Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 28 juin 2010 à 14h30
Contribution économique territoriale — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Autant dire qu’aucune réunion de la commission des finances n’était prévue hier ! Mais même si tel avait été le cas, nous n’aurions pas eu le temps nécessaire de les analyser ! En nous faisant parvenir ces simulations à la dernière minute, le Gouvernement n’a pas voulu se mettre en faute.

Mais j’en reviens aux simulations réelles, qui sont indispensables pour évaluer l’efficacité des dispositifs de péréquation potentiels.

Vous connaissez, chers collègues de la majorité, l’attachement du groupe socialiste à vouloir traiter globalement la fiscalité locale, notamment en introduisant les revenus dans l’assiette de la taxe d’habitation. Vous ne pourrez pas nous reprocher, comme l’a fait notamment trop souvent le président du groupe UMP, de ne pas faire de propositions. Sur quelles bases pourrions-nous les formuler ? Précisément, nous ne connaissons pas l’effet base, le Gouvernement s’étant aussi engagé à une révision des bases.

Le 22 juin dernier, devant la commission des finances, vous nous avez d’ailleurs confirmé, madame la ministre, votre volonté de développer l’idée avancée par M. Woerth, alors ministre du budget, de procéder à une révision des bases échelonnée dans le temps, c'est-à-dire, au fil de l’eau, comme l’on dit, en commençant par celles des entreprises.

Le groupe socialiste a, pour sa part, toujours été contre cette méthode, car il craint une nouvelle injustice au détriment des ménages : la fiscalité locale, loin d’être simplifiée, sera plus complexe encore si l’on saucissonne la révision des bases.

Sur le fond, cette proposition de résolution se réfugie une fois encore dans l’incantation en réaffirmant « son attachement à ce que la “territorialisation” de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises ait pour corollaire une péréquation renforcée ». L’auteur de cet alinéa parle d’or !

Si la territorialisation est actée pour le bloc communal, elle ne l’est que très partiellement – à hauteur de 22 %, si je me souviens bien ! – pour les départements et les régions.

La mutualisation et l’ampleur de ce phénomène posent un problème à très court terme. Comment apprécier l’efficacité de tel ou tel dispositif ? Ainsi, par exemple, quels sont les effets comparés d’une mutualisation des ressources ou d’un prélèvement ? En fonction des simulations, la position peut être différente. Or nous ne les connaissons pas !

Tous les dispositifs de péréquation ne pourront pas entrer en vigueur en 2011 ; j’en veux pour preuve la réponse qu’a apportée à la question de notre collègue Rachel Mazuir le Gouvernement en annonçant que le fonds de péréquation des droits d’enregistrement départementaux ne serait actionné qu’en 2012. Il n’y aura donc pas de péréquation pour 2011, et tout est à l’avenant !

Le Premier ministre a reçu les représentants des départements, qui sont confrontés à des difficultés financières et dont l’inquiétude ne cesse de grandir – à ce propos, j’entendais ce matin notre collègue député et président du conseil général de Seine-Saint-Denis ; avec l’âpreté qu’on lui connaît, il mène sur le terrain une bataille légitime, à laquelle je veux faire écho. Le Premier ministre a donc annoncé aux représentants des départements qu’un projet de loi serait déposé, avant la fin de l’année, sur le cinquième risque, ce qui nous laisse tout de même sceptiques quant à l’échéance de 2011. Pour résoudre les difficultés financières des départements, il est prévu de mettre en place un système contractuel, aux termes duquel les départements en difficulté recevraient des avances remboursables.

Ainsi, le Gouvernement entend régler un problème structurel, qui n’est pas de la responsabilité des départements, lesquels ne sont responsables ni de l’évolution de la démographie ni du marché de l’emploi, par une solution purement conjoncturelle, qui ne permettra pas d’encadrer la hausse inexorable des dépenses sociales.

Pour terminer, il faut souligner que la sous-évaluation, en loi de finances initiale, du coût de la compensation aux collectivités locales de la perte de la taxe professionnelle, mise en lumière par le Comité des finances locales dans son avis rendu le 1er juin dernier sur le rapport Durieux, vous a conduite, madame la ministre, à justifier l’écart de chiffrage constaté dans un courrier joint au rapport et adressé le 17 juin à la commission des finances.

En effet, l’estimation initiale, actée en loi de finances, de 800 millions d’euros a été révisée à la hausse, puisque la dotation de compensation atteint désormais 2, 5 milliards d’euros.

Certes, vous vous êtes justifiée, madame la ministre, sur cette évolution. Mais faute avouée n’est pas pour autant pardonnable, car le Parlement ne connaît que trop la mauvaise habitude du ministère de l’économie et des finances de sous-évaluer une charge quand cela l’arrange ou de surévaluer la charge quand une mesure le dérange.

Dans le cas présent, votre intention politique était limpide : il fallait calmer les craintes des élus. Après avoir écouté ceux de la majorité comme ceux de l’opposition, je doute, madame la ministre, que vous ayez atteint votre but.

Nous reprendrons ce débat la semaine prochaine, lors du débat sur les orientations des finances publiques, lequel, pour la première fois, sera sanctionné par un vote. Nous le poursuivrons à l’automne, bien évidemment, lors de la discussion du projet de loi de finances, lequel devrait se caler, comme l’a justement rappelé notre collègue Nicolas About, sur le programme de stabilité transmis à Bruxelles.

Vous avez annoncé, madame la ministre, que vous opéreriez une révision de l’hypothèse de croissance retenue de 2, 5 % pour 2011, qui est actuellement très surévaluée. Nous attendons vos propositions à cet égard.

La proposition de résolution dont nous débattons aujourd’hui se contente de reprendre les termes des clauses de revoyure, sans même rappeler au Gouvernement le non-respect de sa promesse. Il s’agit d’une nouvelle manœuvre, destinée, comme la première, à nous tromper. Nous ne la cautionnerons pas.

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