Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 14 avril 2005 à 15h00
Pouvoirs de police en mer — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons un texte particulièrement important pour la sécurité intérieure et extérieure de notre pays et celle de nos concitoyens, la sécurité en mer étant une préoccupation tout aussi majeure que la sécurité sur terre, surtout pour un pays comme la France, véritable puissance maritime et côtière.

Ce projet de loi doit nous permettre d'adapter les outils juridiques qui encadrent les actions de l'Etat français, afin de rendre plus efficace la lutte qu'il mène contre les activités illicites commises en mer.

Concrètement, ce texte vise à permettre à l'Etat de prendre à l'égard de tout navire des mesures de coercition, mais aussi de recherche, de constatation, de poursuite et de jugement d'infractions dans les cas de trafics de stupéfiants et de trafics de migrants. L'article 99 de la convention de Montego Bay évoque la « traite des esclaves ».

Le Gouvernement va ainsi doter la France d'un cadre juridique solide pour lutter efficacement contre les trafics illicites dans la plupart des espaces maritimes. C'est un objectif clair et précis auquel nous apportons, madame la ministre, notre soutien plein et entier.

En adoptant une législation interne destinée à rendre effectives les dispositions du droit international, la France, qui dispose d'un espace maritime de près de 11 millions de kilomètres carrés et de 5 500 kilomètres de côtes, a fait le choix de s'impliquer fortement dans la mise en place et dans le renforcement d'une véritable politique répressive en mer, au nom des impératifs de la sécurité maritime.

Sans implication ni intervention des Etats, le droit de la mer est aujourd'hui insuffisant pour lutter efficacement contre les trafics en tous genres et pour rendre les mers et les océans plus sûrs. Son extrême complexité a favorisé l'émergence de très nombreux risques difficiles à contrôler et l'apparition de nouveaux fléaux face auxquels il est impératif que la communauté internationale s'organise efficacement.

Prenons l'exemple - qui n'a rien d'exotique - des actes de piraterie sur les navires, qui ont été multipliés par trois en quelques années : 445 attaques en 2003, et plus encore en 2004.

Nous connaissons tous ces comportements qui perturbent la sécurité en mer et l'intégrité du milieu marin, que ce soit la piraterie, les conflits de pêche, la contrebande, le terrorisme, les trafics de stupéfiants ou les trafics de migrants, sans oublier, bien sûr, les pollutions maritimes.

La répression de ces fléaux relève de la responsabilité des Etats.

Madame la ministre, l'exemple que vous avez cité en Méditerranée est révélateur et bien explicite de l'inutilité qu'il y a à contrôler si l'on ne peut agir pour contrer et pour empêcher.

En adaptant la loi du 15 juillet 1994, le présent projet de loi permet à la France de prendre des mesures de contrôle et de coercition à l'égard de tout navire soupçonné de trafic de stupéfiants ou de trafic de migrants, tant dans les eaux territoriales françaises qu'en haute mer.

Mais la France pourra également agir à l'intérieur de la mer territoriale d'un Etat étranger - par délégation de l'Etat côtier ou de l'Etat du pavillon -, sur le fondement d'accords internationaux ad hoc. Ainsi, la situation que nous avons connue en Méditerranée pourra être évitée.

Par ailleurs, les pouvoirs des autorités françaises en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants sont élargis, et toute référence à la convention de Vienne de 1988 est supprimée.

Il s'agit d'une avancée intéressante, car cela permettra de fonder des mesures de contrôle et de coercition sur d'autres instruments internationaux, notamment sur les accords de coopération régionale comme celui qui a été signé le 10 avril 2003 à San Jose sur la répression du trafic illicite aérien et maritime dans la Caraïbe.

Enfin, il était indispensable de définir dans la loi le cadre d'intervention des moyens de l'Etat dans la lutte contre ces trafics.

Il s'agit d'une avancée tout à fait remarquable qu'il faut saluer à sa juste mesure. L'immigration clandestine par voie maritime, qui recouvre à la fois le phénomène des passagers clandestins et le transport collectif de réfugiés, c'est-à-dire le trafic d'êtres humains, est un réel fléau auquel la France, avec l'Italie, est particulièrement exposée depuis plusieurs années.

Le trafic illicite de migrants est le fait de réseaux criminels qui se livrent à une véritable traite des êtres humains dans des conditions indignes qu'il est nécessaire et urgent de combattre. Par ailleurs, il engendre pour les filières qui s'y livrent des profits gigantesques, comparables à ceux des trafics de drogue ou d'armes.

Nous assistons d'ailleurs à un phénomène assez étonnant : les trafiquants de drogue ont changé de « métier » puisqu'ils se livrent à présent au trafic d'êtres humains, plus rémunérateur et moins risqué s'agissant des peines encourues.

Dans l'ensemble, les dispositions relatives au trafic de migrants sont similaires à celles qui sont en vigueur pour la lutte contre le trafic de stupéfiants, et leur champ d'application est identique. Nous pouvons espérer que cela servira à arrêter, ou en tout cas à freiner ce trafic.

Il était important de donner une base juridique à l'application d'une politique répressive en mer.

Mais ce texte ne se borne pas à transposer l'accord international dans le droit interne, puisqu'il apporte des précisions procédurales bienvenues et ne cantonne pas leur champ d'application aux seuls Etats parties au protocole de Palerme.

Permettez-moi enfin, madame la ministre, même si certains s'inquiètent des budgets et des problèmes matériels - notamment en matière de renseignement -, de saluer ici le travail admirable effectué par le personnel de la marine nationale en haute mer, par celui des douanes, de la gendarmerie maritime et des affaires maritimes, qui sont les maîtres d'oeuvre sur le terrain de cette politique de sécurité maritime. Nous les en félicitons !

Madame la ministre, ce projet de loi est un excellent texte qui témoigne de votre volontarisme et de votre engagement, dont nous vous remercions. Il répond à un besoin juridique en comblant un vide préjudiciable à l'efficacité des services en charge de la surveillance des mers. Il précise également la portée et les conditions d'application d'un texte international et donne enfin une base juridique à la prévention d'une activité qui salit l'image des océans.

Ainsi, madame la ministre, si la convention des Nations unies de 1982, dite de Montego Bay, réaffirme le principe de la liberté des mers, il n'en reste pas moins que, comme le dispose notre code, la liberté de chacun s'arrête où commence celle d'autrui, y compris celle de pouvoir protéger notre pays et notre population.

Renforcer la protection de notre espace maritime, de plus en plus soumis à des menaces et à des risques de tous types, c'est un objectif que le groupe UMP soutiendra par le vote favorable et enthousiaste qu'il exprimera sur ce texte tout à l'heure, en espérant que tous nos collègues en feront autant.

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