Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative à la création d'un registre international français nous donne l'occasion, trop rare sans doute, d'évoquer les affaires maritimes et la place de l'économie maritime dans notre pays, qui, je le rappelle, emploie environ 400 000 personnes de façon directe ou indirecte. Il s'agit donc d'une question majeure pour l'économie de notre pays.
L'économie maritime en France se caractérise par un certain nombre de points forts traditionnels : nous avons un savoir-faire industriel reconnu en matière de construction navale ; nous possédons l'une des meilleures industries de plaisance dans le monde ; nous détenons un potentiel de recherche absolument exceptionnel, notamment avec l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER ; nous développons des activités de haute technologie dans le secteur pétrolier...
Les activités maritimes de la France connaissent aussi des faiblesses. Je pense, par exemple, à la compétitivité insuffisante de nos ports : nos dessertes et nos services portuaires devront absolument être plus performants demain qu'ils ne le sont aujourd'hui. Nous y travaillons, et des investissements sont en cours avec le grand projet Port 2000 et le non moins grand projet Fos 2XL.
La marine marchande est aujourd'hui, nous sommes nombreux à le déplorer, le point faible dans le tableau général de l'économie maritime française.
Même s'il est lent, le recul de notre flotte dans le monde n'en est pas moins constant : au cours des dix dernières années, la jauge brute totale de la marine marchande française est passée de 6, 4 millions à 6, 1 millions de tonnes. Dans le même temps, grâce à des mesures appropriées, celle des autres pays européens progressait : sur cette même période, la flotte des pays européens, exceptée bien sûr celle des nouveaux entrants, est passée de 102 millions à 122 millions de tonnes. C'est dire qu'il n'y a pas de fatalité au déclin de la marine marchande, y compris dans un pays développé.
Quelles sont les conditions de la réussite ?
La première d'entre elles est d'observer précisément quelle a été la clé du succès pour les pays de l'Union européenne qui ont réussi à relancer leur flotte de commerce.
La deuxième condition est d'avoir une politique globale qui touche à la fiscalité, à la question des charges sociales et à celle du pavillon, question qui nous réunit aujourd'hui.
Une autre condition indispensable à la réussite, lorsque les investissements sont lourds, est d'inscrire dans la durée une politique en faveur de la marine marchande.
Enfin, dernière condition, il me paraît nécessaire de respecter la culture sociale française, qui nous distingue - et souvent heureusement - de la pratique d'autres pays. Cette culture a des impératifs qui lui sont propres et que nous entendons respecter.
Ce travail, qui consiste à réunir les conditions favorables à un regain d'intérêt pour la marine marchande en France, est largement engagé.
La fiscalité a été aménagée. C'est ainsi que l'exonération de la taxe professionnelle a été acquise, c'est ainsi que la taxe au tonnage, substitut à l'impôt sur les sociétés, a été votée, c'est ainsi encore qu'un dispositif, le GIE fiscal, permet d'aider l'investissement des armateurs dans les navires.
Cependant, un défaut de notification imputable au gouvernement d'avant 2002 a entraîné une enquête de la Commission, enquête au demeurant légitime puisque il y a eu une erreur de la France dans la procédure.
Ce que je puis vous affirmer, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est que le Gouvernement a l'intention de réformer ce dispositif afin que nous mettions en place, en conformité avec le droit européen, une mesure permanente d'aide à l'investissement comparable à ce dont disposent les autres pays européens maritimes.
Depuis plusieurs années, nous avons adopté un mécanisme de remboursement des charges sociales. C'est ainsi que, lors de la discussion du budget de 2005, 44 millions d'euros ont été inscrits pour rembourser totalement les charges liées à l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, et partiellement les charges non ENIM des employeurs maritimes français pour ceux d'entre eux qui sont exposés à une réelle concurrence internationale.
Vous le savez, sur l'initiative d'un certain nombre de parlementaires, l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, a adopté en première lecture un principe d'exonération des charges ENIM acquittées par les employeurs maritimes. Il s'agit d'un progrès substantiel, car cette exonération a un caractère permanent, elle n'est pas remise en cause chaque année au moment des discussions budgétaires.
Ce progrès, apprécié des employeurs maritimes, va dans le sens de l'emploi tant il est vrai que le poids des charges est un facteur déterminant en la matière. Il faut donc agir sur cet élément, lorsque cela est possible, pour favoriser le développement de l'emploi.
Le dernier point que je veux aborder, pour compléter ce dispositif global de soutien à la marine marchande, concerne la question du pavillon.
Il existe de longue date un pavillon dit « Kerguelen », qui ne pose aucune exigence en matière d'emplois maritimes français mais qui n'a fait l'objet d'aucune modification de la part des majorités précédentes. Je veux donc dire à certains donneurs de leçons que la majorité d'avant 2002 a maintenu un « pavillon bis » ne comportant aucune exigence en termes d'emplois !