Intervention de François Goulard

Réunion du 14 avril 2005 à 15h00
Création du registre international français — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

François Goulard, secrétaire d'Etat :

De même, on trouve, à bord d'un navire câblier, outre des marins affectés à la conduite du navire, des salariés qui accomplissent un travail bien spécifique et qui viennent doubler, voire tripler l'effectif embarqué. La référence à l'effectif embarqué n'est donc pas pertinente en l'occurrence.

En ce qui concerne la problématique essentielle de la perte éventuelle d'emplois, M. de Richemont l'a bien illustrée en s'appuyant sur des exemples européens.

Un risque de perte d'emplois existerait si des armateurs envisageaient d'immatriculer au registre international des navires français inscrits aujourd'hui au premier registre, ce qui leur permettrait de réduire l'effectif de marins français à bord. Mais savez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, combien de navires affectés au long cours, à la navigation internationale, sont actuellement inscrits au premier registre, en exceptant les navires pour lesquels une telle inscription est obligatoire au titre de la législation sur le transport des produits pétroliers ? Un seul, en l'occurrence un navire qui transporte des éléments d'Airbus et pour lequel le chargeur a imposé par contrat que l'ensemble de l'équipage soit français. Votre crainte de voir régresser l'emploi maritime français est donc totalement vaine, monsieur Trémel !

En revanche, comme l'a excellemment démontré Henri de Richemont, nous savons, parce que cela s'est vérifié dans d'autres Etats européens, qu'un registre bis attrayant amène le retour de navires sous le pavillon national, de sorte que nous ne devrions envisager, aujourd'hui, qu'une augmentation du nombre de marins français.

En ce qui concerne les entreprises de travail maritime, ce que l'on appelle encore le manning, on peut, certes, rejeter la réalité et faire comme si elles n'existaient pas. Pourtant, elles sont bien une réalité incontournable de l'emploi maritime dans le monde. Ce que nous voulons introduire par le biais de ce texte, ce sont des dispositions protectrices pour les marins. Ces dispositions présentent de l'intérêt, vous ne pouvez pas le nier, et nous sommes les seuls à vouloir les adopter. Nous exerçons tous les contrôles possibles à cet égard.

Enfin, en réponse à vos interrogations relatives au pavillon européen, je puis vous indiquer que je me suis entretenu de ce sujet avec le commissaire européen à la pêche et aux affaires maritimes, M. Joe Borg, qui est chargé d'élaborer un livre vert sur la politique maritime européenne. Il a semblé intéressé par notre suggestion.

S'agissant du GIE fiscal, l'erreur qui a été commise, à savoir l'absence de notification, est une erreur de procédure, et nous étudions actuellement avec la Commission européenne comment pourrait être reconnue, sous réserve d'éventuelles modifications pouvant être tout à fait mineures, la conformité à la législation européenne de notre dispositif d'aides, qui est d'ailleurs comparable à ce qui existe dans d'autres pays européens.

J'ai déjà dit à M. de Richemont à quel point sa démonstration avait été éloquente : les chiffres qu'il a cités, relatifs au nombre de navires belges ou danois ayant fait retour sous le pavillon national parce que ce dernier était à nouveau attractif, me paraissent établir de manière certaine que nous sommes en présence d'un texte qui permettra d'aider puissamment à la dynamisation de la flotte de commerce française.

Les réflexions de M. de Richemont sur notre influence dans les organisations internationales me semblent également tout à fait intéressantes. Notre poids au sein des organismes internationaux est proportionnel au nombre de nos navires. Par conséquent, pour asseoir la place de la France dans le monde, pour qu'elle puisse agir, par exemple, en faveur de la sécurité maritime, il est nécessaire que davantage de navires soient immatriculés sous le pavillon national. J'ajoute que si l'Europe était plus présente, la puissance de sa flotte de commerce lui permettrait très probablement d'être l'acteur dominant au sein de l'OMI, ce qui serait une excellente chose.

En outre, d'après le droit français, le capitaine du navire et l'officier chargé de sa suppléance se voient confier, à notre sens, une mission permanente d'ordre public. Je vous rejoins dans cette analyse.

De la même manière, et c'est là une considération non plus juridique mais économique, vous avez eu parfaitement raison, monsieur de Richemont, de souligner que les emplois à terre sont extrêmement nombreux et que nous avons intérêt à ce que les centres de décision économique soient français. Cela est essentiel. Je rappelle à cet égard que plusieurs des plus grands armateurs mondiaux sont établis en France, ce qui a une incidence considérable sur l'emploi.

Vous avez également eu tout à fait raison de dire qu'il serait pour le moins paradoxal que l'ITF déclarât pavillon de complaisance un registre qui, précisément, se réfère directement aux normes que cette organisation édicte.

Par ailleurs, M. Kergueris a parlé en économiste lorsqu'il a montré très clairement que ce texte, en particulier les mesures relatives aux charges sociales, permettrait le retour à la compétitivité du pavillon français.

Vous avez, en outre, très justement fait observer, monsieur le sénateur, que la défiscalisation des revenus des marins n'était que la traduction d'un principe général de notre droit fiscal concernant ceux qui travaillent en dehors de notre territoire national. Cette disposition présente de l'intérêt en vue de l'amélioration de l'attractivité des carrières maritimes.

Enfin, je me réjouis vivement de l'appui que le groupe de l'Union centriste-UDF apporte à cette proposition de loi et à la politique conduite par le Gouvernement en matière de marine marchande.

Je dirai maintenant à Mme Yolande Boyer que l'excès en tout nuit : peut-on accepter, demande-t-elle, que deux droits du travail coexistent ? J'ai rappelé que le pavillon Kerguelen, infiniment moins protecteur que celui dont il s'agit ce soir, a été maintenu sans que la majorité précédente ait envisagé aucune tentative de réforme. Rien n'a été modifié, rien n'a été annoncé, aucun problème n'a été soulevé, ni sur les sociétés de manning ni sur l'absence totale de protection sociale pour les marins non européens.

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