Intervention de Yvon Collin

Réunion du 28 juin 2010 à 14h30
Contribution économique territoriale — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi de finances pour 2010 a donné naissance, dans les conditions déplorables que nous connaissons, à la contribution économique territoriale, censée remplacer la taxe professionnelle.

Cette nouvelle contribution devait, selon les dires de ses promoteurs, maintenir un lien étroit entre les collectivités et les entreprises, sans porter atteinte à la compétitivité ni à l’activité de ces dernières.

Issue des engagements du Président de la République, sur la base de promesses faites au MEDEF, cette réforme suscita un tel enthousiasme qu’elle engendra même la réticence de la majorité du Sénat et de la commission des finances ! Nous redoutions alors que ne se mettent en place toutes les conditions d’un appauvrissement des collectivités et d’une perte de leur autonomie fiscale, en violation de toutes les lois de décentralisation appliquées depuis 1982. Les faits, madame la ministre, continuent de nous donner raison.

On nous avait promis que la suppression de la taxe professionnelle ne porterait en aucun cas atteinte à la capacité financière des collectivités d’assurer leurs prérogatives. On nous avait également promis que l’État se porterait garant en cas de déficience budgétaire locale, et ce en dépit des déficits budgétaires de l’État lui-même. On nous avait enfin promis que la réforme allait entraîner une diminution des délocalisations et une hausse de l’activité des entreprises sur l’ensemble de nos territoires. En vain ! Que de promesses non tenues !

Toutefois, la clause de revoyure adoptée sur l’initiative de notre rapporteur général, et plus largement du Sénat, devait permettre de dresser un premier bilan, et présenter les financements de substitution qu’attendent toujours les collectivités.

Conformément à l’article 76 de la loi de finances pour 2010, le Gouvernement devait transmettre au Parlement, avant le 1er juin dernier, un rapport comportant des simulations détaillées des recettes de chaque catégorie de collectivités, une estimation de leur variation à court, moyen et long termes, ainsi que de l’évolution des prélèvements locaux sur les entreprises et les ménages. Ce document était attendu par tous les élus locaux avec une impatience doublée d’une angoisse légitime. L’avenir de l’autonomie financière des collectivités est bel et bien en jeu !

Or nous sommes le 28 juin et nous attendons toujours ! Comme l’a dit mon excellent collègue Jacques Mézard au cours de la dernière séance de questions d’actualité, le récent rapport Durieux, officiellement remis par le Gouvernement aux deux assemblées, mais qui ne contient pas les simulations promises, pourtant essentielles, ne saurait prétendre se substituer à un tel rapport.

Il est d’ailleurs très significatif, mes chers collègues, que les auteurs de la présente proposition de résolution relèvent eux-mêmes l’insuffisance et les lacunes du rapport Durieux, puisqu’ils appellent de leurs vœux la remise de simulations, précisions et adaptations non seulement complémentaires, mais aussi actualisées et détaillées, en vue de procéder à leur adoption avant la fin de l’année ! N’est-ce pas reconnaître par la litote que le rapport Durieux n’est qu’un écran de fumée destiné à aveugler le Parlement. Les sénateurs du RDSE ne sont pas dupes.

Surtout, notre débat est symptomatique des conditions déplorables dans lesquelles s’est opérée la suppression de la taxe professionnelle. Le plaidoyer pro domo des auteurs du texte ne nous trompe pas : il y a véritablement urgence à sauvegarder l’équilibre bien fragile des finances locales.

Les perspectives financières sont ainsi particulièrement inquiétantes. Le montant de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle est d’ores et déjà beaucoup plus important que prévu. Le rapport Durieux, pourtant mal calibré, l’estime déjà à plus de 2, 5 milliards d’euros, soit près de 2 milliards de plus que les évaluations du Parlement de décembre dernier, lorsque nous avions mis en garde le Gouvernement contre les effets de la récession économique sur la future cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Tout aussi inquiétants sont les contours des mécanismes de péréquation, pourtant prévus par la loi de finances pour 2010. Nous percevons depuis maintenant plusieurs semaines les vives inquiétudes des élus locaux concernant leurs prochains exercices budgétaires. À cette heure, les dispositifs de péréquation régionale et départementale, ainsi que le cadre de la péréquation entre les communes et les intercommunalités ne sont toujours pas opérationnels. Quand le seront-ils ? Quel sort sera réservé aux ressources prévues, notamment celles des Fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle ?

Madame la ministre, nous percevons aujourd’hui les conséquences funestes d’une réforme mal préparée, mal calibrée et mal mise en œuvre. Nos collectivités se retrouvent étouffées : ne pouvant agir rapidement sur les frais de fonctionnement, elles sont contraintes de geler un nombre conséquent d’investissements indispensables au bon fonctionnement des services publics locaux et, au-delà, de notre économie. Ainsi, ce qui aura été gagné d’un côté par la suppression de la taxe professionnelle, les entreprises le perdront de l’autre par la baisse des investissements et des commandes publics locaux. Quelle belle victoire à la Pyrrhus, surtout lorsque l’on sait que 72 % de l’investissement public provient des collectivités !

Madame la ministre, vous n’ignorez sans doute pas que notre Haute Assemblée examine, dès ce soir, en deuxième lecture, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. À l’incertitude financière s’ajoute donc aussi l’incertitude institutionnelle, puisque nul ne connaît aujourd’hui le traitement qui sera réservé aux collectivités. Quid des financements croisés ? Quid des possibilités de subventions aux plus petites communes ? Quid de l’autonomie fiscale des départements face aux métropoles ?

Comment, madame la ministre, envisagez-vous de faire évoluer le FNGIR, le Fonds national de garantie individuelle des ressources ? Considérez-vous que ce fonds doive être gelé plusieurs années, en attendant les simulations concernant le bloc communal, ce qui aggraverait, de notre point de vue, la perte d’autonomie des collectivités locales ?

Au demeurant, comment continuer de parler d’autonomie financière des collectivités, alors que les départements ne sont autonomes que pour 12 % de leurs ressources globales, et les régions pour moins de 10 % ? Que vous ont donc fait les collectivités, madame la ministre, pour mériter un tel traitement ?

Dans ces conditions et pour toutes ces raisons, les radicaux de gauche et la grande majorité des membres du RDSE voteront contre cette proposition de résolution.

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