Intervention de François Goulard

Réunion du 14 avril 2005 à 15h00
Création du registre international français — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

François Goulard, secrétaire d'Etat :

Après l'adoption de cette proposition de loi par le Sénat, s'est développée une sorte d'incompréhension généralisée - volontaire ou non -, en particulier sur l'article 4, aux termes duquel le commandant du navire et celui qui, le cas échéant, est susceptible de le suppléer doivent être de nationalité française.

Cette disposition est parfaitement justifiée. En effet, des responsabilités d'ordre public incombent au commandant et à son suppléant. Nous sommes donc fondés à exiger d'eux qu'ils soient de nationalité française.

Cette disposition légitime a donné lieu à un contresens total puisque certains ont pensé que seuls deux marins à bord seraient de nationalité française. Or cette disposition trouvait sa justification dans des raisons d'ordre juridique propres au statut particulier du commandant du navire.

Pour lever ces ambiguïtés, pour faire en sorte que les intentions du Gouvernement et celles du Parlement soient mieux comprises, nous avons engagé des discussions et nommé un médiateur en la personne de M. Scemama, président du Conseil supérieur de la marine marchande, et nous avons considérablement rapproché les points de vue en inscrivant dans la loi des conditions d'emploi qui n'y figuraient pas.

Je voudrais ouvrir ici une parenthèse pour souligner que les registres bis des autres pays de l'Union européenne ne prévoient pas de conditions d'emploi. Néanmoins, les réalités ne sont pas toujours inscrites dans les textes : il y a le droit qui doit, bien sûr, être respecté, mais il y a ensuite la pratique, qui peut aller au-delà de ce que la loi impose.

Je veux dire par là que, sur les navires de pays qui n'exigent pas de quotas d'emplois européens ou d'emplois nationaux pour leur registre international, on dénombre néanmoins des proportions importantes de marins nationaux. Le pavillon international danois, par exemple, qui connaît un succès incontestable, ne pose strictement aucune condition d'emploi européen. Or, aujourd'hui, les navires qui l'ont adopté comptent en moyenne 70 % de Danois.

C'est dire si l'intérêt de ces pavillons internationaux est aujourd'hui prouvé par l'exemple des pays voisins du nôtre et par la pratique qu'ils en font. Mais je ferme là ma parenthèse.

Je parlais de rapprochement des points de vue : les armateurs souhaitaient une limitation à 25 % du quota imposé de marins européens ; les organisations syndicales de marins souhaitaient, quant à elles, un quota de 35 %.

Le rapporteur de l'Assemblée nationale a proposé une solution médiane : s'il est nécessaire de soutenir l'investissement, l'exigence peut être de 35 % de marins européens ; dans le cas contraire, cette exigence est, très naturellement, portée à 25 %.

Cette position d'équilibre est pleine de bon sens. Elle permet non pas de satisfaire l'ensemble des revendications qui ont été exprimées, mais de dégager un consensus.

Par ailleurs, ce dispositif attirera de nouveaux navires sous pavillon français. De la sorte, si cette proposition de loi est adoptée, nous allons assister, vous devez en être conscient, mesdames, messieurs les sénateurs, à un développement de l'emploi maritime au profit des officiers et des marins français, tout particulièrement de ceux qui sont en formation : le texte comporte en effet des dispositions particulières pour les jeunes, qui ont naturellement besoin de trouver des stages afin d'apprendre leur métier, leur formation se faisant traditionnellement - et heureusement ! - en alternance.

Les postes de lieutenant, aux termes du texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, sont en réalité destinés aux stagiaires. Toutefois, afin de favoriser la filière de formation, il convient de considérer - c'est une solution tout à fait traditionnelle - que les stagiaires ne font pas partie de l'effectif : ils n'occupent pas réellement des postes réservés à des lieutenants, mais leur présence à bord leur permettra d'acquérir les compétences qui, demain, feront d'eux des lieutenants.

Il s'agissait en tout cas, comme je le disais tout à l'heure, de trouver un équilibre.

Naturellement, nous pourrions faire la part belle à l'emploi et rêver d'un pavillon international exigeant la présence de davantage de marins européens et de marins français. Cependant, si personne ne choisissait par la suite ce pavillon idéal, alors, mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurions travaillé pour rien. Et telle n'est pas notre intention : nous voulons donner à la flotte de commerce française les moyens de croître.

Par conséquent, tout en adoptant des dispositions protectrices - et ce texte en contient -, nous devons rendre ce pavillon attractif pour qu'il puisse être choisi. Ayons constamment à l'esprit que le choix d'un pavillon et son changement peuvent s'effectuer en une demi-journée ! Opter en faveur du pavillon d'un autre pays est la chose la plus simple que puisse faire un armateur !

Ce texte est un texte d'équilibre et la croissance de la flotte de commerce française prouvera, j'en suis personnellement convaincu, son utilité.

Pour conclure, je forme le voeu que, dans ce domaine comme dans d'autres, une harmonisation européenne intervienne progressivement et que demain un pavillon européen voie le jour - c'est souhaitable - et que se rapprochent les législations des différents pays de l'Union européenne.

Grâce à une telle harmonisation, grâce à une plus juste concurrence, nous pourrions ainsi disposer d'un pavillon international européen attractif ainsi que d'une flotte française plus développée dans cet ensemble européen qui constitue aujourd'hui la première flotte de commerce du monde.

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