen des opérations envisagées en vue de la recherche et de la constatation des infractions.
« Les infractions sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. Ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours qui suivent les opérations. La copie en est remise à la personne intéressée ; à défaut, la procédure n'est pas pour autant entachée de nullité ;
« 2° Il peut être procédé avec l'autorisation, sauf extrême urgence, du procureur de la République à des perquisitions et à la saisie des objets ou documents qui paraissent provenir de la commission des infractions visées à l'article 18 ou qui paraissent servir à les commettre.
« Cette autorisation est transmise par tout moyen.
« Les produits, documents ou objets saisis sont placés immédiatement sous scellés.
« Les perquisitions et saisies peuvent, lorsque l'autorisation du procureur de la République le mentionne, être effectuées à bord du navire en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale.
« Dans les départements et régions d'outre-mer, dans les collectivités d'outre-mer, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, le procureur de la République peut ordonner la destruction des seules embarcations dépourvues de pavillon qui ont servi à commettre les infractions visées à l'article 18, constatées par procès-verbal, lorsqu'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions.
« Art. 24. - En France métropolitaine, le tribunal compétent est soit le tribunal de grande instance situé au siège de la préfecture maritime, soit le tribunal de grande instance du port vers lequel le navire a été dérouté.
« Dans les départements d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, le tribunal compétent est la juridiction de première instance en matière correctionnelle située soit au siège du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer soit au port vers lequel le navire est dérouté. » -
Adopté.
La même loi est complétée par un titre IV ainsi rédigé :
« TITRE IV
« DISPOSITIONS DIVERSES
« Art. 25. - La présente loi est applicable à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. » -
Adopté.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté définitivement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative à la création d'un registre international français nous donne l'occasion, trop rare sans doute, d'évoquer les affaires maritimes et la place de l'économie maritime dans notre pays, qui, je le rappelle, emploie environ 400 000 personnes de façon directe ou indirecte. Il s'agit donc d'une question majeure pour l'économie de notre pays.
L'économie maritime en France se caractérise par un certain nombre de points forts traditionnels : nous avons un savoir-faire industriel reconnu en matière de construction navale ; nous possédons l'une des meilleures industries de plaisance dans le monde ; nous détenons un potentiel de recherche absolument exceptionnel, notamment avec l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER ; nous développons des activités de haute technologie dans le secteur pétrolier...
Les activités maritimes de la France connaissent aussi des faiblesses. Je pense, par exemple, à la compétitivité insuffisante de nos ports : nos dessertes et nos services portuaires devront absolument être plus performants demain qu'ils ne le sont aujourd'hui. Nous y travaillons, et des investissements sont en cours avec le grand projet Port 2000 et le non moins grand projet Fos 2XL.
La marine marchande est aujourd'hui, nous sommes nombreux à le déplorer, le point faible dans le tableau général de l'économie maritime française.
Même s'il est lent, le recul de notre flotte dans le monde n'en est pas moins constant : au cours des dix dernières années, la jauge brute totale de la marine marchande française est passée de 6, 4 millions à 6, 1 millions de tonnes. Dans le même temps, grâce à des mesures appropriées, celle des autres pays européens progressait : sur cette même période, la flotte des pays européens, exceptée bien sûr celle des nouveaux entrants, est passée de 102 millions à 122 millions de tonnes. C'est dire qu'il n'y a pas de fatalité au déclin de la marine marchande, y compris dans un pays développé.
Quelles sont les conditions de la réussite ?
La première d'entre elles est d'observer précisément quelle a été la clé du succès pour les pays de l'Union européenne qui ont réussi à relancer leur flotte de commerce.
La deuxième condition est d'avoir une politique globale qui touche à la fiscalité, à la question des charges sociales et à celle du pavillon, question qui nous réunit aujourd'hui.
Une autre condition indispensable à la réussite, lorsque les investissements sont lourds, est d'inscrire dans la durée une politique en faveur de la marine marchande.
Enfin, dernière condition, il me paraît nécessaire de respecter la culture sociale française, qui nous distingue - et souvent heureusement - de la pratique d'autres pays. Cette culture a des impératifs qui lui sont propres et que nous entendons respecter.
Ce travail, qui consiste à réunir les conditions favorables à un regain d'intérêt pour la marine marchande en France, est largement engagé.
La fiscalité a été aménagée. C'est ainsi que l'exonération de la taxe professionnelle a été acquise, c'est ainsi que la taxe au tonnage, substitut à l'impôt sur les sociétés, a été votée, c'est ainsi encore qu'un dispositif, le GIE fiscal, permet d'aider l'investissement des armateurs dans les navires.
Cependant, un défaut de notification imputable au gouvernement d'avant 2002 a entraîné une enquête de la Commission, enquête au demeurant légitime puisque il y a eu une erreur de la France dans la procédure.
Ce que je puis vous affirmer, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est que le Gouvernement a l'intention de réformer ce dispositif afin que nous mettions en place, en conformité avec le droit européen, une mesure permanente d'aide à l'investissement comparable à ce dont disposent les autres pays européens maritimes.
Depuis plusieurs années, nous avons adopté un mécanisme de remboursement des charges sociales. C'est ainsi que, lors de la discussion du budget de 2005, 44 millions d'euros ont été inscrits pour rembourser totalement les charges liées à l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, et partiellement les charges non ENIM des employeurs maritimes français pour ceux d'entre eux qui sont exposés à une réelle concurrence internationale.
Vous le savez, sur l'initiative d'un certain nombre de parlementaires, l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, a adopté en première lecture un principe d'exonération des charges ENIM acquittées par les employeurs maritimes. Il s'agit d'un progrès substantiel, car cette exonération a un caractère permanent, elle n'est pas remise en cause chaque année au moment des discussions budgétaires.
Ce progrès, apprécié des employeurs maritimes, va dans le sens de l'emploi tant il est vrai que le poids des charges est un facteur déterminant en la matière. Il faut donc agir sur cet élément, lorsque cela est possible, pour favoriser le développement de l'emploi.
Le dernier point que je veux aborder, pour compléter ce dispositif global de soutien à la marine marchande, concerne la question du pavillon.
Il existe de longue date un pavillon dit « Kerguelen », qui ne pose aucune exigence en matière d'emplois maritimes français mais qui n'a fait l'objet d'aucune modification de la part des majorités précédentes. Je veux donc dire à certains donneurs de leçons que la majorité d'avant 2002 a maintenu un « pavillon bis » ne comportant aucune exigence en termes d'emplois !
Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, pour des raisons principalement juridiques, un tel pavillon ne peut être conservé en l'état.
M. Henri de Richemont, auteur d'un rapport remarqué sur la marine marchande, a pris l'initiative, avec plusieurs d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, de déposer une proposition de loi, que vous avez examinée à la fin de l'année 2003, créant un registre international français.
Il s'agit d'un registre modernisé qui présente de nombreux avantages pour la flotte de commerce, ainsi que pour la sécurité maritime. L'adoption du pavillon français pour un navire conduit à l'application intégrale de toutes les règles de sécurité maritime : l'Etat du pavillon est notre Etat, avec tout ce que cela comporte de sérieux dans le contrôle du navire.
Innovation intéressante, la proposition de loi prévoit un statut social - droits syndicaux, droit à congé, modalités de rémunération - pour les marins non européens, ce qui est une première dans le domaine des registres bis des Etats de l'Union européenne. Ce statut prévoit également la compétence de l'inspection du travail maritime.
La « culture sociale française » nous conduit donc - et nous sommes les premiers à le faire - à prévoir une protection qui n'existe pas ailleurs pour les marins non européens, dont les conditions d'emploi, on le sait, ne sont pas des plus favorables !
Après l'adoption de cette proposition de loi par le Sénat, s'est développée une sorte d'incompréhension généralisée - volontaire ou non -, en particulier sur l'article 4, aux termes duquel le commandant du navire et celui qui, le cas échéant, est susceptible de le suppléer doivent être de nationalité française.
Cette disposition est parfaitement justifiée. En effet, des responsabilités d'ordre public incombent au commandant et à son suppléant. Nous sommes donc fondés à exiger d'eux qu'ils soient de nationalité française.
Cette disposition légitime a donné lieu à un contresens total puisque certains ont pensé que seuls deux marins à bord seraient de nationalité française. Or cette disposition trouvait sa justification dans des raisons d'ordre juridique propres au statut particulier du commandant du navire.
Pour lever ces ambiguïtés, pour faire en sorte que les intentions du Gouvernement et celles du Parlement soient mieux comprises, nous avons engagé des discussions et nommé un médiateur en la personne de M. Scemama, président du Conseil supérieur de la marine marchande, et nous avons considérablement rapproché les points de vue en inscrivant dans la loi des conditions d'emploi qui n'y figuraient pas.
Je voudrais ouvrir ici une parenthèse pour souligner que les registres bis des autres pays de l'Union européenne ne prévoient pas de conditions d'emploi. Néanmoins, les réalités ne sont pas toujours inscrites dans les textes : il y a le droit qui doit, bien sûr, être respecté, mais il y a ensuite la pratique, qui peut aller au-delà de ce que la loi impose.
Je veux dire par là que, sur les navires de pays qui n'exigent pas de quotas d'emplois européens ou d'emplois nationaux pour leur registre international, on dénombre néanmoins des proportions importantes de marins nationaux. Le pavillon international danois, par exemple, qui connaît un succès incontestable, ne pose strictement aucune condition d'emploi européen. Or, aujourd'hui, les navires qui l'ont adopté comptent en moyenne 70 % de Danois.
C'est dire si l'intérêt de ces pavillons internationaux est aujourd'hui prouvé par l'exemple des pays voisins du nôtre et par la pratique qu'ils en font. Mais je ferme là ma parenthèse.
Je parlais de rapprochement des points de vue : les armateurs souhaitaient une limitation à 25 % du quota imposé de marins européens ; les organisations syndicales de marins souhaitaient, quant à elles, un quota de 35 %.
Le rapporteur de l'Assemblée nationale a proposé une solution médiane : s'il est nécessaire de soutenir l'investissement, l'exigence peut être de 35 % de marins européens ; dans le cas contraire, cette exigence est, très naturellement, portée à 25 %.
Cette position d'équilibre est pleine de bon sens. Elle permet non pas de satisfaire l'ensemble des revendications qui ont été exprimées, mais de dégager un consensus.
Par ailleurs, ce dispositif attirera de nouveaux navires sous pavillon français. De la sorte, si cette proposition de loi est adoptée, nous allons assister, vous devez en être conscient, mesdames, messieurs les sénateurs, à un développement de l'emploi maritime au profit des officiers et des marins français, tout particulièrement de ceux qui sont en formation : le texte comporte en effet des dispositions particulières pour les jeunes, qui ont naturellement besoin de trouver des stages afin d'apprendre leur métier, leur formation se faisant traditionnellement - et heureusement ! - en alternance.
Les postes de lieutenant, aux termes du texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, sont en réalité destinés aux stagiaires. Toutefois, afin de favoriser la filière de formation, il convient de considérer - c'est une solution tout à fait traditionnelle - que les stagiaires ne font pas partie de l'effectif : ils n'occupent pas réellement des postes réservés à des lieutenants, mais leur présence à bord leur permettra d'acquérir les compétences qui, demain, feront d'eux des lieutenants.
Il s'agissait en tout cas, comme je le disais tout à l'heure, de trouver un équilibre.
Naturellement, nous pourrions faire la part belle à l'emploi et rêver d'un pavillon international exigeant la présence de davantage de marins européens et de marins français. Cependant, si personne ne choisissait par la suite ce pavillon idéal, alors, mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurions travaillé pour rien. Et telle n'est pas notre intention : nous voulons donner à la flotte de commerce française les moyens de croître.
Par conséquent, tout en adoptant des dispositions protectrices - et ce texte en contient -, nous devons rendre ce pavillon attractif pour qu'il puisse être choisi. Ayons constamment à l'esprit que le choix d'un pavillon et son changement peuvent s'effectuer en une demi-journée ! Opter en faveur du pavillon d'un autre pays est la chose la plus simple que puisse faire un armateur !
Ce texte est un texte d'équilibre et la croissance de la flotte de commerce française prouvera, j'en suis personnellement convaincu, son utilité.
Pour conclure, je forme le voeu que, dans ce domaine comme dans d'autres, une harmonisation européenne intervienne progressivement et que demain un pavillon européen voie le jour - c'est souhaitable - et que se rapprochent les législations des différents pays de l'Union européenne.
Grâce à une telle harmonisation, grâce à une plus juste concurrence, nous pourrions ainsi disposer d'un pavillon international européen attractif ainsi que d'une flotte française plus développée dans cet ensemble européen qui constitue aujourd'hui la première flotte de commerce du monde.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture la proposition de loi relative à la création du registre international français, le RIF, adoptée par notre assemblée voilà pas moins de quinze mois...
Tirant les conséquences du constat alarmant d'un déclin inexorable de la flotte immatriculée sous pavillon français, notre collègue Henri de Richemont, dont la qualité du travail et la constance de l'engagement doivent être ici saluées
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF
Rompant ainsi avec l'immobilisme qui prévalait sur ce sujet depuis plusieurs années, notre collègue avait ensuite, en tant que rapporteur du texte au nom de la commission des affaires économiques, proposé d'apporter des améliorations à la proposition initiale, visant notamment à sécuriser le régime social applicable aux navigants résidant en France et à conférer aux navigants résidant hors de France un véritable statut, qui leur fait aujourd'hui défaut.
Plus de quinze mois se sont écoulés entre l'adoption de cette proposition de loi par le Sénat, le 11 décembre 2003, et son examen par l'Assemblée nationale, les 22 et 23 mars 2005. L'ampleur de ce délai, mes chers collègues, atteste de l'importance des efforts mis en oeuvre pour parvenir à une solution de nature à dissiper les malentendus et à apaiser les craintes suscitées par ce texte.
Une mission de médiation tripartite entre l'Etat, les syndicats de marins et les armateurs a ainsi été mise en place sous l'égide de M. Bernard Scemama, président du Conseil supérieur de la marine marchande, qui a donné lieu à de nombreuses réunions entre les acteurs concernés.
Au terme de ce long processus de concertation, l'Assemblée nationale a, sur l'initiative de ses commissions des affaires économiques et des affaires sociales, apporté au texte de nombreuses modifications qui le clarifient et le précisent.
Abordant ce débat avec un oeil neuf - si j'étais présent en première lecture, je n'étais pas le rapporteur de cette proposition de loi -, il me semble qu'au terme de ce long processus nous parvenons aujourd'hui à un texte équilibré, dont il nous incombera bien sûr d'évaluer les effets avec la plus grande attention.
En effet, la réforme n'aura de succès qu'à deux conditions.
D'une part, le RIF doit être suffisamment attractif pour convaincre les armateurs de rapatrier leurs navires sous pavillon français. Je rappelle à cet égard que notre flotte a subi un déclin inexorable : 210 navires battent aujourd'hui pavillon français contre 762 en 1970, la France n'occupant plus que le vingt-neuvième rang mondial.
D'autre part, ce texte doit permettre à notre filière maritime de sortir de la situation dans laquelle elle se trouve aujourd'hui, qui se caractérise par une crise des vocations et par une pénurie d'officiers. Le déclin de notre flotte est en effet allé de pair avec celui de la marine marchande, puisque, dans le même temps, le nombre de marins est passé de 43 000 à 9 300.
De ce double point de vue, l'Assemblée nationale a, au terme d'une longue concertation, enrichi le texte grâce à des clarifications et des précisions importantes.
La première d'entre elles porte sur l'emploi. Sur ce point, le texte du Sénat prévoyait que le capitaine et son second devaient être français. Cette disposition a été mal comprise et a suscité de nombreuses craintes. Il n'a jamais été dans l'intention de la Haute Assemblée de limiter le nombre de marins français à deux, puisque des obligations en matière de formation embarquée et de renouvellement des effectifs étaient imposées aux armateurs. Il convenait toutefois de clarifier le texte sur ce point. C'est ce qu'a fait l'Assemblée nationale, en prévoyant un taux minimal de 35 % de marins communautaires quand le navire bénéficie d'un dispositif d'aide à l'investissement, et de 25 % quand ce n'est pas le cas.
Ce texte constitue donc un progrès incontestable par rapport au registre des Terres australes et antarctiques françaises, le registre TAAF, qui ne prévoit aucune obligation d'emploi hormis le capitaine et son second, puisque le décret d'application de la loi de 1996 qui devait fixer cette obligation n'a jamais été pris.
La deuxième amélioration, adoptée à une large majorité par les députés, consiste à substituer au remboursement des charges sociales patronales dues à l'ENIM une exonération desdites charges. Il s'agit là d'une mesure de simplification extrêmement importante, qui améliorera la compétitivité de notre pavillon.
Troisième amélioration, la possibilité de créer des entreprises de travail maritime en France a été supprimée, conformément aux conclusions de la mission menée par M. Scemama. En outre, s'agissant des entreprises de travail maritime implantées à l'étranger, les armateurs ont désormais une obligation explicite d'assurance contre le risque de défaillance de ces sociétés. C'était une préoccupation des marins, qui me l'ont encore exprimée tout à l'heure.
Quatrième amélioration, les garanties accordées aux navigants ne résidant pas en France sont renforcées, puisque ces derniers pourront se voir accorder des salaires au moins égaux au niveau fixé par le syndicat international des marins, l'International transport worker's federation, l'ITF.
Là encore, le RIF représente donc un progrès incontestable par rapport au registre TAAF, lequel se caractérise par un vide juridique total s'agissant des conditions d'emploi des marins étrangers. Le RIF est ainsi aujourd'hui le seul en Europe à offrir un vrai statut social à ces marins.
Concernant la sécurité maritime, je souligne également que, contrairement à l'accusation de « complaisance » qui est portée contre le RIF, les navires immatriculés sous ce registre seront contrôlés par l'administration française au regard de l'ensemble des règles de sécurité auxquelles la France se soumet. C'est donc exactement l'inverse qui se produit : en attirant des navires sous pavillon français, on accroît les garanties en termes de sécurité maritime.
J'en viens maintenant aux exigences concernant la formation maritime, point crucial pour l'avenir de la filière.
Le texte issu du Sénat prévoyait déjà que les armateurs devaient assurer la formation embarquée nécessaire au renouvellement des effectifs. L'Assemblée nationale est allée plus loin, en obligeant les armateurs à assurer la programmation des embarquements des élèves officiers en formation.
En tout état de cause, la crise des vocations que connaît le monde maritime nous impose aujourd'hui de réfléchir aux mesures à prendre pour inciter les jeunes à retrouver la vocation de marin.
La défiscalisation du salaire des navigants, prévue par la proposition de loi, constitue une première mesure de nature à renforcer l'attractivité du métier. Il nous faut aller plus loin, en réfléchissant par exemple à la possibilité de faciliter l'embarquement des jeunes pour leur permettre de découvrir plus tôt le métier, à l'instar de ce qui a longtemps existé sous le terme de « pilotin ».
Pour conclure, mes chers collègues, la commission des affaires économiques vous propose, pour les raisons que j'ai indiquées, d'adopter sans modification cette proposition de loi, car nous sommes parvenus à un point d'équilibre et il est temps de donner un signal fort pour le développement de la flotte française.
Toutefois, il s'agit là d'un dispositif dont nous devrons évaluer très précisément les effets, tant sur le nombre de navires rapatriés que sur l'emploi maritime. C'est d'ailleurs ce que permet l'article 34, qui prévoit qu'un rapport d'évaluation sera remis tous les trois ans au Parlement, et au plus tard le 31 mars 2007.
Pour l'heure, les conditions sont réunies pour que le RIF constitue, après des années d'immobilisme, un instrument de « relocalisation » des navires et des emplois français.
Je suis conscient que les marins français demeurent inquiets. Ils souhaitent, comme nous, que la France puisse retrouver progressivement un meilleur rang mondial, tant en nombre de pavillons qu'en termes d'emplois. J'ai reçu les représentants des armateurs et des officiers et ceux de l'ensemble des acteurs du monde maritime. Ils m'ont fait part de leurs interrogations fortes, qui portent à la fois sur la flotte de commerce et sur le transport de passagers. Dans les mois à venir, il faudra que, avec eux et avec l'ensemble des partenaires, nous refassions le point pour poursuivre la réflexion, dresser un constat et, si nécessaire, procéder aux adaptations nécessaires.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous franchissons aujourd'hui une étape importante. La France a toujours été une grande puissance maritime et, grâce à cette proposition de loi, nous nous en donnons les moyens. Je salue à cet égard le travail accompli par vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat - nous avons eu l'occasion d'en parler assez souvent - et par notre collègue Henri de Richemont.
Je souhaite que, grâce aux mesures que nous allons adopter tout à l'heure, le pavillon français retrouve progressivement sa place.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien noté que vous souhaitiez une harmonisation progressive de la réglementation européenne. Je partage tout à fait votre point de vue, car nous sommes en compétition avec nos partenaires, notamment européens. C'est en tout cas ainsi que la France pourra retrouver sa vraie place !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me placerai sur un autre registre...
Sourires
... en vous faisant part tout d'abord d'un regret qui est partagé, j'en suis persuadé, par nous tous.
La France compte 10 000 kilomètres de côtes, dont 5 000 en métropole, et plus de 20 départements métropolitains côtiers. Elle dispose donc d'atouts certains. Pourtant, sous quelque majorité que ce soit, trop peu de parlementaires s'intéressent à la mer. Ainsi, quinze députés seulement étaient présents à l'ouverture de la discussion de la présente proposition de loi en première lecture, et nous sommes ce soir une douzaine à prendre part à un débat qui a été réduit à son strict minimum.
Heureusement !
Comment ne pas se sentir fortement interpellé par le terrible langage des chiffres ?
Nous n'avons pas le temps de les reprendre en détail, mais tous ceux qui concernent notre marine marchande, qu'il s'agisse du nombre des navires, de leur tonnage, des effectifs de l'emploi ou de notre rang mondial, montrent le déclin de notre marine marchande à un moment où le transport maritime vit pourtant une période très féconde, qu'il devrait connaître durant de nombreuses années encore.
Les tentatives faites dans le passé pour relancer le pavillon français n'ont pas produit les résultats escomptés. Devant ce constat, comment ne pas souscrire à des objectifs visant à permettre à la France de redevenir une puissance maritime, à améliorer la compétitivité de notre flotte de commerce, à renforcer l'emploi maritime français ?
La mission confiée par le Premier Ministre à notre collègue Henri de Richemont, portant sur la relance de notre marine de commerce, avait dès lors un intérêt certain. Cette mission a abouti au dépôt d'une proposition de loi, examinée au Sénat en décembre 2003.
Le texte adopté par la majorité sénatoriale a suscité de vives réactions syndicales et politiques. Les organisations représentatives de marins ont qualifié le texte de « loi scélérate et régressive qui crée, à marche forcée, la complaisance à la française, laissant le libre champ aux voyous de la mer ».
Le langage qu'ils tiennent - et encore cet après-midi même - à propos du texte n'a pas changé depuis.
Le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles à l'Assemblée nationale, maire UMP de Saint-Malo, a émis sur le texte issu du Sénat une opinion qui mérite d'être rappelée : « Les objectifs affichés par la proposition de loi sont positifs. Mais les dispositions proposées comportent des risques sérieux de compromettre la filière d'emploi maritime française, tout en fragilisant des normes de sécurité maritime, lesquelles, vraisemblablement, seront beaucoup moins assurées par des équipages hétéroclites et peu impliqués dans la gestion de leur navire ».
Ces prises de position permettent d'expliquer le parcours chaotique de la proposition de loi, durant ces quinze derniers mois, qui n'ont pas été uniquement consacrés, monsieur le rapporteur, à poursuivre une intense réflexion.
Face à une très forte mobilisation des personnels - quatre mouvements de grève bien suivis - autour d'une intersyndicale que le texte a contribué à souder, préoccupé, sans doute à juste raison, par des échéances électorales intervenant à la même période, le Gouvernement - fait extrêmement rare - a été contraint de reporter l'examen de la proposition de loi par l'Assemblée nationale à trois reprises, pour, finalement, faire adopter le 23 mars dernier une version « toilettée » - pour reprendre l'expression de certains journalistes - du registre TAAF. A propos de ces reports successifs, un commentateur averti a pu employer l'expression de « rallye parlementaire ».
Durant cette période de quinze mois, est intervenu un évènement important, fruit d'une initiative qui vous honore, monsieur le secrétaire d'Etat : la création d'une médiation tripartite entre l'Etat, l'intersyndicale des marins et les armateurs, sous l'autorité de M. Scemama, président du conseil supérieur de la marine marchande.
Cette médiation aurait pu - aurait dû, selon moi - aboutir à la présentation d'un texte remanié, « équilibré », pour reprendre un qualificatif abondamment utilisé pour parler de la version qui nous est soumise. En réalité, il n'en est rien : le curseur s'est déplacé vers une position plus favorable à l'une des parties.
L'intersyndicale, que vous avez reçue, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'issue de la négociation, et qui nous affirme que vous avez pris, devant elle, des engagements concernant le point-clé des quotas de marins nationaux, est aujourd'hui très amère, estimant avoir été « menée en bateau ».
Sourires
Au cours du « rallye parlementaire », nous avons pu déceler, au sein de la majorité, trois équipages avec trois commandants s'engageant sur des routes un peu différentes : l'équipage « de Richemont », c'est la route empruntée par le Sénat le 11 décembre 2003 ; l'équipage « Couaneau », c'est la route indiquée par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale ; enfin, l'équipage « Besselat », c'est la route prise par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Au final, la majorité a emprunté une route « Besselat-Goulard », dont nous allons parler aujourd'hui.
L'adoption de cette version remaniée de la proposition de loi a, elle aussi, suscité des réactions immédiates qui marquent de manière vraiment nette que « l'équilibre » tant proclamé n'est pas au rendez-vous.
Les armateurs se sont déclarés « satisfaits ». Le RIF créé répond, disent-ils, à leurs préoccupations. Ils ont désormais obtenu un certain nombre d'avantages fiscaux - taxe au tonnage, GIE fiscaux, exonérations de charges, légalisation du recours aux sociétés d'entreprise de travail maritime -, et cela avec un minimum de contreparties concernant l'emploi de marins français.
Les syndicats, eux, expriment déception et colère et sont unanimes pour rejeter le dispositif adopté. Là encore, certaines prises de position, dont je citerai quelques extraits, permettent de bien mesurer l'ampleur de leur refus du texte : « Ce texte est très mauvais pour les marins français. C'est Bolkenstein en mer. Il y aura des navires à deux vitesses. » ; « Le texte voté est une catastrophe. » ; « Les députés adoptent le RIFkestein, mauvais coup porté au droit du travail et à l'emploi des marins français. »
La mission Scemama a donc abouti à un échec, et nous revoilà à la case départ.
Je souhaite aborder trois points qui motivent notre rejet ferme du texte : les conditions de nationalité des navigants, l'obligation de formation incombant aux armateurs, les entreprises de travail maritime.
Le fameux article 4, monsieur le secrétaire d'Etat, dans sa rédaction actuelle, fixe un quota d'embauche de 25 % de marins communautaires pour les navires immatriculés au RIF, quota qui est porté à 35 % pour les navires bénéficiant du dispositif d'aide fiscale à l'investissement, appelé GIE fiscal. La définition de l'équipage retenue pour l'application de cette contrainte d'embauche est celle de la fiche d'effectifs établie par l'administration des affaires maritimes et non celle de l'effectif réel présent à bord.
Nous avons là deux points de désaccord : d'une part, ces deux quotas de 25 % et 35 % et, d'autre part, le critère, puisque nous défendons le critère de l'effectif réellement embarqué. L'introduction de cette règle minimale de 35 % de marins français communautaires sur l'effectif réellement embarqué aurait pu amener l'équilibre dont nous parlons.
La deuxième divergence entre nous porte sur l'article 5, qui concerne les formations.
La rédaction retenue par le Sénat avait créé beaucoup d'inquiétude chez les élèves et les enseignants de nos quatre écoles nationales de marine marchande. La situation est déjà très préoccupante, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, comme vous le faites d'ailleurs chaque année, à l'occasion de la présentation de votre rapport sur le budget de la mer.
Deux questions méritent d'être posées à propos de cet article 5.
Tout d'abord, comment ne pas relever l'incohérence existant entre les articles 4 et 5 de la proposition de loi ? Il y aura, qu'on le veuille ou non, moins de marins français à bord des navires français, donc encore moins d'attractivité pour nos écoles nationales de marine marchande.
Par ailleurs, quid de la formation, pourtant tellement nécessaire, de tous les autres personnels - l'école de maistrance, les activités de service général... - et, bien sûr, de la formation des marins employés par les sociétés de transport maritime ?
L'article 7 - c'est notre troisième divergence - vient légaliser et officialiser le recours aux entreprises de travail maritime, dites sociétés de manning. Ici, on peut toujours dire : que n'avez-vous agi ? Nous marquons sur ce point une différence de position qui est aussi très claire.
Et l'on aura beau nous opposer le réalisme économique, la constitution d'un socle minimal applicable à tous les marins, faisant du RIF l'un des pavillons les plus protecteurs d'Europe, il n'en reste pas moins vrai que le contenu du titre II de ce texte, en l'état actuel, est vraiment discriminatoire : discriminations selon le lieu de résidence - en fait, selon la nationalité ; discrimination entre les navigants et les autres personnels ; discrimination entre marins français et marins communautaires - à un moment, il faudra bien évoquer le principe du pays d'origine ; enfin, discrimination fondée sur la légalisation d'une pratique qui prive le marin de tout lien contractuel direct avec son armateur.
Avec le RIF, la France va prendre ouvertement le chemin du dumping social, ce qui entraînera des conséquences inacceptables que nous entendons dénoncer. Toutes les déclarations d'intention qui seront faites en faveur d'une amélioration de la sécurité vont être sérieusement sujettes à caution.
Le RIF ouvre aussi des brèches dans le droit social français et international. Il constitue un dangereux précédent parce qu'il est aussi un modèle pour des activités de plus en plus nombreuses, soumises à la concurrence internationale, et qui sont déjà tentées, nous le voyons chaque semaine, par des pratiques condamnables et qui n'attendent que des textes comme celui-ci pour obtenir que ces pratiques ne le soient plus : après le marin philippin, le fameux plombier polonais !
Ce débat sur le transport maritime ne peut occulter deux interrogations auxquelles vous avez déjà en partie répondu, monsieur le secrétaire d'Etat. J'aimerais toutefois que vous nous en disiez un peu plus sur le GIE fiscal, que Bruxelles examine actuellement, sur le contenu de ce futur GIE « reconfiguré », ou, au moins, sur le calendrier prévu.
Par ailleurs, nous estimons tous qu'il faut s'orienter vers un registre européen. Est-ce une utopie ? Qu'en pensez-vous ? Qu'en pensent vos collègues de l'Union européenne ?
Le 11 décembre 2003, Gérard Larcher, alors président de la commission des affaires économiques, disait : « Ce texte peut faire l'objet de quatre lectures devant les assemblées parlementaires ».
Nous constatons ce soir que la réalité est tout autre : après une première lecture de ce texte au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, passage qui fut très rude - mais il faut l'accepter -, le Gouvernement et sa majorité sifflent déjà la fin de la partie. En deuxième lecture, il faut voter conforme le texte qui est issu des travaux de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire sans aucun amendement. Le Sénat, devant une proposition de loi déposée par l'un de ses membres, va jouer le rôle d'une chambre d'enregistrement.
Cette attitude ne peut nous satisfaire. C'est la raison d'être des amendements que nous avons déposés.
A l'issue de cette discussion, dont nous connaissons déjà la conclusion, nous aurons, monsieur le secrétaire d'Etat, trois rendez-vous : un rendez-vous devant le Conseil constitutionnel, car ce texte comporte, à nos yeux, des dispositions qui méritent de lui être soumises ; un rendez-vous devant l'ITF, la Fédération internationale des ouvriers du transport, sur l'initiative de l'intersyndicale puisque celle-ci a demandé à l'ITF de classer le RIF comme registre de complaisance ; et, surtout, un rendez-vous devant les actes, auquel vous êtes également convié, monsieur le rapporteur.
Nous serons, nous aussi, très attentifs à ce qui va se passer dans les mois à venir : nombre de bateaux rapatriés sous pavillons RIF, nombre d'emplois proposés à des marins français.
M. Besselat, à l'Assemblée nationale, avait conclu son rapport par cette superbe phrase : « En tout état de cause, personne ne peut douter aujourd'hui que ce texte fera date dans l'histoire de la marine marchande. » La phrase peut être interprétée dans des sens très différents !
A tribord, vous espérez, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, que le RIF sera un outil performant, protecteur.
A bâbord, nous pensons que le RIF est un pavillon de complaisance. Si le drapeau français est arboré, pour autant, on ne donnera - hélas ! - pas d'avenir aux jeunes en formation dans nos écoles et nos lycées maritimes, et notre marine marchande comptera de moins en moins de marins français.
Notre détermination à nous opposer à cette proposition de loi est donc totale. A bâbord, monsieur le ministre, c'est donc « arrière toute » !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
La parole est à M. Henri de Richemont qui, je le rappelle, fut à l'origine de la mobilisation parlementaire pour défendre le pavillon français.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons au terme d'un long processus qui a débuté avec la mission que m'a confiée M. le Premier ministre, en septembre 2002, sur l'avenir du pavillon français.
Au cours des six mois qu'a duré cette mission, j'ai beaucoup voyagé, j'ai beaucoup écouté. J'ai constaté ce que nous savions tous, à savoir que tous les Etats européens ont connu, après la guerre, le dépavillonnement de leur flotte au profit des pavillons de complaisance, certains Etats n'ayant plus aucun navire.
Quasiment tous les Etats européens ont réagi à cette situation particulièrement dramatique en créant un registre international attractif, compétitif, qui a eu d'excellents résultats.
Comme vous l'avez indiqué tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, au Danemark, le tonnage a augmenté de 60 %. La flotte marchande danoise compte aujourd'hui 508 navires, 160 étant en construction. Quant aux recettes des armateurs danois, elles représentent entre 12 % et 13 % des recettes danoises en devises étrangères.
Aux Pays-Bas, le tonnage a augmenté de 37 %.
En Belgique, avant la création du registre international, l'ensemble de la flotte était enregistrée sous pavillon luxembourgeois : il n'y avait plus un bateau sous pavillon belge ! En 1991, ce pays s'est doté d'un registre international compétitif, ne comprenant aucune contrainte ni impératif de nationalité. En l'espace de six mois, cinquante navires ont été rapatriés sous pavillon belge et les écoles de la marine marchande, qui avaient été fermées, ont été à nouveau ouvertes.
La création de ces registres internationaux a eu des conséquences bénéfiques sur l'emploi. En effet, il existe un lien direct entre le retour des navires et l'augmentation de l'emploi national.
Ainsi, au Danemark, sur 15 000 marins, 9 900 sont de nationalité danoise, et ce alors qu'aucune contrainte de nationalité n'a été prévue dans le registre.
En Italie, 60°% des officiers et des marins sont italiens.
Afin de rendre attractif leur pavillon, tous ces pays ont mis en oeuvre la politique européenne d'exemption de taxes et de charges sociales, ce qui explique la corrélation entre le retour des navires et le développement de l'emploi national.
Et nous, mes chers collègues, qu'avons-nous fait ? Nous avons créé en 1987 le registre TAAF, qui a été immédiatement annulé par le Conseil d'Etat. L'article 26 de la loi du 26 janvier 1996 l'a rétabli, mais cet article dispose simplement que le commandant et son substitué doivent être français.
Nous avons cru que la solution aux problèmes de l'emploi était la contrainte : de facto, un quota de 35 % de marins français à bord des navires français a été imposé. Le registre TAAF, classé comme le moins compétitif des registres européens, s'est traduit par un échec total, car il repose sur deux fondements complètement artificiels : d'une part, le GIE fiscal et, d'autre part, la loi de 1992, qui oblige les sociétés pétrolières à utiliser des navires sous pavillon français.
Le registre TAAF est donc moins compétitif que les autres registres : il n'est pas communautaire, il ne permet pas l'accès aux eaux européennes, mais il crée une zone de non -droit pour les marins étrangers à bord des navires français. En effet, mes chers collègues, depuis dix ans, des marins étrangers sont embauchés à bord des navires français par l'intermédiaire de sociétés de manning, sans que personne ne se soucie de leur sort !
C'est pour mettre fin à cette situation inacceptable que, après avoir rédigé mon rapport, j'ai déposé avec plusieurs sénateurs, dont MM. de Rohan et Revet, une proposition de loi dont l'objet était la création en France d'un registre européen, suivant en cela l'exemple des Etats qui avaient créé avec succès un registre international compétitif et attractif et en retenant les mêmes dispositions.
Certains s'interrogent aujourd'hui - je l'ai lu dans un journal - sur l'intérêt du registre national, ce qui ne manque pas de m'étonner. En effet, le fait de disposer d'un registre national attractif permet d'avoir un plus grand nombre de navires sous pavillon français et, par conséquent, comme je l'ai démontré précédemment, de créer plus d'emplois en France.
Et puis, arrêtons de jouer avec la réalité ! Les navires enregistrés sous pavillon français sont contrôlés par l'administration maritime française, ce qui permet de renforcer la sécurité maritime.
Par ailleurs, le développement de son pavillon national permettra à la France d'accroître sa crédibilité et son influence au sein de l'Organisation maritime internationale, l'OMI, et des autres instances internationales. En effet, ce qui compte pour l'OMI, c'est non pas la surface côtière des Etats, mais l'importance de leur flotte.
Aujourd'hui, les Etats qui enregistrent des pavillons de complaisance ont plus d'influence que notre pays. Notre but est donc de permettre à la France de redevenir une puissance maritime influente et de faire en sorte que le nombre de pays qui enregistrent des navires sous pavillon de complaisance diminue.
On nous dit que la mission de M. Scemama, que je salue, a abouti à un déséquilibre et que les armateurs en seraient sortis victorieux.
Mon cher collègue Trémel, je ne comprends pas que vous souteniez une pareille thèse, dans la mesure où les armateurs sont les derniers concernés dans cette affaire. En effet, comme l'a dit M. le secrétaire d'Etat, si le registre n'est pas compétitif, ils iront ailleurs !
En revanche, si le registre est compétitif, les armateurs resteront en France. Or, plus de navires en France, c'est plus d'emplois, plus de sécurité maritime et plus d'influence ! Tel est l'objectif, clair, net et précis de notre proposition de loi ; dire le contraire, c'est aller contre la vérité !
Le texte que nous avons voté en première lecture a été examiné ensuite par l'Assemblée nationale, à la suite de nombreux reports et de la mission de M. Scemama. Je ne sais pas s'il y a trois équipages, monsieur Trémel, mais je peux vous assurer que l'équilibre et l'architecture du texte voté par l'Assemblée nationale sont quasiment identiques à l'équilibre et à l'architecture de la proposition de loi votée par le Sénat. Je m'explique.
On oublie de dire que, dans le texte que nous avions adopté en première lecture, la mesure essentielle que j'avais proposée disposait que le commandant et son substitué devaient être français. Il s'agissait, avant tout, de protéger l'emploi national.
Nous devrions tous être d'accord avec l'obligation, pour chaque armateur, d'embaucher des lieutenants et des jeunes officiers français. Le droit européen nous interdisant d'étendre cette exigence de nationalité à d'autres personnes que le commandant, j'avais alors indiqué que cette mesure devait permettre d'avoir plus de marins français à bord.
Le problème, c'est que plusieurs arrêts de la Cour de justice des communautés européennes, et même de la Cour de cassation, ont remis en cause cette obligation de nationalité du commandant et de son substitué, sauf dans le cas où ceux-ci sont, à titre permanent, délégataires de la puissance publique. Or, nous dit-on, le commandant ou son substitué ne pratiquant pas de façon habituelle l'enregistrement des naissances ou des mariages, l'obligation de nationalité tombe. Dans ces conditions, le quota de 25 % ou 35 % de marins français perd tout son sens, puisqu'il n'y aura plus à bord des navires français que des marins étrangers, communautaires ou non.
L'objectif essentiel autour duquel nous devrions tous nous rassembler et pour lequel nous devrions nous battre, c'est le maintien de cette obligation de nationalité. Pour cette raison, la proposition de loi précise que le commandant remplit une mission de sécurité et de sûreté, qui constitue une délégation à titre permanent de la puissance publique.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Dans cette logique, je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous rappeliez que le commandant est le représentant de l'Etat à bord.
En effet, si nous parvenons à maintenir, contre l'avis de la Cour de justice des communautés européennes, cette obligation de nationalité du commandant et de son substitué, alors nous sauverons le principe d'un effectif de marins français à bord des navires, qui, bien entendu, n'est pas un « minimum ».
Mais il faut être réaliste : compte tenu de la jurisprudence de la CJCE, cette nécessité n'est pas pour autant une sécurité. C'est la raison pour laquelle il nous faut rappeler que l'emploi de marins français à bord suppose que le coût du poste soit compétitif. A cet égard, monsieur le ministre, je salue le fait que vous ayez obtenu l'exonération des charges sociales.
A la réduction du coût de la main-d'oeuvre du marin national, objectif atteint par les Danois et les Italiens, nous avons préféré l'exonération fiscale, qui profite aux marins et non pas à l'armateur. L'essentiel est qu'un marin français ne coûte pas plus cher qu'un marin étranger. Si nous y parvenons, nous aurons sauvé notre emploi national, comme l'ont fait les Danois et les Italiens.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, je regrette que l'on n'insiste pas suffisamment sur le fait que la défense de l'emploi n'est pas limitée aux marins embarqués ; elle concerne aussi l'emploi est à terre. C'est la raison pour laquelle j'avais proposé, dans mon rapport, que l'octroi du GIE fiscal soit soumis à une condition : l'obligation pour les armateurs étrangers de disposer, pour leur gestion commerciale ou technique, d'un centre de décision installé en France. J'avais même préconisé que la personne désignée au titre du Code international de gestion de la sécurité, le code ISM, réside en France. J'espère que ces dispositions seront maintenues lorsque nous examinerons les GIE fiscaux, car elles me paraissent tout à fait favorables.
Monsieur Trémel, selon vous, le registre que nous préconisons est, en fait, un pavillon de complaisance. Or nous créons, non pas un pavillon, mais un registre ! Demain, la France aura deux registres, l'un national et l'autre international, mais un seul pavillon !
Comment pouvez-vous penser un seul instant que le pavillon français puisse être de complaisance ? En effet, un tel pavillon n'a aucun lien avec les navires qui y sont enregistrés, ce qui n'est évidemment pas le cas en l'espèce.
Dans le cas du pavillon de complaisance, un Etat délègue ses obligations au titre de conventions internationales à des sociétés privées, ce qui n'est pas non plus le cas ici, puisque l'administration française contrôlera les règles internationales.
Un pavillon de complaisance, c'est un pavillon qui n'a pas de règle sociale ! Or, dans le texte que nous avons voté en première lecture, nous avons prévu un garde-fou, alors que, dans les autres pays, c'est le dialogue social qui a donné naissance aux conventions tripartites. Toutes les règles que nous avons retenues, qu'elles concernent les salaires, la protection sociale ou les retraites, sont conformes à celles édictées par l'Organisation internationale du travail, l'OIT, et aux préconisations de l'ITF, à laquelle adhèrent la CGT et la CFDT. Vous parlez, monsieur Trémel, de pavillon de complaisance, alors que nous choisissons des dispositions sociales conformes aux accords ITF ! De qui se moque-t-on ?
Comment peut-on prétendre que cette proposition de loi donnera naissance à un pavillon de complaisance, alors que nous faisons ce que personne n'a fait depuis dix ans et qu'une véritable zone de non- droit s'est développée ?
Il est vrai que nous légalisons les sociétés de manning. Mais, ce que vous oubliez de dire, c'est que nous sommes les seuls en Europe à avoir prévu que, en cas de défaillance de ces sociétés, c'est l'armateur français qui s'y substituera et qui assurera le paiement des salaires et des cotisations sociales.
Par ailleurs, en cas de litige, nous avons prévu, ce qui ne figure nulle part ailleurs, que les tribunaux français seront compétents, afin que les marins étrangers, quelle que soit leur nationalité, puissent faire respecter leurs droits.
C'est cela que vous appelez un pavillon de complaisance, alors que toutes les valeurs, la spécificité et la générosité françaises trouvent ici à s'appliquer ! Mon cher collègue, vous avez le droit de ne pas être d'accord, mais pas de tromper les gens sur la réalité de ce que nous voulons faire !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Nous voulons construire un registre social, compétitif et attractif, qui repose sur la confiance, car celle-ci crée des emplois. En revanche, la contrainte tue les emplois, car elle fait fuir tout le monde.
J'ai lu récemment, dans le train, le dernier livre de Claude Allègre, qui conclut son ouvrage par les propos suivants : « N'oublions pas ce que nous enseigne l'histoire, les peuples qui n'ont songé qu'à se protéger derrière des lignes Maginot ont été asservis culturellement, commercialement, économiquement. »
Le RIF est nécessaire, car nous voulons un pavillon français puissant pour ne pas dépendre économiquement, culturellement et commercialement de pavillons étrangers. Nous voulons une France rayonnante et influente, qui ne soit pas marginalisée. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, il est fondamental d'avoir un pavillon français attractif et compétitif, attirant de nombreux navires et créant des emplois.
Je suis persuadé que, une fois voté, ce texte sera considéré comme un texte de référence. Il créera, j'en suis convaincu, une attractivité permettant aux navires de revenir sous notre pavillon, un pavillon dépositaire des valeurs de notre pays. Pour la France et pour l'emploi, je vous remercie !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen en deuxième lecture de cette proposition de loi intervient plus d'un an après la première.
Ce délai non négligeable n'était pas destiné à vous transformer en organisateur de rallye, monsieur le secrétaire d'Etat
sourires
Dans ce contexte, la question du pavillon est centrale. Notre collègue Henri de Richemont a eu l'occasion, depuis longtemps, de nous le démontrer et il vient encore de le faire à l'instant, avec la passion qui l'anime.
Qui peut nier, en effet, la nécessité d'une réforme si l'on s'en tient à l'énoncé de ces quelques chiffres que nous connaissons tous : la France compte seulement 221 navires, soit 0, 4 % du tonnage mondial, ce qui la place au vingt-neuvième rang mondial ! C'est la division par quatre des effectifs de la filière maritime !
Tout le monde le sait, tout le monde l'a dit, le dispositif actuel n'est pas absolument satisfaisant. Il fallait le modifier à la fois pour la flotte, mais aussi pour l'économie de notre pays.
La question qui se pose, en effet, est de savoir comment attirer sous pavillon français des armements qui peuvent librement choisir leur pavillon. C'est l'objectif de ce texte, qui ne vise pas autre chose et ne concerne pas, malgré les confusions entretenues ici ou là, les dessertes intérieures. Cet objectif d'attirer les pavillons n'en est pas moins d'une rare importance, et ce texte nous donne les moyens de l'atteindre.
Est-ce à dire qu'il règle tous les problèmes ? Non, naturellement. Nous aurons à nous pencher sur d'autres aspects - mais tel n'est pas l'objet de cette proposition de loi - celui, en particulier, de la concurrence qu'imposent certaines charges aux compagnies françaises de ferries. Nous vous en avons parlé ; il faudra y apporter des solutions, mais vraisemblablement au cours d'autres débats.
Ce texte va dans le bon sens, d'autant que des apports significatifs ont été enregistrés lors de son examen à l'Assemblée nationale. C'est le cas de l'exonération des charges sociales ENIM, qui se substitue ainsi à un régime de remboursement a posteriori peu satisfaisant.
Ce texte va dans le bon sens, d'abord, parce qu'il assure la compétitivité de notre pavillon, son attractivité pour les armateurs, alors même que le coût d'immatriculation au registre des Terres australes et antarctiques françaises, le pavillon Kerguelen, demeure supérieur de 35 % à celui des registres européens.
Ce texte va dans le bon sens, ensuite, parce qu'il retient une solution équilibrée en matière de nombre de marins français ou de résidents de l'Union à bord : 35 % en cas d'aides fiscales, 25 % dans le cas contraire.
De plus, le texte réaffirme l'obligation de base pour le capitaine et son second, investis de prérogatives de puissance publique - nous l'entendions à l'instant - d'être de nationalité française.
Il prévoit également l'exigence d'un niveau minimum de protection sociale pour les navigants, quelle que soit, au demeurant, leur nationalité à bord des navires français.
En termes de compétitivité, les mesures proposées par le registre sont convenables. Je pense, en particulier, à l'exonération totale d'impôt sur le revenu pour les personnels navigants au-delà de 183 jours de mer - c'est la simple reprise de dispositions qui s'appliquent à d'autres catégories de travailleurs à l'international. Je pense aussi à l'abaissement des coûts d'immatriculation des navires grâce au regroupement en un guichet unique des services des douanes et des affaires maritimes. La détermination d'un port d'immatriculation unique situé sur le territoire national va également dans le bon sens.
S'agissant de l'emploi maritime, les avancées peuvent lever les craintes qui ont motivé les revendications des organisations professionnelles. Il ne s'agit pas de créer un régime visant à favoriser le dumping social. J'en veux pour preuve les nombreux efforts faits afin de définir le statut et les garanties permettant de protéger tous les navigants. Ce texte vise à appliquer le droit français à tous les navigants qui résident en France et le droit de l'Etat de résidence aux autres.
Il offre aussi des garanties minima en définissant un statut garant, pour tous les navigants non-résidents, quelle que soit leur nationalité, de l'application des dispositions internationales en matière de droit du travail et de protection sociale prévues dans les textes de l'Organisation internationale du travail et de l'ITF.
Les salaires, quant à eux, sont définis par arrêté en lien avec ces dispositions internationales.
Ce texte va donc dans le bon sens. Bien sûr, sa valeur dépendra très largement de la qualité de son application et de sa mise en oeuvre. Le rapport qui sera présenté au Parlement devra y contribuer.
Avec cette loi, nous nous donnons les moyens d'attirer les entreprises, de créer des emplois dans le secteur maritime, d'engager notre pays dans la redynamisation de sa marine marchande, élément majeur d'une politique maritime qui est, à mon sens, nécessaire au moment où, dans une conjoncture économique souvent grise, nous voyons poindre une croissance soutenue du trafic maritime international au sein duquel nous avons le droit et les moyens de revendiquer une place.
Pour cette raison, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe UC-UDF votera votre texte, lui souhaitant bon vent et bonne route !
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
« Non au pavillon de complaisance, non aux voyous des mers », c'est ainsi que plusieurs centaines de marins et d'officiers de la marine marchande exprimaient leur colère lors de récentes manifestations contre le RIF, et tout à l'heure encore devant les grilles du Sénat.
Sous prétexte de développer la marine française, on taille sur mesure un texte pour les armateurs de fret. Cette proposition de loi vise à répondre à la concurrence mondiale par l'alignement des salaires sur les plus faibles, par l'alignement des garanties sociales sur les minima de l'Organisation internationale du travail, l'OIT.
Certes, les marins français ne seraient pas concernés par ces dispositions, mais peut-on accepter que, sur un même navire, français qui plus est, deux droits du travail s'appliquent, plaçant les marins étrangers dans une situation de sous- rémunération ?
La proposition de loi s'inscrit dans une logique de régression sociale que nous n'admettons pas. Une telle vision, réduite au seul équilibre économique, privilégiant le seul profit financier, est dangereuse pour la sécurité en mer.
Comme on peut le penser, les nouvelles mesures permettront peut-être - je l'espère - un rapatriement de bateaux exploités sous des pavillons de complaisance, mais quid des marins ? Peut-on miser sur le fait que, sans obligations juridiques, les armateurs embarquent naturellement des marins français ou communautaires, qui leur reviennent plus cher ?
Sans revenir sur l'intégralité de l'article 4, je rappellerai la proportion minimale de 35 % calculée sur la fiche d'effectif. C'est là que le bât blesse. Pour nous, cette disposition est inacceptable, car nous savons fort bien que la fiche ne correspond pas à l'effectif réel embarqué ; nous nous en sommes assurés tout à l'heure auprès des syndicalistes que nous avons reçus. Par exemple, sur un porte-conteneurs, si la fiche d'effectif est de quinze marins, l'effectif réellement embarqué est de vingt-quatre, chiffre absolument nécessaire, nous ont-ils dit, pour que le navire fonctionne parfaitement.
Prévoir une obligation de nationalité seulement pour le capitaine et son suppléant est insuffisant pour assurer le renouvellement des capitaines et officiers suppléants. Cela rendra donc impossible le maintien, en France, d'une filière de formation maritime. Cette loi organise son assèchement en la rendant peu attractive par le rétrécissement de l'offre d'emplois qu'elle provoque. Au-delà, il s'agit d'une grave atteinte à la sécurité que seule une bonne formation peut assurer.
Autre régression, ce texte, cela a été dit tout à l'heure, institutionnalise le recours aux sociétés de manning. Ne nous trompons pas sur ce que cache ce terme : il s'agit bien de sociétés de marchands d'hommes. Même si leur existence n'est pas autorisée en France, les armateurs peuvent recourir à une entreprise de travail maritime qui, comme l'a rappelé Marylise Lebranchu à l'Assemblée nationale, a recours à des enchères dégressives.
On nous dit que ces sociétés devront être agréées par les autorités de l'Etat où elles sont établies. Soit. Mais comment s'assure-t-on contre les pays complaisants qui, eux, s'accommodent d'un droit du travail misérable, de rémunérations des marins et de conditions de travail désastreuses ?
Alors même que M. le Président de la République dénonce haut et fort les « armateurs voyous » et les « navires poubelles », la majorité parlementaire instituerait un texte qui ne propose à la marine marchande française - et c'est un comble ! - qu'une dérive bien dangereuse
Au final, cette proposition de loi donne satisfaction aux armateurs, mais laisse les marins amers. On assiste là à un véritable naufrage du droit social, au nom des intérêts économiques de quelques-uns.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an et demi après la première lecture au Sénat, nous examinons à nouveau aujourd'hui la proposition de loi initiée par notre collègue Henri de Richemont. Ce délai a permis d'établir une concertation visant à répondre aux inquiétudes qui s'étaient manifestées et il faut souligner que des efforts notables ont été faits pour rapprocher les points de vue.
Ce texte, à l'évidence, répond à l'impérieuse nécessité d'enrayer l'effondrement du pavillon français, puisque, en quarante ans, le nombre de navires sous ce pavillon a été divisé par quatre.
Force est de constater que ce que l'on a coutume d'appeler le pavillon Kerguelen, mis en place voilà une vingtaine d'années, n'a pas permis de redresser la barre. Il fallait donc réagir, et la création d'un pavillon bis était une solution naturelle, qui a fait ses preuves, comme le démontre l'exemple de nos voisins.
Tout ayant déjà été dit sur le contenu de ce texte, je me contenterai, de vous demander, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions et des assurances sur l'avenir du pavillon de Wallis et Futuna.
Vous le savez, en effet, ce territoire possède un pavillon qui constitue pour lui l'une des rares sources de revenus autre que la dotation attribuée par l'Etat.
La création du RIF, dont, je le répète, je comprends la nécessité, risque cependant d'avoir des conséquences sur le nombre de navires battant pavillon de Wallis et Futuna et, par là même, sur la situation économique et sociale d'un territoire déjà exsangue de ce point de vue. Aussi, je vous serais reconnaissant, monsieur le secrétaire d'Etat, si vous pouviez me rassurer sur ce point.
Par ailleurs, dans la mesure où le texte prévoit qu'un rapport d'évaluation sera présenté au Parlement en 2007, je pense qu'il serait souhaitable d'inclure dans ce rapport un volet sur les éventuelles conséquences de la création du RIF sur le pavillon de Wallis et Futuna. J'espère que vous voudrez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, apporter une réponse positive à ce voeu.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
J'ai entendu avec un grand intérêt l'ensemble des intervenants.
Monsieur le rapporteur, j'ai beaucoup apprécié la très grande qualité du travail que vous avez accompli, au nom de la commission des affaires économiques. Vous avez insisté sur tous les points importants du texte d'origine, tout en soulignant l'évolution qui est intervenue au cours de la discussion à l'Assemblée nationale. Ce faisant, vous avez brossé un tableau utile des amendements les plus significatifs adoptés par les députés.
Vous avez bien fait également d'attirer l'attention du Sénat sur la défiscalisation du revenu du marin, qui est de nature à renforcer l'attractivité des carrières maritimes.
En effet, cela a été un point important de votre intervention, il faut absolument susciter des vocations maritimes, car il existe actuellement un risque réel de pénurie, quels que soient les quotas que nous inscrirons dans la loi. Notre appareil de formation maritime est de grande qualité, et il convient donc d'attirer les jeunes vers des métiers qui sont de beaux métiers, des métiers de haute compétence, offrant des débouchés assurés aujourd'hui, quoi qu'on en dise. Vous avez eu raison d'insister sur ce point, monsieur le rapporteur.
Par ailleurs, la remise du rapport d'évaluation annuel prévu à l'article 34 constituera un rendez-vous important, car il ne sert à rien de faire des prévisions si l'on ne vérifie jamais leur pertinence.
Vous avez enfin évoqué les manifestations qui se sont déroulées aujourd'hui. J'observe que les manifestants que nous avons pu voir et entendre sont, pour la plupart d'entre eux, des marins qui ne sont pas concernés par le texte dont nous débattons.
En effet, il faut le rappeler, les navires assurant un transport de passagers intracommunautaire, sur lesquels est embarquée la majeure partie des marins français, ne sont absolument pas concernés par le RIF.
Pour sa part, M. Trémel a cité des propos du rapporteur pour avis du texte à l'Assemblée nationale, qui contiennent des appréciations totalement inexactes sur les questions de sécurité maritime.
C'est M. de Richemont, me semble-t-il, qui a fortement insisté tout à l'heure sur le fait que, pour un navire, prendre le pavillon français, quel que soit le registre d'immatriculation, marque un incontestable progrès au regard de la sécurité maritime. En effet, cela signifie qu'il sera soumis à l'ensemble des contrôles que nous exerçons ; or, nous sommes, de ce point de vue, particulièrement rigoureux s'agissant du respect des règles. L'augmentation du nombre de bateaux battant pavillon français est donc une excellente chose pour la sécurité maritime.
En ce qui concerne le report de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, il a en effet été nécessaire, nous en avons longuement parlé, de procéder à une concertation et de donner des explications, tant il est vrai qu'une véritable incompréhension entourait cette proposition de loi.
Certes, nous n'avons pas réussi à convaincre tout le monde ; mais, en pareille matière, cela est-il inhabituel ? Je ne le crois pas. Je pense toutefois que ces mois de discussion ont été utiles, ont permis de rapprocher les points de vue et de montrer à ceux qui veulent bien voir les choses telles qu'elles sont que notre intention était bien de développer l'emploi maritime français.
Quant à la démarche adoptée pour la discussion à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a choisi, s'agissant d'une proposition de loi, d'accepter des amendements d'origine parlementaire visant à introduire dans le texte un certain nombre d'avancées qui résultaient de la concertation conduite sous l'égide de M. Scemama. Un texte et des amendements d'initiative parlementaire : on ne peut que se réjouir de voir le Parlement contribuer aussi activement à l'élaboration d'une législation.
Vous avez relevé, monsieur Trémel, que les armateurs sont satisfaits de ce texte. En effet ! Dois-je vous rappeler que les armateurs sont les employeurs ? Il vaut mieux que les futurs employeurs jugent le nouveau registre intéressant pour eux !
M. Josselin de Rohan approuve.
D'autres intervenants ont abordé une réelle question, celle de la référence à la fiche d'effectif. Sur ce point, il faut être extrêmement clair.
La fiche d'effectif est une donnée établie par l'administration. Cela étant, l'effectif à bord peut être variable, suivant la nature de la navigation et celle des cargaisons. Or il est à peu près impossible, pour une administration, de procéder à un contrôle à partir d'une donnée renvoyant à une réalité qui peut être fluctuante.
M. Pierre-Yvon Trémel manifeste son désaccord.
Il est vrai, et c'est un point qui est ressorti lors de la discussion que j'ai eue avec les représentants des syndicats, que les fiches d'effectif ne sont pas toujours réalistes à l'heure actuelle. Il est également vrai qu'elles présentent des variations selon les quartiers qui les établissent. Au nom du Gouvernement, j'ai pris l'engagement que, désormais, nous nous attacherions à établir des fiches d'effectif plus réalistes et uniformes sur l'ensemble du territoire français, de sorte que nous nous rapprochions de l'effectif réel présent à bord qui, je le répète, est fluctuant et n'a, dans certaines circonstances, rien à voir avec l'effectif de marins. Un navire scientifique peut ainsi accueillir des chercheurs à son bord, qui n'entrent pas dans l'effectif de marins.
De même, on trouve, à bord d'un navire câblier, outre des marins affectés à la conduite du navire, des salariés qui accomplissent un travail bien spécifique et qui viennent doubler, voire tripler l'effectif embarqué. La référence à l'effectif embarqué n'est donc pas pertinente en l'occurrence.
En ce qui concerne la problématique essentielle de la perte éventuelle d'emplois, M. de Richemont l'a bien illustrée en s'appuyant sur des exemples européens.
Un risque de perte d'emplois existerait si des armateurs envisageaient d'immatriculer au registre international des navires français inscrits aujourd'hui au premier registre, ce qui leur permettrait de réduire l'effectif de marins français à bord. Mais savez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, combien de navires affectés au long cours, à la navigation internationale, sont actuellement inscrits au premier registre, en exceptant les navires pour lesquels une telle inscription est obligatoire au titre de la législation sur le transport des produits pétroliers ? Un seul, en l'occurrence un navire qui transporte des éléments d'Airbus et pour lequel le chargeur a imposé par contrat que l'ensemble de l'équipage soit français. Votre crainte de voir régresser l'emploi maritime français est donc totalement vaine, monsieur Trémel !
En revanche, comme l'a excellemment démontré Henri de Richemont, nous savons, parce que cela s'est vérifié dans d'autres Etats européens, qu'un registre bis attrayant amène le retour de navires sous le pavillon national, de sorte que nous ne devrions envisager, aujourd'hui, qu'une augmentation du nombre de marins français.
En ce qui concerne les entreprises de travail maritime, ce que l'on appelle encore le manning, on peut, certes, rejeter la réalité et faire comme si elles n'existaient pas. Pourtant, elles sont bien une réalité incontournable de l'emploi maritime dans le monde. Ce que nous voulons introduire par le biais de ce texte, ce sont des dispositions protectrices pour les marins. Ces dispositions présentent de l'intérêt, vous ne pouvez pas le nier, et nous sommes les seuls à vouloir les adopter. Nous exerçons tous les contrôles possibles à cet égard.
Enfin, en réponse à vos interrogations relatives au pavillon européen, je puis vous indiquer que je me suis entretenu de ce sujet avec le commissaire européen à la pêche et aux affaires maritimes, M. Joe Borg, qui est chargé d'élaborer un livre vert sur la politique maritime européenne. Il a semblé intéressé par notre suggestion.
S'agissant du GIE fiscal, l'erreur qui a été commise, à savoir l'absence de notification, est une erreur de procédure, et nous étudions actuellement avec la Commission européenne comment pourrait être reconnue, sous réserve d'éventuelles modifications pouvant être tout à fait mineures, la conformité à la législation européenne de notre dispositif d'aides, qui est d'ailleurs comparable à ce qui existe dans d'autres pays européens.
J'ai déjà dit à M. de Richemont à quel point sa démonstration avait été éloquente : les chiffres qu'il a cités, relatifs au nombre de navires belges ou danois ayant fait retour sous le pavillon national parce que ce dernier était à nouveau attractif, me paraissent établir de manière certaine que nous sommes en présence d'un texte qui permettra d'aider puissamment à la dynamisation de la flotte de commerce française.
Les réflexions de M. de Richemont sur notre influence dans les organisations internationales me semblent également tout à fait intéressantes. Notre poids au sein des organismes internationaux est proportionnel au nombre de nos navires. Par conséquent, pour asseoir la place de la France dans le monde, pour qu'elle puisse agir, par exemple, en faveur de la sécurité maritime, il est nécessaire que davantage de navires soient immatriculés sous le pavillon national. J'ajoute que si l'Europe était plus présente, la puissance de sa flotte de commerce lui permettrait très probablement d'être l'acteur dominant au sein de l'OMI, ce qui serait une excellente chose.
En outre, d'après le droit français, le capitaine du navire et l'officier chargé de sa suppléance se voient confier, à notre sens, une mission permanente d'ordre public. Je vous rejoins dans cette analyse.
De la même manière, et c'est là une considération non plus juridique mais économique, vous avez eu parfaitement raison, monsieur de Richemont, de souligner que les emplois à terre sont extrêmement nombreux et que nous avons intérêt à ce que les centres de décision économique soient français. Cela est essentiel. Je rappelle à cet égard que plusieurs des plus grands armateurs mondiaux sont établis en France, ce qui a une incidence considérable sur l'emploi.
Vous avez également eu tout à fait raison de dire qu'il serait pour le moins paradoxal que l'ITF déclarât pavillon de complaisance un registre qui, précisément, se réfère directement aux normes que cette organisation édicte.
Par ailleurs, M. Kergueris a parlé en économiste lorsqu'il a montré très clairement que ce texte, en particulier les mesures relatives aux charges sociales, permettrait le retour à la compétitivité du pavillon français.
Vous avez, en outre, très justement fait observer, monsieur le sénateur, que la défiscalisation des revenus des marins n'était que la traduction d'un principe général de notre droit fiscal concernant ceux qui travaillent en dehors de notre territoire national. Cette disposition présente de l'intérêt en vue de l'amélioration de l'attractivité des carrières maritimes.
Enfin, je me réjouis vivement de l'appui que le groupe de l'Union centriste-UDF apporte à cette proposition de loi et à la politique conduite par le Gouvernement en matière de marine marchande.
Je dirai maintenant à Mme Yolande Boyer que l'excès en tout nuit : peut-on accepter, demande-t-elle, que deux droits du travail coexistent ? J'ai rappelé que le pavillon Kerguelen, infiniment moins protecteur que celui dont il s'agit ce soir, a été maintenu sans que la majorité précédente ait envisagé aucune tentative de réforme. Rien n'a été modifié, rien n'a été annoncé, aucun problème n'a été soulevé, ni sur les sociétés de manning ni sur l'absence totale de protection sociale pour les marins non européens.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. J'ajoute que, depuis un arrêt du Conseil d'Etat de 1996 - intervenu un an, j'y insiste, avant le changement de majorité -, il n'y avait plus aucun fondement à l'existence d'un quota de marins français à bord des navires sous pavillon Kerguelen.
Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.
En ce qui concerne une prétendue régression sociale, c'est exactement le contraire qui se produit : nous prenons des mesures qui sont constitutives d'un véritable statut social pour les marins non européens.
C'est une première, et si nous parlons d'un pavillon européen, c'est avec l'espoir que l'ensemble de l'Europe s'inspire de ce que nous faisons ici, sur l'initiative du Sénat, en matière sociale pour les marins.
Madame la sénatrice, le monde est ouvert. Veut-on établir en France une législation idéale sur le plan social, qui présenterait l'unique inconvénient de ne s'appliquer à aucun navire ? Désormais, la flotte est mondiale et, cela a été dit à plusieurs reprises, un armateur a le choix du pavillon. Il peut opter pour le pavillon le moins contraignant, avec des formalités d'immatriculation n'occupant qu'une demi-journée.
Ce phénomène n'est pas théorique, c'est exactement ce qui s'est passé. Les seuls pays ayant réussi à inverser cette tendance qui perdure depuis des décennies sont ceux qui ont instauré un registre international ; ils l'ont fait avec succès, puisque l'emploi maritime s'est accru dans leur pays. C'est tout simplement ce que nous nous proposons de faire.
Vous osez dire, madame Boyer, que nous sommes en train de favoriser l'enregistrement sous pavillon français de « navires poubelles ».
Aurais-je la cruauté de vous rappeler que, en 1999 et en 2000, la France a été condamnée par la Cour de justice des communautés européennes pour défaut de contrôle des navires par l'Etat du port ? Nous avons été condamnés parce que, à l'époque, l'obligation de contrôler 25 % des navires mouillant dans les ports français n'était pas respectée ; nous étions en dessous de 10 %.
Depuis lors, grâce à la politique menée par le Gouvernement et par notre majorité, ce taux de contrôle est non seulement respecté chaque année, mais il est dépassé et l'Agence européenne de sécurité maritime, qui vient de vérifier les contrôles qui sont opérés en France, a rendu un rapport parfaitement satisfaisant.
Sur ce sujet non plus, madame Boyer, ne nous donnez pas de leçon ! J'ajoute qu'il est absurde de parler de « navires poubelles » puisque ce sont des navires qui respecteront l'intégralité de la réglementation française.
Monsieur Laufoaulou, vous le savez, aujourd'hui, huit navires sont immatriculés au registre de Wallis-et-Futuna. Le registre international français sera sans conséquence sur ce dernier, qui demeure.
Les conditions offertes par ce registre sont surtout favorables aux navires de croisière - cinq sont immatriculés à Wallis-et-Futuna - et nous ne voyons pas pourquoi on assisterait à un transfert de navires vers le registre international, même si nous sommes dans une logique de libre immatriculation, dans laquelle l'armateur choisit son registre.
Je réponds positivement à votre demande, monsieur Laufoaulu, afin que le rapport qui sera remis avant le printemps de 2007 consacre un chapitre particulier à ce registre et aux conséquences éventuelles que pourrait avoir le registre international.
Enfin, l'obligation d'emploi de marins français, en vertu de ce registre, est fixée à 25 % alors que la réalité est de 50 %. C'est une nouvelle fois l'illustration que le minimum fixé par la loi n'est pas un plafond et que le taux d'emploi de marins français est largement supérieur.
Je vous remercie de votre question qui nous permet de garder à l'esprit ce registre particulier, dont l'intérêt demeure intact.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Je suis saisi, par MM. Foucaud, Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Demessine, Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 31, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la création du registre international français (n° 265, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la motion.
Le 11 décembre 2003, lors de l'examen en première lecture par le Sénat du projet de loi portant création d'un registre international français, je commençais mon intervention par l'énumération des ports de notre pays dans lesquels les marins étaient dans l'action et manifestaient.
Je pourrais faire de même aujourd'hui, car les mêmes causes entraînent les mêmes effets, voire les accroissent. Il semble en effet, à l'heure où nous siégeons, que les mouvements de grèves des personnels maritimes soient encore plus puissants que voilà plus d'un an.
Les propos que vous venez de tenir, monsieur le rapporteur, sont complètement en contradiction avec la réalité, avec la vie : il suffit de sortir de cette enceinte et de voir ce qui se passe devant nos portes aujourd'hui et dans les ports pour s'en convaincre.
Faut-il que le texte soit néfaste pour qu'il suscite le rejet de toute une profession, une telle unanimité chez ceux qui sont directement concernés, comme en témoigne l'appel de l'intersyndicale des marins et officiers qui regroupe la CGT, la CFDT, la CGC, le SNPOMM-FO et la CFTC !
Mes amis du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même pensons que leurs inquiétudes et leur colère sont légitimes et justifiées.
En effet, le Gouvernement ne demande rien de moins à la représentation nationale que de donner son aval à un texte de régression sociale, à des mesures qui visent à brader le pavillon français pour l'assimiler, le soumettre aux règles des pavillons de complaisance.
Nous l'avons déjà souligné, mais nous le répétons, l'objectif est de favoriser le retour sous pavillon français d'un nombre significatif de navires exploités aujourd'hui par des armateurs français sous pavillon étranger, dont certains de complaisance, au prix de la casse du statut des marins français.
Comment cela se traduirait-il ?
Des marins étrangers seraient embarqués, employés aux conditions de leur pays d'origine sur des bâtiments battant pavillon national, sans garantie réelle d'emploi pour les marins français, avec comme seule contrainte que le commandant et son adjoint soient de nationalité française.
C'est du Bolkestein appliqué au domaine maritime ! C'est le décret d'application, avant l'heure, du projet de Constitution européenne !
Certains me diront ici que la présente proposition de loi n'a rien à voir avec le traité constitutionnel et que, une fois de plus, les partisans du non pratiquent l'amalgame. Même si cela nous prend quelques instants, je souhaite consulter avec vous ce traité et les travaux préparatoires.
L'article II-75, notamment son troisième paragraphe, est intéressant et démontre toute la duplicité d'un texte dont la complexité tend à masquer une volonté systématique de régression libérale.
Il indique, en effet, que : « Les ressortissants des pays tiers qui sont autorisés à travailler sur le territoire des Etats membres ont droit à des conditions de travail équivalentes à celles dont bénéficient les citoyens de l'Union. »
Si l'on se limite à une lecture rapide, simple, pour ne pas dire simpliste, du traité, la proposition de loi qui nous est soumise est en pleine contradiction avec le traité et ce dernier devrait entraîner l'adhésion de tous les partisans d'une plus grande justice sociale en Europe.
Malheureusement, ce troisième paragraphe de l'article II-75 est à éclaircir par un certain nombre d'autres considérations.
L'explication du texte établie sous l'autorité du praesidium de la Convention européenne, qui est déterminante pour l'interprétation du traité et qui est présentée comme telle par la délégation pour l'Union européenne de notre assemblée, limite considérablement le champ d'application de l'article qui nous intéresse.
Premièrement, le praesidium de la convention européenne indique que « la question du recrutement des marins ayant la nationalité d'Etats tiers dans les équipages des navires battant pavillon d'un Etat membre de l'Union européenne est réglée par le droit des législations et pratiques nationales ». En un mot, la Charte et son article II-75 ne s'appliquent pas aux marins en cas de dispositions ou de pratiques nationales contraires.
Deuxièmement, et plus généralement, le praesidium précise que l'article II-112 de la Constitution est applicable. Cet article dispose que les explications du praesidium doivent être prises en compte pour l'interprétation de la Charte.
Par ailleurs, l'article II-112 distingue les droits et les principes. Les commentaires de la délégation pour l'Union européenne sur ce point sont particulièrement éloquents.
Il s'agit de bien marquer le fait que la reconnaissance de certains droits par la Charte ne les érige pas pour autant en droits justifiables. Ces droits, par exemple le droit d'accès aux prestations de sécurité sociale, le droit de travailler ou le droit à la protection de la santé, correspondent à des objectifs, à des « principes », qu'il convient évidemment de respecter et même de promouvoir, sans imposer pour autant une obligation de résultat.
Comment appelle-t-on un droit inapplicable, mes chers collègues ? Un voeu pieu, tout simplement !
Cette longue parenthèse me semble utile, ne serait-ce que pour prouver que la proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui est la démonstration évidente que le traité constitutionnel européen n'empêche aucunement les dérives libérales, mais que, bien au contraire, il les organise, il les encadre.
La surexploitation des marins sera donc possible, tout comme le seront la directive Bolkestein et la déréglementation généralisée. Si l'on ajoute la directive Bolkestein à la directive portuaire, qui vise tous les métiers afférents tels que la manutention, le pilotage, le remorquage, le lamanage, le dragage, c'est l'ensemble de la filière maritime et portuaire qui est abandonnée à la déréglementation.
Nous ne nous résignons pas à cette perspective.
Nous ne voulons pas que notre pays, dont la situation géographique et l'existence de plusieurs milliers de kilomètres de côtes ont permis la création de nombreux ports, devienne un lieu de dumping social en matière d'armement naval et d'embauche d'équipages.
Nous avons déjà été instruits par l'expérience et l'instauration d'un pavillon bis, un pavillon qui, pour éviter d'être qualifié de complaisant, a été dénommé le « registre Kerguelen ».
Quelle en a été la conséquence ? Les marins français y sont largement minoritaires, la règle de 35 % de personnel n'étant pas écrite alors qu'il le faudrait. Il en résulte une hétérogénéité des droits et des salaires.
Mais cela n'est pas encore suffisant pour les armateurs, pour le MEDEF de la mer dont vous êtes, mesdames, messieurs de la majorité, les porte-parole dans cette enceinte
Pour eux, les charges salariales seraient encore trop importantes.D'où la pression qu'ils ont exercée pour qu'on en arrive à la création d'un RIF, lequel avait déjà été précédé de la taxe sur le tonnage, qui réduit considérablement la fiscalité des armements sans aucune contrepartie, en particulier en termes d'emplois. Tout cela s'est fait au nom de la concurrence, qui justifie toujours plus.
Il faut, par l'entremise du texte qui nous est proposé, accepter le laminage des droits des marins, la disparition de leurs organisations syndicales et des instances élues qui les représentent.
Quoi de mieux, au nom de la compétitivité, que des personnels corvéables, sans aucun droit, d'autant qu'ils seraient recrutés par l'entremise de sociétés de « marchands d'hommes » élevées pour l'occasion au rang d'entreprises de travail maritime ?
On sait bien évidemment qu'il sera aisé de trouver, dans des pays extra- communautaires, des hommes prêts à travailler pour moins cher, dans des conditions toujours plus difficiles, tout simplement parce qu'il faut subvenir aux besoins de la famille. En face, il existera toujours des armateurs qui y verront une aubaine leur permettant de dépenser toujours moins.
Ce sont donc les hommes qui seront mis en concurrence alors que le travail dans les transports maritimes est particulièrement pénible et devrait donc être rémunéré à sa juste valeur, comme le permet le statut des marins acquis de haute lutte par les intéressés.
Comment ne pas évoquer également tout ce qui est le corollaire du registre international français.
Je pense aux filières de formation dispensée par les écoles nationales de la marine marchande, qui se verraient de fait condamnées par ce texte, tout comme le seraient le savoir français et les formations de haut niveau aux métiers de la mer.
Quid, en même temps, de la sécurité maritime ? Il est, en effet, de notoriété publique que la sécurité en ce domaine est indissociable de la formation des personnels et des conditions de travail. Une telle proposition de loi ne nous prémunit donc pas contre l'existence de « navires poubelles » et la survenance de catastrophes écologiques, contrairement à ce qu'a répondu M. le secrétaire d'Etat à Mme Boyer.
Ces dernières années, certains de nos ports ont eu à subir la présence de navires abandonnés avec, à leur bord, des marins étrangers engagés sous pavillons de complaisance et non payés depuis des mois.
Ce fut le cas dans mon département, comme dans le vôtre, monsieur le rapporteur, notamment dans les ports du Havre et de Rouen.
Assistera-t-on, désormais, avec l'application du RIF, aux mêmes scènes, mais, cette fois-ci, avec des bateaux battant pavillon français ? C'est ce à quoi nous expose la proposition de loi.
Ce sont quelques-uns des motifs qui nous conduisent à soutenir les marins qui, une fois de plus, sont en grève contre la régression sociale. Nous sommes, bien sûr, avec eux et aux côtés de leur intersyndicale, qui s'est prononcée de nouveau contre la proposition de loi.
L'Europe, la France pourraient promouvoir une activité maritime faite de coopérations dans laquelle les pays pauvres ou émergents trouveraient des facteurs réels de développement et où les conditions de travail seraient tirées vers le haut.
Nous voulons laisser au Gouvernement la chance de s'inscrire dans une telle politique. Nous désirons lui donner la possibilité d'engager un véritable travail de concertation avec les salariés, les hommes d'équipage, les officiers et leurs organisations syndicales. Nous souhaitons lui permettre ainsi d'entendre des avis autorisés, ceux des travailleurs de la mer.
Malheureusement, M. le rapporteur propose de faire le point après. Pourquoi ne pas l'avoir fait avant ? Après, il sera trop tard !
Quant à vous, monsieur de Richemont, vous voulez légaliser l'inacceptable, ce que refusent les marins français. Ceux-ci sont les véritables porteurs de l'intérêt maritime ainsi que d'une politique européenne dynamique et nouvelle dans le domaine des liaisons maritimes.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je souhaite que vous adoptiez la motion tendant à opposer la question préalable, sur laquelle le groupe CRC demande un scrutin public. Le Sénat s'honorerait à la voter. Il défendrait ainsi le pavillon français et prémunirait les marins étrangers, particulièrement ceux des pays extracommunautaires, contre des emplois et des conditions de travail indignes de notre temps.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Je ne reviendrai pas en détail sur tout ce que vient de dire notre collègue Thierry Foucaud. Si notre démarche et la sienne ne sont pas diamétralement opposées, elles ne participent pas de la même réflexion.
Tout à l'heure, j'ai reçu des marins, comme il m'est d'ailleurs arrivé de le faire avec d'autres partenaires sociaux. Ils m'ont fait part de leurs inquiétudes. J'ai donc essayé de leur expliquer l'objectif du Gouvernement et de la majorité du Sénat.
La création du RIF vise à développer le pavillon français et à faire en sorte qu'il y ait plus d'hommes d'équipage et d'officiers français sur les navires, car la France est une grande puissance maritime. Nous avons, bien évidemment, convenu de faire le point. Mais il est difficile de le faire avant que le texte entre en application !
La commission n'a pas eu le temps d'examiner la motion tendant à opposer la question préalable, mais les positions qu'elle a prises sur mon rapport me conduisent à émettre un avis défavorable.
Le transport maritime est, en effet, un secteur économique marqué par des spécificités, notamment celle d'être exposé, davantage que d'autres secteurs, à la concurrence internationale. Ne pas prendre en compte cette réalité reviendrait à laisser le champ libre au développement des pavillons de complaisance. C'est l'inverse de ce que nous recherchons !
Tout l'enjeu du texte est donc de réagir face à cette réalité et de lutter contre le développement de ces pavillons en améliorant la compétitivité du pavillon français tout en assurant des garanties sociales aux marins français et étrangers. C'est ce que vos amis n'ont pas fait, monsieur Foucaud !
Quand M. Gayssot était ministre des transports, la mer dépendait de son ministère. Quel dommage que vous n'ayez pas tenu un tel discours à ce moment-là et que M. Gayssot n'ait pas pris en compte ces aspects ! (M. de Richemont applaudit.)
La proposition de loi trouve un équilibre entre les exigences d'attractivité du registre et celles qui sont liées à l'emploi. Un tel équilibre est indispensable au succès du RIF. D'ailleurs, si le succès est au rendez-vous, comme nous l'espérons, il emportera des conséquences positives pour la sécurité, l'emploi et la protection des navigants étrangers.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de rejeter cette motion.
Le Gouvernement partage totalement l'avis de M. le rapporteur.
Je demande simplement que l'on écoute la France, les marins français et leurs représentants.
Sauf qu'ils manifestent partout, monsieur le rapporteur !
Aujourd'hui, tous les bateaux de commerce sont en grève à Marseille et au Havre. Il n'y a plus de ferries entre le Nord-Pas-de-Calais ou la Normandie et l'Angleterre.
Les navires relevant des ports autonomes et les remorqueurs sont également en grève.
En outre, je vous rappelle l'importante manifestation qui a eu lieu, hier, à Brest.
Cette manifestation ainsi que le mouvement de grève d'aujourd'hui, qui sera peut-être reconduit, dénoncent la duplicité d'un texte qui est jugé inacceptable. Le groupe communiste républicain et citoyen espère qu'il ne sera pas adopté.
Monsieur le rapporteur, lorsque vous avez reçu des représentants des marins, il y a quelques instants - ils appartenaient certainement à la manifestation qui a lieu en ce moment même devant le Palais du Luxembourg -, peut-être ne les avez-vous pas compris. Je ne peux pas imaginer, en effet, qu'ils vous aient dit être d'accord avec les propos que le Gouvernement et la commission tiennent aujourd'hui au sujet de la création du registre !
Et puis, évitez de parler du passé ! Il faut être, comme vous, des gens du passé pour rendre des hommes aussi corvéable à merci. Lorsque la gauche était au pouvoir, elle n'a pas pénalisé les marins français !
Nous sommes d'accord avec le groupe CRC pour rejeter ce texte. Nous reviendrons d'ailleurs, dans la suite du débat, sur certains arguments avancés par Thierry Foucaud, qui touchent à des points clés : les conditions de nationalité, les sociétés de manning et la formation.
En revanche, nous sommes en désaccord avec lui sur ce qui concerne la préfiguration de l'application du traité constitutionnel. En effet, personne ne l'ignore, il y a un débat entre nous sur ce sujet, qui sera tranché d'ici à quelques semaines.
Quoi qu'il en soit, le groupe socialiste et apparentés votera la motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Bien entendu, le groupe UMP votera contre la motion présentée par le groupe communiste.
Monsieur Foucaud, je ne peux pas vous laisser dire que nous légalisons l'inacceptable quand nous légiférons au contraire pour y mettre fin !
L'inacceptable, c'est la perte du pavillon français, car elle joue contre l'emploi, contre la sécurité maritime, contre la position de la France dans le monde. Notre texte, nous l'avons prouvé, est social et attractif, et il joue, lui, en faveur de l'emploi.
Par ailleurs, vous nous reprochez de ne pas écouter ceux qui manifestent dans la rue. Or, c'est justement parce que nous les avons rencontrés et écoutés que nous estimons que la législation existante doit être supprimée dans l'intérêt général, qui est notre seule préoccupation.
La loi ne se fait pas dans la rue. Si des marins sont en grève, je le déplore, d'autant qu'aucun d'entre eux n'est concerné par la proposition de loi !
M. Henri de Richemont. Dans quel pays vivons-nous donc ? Nous sommes dans une situation kafkaïenne : les ferries et les remorqueurs bloquent tous les ports de France, et des gens qui ne sont pas concernés manifestent dans la rue alors qu'il s'agit d'un texte dont l'objet est de faciliter le rapatriement sous pavillon français des navires et de favoriser le développement de l'emploi, pas celui de ceux qui manifestent, mais celui de leurs collègues. J'estime que cette démarche est profondément égoïste !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Le groupe UC-UDF votera également contre la motion.
Je refuse, comme plusieurs de ceux qui sont présents dans cet hémicycle, et notamment M. de Rohan, que l'on oppose des parlementaires qui auraient le souci des marins à d'autres qui ne l'auraient point. Car si des manifestants peuvent aujourd'hui défiler dans la rue - ce qui est leur droit, car nous sommes en République -, alors même qu'ils ne sont pas affectés par les dispositions de la proposition de loi, ils le doivent d'abord - et nous le devons - aux collectivités territoriales.
Ces dernières ont, en effet, pris leurs responsabilités, toutes leurs responsabilités et rien que leurs responsabilités, en matière de passages d'eau. Ainsi, mon département est le premier armateur dans ce domaine. Et si nous, collectivités régionales, n'avions pas, en Normandie et en Bretagne, effectué les montages financiers permettant à des armements de maintenir le pavillon français sur le service transmanche, ils ne seraient plus dans le système.
C'est grâce à l'action que nous avons menée, grâce aux responsabilités que nous avons prises et grâce à la solidarité financière de nos concitoyennes et de nos concitoyens, que nous avons sollicités pour réaliser ces investissements, que ces armements existent encore.
Nous l'avons fait pour notre économie et pour nos marins. Nous ne pouvons donc pas accepter que l'on oppose les uns aux autres.
Il y a un temps pour les paroles et un temps pour les gestes. Dans l'exercice de nos responsabilités, nous avons accompli, depuis de longues années, les gestes qui nous autorisent à revendiquer notre solidarité avec les marins.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Je mets aux voix la motion n° 31, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 171 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Nous passons donc à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
TITRE IER
DE LA PROMOTION DU PAVILLON FRANÇAIS, DE LA SÉCURITÉ ET DU DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI MARITIME
Section 1
Création du registre international français
Le registre d'immatriculation dénommé « registre international français » a pour objet, dans le cadre de l'harmonisation des politiques communautaires, de développer l'emploi maritime et de renforcer la sécurité et la sûreté maritimes par la promotion du pavillon français.
La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je m'accorde à penser, comme tous les intervenants, que la France ne peut se résigner au déclin de son pavillon national et à la disparition de sa flotte de marine marchande. En effet, la France n'occupe plus que la vingt-neuvième place mondiale alors qu'elle occupait la quatrième place en 1970.
Ainsi, la proposition de loi relative à la création du registre international français, qui nous est soumise en deuxième lecture aujourd'hui, devait permettre, par une simplification des règles, de rendre plus attrayante l'immatriculation des navires de commerce sous pavillon français. Or, elle se contente finalement de proposer la mise en place d'une sorte de « pavillon de complaisance », en favorisant l'emploi de marins recrutés en dehors de l'Union européenne.
Pourtant, le déclin continu de la marine marchande française est essentiellement lié à l'essor de ces pavillons de complaisance, enregistrés sous des régimes fiscalement favorables et dégagés de toute obligation quant au statut des équipages. À une soumission économique s'ajoute donc une soumission politique.
Les élus Verts ne peuvent que s'élever contre cette volonté du Gouvernement de créer un vrai-faux pavillon de complaisance français.
Cette proposition de loi représente un bel exemple de soumission à la mondialisation néolibérale dans ses aspects les plus violents sur le plan social, environnemental et, bien sûr, humain.
S'agissant des fonctions, seuls le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance devraient être français. Et vous admettez, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sur ce point, vous n'avez pas encore obtenu gain de cause auprès des instances européennes !
La garantie de la présence minimale de navigants de l'Union européenne à bord des navires battant pavillon RIF a été fixée à 35 % si ces derniers bénéficient d'aides fiscales, et à 25 % pour les autres. La présence des navigants sera calculée sur la fiche d'effectif et non sur le nombre de marins réellement embarqués. Or, la fiche d'effectif comprend moins de marins que ceux qui sont réellement embarqués.
Vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous alliez rendre plus réaliste cette liste, mais dans quel sens, étant donné que vous voulez satisfaire les armateurs ? Nous ne le savons pas encore !
Vous allez devoir continuer sur votre lancée, montrer que c'est rentable et aller dans une direction qui n'est pas obligatoirement celle à laquelle vous pensez aujourd'hui. En effet, je ne vois pas pourquoi les armateurs se refuseraient à embaucher des étrangers au moindre coût social ! Il deviendra alors de plus en plus difficile de trouver des marins dans notre pays. Aujourd'hui, le secteur souffre, d'ailleurs, d'une large désaffection.
Par ailleurs, cette proposition de loi consacre l'éclatement du statut collectif du personnel et contrevient au principe de non-discrimination entre travailleurs ressortissant de l'Union européenne, puisque certains marins relèveront des normes françaises alors que d'autres resteront soumis au droit de leur pays d'origine.
De même, il existe un risque important de discrimination à l'égard des marins extracommunautaires, qui seront soumis à des contrats de travail relevant de la loi que chaque partie aura choisie sans que le texte précise quelle sera la convention collective applicable. Ainsi, ces navigants seront soumis au droit de leur pays d'origine ou au droit du pays d'établissement de la société de travail maritime par laquelle ils sont entrés en relation avec l'armateur. Le droit applicable devrait être, me semble-t-il, celui de l'Etat du pavillon auquel est rattaché le navire.
Le texte aligne ainsi la réglementation sociale à bord des navires immatriculés au RIF sur des normes internationales qui sont bien faibles par rapport à notre législation, privant ainsi les marins de protection sociale efficace. La recherche de la compétitivité ne peut en aucun cas légitimer une telle différence de traitement entre les marins à bord d'un même bateau arborant le pavillon français.
En outre, la possibilité qui a été donnée aux armateurs de recourir à des entreprises de travail maritime, dites sociétés de manning, est dangereuse eu égard à la protection sociale des marins. La France légalise ainsi l'embauche des marins par des sociétés de « marchands d'hommes », y compris et surtout les sociétés off shore, dont l'activité n'est pas contrôlable par l'Etat du pavillon. Par ailleurs, le fait que la société soit agréée dans l'Etat où elle est établie ne change rien, puisque aucune condition nécessaire d'agrément n'a été prévue par le texte. Ce dumping social, même s'il est pratiqué par certains Etats membres de l'Union européenne, me paraît tout à fait scandaleux ! Les marins méritent d'être efficacement protégés contre ce type de pratique.
Faute d'inventer des instruments de régulation tendant à atténuer les effets de la mondialisation, on tire vers le bas la rémunération des salariés !
Un intervenant ayant, lors de la discussion générale, fait référence à M. Claude Allègre, je me permettrai quant à moi d'évoquer les propos de M. Couaneau, député UMP, qui estime que la flotte française ne doit pas, pour des raisons purement financières, sacrifier son atout majeur, à savoir la qualité de son encadrement et de ses équipages.
Je pense qu'il est important de promouvoir l'emploi à statut garanti, d'assurer la qualité à bord des navires battant pavillon français, de renforcer l'attractivité de ce pavillon et d'améliorer la sécurité et la cohérence du régime juridique applicable aux navigants.
Il n'est pas possible d'approuver cette proposition de loi, qui détourne le code du travail et porte atteinte à la dignité des marins en voulant se passer de leurs compétences. Ils l'ont d'ailleurs manifesté encore aujourd'hui.
Je vous propose donc de supprimer l'article 1er de la proposition de loi relative à la création du registre international français qui, contre toute logique de sécurité maritime, prévoit la baisse des coûts grâce à l'emploi de personnels à très faible statut, donc exploités et sous-payés.
Vous n'avez pas déposé d'amendement !
J'ai dit que la somme des registres internationaux constitue le registre européen !
M. le président. Laissons l'orateur s'exprimer ! Il a déjà dépassé son temps de parole ; il ne faut pas l'encourager à le dépasser encore davantage.
Sourires
Monsieur de Richemont, j'avais compris que vous parliez d'un registre européen, d'une harmonisation européenne.
Pour nous, élus Verts, il s'agit non pas de s'aligner sur la concurrence entre Etats européens, de s'aligner sur le plus bas, mais, au contraire, d'harmoniser les garanties sociales et de les défendre au niveau européen.
Comme l'a dit M. le secrétaire d'Etat, si nous nous organisions à l'échelon européen, nous serions très forts. Pour cela, il ne faut pas simplement s'organiser économiquement, il faut aussi faire en sorte que l'Europe ait un vrai statut social ! C'est cette harmonisation européenne que les élus Verts souhaitent et je n'ai pas compris cela dans votre intervention, monsieur de Richemont.
Ce que vient de dire mon collègue est très intéressant.
Mon intervention sur l'article 1er de la proposition de loi pose, par essence, la question même de la création du registre international français, qui est essentielle.
L'immatriculation des bateaux de nationalité française - appelons les choses ainsi - est aujourd'hui relativement faible, reléguant notre pays loin des grandes flottes mondiales, ...
... notamment - hélas ! - des pays autorisant l'immatriculation de navires sous pavillon de complaisance. À cet égard, le registre Kerguelen est loin d'avoir ralenti le processus.
On peut, d'ailleurs, se demander si la proposition de loi va éviter la poursuite de cette tendance lourde, ce qui pose d'abord et avant tout la question d'une véritable politique maritime pour notre pays, visant notamment à renforcer l'ensemble des éléments de la filière, depuis la construction navale jusqu'à la navigation commerciale.
Ma seconde interrogation, tout aussi essentielle, a trait aux termes mêmes de cet article 1er. Je me permets donc de le relire pour que chacun s'imprègne de l'esprit qui a pu habiter notre collègue M. de Richemont : « Le registre d'immatriculation dénommé registre international français a pour objet, dans le cadre de l'harmonisation des politiques communautaires, de développer l'emploi maritime et de renforcer la sécurité et la sûreté maritimes par la promotion du pavillon français. »
Il s'agit donc d'agir dans le cadre de l'harmonisation des politiques communautaires. C'est cette harmonisation - si l'on peut dire - qui motive, en particulier, l'article 15 de la proposition de loi puisque, pour ne citer qu'un exemple, la référence aux durées de repos prévues n'est que la traduction d'un article de la directive 1999/63 du Conseil européen du 21 juin 1999. Cela signifie que l'on estime normal le fait de « tirer » au maximum sur les effectifs embarqués pour réduire autant que faire se peut la durée effective de repos des navigants.
De la même manière, cette harmonisation dans le cadre des politiques communautaires peut conduire à l'application d'une forme de version maritime du principe du pays d'origine tel qu'il a été placé au coeur de la trop fameuse directive sur les services.
Ne nous y trompons pas ! Certaines dispositions de la proposition de loi étaient manifestement trop scandaleuses au regard de l'opinion et de la communauté des gens de mer, mais nous y reviendrons à l'occasion de l'examen de l'article 4.
Ce qu'il nous est proposé de valider n'est rien d'autre qu'une sorte de dispositif conduisant à placer dans le même bateau des salariés soumis à des régimes différents sur le plan social.
C'est donc naturellement que nous rejetons les termes mêmes de cet article 1er, comme l'ensemble de la proposition de loi.
L'amendement n° 1, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Pour des raisons diverses et tout à fait justifiées, certains collègues souhaitent que l'examen de cette proposition de loi soit rapide. Pour autant, nous ne pouvons pas éviter un débat sur un texte aussi important que celui-là. Nous nous efforcerons donc d'être synthétiques tout en faisant bien comprendre le fondement de nos arguments.
A cet égard, je m'attarderai plus sur l'amendement n° 1 que sur les amendements suivants.
J'ai le sentiment que nous nous sommes écoutés, les uns les autres. J'ai suivi la plaidoirie, brillante, de M. de Richemont. Je l'avais d'ailleurs écouté avec intérêt lorsqu'il était venu présenter son rapport - que j'ai lu attentivement - devant la commission des affaires économiques. Mais les arguments qu'il a avancés ne m'ont pas convaincu.
Il s'en doute, bien entendu. Je dois lui dire que les quinze mois qui se sont écoulés entre l'adoption de cette proposition de loi par le Sénat et son examen par l'Assemblée nationale ont eu au moins un mérite : pour celles et ceux qui s'intéressent au RIF, ils ont été l'occasion d'écouter, de rencontrer des personnes, de lire un certain nombre de choses concernant le commerce maritime.
Je suis né dans une région - j'y vis d'ailleurs toujours - où l'activité maritime était très importante. J'ai encore le souvenir des taxis qui faisaient des allers et retours incessants vers les ports du Havre, de Marseille, de Nantes, etc. pour transporter les marins de commerce.
Fort heureusement, dans cette région, il reste encore les ferries, la BAI et les investissements réalisés par les collectivités régionales bretonnes, ...
...qui maintiennent de l'emploi.
Nous reviendrons sur l'affaire des ferries. Vous nous dites que les marins n'ont pas de raison de manifester, mais leur inquiétude est extrêmement forte. Ils craignent précisément la course à la compétitivité, dans laquelle il faut faire comme les autres, voire mieux que les autres.
Avec le RIF, monsieur de Richemont, nous créons effectivement un pavillon bis, un pavillon français, mais nous introduisons aussi dans notre droit la possibilité de statuts différents pour les salariés embarqués sur des bateaux français - nous reviendrons sur cette question à l'article 4.
La grande différence entre nous est simple, et nous ne serons pas départagés aujourd'hui, puisque nous savons les uns et les autres ce que nous allons voter : l'article 1er de la proposition de loi dispose que le RIF « a pour objet [...] de développer l'emploi maritime et de renforcer la sécurité et la sûreté maritimes », et vous pensez que le RIF sera un outil pour atteindre ces objectifs. Nous pensons quant à nous le contraire, et nous formulerons nos arguments au fur et à mesure de l'examen des amendements.
La possibilité donnée aux armements de faire appel, en toute légalité, à des sociétés de manning constitue objectivement, quoi qu'on en dise, un encouragement à limiter le recours à du personnel navigant français, même si les conditions de travail et de rémunération de ce personnel navigant seront plus protectrices que sous le registre TAAF. Objectivement, nous tendons au même résultat.
La recherche de la compétitivité ne peut, selon nous, légitimer une telle différenciation de recrutement. Nous ne pouvons souscrire à un marché mondial maritime qui se libéralise dans le sens d'un asservissement toujours plus grand de ses travailleurs.
C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à la création du RIF et vous présentons cet amendement de suppression de l'article 1er. Par souci de cohérence, nous défendrons plusieurs autres amendements de suppression.
Nous n'avons jamais dit que nous réglerions tous les problèmes avec le RIF ! En tout cas, comme nous l'a proposé Henri de Richemont, nous voulons que le pavillon français permette aux officiers et aux marins français de retrouver des possibilités d'emploi et que notre situation maritime soit à nouveau sur une pente ascendante.
L'amendement n° 1 - les interventions de MM. Desessard et Foucaud l'ont confirmé - « vise à s'opposer à la création du RIF ». C'est exactement le contraire de ce que nous voulons faire ! La commission émet donc un avis défavorable.
Le Gouvernement émet le même avis, et ce pour les mêmes raisons.
En écoutant M. Trémel, j'ai l'impression que la proposition de loi a pour effet de créer les situations qu'il dénonce ! Or, depuis plus de dix ans, de manière complètement illégale, des marins étrangers sont embauchés à bord de navires battants pavillon français par des sociétés de manning, ...
... et personne ne disait rien ! Lorsque vous étiez au pouvoir, vous n'avez pas mis fin à cette situation ; vous l'avez tolérée, donc soutenue ; vous ne l'avez pas encadrée et avez laissé les employeurs faire ce qu'ils voulaient.
Pour notre part, conformément à la convention de l'OIT sur les sociétés de manning, nous légalisons et encadrons cette pratique. Ce texte constitue par conséquent un progrès social, et je ne comprends absolument pas pourquoi vous vous y opposez !
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
I. - Peuvent être immatriculés au registre international français :
1° Les navires armés au commerce au long cours ou au cabotage international ;
2° Les navires armés à la plaisance professionnelle de plus de 24 mètres hors tout.
Sont exclus du bénéfice du présent article :
1° Les navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières intracommunautaires ;
2° Les navires exploités exclusivement au cabotage national ;
3° Les navires d'assistance portuaire, notamment ceux affectés au remorquage portuaire, au dragage d'entretien, au lamanage, au pilotage et au balisage ;
4° Les navires de pêche professionnelle.
II. - Un décret détermine le port d'immatriculation ainsi que les modalités conjointes de francisation et d'immatriculation des navires au registre international français dans le cadre d'un guichet unique.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Nous vous présentons cet amendement de suppression de l'article 2 parce que nous voulons conserver le maximum d'emplois français dans la marine marchande française...
Au moins, sur ce point, nous sommes d'accord ! C'est pour cela que nous créons le RIF !
Ce n'est pas du tout le résultat que nous obtiendrons avec le RIF. Notre analyse diffère sur ce point.
Monsieur le secrétaire d'Etat, au cours de nos échanges avec l'Intersyndicale, nous avons rencontré beaucoup de représentants de marins travaillant sur des ferries. Ils considèrent qu'ils seront bientôt concernés par le RIF, ce qui explique leur mouvement de contestation. Ne risque t-on pas d'inclure à terme dans le RIF les navires des transporteurs de passagers, qui emploient la moitié des marins français aujourd'hui ?
L'amendement n° 3, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
... ° les navires appartenant à des entreprises publiques ou à des entreprises dont l'Etat est actionnaire principal.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
L'objet de cet amendement est un peu différent. Il concerne les navires qui appartiennent à des entreprises publiques ou à des entreprises dont l'Etat est actionnaire principal. Nous pourrions citer des noms...
Nous souhaitons que ces navires ne puissent s'exonérer de l'application du droit social français, et ce pour l'ensemble des salariés travaillant sous l'autorité de ces entreprises.
L'adoption de cet amendement permettra d'exclure du RIF des navires qui, à nos yeux, doivent rester sous registre métropolitain et employer des marins français soumis au droit social français.
La commission est défavorable à l'amendement n° 2, qui est un amendement de principe contre le RIF.
S'agissant de l'amendement n° 3, qui tend à exclure du RIF des navires comme ceux de la société Gazocéan, la commission a émis un avis défavorable. Il convient en effet d'éviter de multiplier les dispositions afin de maintenir leur cohérence.
Naturellement, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 2 de suppression de l'article.
Concernant les entreprises publiques, on ne peut imaginer que des règles différentes s'appliquent à une entreprise selon la composition de son capital, au demeurant évolutif. Donc, pour des raisons de principe, le Gouvernement ne peut être que défavorable à l'amendement n° 3.
Je répondrai néanmoins aux préoccupations exprimées par M. Trémel au sujet de la SNCM, laquelle assure, il est vrai, le transport de passagers pour des liaisons non intracommunautaires. Je vous indique que l'Etat, actionnaire de la SNCM, exclut l'adoption du RIF pour ces navires. Ma déclaration est claire et devrait rassurer les marins qui s'en sont inquiétés.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Au sens de la présente loi, est navigant toute personne affectée à la marche, à la conduite, à l'entretien ou à l'exploitation du navire. Les travailleurs indépendants et les salariés sans lien direct avec ces fonctions bénéficient toutefois des dispositions relatives au rapatriement et au bien-être en mer et dans les ports.
Les navigants résidant en France ne sont pas soumis aux dispositions du titre II de la présente loi. -
Adopté.
Les navires immatriculés au registre international français sont soumis à l'ensemble des règles de sécurité et de sûreté maritimes, de formation des navigants, de santé et de sécurité au travail et de protection de l'environnement applicables en vertu de la loi française, de la réglementation communautaire et des engagements internationaux de la France.
Cet article a le mérite d'être clair. Il vise ni plus ni moins à appréhender la question du statut social des navigants, de la sécurité au travail, ou encore de la protection de l'environnement « à concurrence » de la législation que l'on estimera la plus appropriée dans ce sens !
On ouvre donc clairement la porte à une législation à géométrie variable, au bénéfice exclusif des armateurs qui enregistreront leurs navires sur le nouveau registre.
Dans les faits, cet article permet de pratiquer une forme de dumping social et environnemental, au détriment des conditions de travail des marins embarqués, tout en laissant courir des risques non négligeables à la sécurité du transport maritime.
Cette situation ne peut décemment être acceptée, d'autant plus qu'elle ne vise, selon nous, qu'à favoriser un rapide retour sur investissement pour les armateurs.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
L'amendement n° 4 est un amendement de cohérence. L'article 3 recèle d'excellentes intentions, mais celles-ci nous paraissent en pleine contradiction avec les articles suivants.
Nous souhaitons, par cet amendement, supprimer la mise en place d'un régime général minimaliste.
L'amendement n° 5, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans cet article, après les mots :
et de sûreté maritimes,
insérer les mots :
de droit social et
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
L'absence de droit social dans le régime général s'appliquant aux navires immatriculés au RIF prouve que celui-ci ne constitue qu'une variable d'ajustement légitimant un véritable dumping social.
Cet amendement vise à intégrer le droit social français dans le droit applicable à l'équipage des navires. Nous reviendrons par ailleurs sur cette question au moment de l'examen du titre II.
L'article 3 apporte des garanties très importantes pour les navigants, concernant en particulier la sécurité, la sûreté et la formation.
Il assure l'application des normes françaises en plus des règles internationales, notamment en matière de sécurité. Il convient de rappeler que le respect de ces règles sera contrôlé par l'administration française. J'insiste sur ce point, qui suscitait une certaine inquiétude parmi les marins.
La suppression de cet article paraît donc inopportune et contraire aux objectifs affichés par les auteurs de l'amendement. La commission émet un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 5, la création du RIF répond à une double volonté : créer un registre attractif, ce qui suppose qu'il soit compétitif, et mettre fin au régime de précarité dans lequel sont placés les marins étrangers à bord des navires immatriculés au registre TAAF.
Le texte représente une avancée décisive par rapport au droit existant pour les marins étrangers, puisque le registre TAAF ne leur assure aucune protection juridique. La proposition de loi leur offre un véritable statut social, conforme aux conventions internationales. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 5.
Le Gouvernement est également défavorable aux deux amendements, monsieur le président. J'ajoute que les dispositions sociales concernant les marins non résidents sont traitées au titre II.
La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote sur l'amendement n° 4.
J'ai beaucoup d'estime et de respect pour l'opinion de notre collègue Pierre-Yvon Trémel, mais je dois avouer que, en l'espèce, je n'y comprends plus rien !
L'article 3 a pour but de soumettre les navires inscrits au RIF aux règles de sûreté et de sécurité maritimes françaises. En cela, il répond à la crainte de M. Trémel de voir se développer des pavillons de complaisance. Ces derniers sont exclus à partir du moment où ce sont les normes françaises qui s'appliquent ! Notre collègue demande donc la suppression d'un article qui a pour but d'éviter ce qu'il craint ! Je ne comprends pas cette contradiction !
Je comprends que l'on soit pour la suppression du RIF, mais je ne comprends pas que l'on souhaite la suppression d'un article qui supprime les risques en matière de sécurité et de sûreté maritimes !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
L'amendement n° 6, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour des raisons de sécurité, l'ensemble de l'équipage doit parler une langue commune.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
J'ai souhaité déposer cet amendement après avoir lu avec beaucoup d'intérêt le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale sur le sujet et avoir consulté les commandants, en particulier, et les membres d'une association que beaucoup ici connaissent, l'Association française des capitaines de navires.
Cet amendement a été inspiré par des événements vécus. Nous pouvons, les uns et les autres, citer des exemples de collisions en mer, de naufrages, de manoeuvres de navires qui se sont très mal terminées. Il se trouve que l'incompréhension linguistique est l'une des causes de ces accidents. Il faut donc tirer la leçon des faits observés.
Cet amendement a, de plus, l'intérêt de renvoyer à la question de la formation des navigants français communautaires et étrangers. Quelles formations aurons-nous à proposer à des personnels mis à disposition par des loueurs de main-d'oeuvre ? Comment est prise en compte la formation, y compris sur le langage commun, existant sur le plan international ?
La nécessité d'une langue commune s'impose donc à bord des navires, comme elle s'impose pour toutes les manoeuvres de manutention lors des approches portuaires.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je sais déjà que vous allez me dire qu'il s'agit d'un amendement sans objet, d'un amendement qui est déjà satisfait, ...
... puisque vous allez me renvoyer vers la convention Solas, plus particulièrement la règle 14-3, au chapitre V, qui impose une langue commune à bord d'un navire.
Si les réglementations internationales imposent déjà un langage commun et si, précisément, dans les faits et dans la pratique - cela nous est dit par les commandants de navires -, il reste toujours des difficultés, pourquoi s'opposer à ce que ces règles soient rappelées dans un texte qui vise, justement, à ce que soient affirmées à plusieurs reprises des intentions fortes en matière de sécurité et de formation maritimes ?
Une disposition comme celle-ci serait, selon moi, une utile piqûre de rappel.
M. Trémel a de très bonnes lectures. Si l'objet de cet amendement - assurer des conditions maximales de sécurité à bord des navires immatriculés au RIF - est tout à fait légitime, il n'est toutefois pas utile de mentionner explicitement cette obligation, qui s'impose déjà à la France de manière impérative en vertu de la convention Solas, laquelle impose une langue commune à bord des navires.
La commission souhaite donc le retrait de cet amendement, qui est satisfait par les engagements internationaux de la France. A défaut, elle émettra un avis défavorable.
Il est défavorable, pour les raisons excellemment exposées par M. le rapporteur.
J'ajoute qu'en termes de sécurité maritime, ce ne sont pas les navires sous pavillon français qui posent des problèmes. Nous savons très bien que la grande majorité de ceux qui croisent au large de nos côtes battent d'autres pavillons que le nôtre, pavillons qui ne relèvent pas de la même juridiction et pour lesquels nous ne pouvons donc pas assurer les règles de sécurité avec autant d'efficacité.
Les navires français sont des navires sûrs.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 28, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A bord des navires immatriculés au registre international français, l'ensemble des marins est protégé par le droit français du travail maritime à l'exception des marins originaires d'Etat disposant d'un droit plus protecteur, qui bénéficient du droit de leur pays d'origine.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Cet amendement vise à poser le principe de l'application de la règle de droit la plus protectrice pour les salariés.
Un navire battant pavillon français est une partie du territoire français et le pavillon est le lien de droit entre un Etat et un navire.
Comment, dès lors, ne pas rappeler que, sur le territoire français, c'est bien le droit social français qui s'applique ? Cette question s'inscrit - je me tourne vers mon collègue M. Foucaud - au coeur du débat relatif à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Sur les navires immatriculés au RIF, sommes-nous, oui ou non, sur une partie du territoire français ? Si oui, il faut adopter cet amendement.
L'amendement n° 14, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les navigants français et ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen servant sur les navires immatriculés sous registre international français, sont soumis sans préjudice de dispositions plus favorables :
- aux dispositions de la loi du 13 décembre 1926 portant code du travail maritime ;
- aux dispositions du code du travail applicable aux marins ;
- aux conventions et accords collectifs régissant l'emploi des navigants sur les navires battant pavillon français conclus sur le fondement du code du travail ou de la loi du 13 décembre 1926 précitée.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Cet amendement vise à clarifier une situation bien embrouillée. Les réponses qui nous sont apportées permettront peut-être de sortir de ce que M. le secrétaire d'Etat qualifiait tout à l'heure de « contresens », d'« incompréhension », ou encore d'« ambiguïté ».
Le passage sous RIF ne doit pas se traduire, pour les navigants français servant actuellement sur un navire français et pour les marins européens, en raison du principe de la non-discrimination posé, justement, par un article de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, par un recul de leurs conditions de travail.
Or, vers quelle situation nous mène l'immatriculation au RIF ? Pourront servir sur un navire immatriculé au RIF deux Français - un capitaine et son suppléant - et, par ailleurs, un élève officier, qui n'est pas compté dans l'effectif, des marins français qui résident en France, des marins français qui ne résident pas en France, des marins communautaires - polonais ou lituaniens, par exemple - et des marins extracommunautaires : autant de catégories, autant de statuts !
Cet amendement tend donc à créer une clarification minimale en faisant appliquer aux navigants français et ressortissants de l'Union européenne les dispositions législatives françaises en vigueur sur un navire français.
La commission, pour les raisons déjà exposées à l'occasion de l'amendement n° 5, émet un avis défavorable sur l'amendement n° 28 relatif à l'application du droit du travail français. L'objet du texte est d'accroître l'attractivité du pavillon français tout en mettant fin au régime d'insécurité juridique dans lequel sont placés les marins étrangers à bord des navires immatriculés au registre TAAF.
L'amendement n° 14, quant à lui, se situe dans le même esprit que le précédent. Il vise plus précisément à assurer l'application du droit français à tous les navigants français ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne.
Outre les difficultés déjà évoquées concernant une application extensive du droit français, cet amendement soulève des questions juridiques.
En effet, le système prévu par la proposition de loi repose sur le critère de résidence, car celui-ci a été validé au niveau constitutionnel et européen.
En outre, sur le fond, un Français est entièrement libre de résider ou non en France : il reste donc libre de choisir s'il désire ou non se voir appliquer le droit français.
La commission émet par conséquent un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Les membres de l'équipage des navires immatriculés au registre international français doivent être ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen dans une proportion minimale de 35 % calculée sur la fiche d'effectif. Toutefois, pour les navires ne bénéficiant pas ou plus du dispositif d'aide fiscale attribué au titre de leur acquisition, ce pourcentage est fixé à 25 %.
A bord des navires immatriculés au registre international français, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance, qui peut être l'officier en chef mécanicien, garants de la sécurité du navire, de son équipage et de la protection de l'environnement ainsi que de la sûreté, sont français.
Cet article porte sur l'obligation d'embauche d'un quota minimal de marins français ou de pays de l'Union européenne à bord des navires immatriculés au nouveau registre.
Prenons l'exemple d'un bateau armé embarquant un équipage de vingt marins. En application des articles 4, 5, 6 et 7, ces marins doivent être ressortissants de l'Union européenne, et, parmi ceux-ci, le commandant et son second sont obligatoirement français. De fait, nous aurons, dans ce navire, des marins sous trois régimes : tout d'abord, les deux marins français, pour lesquels s'applique le droit français, ensuite, les marins issus de l'Union européenne qui pourront fort bien emporter avec eux les conditions propres à leur droit national d'origine, et, enfin, la majorité des marins embarqués, ressortissants extracommunautaires régis par des normes sociales qui ne sont constituées que par les minima proposés par l'Organisation internationale du travail.
De la même manière, on peut craindre de cet article 4 qu'il n'ouvre la porte à la généralisation de l'appel aux entreprises de travail maritime domiciliées en dehors du territoire français, concernant, d'ailleurs, les deux dernières catégories de personnels que nous avons définies, et qui sont des entreprises de services, au sens où l'entend le plus souvent la Commission européenne, et ne permette par conséquent le référencement au principe du pays d'origine.
Résumons-nous : l'article 4 initial de la proposition de loi ne comportait aucune limite à l'embauche de personnels de nationalité autre que française. C'était, en effet, l'article 2 qui prévoyait d'embaucher ce nombre minimum de deux marins français, à savoir le capitaine et son second.
On peut appréhender l'article 4, tel que rédigé aujourd'hui, comme une sorte de moyen terme, prenant en compte la très large opposition des syndicats de gens de mer, mais ne le faisant que partiellement et ne remettant pas en question la philosophie générale du texte, qui demeure un texte de moins-disant social et de mieux-disant en matière de rentabilité.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Avec l'article 4, nous sommes vraiment en plein coeur du sujet : il constitue la clé de voûte de la proposition de loi. Nous avons sous les yeux le texte adopté par le Sénat le 11 décembre 2003 et celui qui nous est transmis par l'Assemblée nationale. Connaissant les conditions de nationalité qui sont fixées par ce second texte, nous ne pouvons manquer de soulever les questions que se posent précisément les marins et leur famille : voulons-nous, oui ou non, une marine de commerce française avec des navigants français ? Voulons-nous, oui ou non, offrir des perspectives aux élèves qui entrent, ou qui veulent entrer, dans nos écoles de formation maritime ?
Cet article 4 apporterait, paraît-il, des réponses positives.
Nous, nous avons une autre analyse. Je reviendrai, en présentant l'amendement n° 8, sur les quotas proposés et leur assiette de calcul.
Ce que je souhaite relever, c'est que cet article 4 pose des problèmes d'eurocompatibilité - nous les avons évoqués avec M. de Richemont, M. Desessard ou même M. le secrétaire d'Etat - concernant le capitaine français et son suppléant.
Les représentants des capitaines font part de leurs inquiétudes sur ce point.
Par ailleurs, avec la règle des 25 % calculés sur la fiche d'effectif - cette règle sera tout de même appliquée à un certain nombre de navires immatriculés au RIF -, quelle place, si les deux officiers français sont pris en compte, restera-t-il réellement pour les marins français ?
J'ai été très impressionné par la vigueur des expressions employées par les marins, qu'ils soient syndiqués ou non. J'ai ainsi entendu un officier retraité de la marine marchande me déclarer : « Le RIF, monsieur le sénateur, c'est un génocide professionnel maritime ».
Il faut les écouter, parce qu'ils ont pris le temps de bien étudier les choses.
L'amendement n° 8, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer le premier alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Les membres de l'équipage doivent être ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen dans une proportion minimale de 35% de l'effectif embarqué.
Un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou, à défaut, les délégués de bord, peut fixer une proportion supérieure à celle mentionnée ci-dessus.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
L'amendement n° 8 est très important. Vous avez pris l'initiative, monsieur le secrétaire d'Etat, initiative que j'ai saluée, de créer un groupe de travail tripartite, qui a été animé par M. Scemama. Sa mission était difficile. Le problème le plus épineux concernait les conditions de nationalité des navigants.
Les positions des uns et des autres étaient, au départ, fort éloignées, puisque l'obligation d'embauche de marins communautaires devait être, pour les uns, de 25 %, et, pour les autres, de 100 %.
Qui a fait le plus gros effort ? En acceptant les 35 %, à partir des 100 % initialement prévus, les représentants des personnels ont montré leur volonté de négocier et d'avancer.
Un compromis équilibré aurait dû être possible. Au final, toutefois, cet équilibre n'existe pas, et deux quotas sont prévus, l'un de 25 %, l'autre, de 35 % ; par ailleurs, l'assiette est celle de la fiche d'effectif, dont vous avez dit qu'elle mérite d'être harmonisée, mais dont le principal défaut est l'énorme décalage existant entre l'effectif qui y figure et l'effectif réellement embarqué.
Selon certains témoignages, ce décalage varie parfois du simple au double, ce qui est tout de même beaucoup ! Notre collègue Yolande Boyer a donné tout à l'heure l'exemple d'une fiche d'effectif sur laquelle figuraient quinze personnes, alors que l'effectif réellement embarqué était de vingt-quatre.
Vous nous dites qu'il est trop compliqué de retenir le critère de l'effectif réellement embarqué, car cet effectif n'est pas contrôlable, qu'il est fluctuant.
J'ai volontairement interrogé sur ce sujet de nombreux professionnels. Cet argument - je le dis sans agressivité, monsieur le secrétaire d'Etat - les fait sourire ! Dans la réalité, nous disent-ils - et c'est vrai, je crois -, le rôle d'équipage sur lequel sont inscrits les effectifs présents à bord ne pose aucun problème et peut être contrôlé sans aucune difficulté. Les fluctuations ne concernent pas les personnels navigants. Elles concernent davantage, par exemple, les personnels embarqués pour réaliser des travaux d'entretien, qui sont non pas des navigants mais des personnels effectuant certains travaux à bord du navire à l'occasion d'un voyage au long cours. Il faut dire la vérité.
Il y avait donc deux thèses en présence. Vous avez choisi l'une d'elles et écarté le compromis qui, me semble-t-il, aurait permis d'atteindre les objectifs fixés tout en parvenant à la paix sociale que nous n'avons pas aujourd'hui.
Nous aurions pu présenter de nombreux amendements et proposer différents pourcentages. Nous ne l'avons pas fait. Nous présentons un seul amendement, qui, s'il était adopté, nous permettrait d'atteindre l'équilibre souhaité par les uns et les autres : 35 % de l'effectif embarqué. C'est, selon nous, le seul moyen de rétablir le dialogue social, qui est aujourd'hui rompu.
L'amendement n° 8 étant pour nous l'expression d'une position de principe, nous demandons un scrutin public.
L'amendement n° 7 ne nous paraît pas opportun, car il revient à supprimer les obligations des armateurs en matière d'emplois communautaires et l'obligation, pour le capitaine et son second, d'être de nationalité française, celle-ci étant pourtant justifiée par le fait que ces derniers assurent des prérogatives de puissance publique.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l'amendement n° 8, toute la difficulté de ce texte réside, mes chers collègues, dans la nécessité de trouver un équilibre entre les exigences en termes à la fois de compétitivité et d'emploi. Il me semble que cet équilibre était atteint dans le texte de l'Assemblée nationale.
D'une part, il apparaît logique que les armateurs aient plus d'obligations lorsqu'ils bénéficient d'une aide à l'investissement. D'autre part, si le calcul s'effectue sur les effectifs embarqués, qui, par définition, varient, le contrôle sera en pratique très difficile à effectuer.
La fiche d'effectif constitue une référence fiable, à partir de laquelle l'administration française pourra contrôler avec précision le respect de ces règles.
De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes engagé à ce que les fiches d'effectif soient désormais plus réalistes et homogènes.
Je rappelle également que, en pratique, le seuil juridique ne correspond pas forcément à la réalité. Ainsi, il n'existe aucune obligation d'emploi, sauf en ce qui concerne le capitaine et son second, à bord des navires immatriculés au registre TAAF. Or, en pratique, les taux d'emploi sont souvent de 35 %, voire de 50 % sur certains navires.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements. Je ne reviendrai pas sur les excellents arguments de M. le rapporteur. Nous nous sommes déjà très longuement expliqués sur ces points.
J'ai entendu les arguments des adversaires du RIF. Ce sont d'ailleurs les mêmes depuis trente ou quarante ans. Ces positions sont précisément celles qui expliquent le déclin régulier de la flotte marchande française.
Alors, soit nous continuons sur cette voie et nous assisterons au déclin inexorable de la flotte française. Nous aurons une législation impeccable, mais pas de bateaux, pas de marins français. Soit nous évoluons, comme l'ont fait avec succès les autres pays européens, en instaurant plus de protection sociale que n'importe quel autre Etat, et nous aurons une chance d'avoir à la fois des navires et des emplois.
Le choix est celui-là. Le reste n'est qu'argutie.
Je vous avoue que je trouve assez désespérant d'entendre toujours les mêmes discours alors que les faits sont éloquents et qu'ils montrent l'inanité des positions que certains défendent depuis quarante ans.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote sur l'amendement n° 8.
Que les choses soient bien claires : je suis favorable à ce que les navires français, comme au Danemark, comprennent 70 %, voire plus, de marins français. Je souhaite la compétitivité, l'attractivité du pavillon français, et désire que le poste de marin français ne soit pas cher.
En revanche, je suis persuadé que, si nous instaurons des quotas trop contraignants - et notre désaccord porte sur ce point -, ceux-ci seront défavorables à l'emploi, car les armateurs feront immatriculer leur navire ailleurs.
Je pense l'avoir démontré tout à l'heure, l'une des clés de voûte de ce texte est l'obligation que le commandant et son second soient français. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez souligné que, en tant que délégataires de la puissance publique à titre permanent, ils représentent l'Etat. Il faut le répéter pour justifier cette obligation.
Dès lors que cette obligation sera jugée conforme au traité de Rome, il y aura alors, pour satisfaire à cette obligation, non pas seulement le commandant et son suppléant, mais aussi d'autres marins, tels des lieutenants par exemple.
Or, mon cher collègue, votre amendement tend à supprimer l'obligation pour le commandant et son suppléant d'être français. Vous souhaitez que 35 % des effectifs soient composés de marins communautaires.
Mais 35 % de marins communautaires, mon cher collègue, cela signifiera peut-être demain 35 % de Roumains, 35 % de Polonais !
Alors que nous sommes ici pour défendre l'emploi français, vous voulez supprimer un texte dont c'est précisément l'objectif. Vous voulez supprimer une disposition qui constitue la cheville ouvrière de la défense de l'emploi français et la remplacer par un quota de marins communautaires. On déraisonne complètement !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas cet amendement.
L'exemple danois a été cité à plusieurs reprises au cours de ce débat. Or il faut faire attention aux comparaisons. Les résultats obtenus par la marine marchande danoise méritent en effet d'être examinés selon d'autres critères, notamment l'emploi, la relation du Danemark avec la mer, les divers avantages... De nombreux éléments mériteraient d'être mis dans la balance.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, vous dites que nos arguments sont ringards, que ce sont les mêmes depuis trente ans. Objectivement, vous ne pouvez pas nier que, pour des représentants du personnel, accepter de passer d'une proportion de 100 % à une proportion de 35 % ne constitue pas une avancée considérable. Cela mérite d'être souligné.
Je souhaite également vous poser une question, monsieur le secrétaire d'Etat.
Au cours des débats à l'Assemblée nationale, M. Jean-Yves Besselat, rapporteur de la commission des affaires économiques, a livré des prévisions. Elles vont nous départager.
En effet, quel résultat obtiendrons-nous dans un, deux ou trois ans en matière de rapatriement de navires sous pavillon français ? Combien d'emplois de marins français seront créés ? Vous êtes sûr que des emplois seront créés, pas nous. Les faits nous départageront donc. Donnons-nous rendez-vous, et nous verrons alors, en toute honnêteté j'espère, qui avait tort et qui avait raison.
Selon M. Besselat, le RIF permettra de faire revenir sous pavillon français une cinquantaine de navires et de créer mille emplois. M. Couanau, en revanche, prévoit, quant à lui, non pas des créations d'emplois, mais, au contraire, la suppression d'au moins deux cents emplois de marins français.
Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, quelles sont vos prévisions ? Combien de navires reviendront sous pavillon français ? Combien d'emplois français le RIF permettra-t-il réellement de créer ? Lorsque l'on dépose un texte, c'est que l'on croit à ses effets positifs. J'attends donc votre réponse, sachant que, à défaut de chiffres précis, vous pouvez indiquer une fourchette.
Chaque fois qu'un gouvernement ou une majorité dépose un texte d'incitation économique, on lui demande de fournir des prévisions, des estimations. Or personne ne peut prendre le moindre engagement quant à l'effet d'un texte.
L'article 34 de la proposition de loi prévoit la réalisation d'un rapport d'évaluation.
Nous l'aurons rapidement après l'entrée en application de la loi. Vous y trouverez, monsieur le sénateur, la réponse à votre question.
Je mets aux voix l'amendement n° 8.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 172 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 4.
L'article 4 est adopté.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'attire votre attention sur le fait qu'il est déjà vingt heures trente et qu'il nous reste encore vingt amendements à examiner, soit, au rythme actuel, deux heures de discussion, sans compter les explications de vote.
L'amendement n° 27, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le neuvième alinéa (h) de l'article 238 bis HN du code général des impôts, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice du régime cité ci-dessus est octroyé sur agrément du ministre du budget à la condition notamment que l'ensemble des membres de l'équipage se voit appliquer la législation sociale française. »
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Cet amendement, comme d'autres qui vont suivre, vise à moduler l'importance des avantages fiscaux ou de l'exonération de charges en fonction de contreparties en matière d'emploi.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - L'article 238 bis HN du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le douzième alinéa est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les avantages fiscaux découlant de l'application du présent article sont modulés proportionnellement à la part de navigants ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen dans l'équipage du navire. »
2° L'avant-dernier alinéa est complété par les mots : « notamment celles de la modulation visée du précédent alinéa ».
II - Les pertes de recettes éventuelles pour l'Etat sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle sur les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 29, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - L'article 238 bis HN du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le douzième alinéa est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La déduction découlant de l'application du présent article est modulée proportionnellement à la part de navigants ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen dans l'équipage du navire. »
2° L'avant-dernier alinéa est complété par les mots : « notamment celles de la modulation visée du précédent alinéa ».
II - Les pertes de recettes éventuelles pour l'Etat sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle sur les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, pour défendre ces deux amendements.
L'argumentation est la même que sur l'amendement précédent, monsieur le président.
Avis défavorable également, monsieur le président.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Afin de promouvoir une filière nationale de formation maritime, chaque armateur assure la formation embarquée nécessaire au renouvellement des effectifs visés à l'article 4.
Une convention ou un accord de branche étendu détermine pour les navires immatriculés au registre international français :
- la programmation des embarquements des élèves officiers en formation ;
- les conditions d'embarquement sur des postes de lieutenant des élèves officiers des écoles de la marine marchande et de leur formation.
A défaut de conclusion de la convention ou de l'accord visés au deuxième alinéa avant le 1er janvier 2006, un arrêté fixe les modalités d'application du présent article.
L'amendement n° 10, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
des effectifs visés à l'article 4
par les mots :
de tous les effectifs navigants employés
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Il est dommage que nous n'ayons pas le temps d'étudier un peu longuement cet article et cet amendement.
Mon cher collègue, nous avons tout le temps ! Si vous le préférez, nous pouvons interrompre nos travaux et les reprendre plus tard. Ne croyez pas que je souhaite raccourcir les débats !
Je souhaite simplement poser la question de la formation des futurs officiers. L'article 5 fait référence à une convention ou à un accord de branche et, à défaut, à un arrêté ministériel pour déterminer la programmation et les conditions de l'embarquement d'un élève officier.
Mais, dans la pratique, deux élèves officiers sont embarqués sur de nombreux navires, car la formation est polyvalente : les élèves officiers sont formés à la fois au pont et à la machine.
Par ailleurs, le problème des pilotins, évoqué par M. le rapporteur, et la formation des personnels non officiers ne sont pas abordés. L'amendement n° 10 vise donc à élargir les obligations en matière de formation.
L'obligation de programmer l'embarquement d'élèves officiers est très importante et permet de répondre aux craintes exprimées dans les écoles de la marine marchande par les élèves qui redoutent de ne plus trouver d'embarquement sur les navires français.
Cette disposition doit permettre le renouvellement des équipages et la formation des officiers. Par ailleurs, rien n'empêche les armateurs d'embarquer, s'ils le souhaitent, des marins français pour les former.
La commission émet donc un avis défavorable.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Naturellement, dans la mesure où le RIF aura du succès, le besoin d'emplois qualifiés français apparaîtra.
L'accord qui doit intervenir prévoira un renforcement de la présence d'élèves à bord des navires.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
L'amendement n° 30, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier janvier 2006, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur le renforcement de la formation des gens de mer, et notamment sur l'avenir des écoles de la marine marchande française.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Tous les rapports consacrés à la mer, qu'il s'agisse de rapports budgétaires ou du rapport rédigé récemment par notre collègue M. Boyer à l'occasion de la ratification d'une convention de l'Organisation internationale du travail, l'OIT, mettent l'accent sur le problème réel que pose la formation des futurs marins, officiers ou non-officiers. Tout le monde dit qu'il y a pénurie et danger. Lorsque l'on sait que la formation d'un officier dure douze ans, on voit à quel point le problème est grave. De plus, la pyramide des âges est défavorable. De surcroît, nombre de marins quittent leurs fonctions en mer après dix ans d'activité.
Nous souhaitions disposer d'un rapport faisant le point complet sur la situation. Si ce rapport ne peut être réalisé, je demande que soit évoquée la question de la formation dans le rapport qui est prévu à l'article 34.
Cet amendement traduit une préoccupation très légitime que nous partageons tous, à savoir le maintien d'une filière de formation française de qualité. Mais ce point sera abordé à l'article 34. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable ; naturellement, toutes les informations relatives à la formation maritime seront communiquées au Parlement.
L'amendement n'est pas adopté.
Section 3
Dispositions fiscales applicables aux navigants
Section 4
Entreprises de travail maritime
Est entreprise de travail maritime toute personne physique ou morale dont l'activité est de mettre à disposition d'un armateur des navigants qu'elle embauche en fonction de leur qualification et rémunère à cet effet.
L'amendement n° 11, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Cet amendement, comme l'amendement suivant, vise le même sujet, à savoir la légalisation des entreprises de travail maritime, appelées sociétés de manning, légalisation à laquelle nous nous opposons.
En effet, les armements vont compter une proportion de 25 % ou de 35 %, calculée sur la fiche d'effectif du navire, de marins français ou communautaires, et donc une proportion de 75 % ou de 65 % de marins extracommunautaires, un contrat étant passé entre l'armateur et une société de manning. Aucun lien contractuel direct n'existera donc entre l'armateur et la plus grande partie des marins pêcheurs présents sur le navire.
La possibilité de créer des entreprises de travail maritime en France a été supprimée. Par ailleurs, le recours aux entreprises implantées à l'étranger est encadré par la convention n° 179 de l'Organisation internationale du travail, que la France a ratifiée. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Même avis défavorable, monsieur le président.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
Le contrat de mise à disposition ne peut être conclu qu'avec une entreprise de travail maritime agréée par les autorités de l'Etat où elle est établie. Lorsqu'il n'existe pas de procédure d'agrément, ou lorsque l'entreprise de travail maritime est établie dans un Etat où la convention n° 179 de l'Organisation internationale du travail sur le recrutement et le placement des gens de mer ne s'applique pas, l'armateur s'assure que l'entreprise de travail maritime en respecte les exigences.
L'amendement n° 12, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Cet amendement est défendu : nous nous opposons aux sociétés de manning.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
TITRE II
DU STATUT DES NAVIGANTS RÉSIDANT HORS DE FRANCE
Section 1
Dispositions relatives au droit du travail
I. - Après l'article L. 43 du code des pensions de retraite des marins français, il est inséré un article L. 43-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 43-1. - Les entreprises d'armement maritime sont exonérées, à compter du 1er janvier 2006, de la contribution patronale visée à l'article L. 41 pour les équipages qu'elles emploient et qui sont embarqués à bord des navires de commerce battant pavillon français affectés à des activités de transports maritimes soumises à titre principal à une concurrence internationale effective.
« Les dispositions de l'alinéa précédent sont également applicables aux contributions patronales dues par ces entreprises au titre des assurances sociales des marins français contre les risques d'accident, de maladie et d'invalidité versées à la caisse générale de prévoyance des marins français. »
II. - Le budget de l'Etat compense la mesure ainsi prévue par abondement de la subvention d'équilibre à l'Etablissement national des invalides de la Marine. -
Adopté.
L'amendement n° 13, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Afin de favoriser le développement de la marine marchande française, l'emploi, la transmission du savoir faire maritime et la sécurité maritime, il est créé un dispositif d'exonération totale des cotisations et contributions sociales patronales obligatoires de toutes natures, dont le paiement est exigé à raison du versement du salaire de navigants affiliés à un régime spécial au sens de l'article L.711-1 du code de la sécurité sociale.
Cette exonération est accordée aux employeurs de ces navigants pour les seuls navires battant pavillon français répondant aux deux conditions cumulatives suivantes :
1 - l'ensemble des personnels navigant se voit appliquer la législation sociale française ;
2 - les navires appartiennent à l'une des catégories suivantes:
-les navires armés au commerce au long cours ou au cabotage international ;
-les navires armés à la plaisance de plus de 24 mètres hors tout ;
-les navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières intracommunautaires ;
-les navires exploités exclusivement au cabotage national.
Cette exonération n'est pas cumulable avec une autre aide à l'emploi attribuée par l'Etat.
Un décret précise les conditions d'application du présent article.
II - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale, d'assurance-chômage sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle à ces mêmes droits.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Les navigants employés à bord des navires immatriculés au registre international français sont engagés par l'armateur ou mis à sa disposition par une entreprise de travail maritime.
Les personnes employées à bord des navires immatriculés au registre international français ne peuvent être âgées de moins de dix-huit ans, ou seize ans dans le cadre d'une formation professionnelle selon des modalités déterminées par décret.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 17, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
par l'armateur
supprimer la fin du premier alinéa de cet article.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, pour présenter ces deux amendements.
Ces amendements sont défendus. Je vous signale cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, que certains armateurs s'interrogent sur le lien à faire entre l'intitulé du titre II et certaines exonérations prévues pour un type de navires particulier. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point très important ?
L'article 10, issu des travaux de l'Assemblée nationale, prévoit notamment que les personnes employées à bord des navires ne peuvent être âgées de moins de dix-huit ans. Il n'apparaît pas opportun de supprimer cette garantie. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 16, ainsi que sur l'amendement n° 17.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Monsieur Trémel, je peux vous rassurer, ainsi que les armateurs : cet article est d'application générale. Son rattachement au titre II n'a pas de conséquence. Il sera inséré dans le code des pensions de retraite des marins français. Aucun doute ne subsiste à l'égard de sa large application, notamment à l'armement auquel nous pensons tous les deux.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 10 est adopté.
Les contrats d'engagement et le régime de protection sociale des navigants résidant hors de France sont soumis à la loi choisie par les parties, sous réserve des dispositions de la présente loi et sans préjudice de dispositions plus favorables des conventions ou accords collectifs applicables aux non-résidents, dans le respect des engagements internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés, et communautaires, de la France.
La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
Aux termes de cet article, « les contrats d'engagement et le régime de protection sociale des navigants résidant hors de France sont soumis à la loi choisie par les parties ».
Dans les faits, ce n'est ni plus ni moins qu'une application du principe du pays d'origine, défini dans l'article 16 d'une certaine proposition de directive européenne du 13 janvier 2004, que l'on nous propose de mettre en oeuvre. Et ce principe est tout sauf une mesure sociale, tout sauf autre chose que l'illustration la plus nette et la plus brutale de l'illusoire égalité entre les parties du contrat de travail salarié.
L'article 11 est adopté.
L'amendement n° 18, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En cas de maladie d'un navigant, l'armateur est responsable du rapatriement sans délai s'il est nécessaire, et assure par tous les moyens la rémunération due au navigant malade jusqu'au terme initial de son contrat ainsi que des frais liés à la maladie.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Par cet amendement, il s'agissait pour nous d'obtenir la certitude que tout marin malade soit soigné de manière efficace et qu'il soit rapatrié à son domicile et non pas au port de départ. Certes ce problème est traité dans les articles 18 et 19, mais ceux-ci ne nous semblent pas apporter les assurances que nous voudrions obtenir formellement.
L'article 19 de la proposition de loi prévoit déjà que le rapatriement est organisé aux frais de l'armateur et précise explicitement que celui-ci est soumis aux dispositions de la convention de l'Organisation internationale du travail sur le rapatriement des marins.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Je peux rassurer totalement M. Trémel sur ce point. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Les conditions d'engagement, d'emploi, de travail et de vie à bord d'un navire immatriculé au registre international français ne peuvent être moins favorables que celles résultant des conventions de l'Organisation internationale du travail ratifiées par la France.
Les rémunérations des navigants ne peuvent être inférieures aux montants fixés, après consultation des organisations professionnelles représentatives des armateurs et des organisations syndicales représentatives des marins, par un arrêté du ministre chargé de la marine marchande par référence aux rémunérations généralement pratiquées ou recommandées sur le plan international.
L'amendement n° 19, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le mot :
résultant
rédiger ainsi la fin du premier alinéa de cet article :
du code du travail maritime
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Cet amendement de cohérence soulève deux questions : d'une part, celle de la discrimination entre les navigants et les autres catégories de personnel et, d'autre part, celle de la référence à des normes minimales, celles de l'OIT et de l'ITF. Il est intéressant de connaître les rémunérations minimales fixées par ces normes.
Pour les raisons déjà indiquées concernant l'application du code du travail maritime à l'ensemble des navigants, la commission émet un avis défavorable.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Je tiens à préciser que, selon les normes de l'OIT, les salaires sont de l'ordre de 500 dollars alors que, selon les normes ITF, ils peuvent atteindre 1 400 dollars. Cette disposition apporte donc un changement considérable.
La nouvelle rédaction émanant de l'Assemblée nationale reprend le souhait exprimé par le Sénat en le formulant d'une manière différente. Il est bien évident qu'il n'est pas possible de faire référence dans un texte de loi aux normes salariales d'une organisation internationale. J'indique néanmoins que, dans la rédaction initiale du Sénat, c'était également le salaire ITF qui était visé.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 12 est adopté.
La mise à disposition de tout navigant fait l'objet d'un contrat conclu par écrit entre l'armateur et l'entreprise de travail maritime, mentionnant :
- les conditions générales d'engagement, d'emploi, de travail et de vie à bord du navire ;
- les bases de calcul des rémunérations des navigants dans leurs différentes composantes ;
- les conditions de la protection sociale prévues aux articles 24 et 25 et le ou les organismes gérant les risques mentionnés à ces articles.
Une copie du contrat de mise à disposition se trouve à bord du navire, à l'exclusion des dispositions qui intéressent la relation commerciale entre l'entreprise de travail maritime et l'armateur.
L'amendement n° 20, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc et Saunier, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
C'est un amendement de cohérence avec notre position quant aux sociétés de manning.
Cet article est protecteur. Par cohérence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
I. - Le contrat d'engagement conclu entre l'entreprise de travail maritime et chacun des navigants mis à disposition de l'armateur précise :
- la raison sociale de l'employeur ;
- la durée du contrat ;
- l'emploi occupé à bord, la qualification professionnelle exigée et, le cas échéant, le nom du navire, son numéro d'identification internationale, le port et la date d'embarquement ;
- le montant de la rémunération du navigant avec ses différentes composantes ;
- les conditions de la protection sociale prévues aux articles 24 et 25 et le ou les organismes gérant les risques mentionnés à ces articles.
II. - Non modifié.
III. - Un exemplaire écrit du contrat d'engagement, établi conformément à l'article 3 de la convention n° 22 de l'Organisation internationale du travail sur le contrat d'engagement des marins, est remis au navigant qui le conserve à bord pendant la durée de l'embarquement. Une copie de ce document est remise au capitaine.
L'amendement n° 21, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Cet amendement est défendu. Monsieur le secrétaire d'Etat, je regrette fortement que l'Assemblée nationale n'ait pas suivi l'avis de sagesse que vous aviez émis concernant les termes « le cas échéant ».
Cet amendement ayant le même objet que l'amendement n° 20, la commission émet un avis défavorable.
Avis défavorable, monsieur le président.
Monsieur Trémel, j'ai un grand respect pour la sagesse des assemblées parlementaires !
Sourires
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 14 est adopté.
Le travail des navigants est organisé sur la base de 8 heures par jour, 48 heures par semaine et 208 heures par mois. Pour des raisons d'exploitation, il peut être organisé sur une autre base journalière, dans la limite de 12 heures, dans des conditions fixées par conventions ou accords collectifs.
Les durées minimales de repos sont déterminées dans les conditions suivantes :
- les durées de repos ne peuvent être inférieures à 10 heures par période de 24 heures et 77 heures par période de 7 jours ;
- le repos quotidien peut être fractionné en deux périodes sous réserve qu'une d'entre elles ne soit pas inférieure à 6 heures et que l'intervalle entre deux périodes consécutives n'excède pas 14 heures.
Chaque heure de travail effectuée au-delà de 48 heures hebdomadaires est considérée comme une heure supplémentaire. Les parties au contrat d'engagement conviennent que chaque heure supplémentaire fait l'objet soit d'un repos équivalent, soit d'une rémunération majorée d'au moins 25 %.
Un mode forfaitaire de rémunération du travail supplémentaire peut être convenu par accord collectif.
Un tableau affiché à un endroit accessible précise l'organisation du travail et indique, pour chaque fonction, le programme du service à la mer et au port. Il est établi selon un modèle normalisé rédigé en langues française et anglaise.
L'amendement n° 22, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa de cet article, remplacer le mot :
exploitation
par le mot :
organisation
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
L'article 15 est adopté.
La durée des congés payés du navigant est de trois jours par mois de travail effectif.
Le navigant a droit à une journée de repos hebdomadaire.
Lorsqu'un jour férié coïncide avec la journée de repos hebdomadaire, le repos hebdomadaire est réputé acquis.
Lorsque le navigant n'a pas, pour des motifs liés à l'exploitation du navire, bénéficié de son repos hebdomadaire, les parties au contrat d'engagement conviennent que ce repos est reporté à l'issue de l'embarquement ou rémunéré comme des heures supplémentaires.
Le nombre de jours fériés auquel a droit le navigant est fixé par convention ou accord collectif, ou à défaut par le contrat d'engagement.
Les jours fériés sont choisis parmi les jours de fêtes légales des pays dont les navigants sont ressortissants.
Les parties au contrat d'engagement conviennent que chaque jour férié travaillé ou coïncidant avec la journée de repos hebdomadaire fait l'objet soit d'un repos équivalent, soit d'une rémunération majorée.
Un registre, conforme aux conventions internationales, tenu à jour à bord du navire, précise les heures quotidiennes de travail et de repos des navigants.
L'amendement n° 23, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de cet article, après le mot :
internationales
insérer les mots :
et au code du travail maritime
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Il s'agit de prendre le code du travail maritime pour référence, ce qui nous paraît plus naturel et plus protecteur.
Les conventions internationales présentent une garantie importante pour les dispositions relatives au registre du temps de travail ; il n'apparaît pas opportun, pour les raisons déjà évoquées, de faire référence au code du travail maritime. La commission émet donc un avis défavorable.
M. Trémel est cohérent : étant hostile au RIF, il propose un amendement qui ôte tout intérêt à ce dernier.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 16 est adopté.
Le contrat d'engagement ou la mise à disposition prennent fin :
1° A l'échéance prévue ;
2° Supprimé ;
3° Par décision de l'armateur ou du navigant en cas de perte totale de navigabilité ou de désarmement du navire ;
4° Par décision du navigant si le navire fait route vers une zone de guerre ;
5° Par décision motivée et notifiée de l'armateur en cas de faute grave ou lourde du navigant, ou pour un motif réel et sérieux.
Le délai de préavis réciproque en cas de rupture du contrat d'engagement est d'un mois. Il n'est pas applicable en cas de perte totale de navigabilité, de désarmement du navire, de faute lourde ou grave du navigant ou lorsque le navire fait route vers une zone de guerre.
Les indemnités pour rupture du contrat d'engagement ne peuvent être inférieures à deux mois de salaire. Elles ne sont pas dues au navigant lorsque la rupture ou l'interruption interviennent durant la période d'essai, ou lorsqu'elles résultent de la décision ou d'une faute lourde ou grave du navigant. -
Adopté.
Tout navigant est rapatrié dans les cas visés à l'article 2 de la convention n° 166 de l'Organisation internationale du travail sur le rapatriement des marins.
Le rapatriement est organisé aux frais de l'armateur, ou de l'entreprise de travail maritime dans le cas d'une mise à disposition, sans préjudice de leur droit de recouvrer les sommes engagées auprès du navigant en cas de faute lourde ou grave.
Lors du rapatriement, le navigant choisit la destination entre :
- le lieu d'engagement ;
- le lieu stipulé par convention collective ;
- son lieu de résidence ;
- le lieu mentionné par le contrat ;
- tout autre lieu convenu par les parties.
L'amendement n° 24, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
aux frais de l'armateur
supprimer la fin du deuxième alinéa de cet article.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Cet amendement est défendu, monsieur le président. Nous avons évoqué ce point tout à l'heure.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 19 est adopté.
En cas de défaillance de l'entreprise de travail maritime, l'armateur est substitué à celle-ci pour le rapatriement et le paiement des sommes qui sont ou restent dues aux organismes d'assurance sociale et au navigant. L'armateur doit contracter une assurance ou justifier de toute autre forme de garantie financière de nature à couvrir ce risque de défaillance.
Pendant la mise à disposition du navigant, l'armateur est responsable des conditions de travail et de vie à bord. -
Adopté.
Section 2
Dispositions relatives au droit syndical
I. - Non modifié.
II. - La grève ne rompt pas le contrat d'engagement, sauf faute lourde imputable au navigant. Aucun navigant ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de l'exercice normal du droit de grève. Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.
Il est interdit de recourir à des emplois temporaires en remplacement de navigants grévistes. -
Adopté.
I. - Les conventions ou accords collectifs applicables aux navigants résidant hors de France peuvent être celles ou ceux applicables en vertu de la loi dont relève le contrat d'engagement du navigant.
II. - Les navigants visés au présent titre participent à l'élection des délégués de bord conformément aux dispositions du décret n° 78-389 du 17 mars 1978 portant application du code du travail maritime, modifié par la loi n° 77-507 du 18 mai 1977.
L'amendement n° 25, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le mot :
France
rédiger ainsi la fin du I de cet article :
sont celles ou ceux applicables en vertu de la loi française.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Nous préférons le droit national et des « garanties maximum » à une stratégie de « droit minimum ».
Pour les raisons déjà évoquées concernant la question de l'application du code du travail français, la commission émet un avis défavorable.
Nos divergences s'expriment sur cet amendement comme sur les autres, et le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 23 est adopté.
Les navigants résidant dans l'un des Etats de l'Union européenne ou ressortissants d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou d'un Etat lié à la France par une convention bilatérale de sécurité sociale bénéficient d'une couverture sociale dans les conditions prévues par les règlements communautaires ou la convention bilatérale qui leur sont applicables. -
Adopté.
I. - Les navigants qui ne résident pas dans l'un des Etats de l'Union européenne ou qui ne sont pas ressortissants d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou d'un Etat lié à la France par une convention bilatérale de sécurité sociale sont assurés contre les risques de maladie, d'accident du travail, de maternité, d'invalidité et de vieillesse.
II. - Cette protection sociale ne peut être moins favorable que celle résultant des conventions de l'Organisation internationale du travail applicables aux navigants. L'employeur contribue à son financement à hauteur de 50 % au moins de son coût.
III. - Pour l'application des I et II, la protection sociale comprend :
- en cas de maladie ou d'accident survenu au service du navire, la prise en charge intégrale des frais médicaux, d'hospitalisation et de rapatriement, ainsi qu'en cas de maladie, la compensation du salaire de base dans la limite de 120 jours et, en cas d'accident, la compensation du salaire de base jusqu'à la guérison ou jusqu'à l'intervention d'une décision médicale concernant l'incapacité permanente ;
- en cas de décès consécutif à une maladie ou à un accident survenu au service du navire, le versement d'une indemnité de 60 000 € au conjoint du marin ou, à défaut, à ses ayants droit et le versement d'une indemnité de 15 000 € à chaque enfant à charge, âgé de moins de vingt et un ans, dans la limite de trois enfants ;
- en cas de maternité de la femme navigante, la prise en charge des frais médicaux et d'hospitalisation correspondants et la compensation de son salaire de base pendant une durée de deux mois ;
- en cas d'incapacité permanente consécutive à une maladie ou à un accident survenu au service du navire, le versement d'une rente viagère ou d'une indemnité proportionnelle à cette incapacité définies dans le contrat d'engagement ;
- l'attribution d'une pension de vieillesse dont le niveau n'est pas inférieur, pour chaque année de service à la mer, pour une cessation d'activité à partir de l'âge de cinquante-cinq ans, à 1, 5 % de la rémunération brute perçue chaque année par le marin ou, si la cessation a lieu à partir de l'âge de soixante ans, à 2 % de cette rémunération. -
Adopté.
Section 4
[Division et intitulé supprimés]
TITRE II BIS
DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONTRÔLES ET SANCTIONS
Les agents visés au deuxième alinéa de l'article L. 742-1 du code du travail assurent l'inspection du travail maritime sur les navires immatriculés au registre international français.
Ils contrôlent les conditions d'engagement, d'emploi, de travail, de protection sociale et de vie à bord et constatent les infractions à la présente loi et aux textes pris pour son application.
Ils interviennent dans les conditions fixées par le décret visé au deuxième alinéa de l'article L. 742-1 précité. -
Adopté.
Est puni d'une amende de 7 500 € tout armateur ou tout entrepreneur qui a recours à un navigant sans avoir conclu un contrat, dans les conditions prévues aux articles 8, 13 et 14.
Est puni d'une amende de 7 500 € toute personne en infraction aux articles 4, 12 (deuxième alinéa), 17 (deuxième alinéa), 19, 22, et 23 (II).
Constitue une récidive, pour toute personne déjà condamnée définitivement pour un délit visé au présent article, le fait de commettre le même délit dans un délai de douze mois à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine.
Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions visées au présent article. La peine encourue par les personnes morales est l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal.
L'amendement n° 26, présenté par M. Trémel, Mme Y. Boyer, M. C. Gautier, Mme Herviaux, MM. Le Pensec, Marc, Saunier et Godefroy, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer la somme :
par la somme :
II - Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer la somme :
par la somme :
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
Cet amendement tend à augmenter les amendes prévues dans le cas du recours, par un armateur ou un entrepreneur, à un navigant sans avoir conclu avec ce dernier un contrat dans les conditions dites protectrices prévues par la proposition de loi.
Si l'on n'est pas regardant sur le versement d'avantages fiscaux ou sociaux, des contreparties n'étant pas demandées, il convient d'être plus vigilant s'agissant des sanctions financières liées aux infractions à la loi.
Le montant des peines fixées correspond déjà au double de celles qui sont prévues à l'article L. 152-2 du code du travail, relatif aux infractions à la législation du travail temporaire. Il n'apparaît donc pas opportun de les augmenter : l'avis de la commission est défavorable.
Le Gouvernement partage les arguments de la commission et émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 27 est adopté.
La loi du 17 décembre 1926 portant code disciplinaire et pénal de la marine marchande est applicable à toute personne embarquée à bord d'un navire immatriculé au registre international français ainsi qu'à l'armateur ou à son représentant. -
Adopté.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
En cas de litige né d'un contrat d'engagement conclu dans les conditions de la présente loi :
- l'action de l'employeur ne peut être portée que devant les tribunaux de l'Etat sur le territoire duquel le navigant a son domicile ;
- l'employeur peut être attrait devant les tribunaux français, devant ceux de l'Etat où il a son domicile, ou devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le navigant.
En France, ces litiges sont portés devant le tribunal d'instance compétent après tentative de conciliation devant l'autorité maritime compétente, à l'exception des litiges opposant l'armateur au capitaine qui sont portés devant le tribunal de commerce.
Il ne peut être dérogé aux dispositions des deuxième et troisième alinéas que par des conventions attributives de juridiction postérieures à la naissance du différend ou qui permettent au navigant de saisir d'autres tribunaux que ceux indiqués aux deuxième et troisième alinéas. -
Adopté.
Les navigants qui résident en France relèvent du régime spécial de sécurité sociale des marins dans les conditions définies à l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.
Néanmoins, les navigants résidant en France et embarqués avant le 31 mars 1999 sur des navires battant pavillon étranger peuvent, sur leur demande, dès lors qu'ils sont employés à bord d'un navire relevant de la présente loi, continuer à bénéficier des assurances sociales auxquelles ils ont auparavant souscrit. Ces assurances devront garantir aux navigants les risques énumérés au III de l'article 25. -
Adopté.
La loi du 15 juin 1907 réglementant le jeu dans les cercles et les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques est ainsi modifiée :
1° Son titre est ainsi rédigé : « loi réglementant les jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques et dans les casinos installés à bord des navires immatriculés au registre international français » ;
2° Après l'article 1er, il est inséré un article 1er-1 ainsi rédigé :
« Art. 1 er -1. - Par dérogation aux dispositions de l'article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 précitée, il peut être accordé aux casinos installés à bord des navires de commerce transporteurs de passagers n'assurant pas de lignes régulières et immatriculés au registre international français et pour des croisières de plus de 48 heures, l'autorisation temporaire d'ouvrir au public des locaux spéciaux, distincts et séparés où sont pratiqués certains jeux de hasard dans les conditions fixées dans les articles suivants.
« L'accès à ces locaux est limité aux passagers majeurs titulaires d'un titre de croisière ; ces locaux ne sont ouverts que dans les eaux internationales.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. » ;
3° Après l'article 2, il est inséré un article 2-1 ainsi rédigé :
« Art. 2-1. - L'autorisation d'exploiter les jeux de hasard dans les casinos visés à l'article 1er-1 est accordée par arrêté du ministre chargé de l'intérieur à une personne morale qualifiée en matière d'exploitation de jeux de hasard ayant passé une convention avec l'armateur conforme à une convention type approuvée par décret en Conseil d'Etat.
« L'arrêté fixe la durée de l'autorisation. Il détermine la nature des jeux de hasard autorisés, leur fonctionnement, les missions de surveillance et de contrôle, les conditions d'admission dans les salles de jeux et leurs horaires d'ouverture et de fermeture.
« L'autorisation peut être révoquée par le ministre chargé de l'intérieur, en cas d'inobservation des clauses de l'arrêté ou de la convention passée avec l'armateur.
« Dans l'enceinte du casino, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance sont garants du bon ordre, de la sûreté et de la sécurité publiques.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. » -
Adopté.
Les casinos autorisés sur le fondement de l'article 1er-1 de la loi du 15 juin 1907 précitée sont redevables :
1° D'un prélèvement progressif spécial opéré par l'Etat sur le produit brut des jeux, diminué d'un abattement de 25 %.
Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de calcul du produit brut des jeux.
Le barème de ce prélèvement progressif spécial est établi comme suit :
- 10 % jusqu' à 58 000 € ;
- 15 % de 58 001 à 114 000 € ;
- 25 % de 114 001 à 338 000 € ;
- 35 % de 338 001 à 629 000 € ;
- 45 % de 629 001 à 1 048 000 € ;
- 55 % de 1 048 001 à 3 144 000 € ;
- 60 % de 3 144 001 à 5 240 000 € ;
- 65 % de 5 240 001 à 7 337 000 € ;
- 70 % de 7 337 001 à 9 433 000 € ;
- 80 % au-delà de 9 433 000 €.
10 % du produit de ce prélèvement progressif spécial sont reversés par l'Etat à la Société nationale de sauvetage en mer ;
2° D'un prélèvement fixe de 0, 5 % sur le produit brut des jeux, au profit de l'Etat ; pour le produit brut des jeux des appareils automatiques de jeux d'argent dont l'exploitation est autorisée dans les casinos par l'article 2 de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, ce taux est de 2 % ;
3° De la contribution sociale généralisée visée à l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale ;
4° De la contribution pour le remboursement de la dette sociale visée au III de l'article 18 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ;
5° Des frais de contrôle visés aux articles 69-34, 87, 88 et 89 de l'arrêté du 23 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos ;
6° Du droit de timbre visé à l'article 945 du code général des impôts ;
7° De l'impôt sur les spectacles visé aux articles 1559 à 1566 du même code.
Les prélèvements sont constatés, liquidés et recouvrés selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les prélèvements opérés sur le produit des jeux des casinos autorisés sur le fondement de l'article 1er de la loi du 15 juin 1907 précitée.
Ils sont acquittés par virement mensuel au profit du Trésor public et contrôlés lors des escales du navire sur le territoire national, au moins une fois par an et dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.
L'article 34 de la loi de finances rectificative pour 1995 (n° 95-1347 du 30 décembre 1995) ne s'applique pas aux casinos visés au premier alinéa du présent article. -
Adopté.
Un rapport d'évaluation portant sur la mise en oeuvre de la présente loi est établi chaque année par le Gouvernement et soumis au Conseil supérieur de la marine marchande et à la Commission nationale de l'emploi maritime. Un rapport de synthèse établi dans les mêmes conditions est présenté au Parlement tous les trois ans, et pour la première fois avant le 31 mars 2007. -
Adopté.
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
Il fut un temps où la France était fière de sa marine marchande, de ses commandants au long cours, de ses marins professionnels, de la technologie de ses bâtiments, de ses règles de sécurité maritime.
Puis, la compétition économique internationale a envahi les mers, et des armateurs peu scrupuleux ont commencé à organiser le dumping social et environnemental.
Devant le manque de réaction politique et de sanctions au niveau international, de plus en plus d'armateurs se sont tournés vers les pavillons de complaisance, sans plus de réactions ou de sanctions au niveau européen ou international.
Aujourd'hui, les armateurs, par rentabilité économique, privilégient dans leur ensemble les pavillons de complaisance. Et que fait la loi aujourd'hui ? Elle s'adapte à cette situation, espérant sauver ça et là quelques marchés et, pour cela, elle se soumet politiquement à la pression économique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne partage pas votre optimisme.
Les règles maritimes sociales et environnementales doivent être pensées aux niveaux européen et international, et ce n'est pas ce que nous faisons aujourd'hui avec cette proposition de loi.
Nous n'organisons rien ! Nous croyons maintenir un petit compromis en faisant la part belle au libéralisme économique, mais en gardant encore un petit pied carré de l'ancien prestige, de l'ancienne règle. Mais cela ne tiendra pas !
Comme on ne combat pas politiquement, au niveau international, par des règles et par une fiscalité adaptées, le dumping social et environnemental, les armateurs en demanderont toujours plus.
Et, dans quelques années, vous serez obligés de suivre les critères de rentabilité économique qui seront imposés au niveau international. Vous ne pourrez plus rien garantir, même si vous le croyez aujourd'hui.
Cette proposition de loi vous semble être un bon compromis pour préserver quelque chose, mais elle vous fait simplement entrer dans le jeu du libéralisme économique au niveau international. Vous mettez le doigt dans cet engrenage, et vous ne pourrez bientôt plus défendre des règles sociales, des règles environnementales, des règles de sécurité au niveau international : vous ne pourrez plus revenir en arrière !
Pourtant, l'Europe, comme vous le disiez tout à l'heure, avait les moyens de garantir des lois sociales et des lois environnementales. Il est bien dommage que cette voie n'ait pas été suivie. Voilà pourquoi les élus Verts voteront contre cette proposition de loi.
Nous voilà arrivés à la fin de la deuxième lecture du « rallye » dont j'ai parlé tout à l'heure.
Le Gouvernement et la majorité qui le soutient affirment, avec les armateurs, leur satisfaction et leur confiance concernant l'emploi, la formation et le pavillon français.
Dans sa très grande majorité, le monde maritime actif - les officiers et marins français - et inactif - de nombreux retraités suivent les discussions sur ce texte -, les étudiants des écoles nationales de la marine marchande, les étudiants des lycées maritimes - vous en avez visité un tout récemment, monsieur le secrétaire d'Etat - disent leur inquiétude et leur colère, leur condamnation de cette proposition de loi.
Nous sommes à mon avis passés à coté de l'occasion de fédérer une grande partie de la communauté maritime ainsi que le Parlement autour de la ligne du plus petit dénominateur commun.
La préservation d'un pavillon national passe aujourd'hui par des aides fiscales, par des exonérations de charges. Il est regrettable qu'un nombre minimum de marins français embarqués n'ait été garanti. La règle équilibrée que nous avons proposée - 35 % de l'effectif réel - le permettait. Cela aurait pu faire naître la confiance et l'espoir. Vous avez refusé cette proposition, et nous sommes donc en désaccord.
Nous prenons maintenant date pour les trois rendez-vous que j'ai cités lors de la discussion générale.
Le rendez-vous le plus important pour nous est celui des actions concrètes sur le plan de l'emploi et du rapatriement des navires. Nous suivrons tout cela et nous en reparlerons.
Mais, d'ici là, et comme le disait M. Besselat ainsi que d'autres collègues parlementaires, la décision est importante pour la marine marchande française. Je crains que le RIF ne nous entraîne à terme vers une marine marchande française sans marins français, ce qui est tout à la fois regrettable et inacceptable.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons ce soir au terme d'un long processus : après son adoption par le Sénat dans quelques instants, le texte que nous venons d'examiner deviendra loi.
C'est, à l'évidence, un moment important, et je voudrais insister sur le fait qu'il aurait été grave de ne rien faire, car, se satisfaire de la situation actuelle serait revenu à conduire la marine marchande française tout droit vers son anéantissement, avec pour conséquence la disparition de l'emploi maritime.
Notre collègue Jean Desessard disait que la loi se soumet, que la loi s'adapte. Non : la loi combat !
Si nous sommes plusieurs à avoir présenté cette proposition de loi, c'est parce que nous savions que l'actuel régime des pavillons de complaisance n'était acceptable au regard ni de la sécurité maritime ni de l'emploi. Il fallait donc faire quelque chose.
Si nous n'avions pas présenté un texte compétitif et attractif de nature, comme ceux que d'autres Etats européens ont adoptés avec succès, à inciter les armateurs à faire revenir sous le pavillon national leurs navires, nous n'aurions plus pu sérieusement nous plaindre des pavillons de complaisance, car nous n'aurions rien fait pour les combattre.
L'immobilisme aurait été de faire le jeu de la complaisance. Nous avons au contraire choisi le volontarisme, et, si nous l'avons choisi, c'est parce que nous pensons que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Nous ne sommes pas naïfs : nous savons que ce ne sera pas facile et que notre texte n'est peut-être pas encore suffisamment compétitif comparé à d'autres. Nous savons cependant qu'il constitue un progrès.
L'attractivité du registre international français que nous nous apprêtons à créer sera un atout, car, du fait des protections que ce registre apportera, nombre de chargeurs et d'affréteurs préféreront désormais affréter des navires sous pavillon français plutôt que sous pavillon tiers.
C'est la raison pour laquelle, tout en étant réalistes, nous sommes confiants.
Nous avons fait, je crois, tout ce qu'il était possible de faire pour mettre entre les mains des armateurs et des opérateurs maritimes un outil compétitif. Maintenant, à eux de jouer ! Nous leur avons fait confiance ; à eux de montrer qu'ils ont compris que, ce que nous avons fait, nous l'avons fait dans l'intérêt général. Demain, chers collègues de l'opposition, vous nous direz que nous avions raison et vous nous remercierez !
Les puissantes manifestations qui se sont aujourd'hui déroulées dans notre pays sont la démonstration de la volonté des marins français de dire « non » à cette proposition de loi qui met en danger à la fois leur emploi, leurs conditions de travail, leurs conditions salariales et leurs conditions sociales. Je l'ai déjà dit : c'est du « Bolkestein » avant l'heure !
Pour répondre à M. de Richemont, notre objectif n'est pas de rester immobiles : il fallait en effet agir, mais encore fallait-il agir aussi en faveur des marins français ! Or, comme mon groupe, j'estime qu'avec cette proposition de loi nous ne faisons pas oeuvre utile pour la marine marchande française et pour les marins de ce pays.
Voilà l'immobilisme ! Les salariés de ce secteur attendaient en effet autre chose et, s'ils ont voulu se faire entendre aujourd'hui, c'était dans l'espoir que leurs légitimes revendications soient écoutées et que cette proposition de loi se mette en symbiose avec elles !
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée définitivement.
Je me réjouis très sincèrement de l'adoption de cette proposition de loi qui résulte d'un travail parlementaire absolument exemplaire : une initiative parlementaire - celle de M. de Richemont et de plusieurs de ses collègues -, un travail constant des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat - je salue à cette occasion M. Revet -, travail qui s'est inscrit dans la durée et qui s'est appuyé sur de nombreuses rencontres avec tous les professionnels concernés, qu'il s'agisse des marins ou des armateurs.
L'aboutissement de ce modèle de travail parlementaire est un texte de très grande qualité, et je tiens à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que je nourris l'espoir que ce texte constitue une forte incitation, pour l'Europe et pour aller plus loin dans la voie de l'harmonisation.
L'Europe a déjà su nous garantir une bien meilleure sécurité maritime que celle que nous connaissions avant les catastrophes de l'Erika et du Prestige. Nous pouvons entrevoir le jour où les réglementations européennes auront réussi à chasser de nos eaux les mauvais navires, comme les réglementations draconiennes des Etats-Unis sont parvenues à le faire dans les eaux américaines.
Nous pouvons également entrevoir le jour où une Europe plus solidaire saura mieux faire entendre sa voix, par exemple au sein de l'OIT ou de l'OMI, et où les pays européens pourront de concert tout à la fois améliorer les conditions sociales des marins - marins de tous les pays du monde -, renforcer la sécurité maritime et faire en sorte que les règles en matière de protection de l'environnement soient mieux respectées.
La présente proposition de loi est un point de départ. C'est un nouveau départ, un redémarrage pour la marine marchande française à qui elle devrait donner une nouvelle dynamique. C'est aussi, je l'espère, un nouveau départ pour une prise de conscience internationale tant des questions de sécurité maritime que des conditions sociales des marins. Il faut envisager l'avenir avec optimisme ; à nous de travailler pour aller de l'avant, pour trouver des réponses positives à ces questions essentielles, et c'est pourquoi je remercie tous ceux qui ont participé à l'élaboration de cette bonne législation.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 14 avril 2005, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi relative aux aéroports.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :
N° 16 - Le 21 avril 2005 - M. Michel Billout attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur les conséquences du plan gouvernemental pour réorganiser le transport combiné rail-route.
En effet, le 29 mars dernier, le secrétaire d'Etat aux Transports a annoncé une « restructuration en profondeur du transport combiné ferroviaire », avec la fin de la concentration des trafics en Ile-de-France et la fermeture de six terminaux sur onze à partir du 15 juin prochain.
Ce plan risque d'avoir des conséquences néfastes sur l'activité ferroviaire notamment du site de Villeneuve-Saint-Georges-Valenton, point multimodal d'Ile-de-France.
Ce plan fait également peser de lourdes incertitudes sur l'emploi tant à la SNCF que dans ses filiales CNC et Novatrans, mais aussi sur le développement économique des régions qui verront leurs terminaux fermés.
Pourtant, dans la perspective de l'augmentation du trafic des transports terrestres de 40 % pour les marchandises d'ici 2020 et des avantages du transport combiné en terme de préservation de l'environnement et de l'aménagement du territoire, une politique plus ambitieuse aurait pu être mise en oeuvre, notamment au regard des engagements pris par la France au sommet de Kyoto en matière de développement durable.
En effet, le plan annoncé marque la volonté de soumettre ce mode de transport au marché, alors même que tout le monde s'accorde à penser, y compris la Commission européenne, que le transport combiné ne peut se développer s'il n'est pas aidé.
Il souhaite alors connaître les intentions du Gouvernement pour développer concrètement ce mode de transport alternatif et les efforts de financement que le Gouvernement s'engage à prendre pour permettre sa pérennité dans le cadre de la libéralisation du transport ferroviaire (n° 16).
Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 299, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'adoption.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 300, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 2 mai 2005 à quinze heures et le soir :
1. Discussion du projet de loi (n° 267, 2004-2005) portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers ;
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 29 avril 2005, avant dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 2 mai 2005, à onze heures.
2. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 275, 2004-2005) d'orientation sur l'énergie, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture ;
Rapport (n°294, 2004-2005) de M. Henri Revol, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 29 avril 2005, avant dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 2 mai 2005, à onze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
La séance est levée à vingt et une heures cinq.