Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 4 novembre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Article 54

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

«Tant l'analyse du plan de cohésion sociale que celle de l'avant-projet de loi ne répondent pas à l'exigence et à l'ampleur des enjeux évoqués dans l'exposé des motifs relatif au titre III de l'avant-projet de loi. Ce décalage manifeste entre les intentions et les propositions fait ressortir les lacunes et les imperfections des documents et génère des incompréhensions et des inquiétudes quant aux décisions finales qui seront adoptées. Ce sentiment se trouve renforcé par les difficultés rencontrées par les associations concernées, notamment du fait de l'insuffisance, voire du blocage, des subventions qui leur sont attribuées ».

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, ces quelques lignes sont extraites de l'avis du Conseil économique et social sur l'avant-projet de loi pour la cohésion sociale. Elles valent tout particulièrement pour le chapitre relatif à l'accompagnement des élèves en difficulté.

Ajoutons au passage que point n'est besoin de rendre un « grand hommage aux associations » en présentant ce projet de loi à la Haute Assemblée, car ce dont les associations ont le plus besoin, c'est des subventions qui leur sont indispensables pour continuer à exister. Il n'est que temps que le Gouvernement en prenne conscience !

Je tiens à dire mon étonnement devant le silence de la commission des affaires culturelles sur ce chapitre consacré à l'accompagnement des élèves en difficulté. Je suis tenté d'y voir une confirmation de la pauvreté et du manque d'ambition dudit chapitre.

Parmi ses lacunes, je mentionnerai : l'absence de lutte contre les ghettos scolaires ; l'absence de dimension parentale dans l'accompagnement des élèves en difficulté ; l'absence de disposition sur la continuité pédagogique et éducative entre l'école et le collège, sur l'accompagnement au travail, sur le suivi individualisé, sur le tutorat, sur la différentiation pédagogique ; aucun article sur les ZEP et les REP, les réseaux d'éducation prioritaire, alors même que la rénovation de l'éducation prioritaire figurait dans le programme 16 du plan de cohésion sociale, et c'est vraiment dommage, car le moratoire sur les suppressions de postes en ZEP était une bonne idée, surtout au regard du projet de budget pour 2005 et des suppressions de postes qui y sont prévues ; rien sur l'accès à la culture et aux vacances comme facteur d'égalité des chances ; aucune place faite aux mouvements pédagogiques et d'éducation populaires, pourtant porteurs sur le terrain de projets innovants de lutte contre l'exclusion.

Lors de la discussion générale, M. Borloo nous a dit qu'il faisait confiance au terrain. Or les expériences menées et les dispositifs déjà en place sont totalement ignorés. Il en est ainsi des contrats éducatifs locaux, les CEL, nés du partenariat des collectivités locales, du système scolaire et des associations, et qui sont pourtant au nombre de 2 171, répartis entre 6 556 communes, y compris les DOM-TOM. Ces CEL concernent 20 % des établissements scolaires français, soit 1 800 000 élèves.

Pour la majorité des CEL, les actions mises en place, qu'elles soient sportives, scientifiques, artistiques ou culturelles, le sont en lien direct avec le projet d'école ou d'établissement. Les deux objectifs majeurs qui leur sont assignés consistent, d'abord, à développer l'accès aux activités pour le plus grand nombre, en particulier les plus démunis et, ensuite, à améliorer la réussite scolaire.

Dès lors, qu'en est-il de l'articulation entre vos dispositifs de réussite éducative et les contrats éducatifs locaux qui relèvent à la fois du champ de l'égalité des chances et de l'accompagnement des élèves en difficulté ?

J'aurais également pu évoquer l'articulation avec les établissements régionaux d'enseignement adapté, les EREA, qui accueillent des élèves en rupture sociale, ou avec les écoles de la seconde chance, qui contribuent à sauver nos jeunes déscolarisés depuis trop longtemps et qui me paraissent bien plus pertinents qu'un internat de réussite scolaire s'adressant exclusivement aux élèves en décrochage, hors de toute mixité sociale.

Quid encore de l'articulation avec les réseaux d'aides spécialisées aux enfants en difficulté, les RASED, avec les plans régionaux de lutte contre l'illettrisme ou encore avec les missions locales d'insertion et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, les PAIO ?

M. Borloo nous a indiqué que ce plan avait été imaginé assez rapidement. Sans doute trop rapidement, au vu de l'illisibilité des dispositifs de réussite scolaire et de l'ignorance dans laquelle se trouvent les acteurs concernés quant à leur pilotage, leurs objectifs et leur évaluation. J'en veux pour preuve l'amendement de la commission des affaires sociales dont l'objet est de définir les objectifs mêmes de ces dispositifs.

N'aurait-il pas mieux valu s'appuyer sur les dispositifs existants pour les renforcer, les optimiser, afin de rendre effective la politique de réussite scolaire, avant que de créer une nébuleuse, d'ajouter une strate supplémentaire, sans souci de cohérence avec l'existant, comme si, avant le plan Borloo, il n'y avait eu que le néant ?

Pour ma part, je crains que le soufflé ne retombe très vite et que la déception de nos concitoyens qui attendaient beaucoup de ce plan de cohésion sociale pour leur vie quotidienne n'en soit que plus grande. Nous-mêmes aurions aimé croire aux annonces de M. Borloo, mais nous ne connaissons que trop la politique du gouvernement de M. Raffarin et savons bien ce que masquent les effets d'annonce.

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