Les articles qui concernent l'accompagnement des élèves en difficulté soulèvent de multiples problèmes tant l'objectif affiché, promouvoir l'égalité des chances, est titanesque par rapport aux mesures proposées, qui se signalent, elles, par leur petitesse et leur ambiguïté.
Madame, messieurs les ministres, pensez-vous sérieusement que la mise en oeuvre de dispositifs de réussite éducative permettra, à elle seule, d'atteindre l'objectif fixé, même s'ils sont accompagnés de plateformes de réussite éducative ? Pensez-vous que la mise en place d'internats disciplinaires soit la réponse miraculeuse aux problèmes de l'échec scolaire ?
L'école de la réussite pour tous doit s'inscrire dans un projet global de société ; elle ne peut se construire au travers des mesures « incrémentielles » que vous proposez.
A ce propos, M. Fillon doit nous présenter très prochainement un projet de loi visant le même objectif, texte qui, j'ose l'espérer, comportera plus de trois articles ! Dès lors, pourquoi ne pas avoir attendu la discussion de ce texte pour ouvrir franchement et clairement ce grand débat de société, en concertation avec les partenaires de l'éducation nationale, concertation dont vous vous êtes d'ailleurs dispensés ! Mais avez-vous seulement consulté votre collègue François Fillon ?
En tout état de cause, le ministère de l'éducation nationale doit conserver la maîtrise des questions relatives au service public de l'éducation, sous peine, comme nous le constatons aujourd'hui, de perdre toute cohérence.
Ainsi, en anticipant sur la réforme, vous réduisez à néant une année de discussions qui devaient servir de socle à la future loi d'orientation !
Pour en revenir au présent texte, la rapidité avec laquelle vous traitez de l'école se retrouve dans la terminologie utilisée. Les termes « égalité des chances», si chers à Rousseau, ont été galvaudés jusqu'à être réduits à un simple effet d'annonce d'orientation libérale.
En effet, dans votre conception l'« égalité des chances » ne correspond ni à l'égalité des résultats ni à l'égalité des conditions d'accès. Il s'agit d'une simple égalité d'inscription à l'école dès le plus jeune âge, qui, au demeurant, ne tient aucun compte des aléas de parcours induits par la disparité des conditions économiques, culturelles et sociales des individus et des catégories vulnérables de personnes. Aussi son usage systématique produit-il un effet insidieux, l'« égalité des chances » initiale permettant, aux yeux de certains, de justifier l'inégalité des résultats.
Ce leitmotiv de la pensée libérale est très réducteur. Selon nous, le socle d'une éducation démocratique n'est autre que l'égalité en dignité et en droits pour tous, c'est-à-dire l'égalité d'accès à l'enseignement, l'égalité des acquis de la culture commune, que nous voulons de haut niveau, ainsi que l'égalité de traitement dans la relation éducative, le dispositif pédagogique, l'évaluation et les lieux d'enseignement. Ces objectifs ne relèvent pas de l'utopie : ils peuvent être atteints si l'Etat joue son rôle démocratique de régulateur des injustices naturelles, sociales et économiques.
Or, au regard tant des propositions de la commission Thélot que des annonces faites par M. Fillon - que notre commission des affaires culturelles a auditionné hier -, ce n'est pas dans cette voie que les réformes paraissent s'engager, au contraire ! Il s'agira de développer une école, y compris aux niveaux supérieurs, au service de l'économie, une école utilitaire chargée de former de futurs employés et non plus des citoyens, avec, pour les uns, un cursus complet et, pour les autres, le minimum préparant aux emplois ne requérant qu'une qualification « fondée sur le savoir-être et la relation à autrui ». Il s'agira aussi d'un vaste plan d'harmonisation européen, dont les grands axes ont été décidés aux sommets de Lisbonne, en 2000, et de Barcelone, en 2004.
Il est loin le temps où Condorcet et les encyclopédistes rêvaient d'un peuple éclairé pour lui-même, d'hommes libres, conscients de leurs choix, capables de dire non à ceux qui veulent les asservir et sachant pourquoi ils disent non !
Les parlementaires communistes, pour leur part, feront des propositions, comme ils l'ont toujours fait, en réplique au dogme libéral, pour construire l'école de la réussite pour tous.
En fait, cette partie du texte apparaît comme bâclée, comme un ajout de dernière minute, sans consistance ni véritable réflexion.
En cela, madame, messieurs les ministres, votre texte, malgré les ambitions qu'il affiche, n'est en aucun cas un projet de société pour l'école de la réussite pour tous les élèves !