Intervention de Philippe Nogrix

Réunion du 14 avril 2005 à 15h00
Pouvoirs de police en mer — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Philippe NogrixPhilippe Nogrix :

Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui permet d'adapter la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer aux évolutions du droit international maritime, comme l'a rappelé notre excellent rapporteur.

En vertu d'accords internationaux, l'Etat français peut être amené à exercer certaines mesures coercitives à l'encontre de navires étrangers en haute mer, par délégation de l'Etat du pavillon, ou dans les eaux territoriales d'un Etat étranger, par délégation de l'Etat côtier.

Pour s'adapter à ces évolutions du droit international, le projet de loi répond à trois objectifs : élargir le champ d'intervention de l'Etat, renforcer les pouvoirs de l'Etat en matière de lutte contre les trafics maritimes de stupéfiants et psychotropes, enfin, ajouter un titre spécifique à la loi de 1994 pour renforcer les pouvoirs de l'Etat en matière de lutte contre l'immigration illicite par mer.

Le groupe UC-UDF du Sénat partage le souci du Gouvernement de modifier notre législation pour rendre plus efficace la lutte contre les trafics illicites en tous genres, notamment les trafics de stupéfiants ou d'immigrants clandestins effectués par voie maritime.

Il faut, en effet, mettre les moyens dissuasifs les plus efficaces à la disposition des services compétents pour aider ces derniers à remplir leurs différentes missions, difficiles mais indispensables, en vue d'assurer la sécurité de notre territoire et de nos citoyens.

L'augmentation de l'usage régulier de drogues est particulièrement préoccupante - nous le constatons tous -s'agissant notamment, hélas ! des drogues dites « dures », dont la consommation a tendance à se banaliser chez les jeunes.

Plusieurs études montrent malheureusement que la consommation de cocaïne et de médicaments psychotropes a augmenté de façon très significative, et ce pas seulement pour une première expérience, comme c'était le cas autrefois, - « juste pour voir », disaient les jeunes -, mais pour une consommation régulière.

Il faut donc, à tout prix, essayer de limiter au maximum l'introduction par voie maritime de ces véritables poisons pour notre jeunesse.

Je le répète, la réussite de cet objectif passe par la signature de conventions bilatérales entre Etats, vous le savez bien, madame la ministre.

Or, à ce jour, un seul accord de coopération régionale a été signé, à San José, le 10 avril 2003.

Le projet de loi portant ratification de cette convention n'a pas encore été discuté au Parlement. Il est donc souhaitable que ce texte soit inscrit rapidement à l'ordre du jour des deux assemblées, et je ne doute pas, madame la ministre, que vous y veillerez, car ce sujet est extrêmement préoccupant.

Je souhaite également mettre l'accent sur la nécessité de renforcer la lutte contre les réseaux de migration illicite.

Malheureusement, les images des journaux télévisés nous rappellent que les côtes européennes, et plus particulièrement sur le pourtour méditerranéen, celles de la Grèce, de l'Italie et de l'Espagne, sont trop fréquemment le lieu de véritables drames humains.

Voilà quelques jours encore, six morts étaient à déplorer sur la côte sud de la Sicile.

Nos territoires sont également concernés, en particulier nos territoires et départements d'outremer, Mayotte en particulier, qui concentre un flux migratoire très important, mais qui est aussi, malheureusement, le lieu de nombreux drames. Au début du mois de mars, à la suite du chavirage d'un bateau transportant des migrants, ont été comptabilisés, hélas, quatre morts et une trentaine de disparus.

Nous ne pouvons rester sans lutter contre le développement de tels trafics organisés en réseaux et dont les responsables, avides du gain qu'ils en escomptent, sont peu scrupuleux des conditions de confort et de sécurité de leurs passagers très vulnérables.

Renforcer la lutte contre la migration illicite par voie de mer est une mesure de sécurité intérieure, bien sûr, mais c'est aussi une mesure à caractère humanitaire, car s'attaquer aux trafiquants, c'est tenter de mettre un terme à ces filières particulièrement intolérables.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons qu'approuver ce projet de loi. Néanmoins, en guise de conclusion, je souhaite appeler votre attention, madame la ministre, sur trois aspects importants.

D'abord, il semble indispensable que, parallèlement au renforcement de notre législation, les pays membres de l'Union européenne fassent de réels efforts pour mettre en commun les moyens dont ils disposent et que la synergie prenne tout son sens également dans ce domaine.

Sur quelque mille tonnes de cocaïne produites chaque année en Amérique du Sud et en Amérique centrale, près d'un tiers sont acheminés vers l'Europe par la voie maritime. Une optimisation de la lutte contre le trafic de stupéfiants passe indiscutablement par la mise en oeuvre de programmes d'action communs à l'échelon de l'Union européenne.

Ensuite, il semble également important de renforcer nos liens avec les forces de police et les douanes des pays d'origine des trafics. Ces dernières sont d'ailleurs très souvent demandeuses d'un développement des coopérations avec d'autres Etats concernés, car ce type de délinquance dépasse en règle générale le cadre géographique d'un seul Etat.

Les trafics de la drogue sont le plus souvent l'oeuvre de réseaux mafieux très bien organisés, à dimension internationale, usant des armes technologiquement les plus avancées, ce qui justifie que des moyens exceptionnels et inhabituels soient mis en place pour les combattre. C'est une véritable guerre que nous avons à mener contre les membres de ces réseaux, qui connaissent les armes les plus destructrices et les plus efficaces.

Les Etats doivent donc s'impliquer non seulement par la surveillance des espaces maritimes, mais également par la signature de conventions de coopération bilatérale ou multilatérale ; je n'insisterai jamais assez sur le caractère particulier de la lutte contre les deux méfaits que je viens d'évoquer.

Enfin, madame la ministre, la corrélation entre les ambitions affichées et les moyens humains prévus pour remplir ces nouvelles missions est un aspect majeur, qu'il ne faudra pas négliger dans nos budgets. A cet égard, le groupe UC-UDF compte sur votre ténacité.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, la commission vous a chargé, avec M. Jean-Guy Branger, de préparer un rapport d'information sur l'action de l'Etat en mer. Ce document devrait permettre de dresser un état des lieux très utile des moyens dont les douaniers et les gendarmes disposent pour remplir leurs missions. Un certain nombre d'entre eux s'inquiètent légitimement d'une restructuration programmée de leurs services. Qu'en sera-t-il ? Une fois encore, nous comptons sur vos arbitrages et votre détermination.

Après ces quelques remarques, je terminerai mon propos en rappelant, madame la ministre, que le groupe UC-UDF votera le texte que vous nous soumettez aujourd'hui.

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