Intervention de Jean Desessard

Réunion du 14 avril 2005 à 15h00
Création du registre international français — Article 1er

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je m'accorde à penser, comme tous les intervenants, que la France ne peut se résigner au déclin de son pavillon national et à la disparition de sa flotte de marine marchande. En effet, la France n'occupe plus que la vingt-neuvième place mondiale alors qu'elle occupait la quatrième place en 1970.

Ainsi, la proposition de loi relative à la création du registre international français, qui nous est soumise en deuxième lecture aujourd'hui, devait permettre, par une simplification des règles, de rendre plus attrayante l'immatriculation des navires de commerce sous pavillon français. Or, elle se contente finalement de proposer la mise en place d'une sorte de « pavillon de complaisance », en favorisant l'emploi de marins recrutés en dehors de l'Union européenne.

Pourtant, le déclin continu de la marine marchande française est essentiellement lié à l'essor de ces pavillons de complaisance, enregistrés sous des régimes fiscalement favorables et dégagés de toute obligation quant au statut des équipages. À une soumission économique s'ajoute donc une soumission politique.

Les élus Verts ne peuvent que s'élever contre cette volonté du Gouvernement de créer un vrai-faux pavillon de complaisance français.

Cette proposition de loi représente un bel exemple de soumission à la mondialisation néolibérale dans ses aspects les plus violents sur le plan social, environnemental et, bien sûr, humain.

S'agissant des fonctions, seuls le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance devraient être français. Et vous admettez, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sur ce point, vous n'avez pas encore obtenu gain de cause auprès des instances européennes !

La garantie de la présence minimale de navigants de l'Union européenne à bord des navires battant pavillon RIF a été fixée à 35 % si ces derniers bénéficient d'aides fiscales, et à 25 % pour les autres. La présence des navigants sera calculée sur la fiche d'effectif et non sur le nombre de marins réellement embarqués. Or, la fiche d'effectif comprend moins de marins que ceux qui sont réellement embarqués.

Vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous alliez rendre plus réaliste cette liste, mais dans quel sens, étant donné que vous voulez satisfaire les armateurs ? Nous ne le savons pas encore !

Vous allez devoir continuer sur votre lancée, montrer que c'est rentable et aller dans une direction qui n'est pas obligatoirement celle à laquelle vous pensez aujourd'hui. En effet, je ne vois pas pourquoi les armateurs se refuseraient à embaucher des étrangers au moindre coût social ! Il deviendra alors de plus en plus difficile de trouver des marins dans notre pays. Aujourd'hui, le secteur souffre, d'ailleurs, d'une large désaffection.

Par ailleurs, cette proposition de loi consacre l'éclatement du statut collectif du personnel et contrevient au principe de non-discrimination entre travailleurs ressortissant de l'Union européenne, puisque certains marins relèveront des normes françaises alors que d'autres resteront soumis au droit de leur pays d'origine.

De même, il existe un risque important de discrimination à l'égard des marins extracommunautaires, qui seront soumis à des contrats de travail relevant de la loi que chaque partie aura choisie sans que le texte précise quelle sera la convention collective applicable. Ainsi, ces navigants seront soumis au droit de leur pays d'origine ou au droit du pays d'établissement de la société de travail maritime par laquelle ils sont entrés en relation avec l'armateur. Le droit applicable devrait être, me semble-t-il, celui de l'Etat du pavillon auquel est rattaché le navire.

Le texte aligne ainsi la réglementation sociale à bord des navires immatriculés au RIF sur des normes internationales qui sont bien faibles par rapport à notre législation, privant ainsi les marins de protection sociale efficace. La recherche de la compétitivité ne peut en aucun cas légitimer une telle différence de traitement entre les marins à bord d'un même bateau arborant le pavillon français.

En outre, la possibilité qui a été donnée aux armateurs de recourir à des entreprises de travail maritime, dites sociétés de manning, est dangereuse eu égard à la protection sociale des marins. La France légalise ainsi l'embauche des marins par des sociétés de « marchands d'hommes », y compris et surtout les sociétés off shore, dont l'activité n'est pas contrôlable par l'Etat du pavillon. Par ailleurs, le fait que la société soit agréée dans l'Etat où elle est établie ne change rien, puisque aucune condition nécessaire d'agrément n'a été prévue par le texte. Ce dumping social, même s'il est pratiqué par certains Etats membres de l'Union européenne, me paraît tout à fait scandaleux ! Les marins méritent d'être efficacement protégés contre ce type de pratique.

Faute d'inventer des instruments de régulation tendant à atténuer les effets de la mondialisation, on tire vers le bas la rémunération des salariés !

Un intervenant ayant, lors de la discussion générale, fait référence à M. Claude Allègre, je me permettrai quant à moi d'évoquer les propos de M. Couaneau, député UMP, qui estime que la flotte française ne doit pas, pour des raisons purement financières, sacrifier son atout majeur, à savoir la qualité de son encadrement et de ses équipages.

Je pense qu'il est important de promouvoir l'emploi à statut garanti, d'assurer la qualité à bord des navires battant pavillon français, de renforcer l'attractivité de ce pavillon et d'améliorer la sécurité et la cohérence du régime juridique applicable aux navigants.

Il n'est pas possible d'approuver cette proposition de loi, qui détourne le code du travail et porte atteinte à la dignité des marins en voulant se passer de leurs compétences. Ils l'ont d'ailleurs manifesté encore aujourd'hui.

Je vous propose donc de supprimer l'article 1er de la proposition de loi relative à la création du registre international français qui, contre toute logique de sécurité maritime, prévoit la baisse des coûts grâce à l'emploi de personnels à très faible statut, donc exploités et sous-payés.

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