Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 14 avril 2005 à 15h00
Création du registre international français — Question préalable

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Comment cela se traduirait-il ?

Des marins étrangers seraient embarqués, employés aux conditions de leur pays d'origine sur des bâtiments battant pavillon national, sans garantie réelle d'emploi pour les marins français, avec comme seule contrainte que le commandant et son adjoint soient de nationalité française.

C'est du Bolkestein appliqué au domaine maritime ! C'est le décret d'application, avant l'heure, du projet de Constitution européenne !

Certains me diront ici que la présente proposition de loi n'a rien à voir avec le traité constitutionnel et que, une fois de plus, les partisans du non pratiquent l'amalgame. Même si cela nous prend quelques instants, je souhaite consulter avec vous ce traité et les travaux préparatoires.

L'article II-75, notamment son troisième paragraphe, est intéressant et démontre toute la duplicité d'un texte dont la complexité tend à masquer une volonté systématique de régression libérale.

Il indique, en effet, que : « Les ressortissants des pays tiers qui sont autorisés à travailler sur le territoire des Etats membres ont droit à des conditions de travail équivalentes à celles dont bénéficient les citoyens de l'Union. »

Si l'on se limite à une lecture rapide, simple, pour ne pas dire simpliste, du traité, la proposition de loi qui nous est soumise est en pleine contradiction avec le traité et ce dernier devrait entraîner l'adhésion de tous les partisans d'une plus grande justice sociale en Europe.

Malheureusement, ce troisième paragraphe de l'article II-75 est à éclaircir par un certain nombre d'autres considérations.

L'explication du texte établie sous l'autorité du praesidium de la Convention européenne, qui est déterminante pour l'interprétation du traité et qui est présentée comme telle par la délégation pour l'Union européenne de notre assemblée, limite considérablement le champ d'application de l'article qui nous intéresse.

Premièrement, le praesidium de la convention européenne indique que « la question du recrutement des marins ayant la nationalité d'Etats tiers dans les équipages des navires battant pavillon d'un Etat membre de l'Union européenne est réglée par le droit des législations et pratiques nationales ». En un mot, la Charte et son article II-75 ne s'appliquent pas aux marins en cas de dispositions ou de pratiques nationales contraires.

Deuxièmement, et plus généralement, le praesidium précise que l'article II-112 de la Constitution est applicable. Cet article dispose que les explications du praesidium doivent être prises en compte pour l'interprétation de la Charte.

Par ailleurs, l'article II-112 distingue les droits et les principes. Les commentaires de la délégation pour l'Union européenne sur ce point sont particulièrement éloquents.

Il s'agit de bien marquer le fait que la reconnaissance de certains droits par la Charte ne les érige pas pour autant en droits justifiables. Ces droits, par exemple le droit d'accès aux prestations de sécurité sociale, le droit de travailler ou le droit à la protection de la santé, correspondent à des objectifs, à des « principes », qu'il convient évidemment de respecter et même de promouvoir, sans imposer pour autant une obligation de résultat.

Comment appelle-t-on un droit inapplicable, mes chers collègues ? Un voeu pieu, tout simplement !

Cette longue parenthèse me semble utile, ne serait-ce que pour prouver que la proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui est la démonstration évidente que le traité constitutionnel européen n'empêche aucunement les dérives libérales, mais que, bien au contraire, il les organise, il les encadre.

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