Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 28 juin 2010 à 14h30
Contribution économique territoriale — Adoption d'une proposition de résolution

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de résolution, présentée par M. Philippe Marini, m’offre une double opportunité : d’une part, revenir sur la méthodologie que nous avons adoptée pour élaborer ensemble le projet de réforme de la taxe professionnelle ; d’autre part, vous rappeler certaines des garanties qui en sont consubstantielles et répondre aux interrogations que soulèvent les rendez-vous, nécessaires, qui sont susceptibles de déboucher sur d’éventuelles modifications législatives.

J’évoquerai en premier lieu la méthode que nous avons suivie pour élaborer la réforme de la taxe professionnelle, qui est d’une ampleur sans précédent pour nos collectivités territoriales.

Tout d’abord, cette réforme modifie la fiscalité applicable aux entreprises pour leurs investissements en équipements et biens mobiliers. Elle s’inscrit dans la suite d’une précédente réforme dont notre majorité ne porte pas la responsabilité, mais qui impliquait ipso facto d’être modifiée plus avant.

Ensuite, cette réforme vise à garantir et, comme l’indique le rapport Durieux, à assurer la dynamique du financement des collectivités territoriales.

Le projet de réforme a donné lieu à une concertation que nous avons souhaitée la plus large possible. Comme peuvent l’attester ceux qui ont pris part à cette concertation, de multiples réunions techniques ont précédé la rédaction du projet soumis à votre examen lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010.

Enfin, nous avons fixé plusieurs rendez-vous pour examiner les conséquences de la réforme. Cette démarche est certes inhabituelle, mais j’espère qu’elle fera jurisprudence, tant il est important de pouvoir examiner l’effet réel des lois qui sont votées.

La préparation, puis la discussion d’un texte sont sans nul doute des étapes importantes, auxquelles nous consacrons beaucoup de jours et de nombreuses nuits. Une fois le vote acquis, il reste, et c’est important, à vérifier les conditions d’application de la loi, à mesurer ses effets et à en assurer la pérennité.

Dans cette optique, j’ai confié à une mission conjointe de l’Inspection générale des finances, l’IGF, et de l’Inspection générale de l’administration, l’IGA, le soin d’évaluer les effets du texte, et de le faire sur la base des meilleures indications et des chiffres les plus pertinents.

Certains d’entre vous se sont interrogés, en les contestant, sur les hypothèses qui ont été retenues par l’équipe Durieux, si je puis m’exprimer ainsi, c’est-à-dire par la mission conjointe de l’IGF et de l’IGA, qui a travaillé de janvier 2010 à la mi-mai 2010, et dont le rapport m’a été remis le 25 mai.

Soyons clairs, les simulations qui ont été effectuées par l’équipe de Bruno Durieux se fondent sur les hypothèses que nous avons retenues dans le programme de stabilité qui a été soumis à Bruxelles et à nos partenaires européens. Ces hypothèses, qui tiennent compte de la révision à laquelle il a été procédée par la loi de finances rectificative de février dernier, retiennent un taux de croissance de 1, 4 % pour 2010 et un taux prévisionnel de croissance de 2, 5 % sur les années 2011 et 2012.

Nous avons toutes les raisons de penser que nous tiendrons l’objectif de 1, 4 % de croissance pour 2010. C’est du moins ce que laissent penser les chiffres les plus récents dont nous disposons en matière de rentrées d’impôt sur les sociétés et de créations d’emplois pour le premier trimestre 2010. Nous avons à ce jour un acquis de croissance de 0, 8 % qui devrait, me semble-t-il, être conforté par les chiffres du deuxième trimestre, qui seront connus à la mi-août.

Ces prévisions correspondent à celles du Fonds monétaire international et de la Commission européenne, bien que cette dernière nous place à 1, 3 %, contre 1, 4 % selon nos propres évaluations.

J’en viens à la prévision de croissance pour 2011 et 2012, que j’ai moi-même qualifiée d’« ambitieuse et peut-être un peu audacieuse », mais je revendique et l’ambition et l’audace !

Comme le savent ceux d’entre vous qui ont exercé les fonctions que j’occupe aujourd’hui, après une grande crise – et dieu sait combien la crise de 2009 fut brutale, entraînant pour notre économie une croissance négative de 2, 5 % ! – il est classique que la reprise soit beaucoup plus forte que celle qui était escomptée. Ainsi, en 1993, année de croissance négative à 0, 9 %, la prévision pour 1994 avait été de 1, 3 %, pour une croissance réelle de 2, 2 %.

C’est sur la foi de cette observation et à la lumière des projections de croissance mondiale qui sont publiées sous l’autorité du Fonds monétaire international et de la Commission européenne que nous avons élaboré cette hypothèse de croissance ambitieuse, un peu audacieuse.

Si je revendique l’ambition et l’audace de cette prévision de croissance, c’est aussi parce que nous avons engagé, depuis trois ans, des réformes de consolidation, de réorganisation de nos politiques, notamment avec la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Je prendrai le seul exemple du rapprochement, dans un souci d’efficacité, de l’ANPE et des ASSEDIC au sein de Pôle emploi. Lorsque l’on engage des réformes, c’est parce que l’on en espère des retombées positives…

Les cycles économiques classiques – récession et forte croissance –, les prévisions d’évolution du commerce international et de la croissance du PIB mondial, et ma confiance dans les résultats des réformes que nous avons engagées me conduisent à maintenir mon hypothèse « ambitieuse et peut-être un peu audacieuse » d’une croissance à 2, 5 % pour 2011. Si nous devions la réviser – je n’ai pas dit que nous la réviserons –, nous le ferions à l’automne, à l’aube de la discussion du projet de loi de finances.

Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les hypothèses de croissance pour les années 2010 et 2011.

J’en viens au dépôt du rapport du Gouvernement, initialement prévu pour le 1er juin. Plusieurs d’entre vous ont évoqué le non-respect de cet engagement.

Comme je l’ai indiqué lors de mon audition devant la commission des finances élargie, le 22 juin, je plaide coupable sur le retard de dix jours avec lequel vous avez reçu ce rapport !

Permettez-moi un bref rappel. Le rapport Durieux, qui m’a été remis le 25 mai, a été transmis aux présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, le 28 mai. J’attire votre attention sur le fait qu’il ne s’agissait encore que du rapport Durieux, et non pas du rapport du Gouvernement.

Comme l’a rappelé M. Guené, le 1er juin, l’ensemble des documents était disponible sur site. Le 1er juin est aussi la date à laquelle le Comité des finances locales s’est réuni, sous la présidence de Gilles Carrez, mais son avis, partiel d’ailleurs, ne m’est parvenu que le 10 juin. J’ai alors transmis sans délai aux présidents des commissions des finances des deux assemblées ce qui était désormais le rapport du Gouvernement, et qui était accompagné du procès-verbal de l’avis partiel du Comité des finances locales. J’ajoute que M. Carrez souhaite réunir une nouvelle fois le Comité des finances locales le 6 juillet, afin d’approfondir l’examen du document.

J’ai donc transmis le rapport du Gouvernement aux assemblées le 10 juin. Je l’ai complété, le 18 juin, d’un CD rom et d’une version papier – volumineuse et consistante, je le reconnais – de l’intégralité des simulations annexées au rapport Durieux.

Le 25 juin, j’ai transmis à la commission des finances un ampliatif destiné à répondre de manière très ciblée aux questions précises que M. Jean Arthuis m’avait posées lors de mon audition du 22 juin. Et, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous avoue qu’avant de préparer mon sac pour Toronto j’ai attendu que l’ensemble du document soit prêt et que le motard quitte Bercy à quinze heures, car je tenais à m’assurer que la Haute Assemblée puisse disposer du rapport complet avant la fin de la semaine.

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