Intervention de Charles Revet

Réunion du 14 avril 2005 à 15h00
Création du registre international français — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Charles RevetCharles Revet, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan :

Rompant ainsi avec l'immobilisme qui prévalait sur ce sujet depuis plusieurs années, notre collègue avait ensuite, en tant que rapporteur du texte au nom de la commission des affaires économiques, proposé d'apporter des améliorations à la proposition initiale, visant notamment à sécuriser le régime social applicable aux navigants résidant en France et à conférer aux navigants résidant hors de France un véritable statut, qui leur fait aujourd'hui défaut.

Plus de quinze mois se sont écoulés entre l'adoption de cette proposition de loi par le Sénat, le 11 décembre 2003, et son examen par l'Assemblée nationale, les 22 et 23 mars 2005. L'ampleur de ce délai, mes chers collègues, atteste de l'importance des efforts mis en oeuvre pour parvenir à une solution de nature à dissiper les malentendus et à apaiser les craintes suscitées par ce texte.

Une mission de médiation tripartite entre l'Etat, les syndicats de marins et les armateurs a ainsi été mise en place sous l'égide de M. Bernard Scemama, président du Conseil supérieur de la marine marchande, qui a donné lieu à de nombreuses réunions entre les acteurs concernés.

Au terme de ce long processus de concertation, l'Assemblée nationale a, sur l'initiative de ses commissions des affaires économiques et des affaires sociales, apporté au texte de nombreuses modifications qui le clarifient et le précisent.

Abordant ce débat avec un oeil neuf - si j'étais présent en première lecture, je n'étais pas le rapporteur de cette proposition de loi -, il me semble qu'au terme de ce long processus nous parvenons aujourd'hui à un texte équilibré, dont il nous incombera bien sûr d'évaluer les effets avec la plus grande attention.

En effet, la réforme n'aura de succès qu'à deux conditions.

D'une part, le RIF doit être suffisamment attractif pour convaincre les armateurs de rapatrier leurs navires sous pavillon français. Je rappelle à cet égard que notre flotte a subi un déclin inexorable : 210 navires battent aujourd'hui pavillon français contre 762 en 1970, la France n'occupant plus que le vingt-neuvième rang mondial.

D'autre part, ce texte doit permettre à notre filière maritime de sortir de la situation dans laquelle elle se trouve aujourd'hui, qui se caractérise par une crise des vocations et par une pénurie d'officiers. Le déclin de notre flotte est en effet allé de pair avec celui de la marine marchande, puisque, dans le même temps, le nombre de marins est passé de 43 000 à 9 300.

De ce double point de vue, l'Assemblée nationale a, au terme d'une longue concertation, enrichi le texte grâce à des clarifications et des précisions importantes.

La première d'entre elles porte sur l'emploi. Sur ce point, le texte du Sénat prévoyait que le capitaine et son second devaient être français. Cette disposition a été mal comprise et a suscité de nombreuses craintes. Il n'a jamais été dans l'intention de la Haute Assemblée de limiter le nombre de marins français à deux, puisque des obligations en matière de formation embarquée et de renouvellement des effectifs étaient imposées aux armateurs. Il convenait toutefois de clarifier le texte sur ce point. C'est ce qu'a fait l'Assemblée nationale, en prévoyant un taux minimal de 35 % de marins communautaires quand le navire bénéficie d'un dispositif d'aide à l'investissement, et de 25 % quand ce n'est pas le cas.

Ce texte constitue donc un progrès incontestable par rapport au registre des Terres australes et antarctiques françaises, le registre TAAF, qui ne prévoit aucune obligation d'emploi hormis le capitaine et son second, puisque le décret d'application de la loi de 1996 qui devait fixer cette obligation n'a jamais été pris.

La deuxième amélioration, adoptée à une large majorité par les députés, consiste à substituer au remboursement des charges sociales patronales dues à l'ENIM une exonération desdites charges. Il s'agit là d'une mesure de simplification extrêmement importante, qui améliorera la compétitivité de notre pavillon.

Troisième amélioration, la possibilité de créer des entreprises de travail maritime en France a été supprimée, conformément aux conclusions de la mission menée par M. Scemama. En outre, s'agissant des entreprises de travail maritime implantées à l'étranger, les armateurs ont désormais une obligation explicite d'assurance contre le risque de défaillance de ces sociétés. C'était une préoccupation des marins, qui me l'ont encore exprimée tout à l'heure.

Quatrième amélioration, les garanties accordées aux navigants ne résidant pas en France sont renforcées, puisque ces derniers pourront se voir accorder des salaires au moins égaux au niveau fixé par le syndicat international des marins, l'International transport worker's federation, l'ITF.

Là encore, le RIF représente donc un progrès incontestable par rapport au registre TAAF, lequel se caractérise par un vide juridique total s'agissant des conditions d'emploi des marins étrangers. Le RIF est ainsi aujourd'hui le seul en Europe à offrir un vrai statut social à ces marins.

Concernant la sécurité maritime, je souligne également que, contrairement à l'accusation de « complaisance » qui est portée contre le RIF, les navires immatriculés sous ce registre seront contrôlés par l'administration française au regard de l'ensemble des règles de sécurité auxquelles la France se soumet. C'est donc exactement l'inverse qui se produit : en attirant des navires sous pavillon français, on accroît les garanties en termes de sécurité maritime.

J'en viens maintenant aux exigences concernant la formation maritime, point crucial pour l'avenir de la filière.

Le texte issu du Sénat prévoyait déjà que les armateurs devaient assurer la formation embarquée nécessaire au renouvellement des effectifs. L'Assemblée nationale est allée plus loin, en obligeant les armateurs à assurer la programmation des embarquements des élèves officiers en formation.

En tout état de cause, la crise des vocations que connaît le monde maritime nous impose aujourd'hui de réfléchir aux mesures à prendre pour inciter les jeunes à retrouver la vocation de marin.

La défiscalisation du salaire des navigants, prévue par la proposition de loi, constitue une première mesure de nature à renforcer l'attractivité du métier. Il nous faut aller plus loin, en réfléchissant par exemple à la possibilité de faciliter l'embarquement des jeunes pour leur permettre de découvrir plus tôt le métier, à l'instar de ce qui a longtemps existé sous le terme de « pilotin ».

Pour conclure, mes chers collègues, la commission des affaires économiques vous propose, pour les raisons que j'ai indiquées, d'adopter sans modification cette proposition de loi, car nous sommes parvenus à un point d'équilibre et il est temps de donner un signal fort pour le développement de la flotte française.

Toutefois, il s'agit là d'un dispositif dont nous devrons évaluer très précisément les effets, tant sur le nombre de navires rapatriés que sur l'emploi maritime. C'est d'ailleurs ce que permet l'article 34, qui prévoit qu'un rapport d'évaluation sera remis tous les trois ans au Parlement, et au plus tard le 31 mars 2007.

Pour l'heure, les conditions sont réunies pour que le RIF constitue, après des années d'immobilisme, un instrument de « relocalisation » des navires et des emplois français.

Je suis conscient que les marins français demeurent inquiets. Ils souhaitent, comme nous, que la France puisse retrouver progressivement un meilleur rang mondial, tant en nombre de pavillons qu'en termes d'emplois. J'ai reçu les représentants des armateurs et des officiers et ceux de l'ensemble des acteurs du monde maritime. Ils m'ont fait part de leurs interrogations fortes, qui portent à la fois sur la flotte de commerce et sur le transport de passagers. Dans les mois à venir, il faudra que, avec eux et avec l'ensemble des partenaires, nous refassions le point pour poursuivre la réflexion, dresser un constat et, si nécessaire, procéder aux adaptations nécessaires.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous franchissons aujourd'hui une étape importante. La France a toujours été une grande puissance maritime et, grâce à cette proposition de loi, nous nous en donnons les moyens. Je salue à cet égard le travail accompli par vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat - nous avons eu l'occasion d'en parler assez souvent - et par notre collègue Henri de Richemont.

Je souhaite que, grâce aux mesures que nous allons adopter tout à l'heure, le pavillon français retrouve progressivement sa place.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien noté que vous souhaitiez une harmonisation progressive de la réglementation européenne. Je partage tout à fait votre point de vue, car nous sommes en compétition avec nos partenaires, notamment européens. C'est en tout cas ainsi que la France pourra retrouver sa vraie place !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion