Intervention de Jean-Michel Baylet

Réunion du 28 juin 2010 à 21h45
Réforme des collectivités territoriales — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Jean-Michel BayletJean-Michel Baylet :

… et cela pour deux raisons principales.

La première, fondamentale, est que, dans vos cabinets et dans vos directions ministérielles, on n’aime pas la décentralisation et son corollaire de liberté.

Tel est le paradoxe de notre pays : dans ce vieil État que l’on dit « jacobin », mais que l’on pourrait tout aussi bien qualifier de capétien, de colbertiste, de napoléonien, de gaulliste ou même d’énarchique, le double soin d’approfondir la décentralisation et de conduire la construction européenne est confié systématiquement au cœur même de l’appareil d’État, à ces hauts fonctionnaires qu’un tel double mouvement devrait déposséder de leur pouvoir anonyme et irresponsable, à ce « pouvoir des bureaux » si justement critiqué par Alain.

Dans votre logique, la décentralisation est octroyée, comme aurait dit Louis XVIII, consentie, au mieux accordée ; elle n’est jamais conduite vigoureusement et en suivant l’opinion des élus que nos concitoyens ont désignés pour vous exprimer leur sentiment et leur ressentiment !

Le deuxième vice essentiel inhérent à votre projet tient à ce que vous ne visez pas une meilleure administration locale : vous cherchez un bouc émissaire pour endosser votre incapacité à assurer les responsabilités de l’État. Pour ce qui concerne ce projet de loi, votre faiblesse apparaît à plusieurs niveaux.

Tout d’abord, vous êtes en guerre contre l’institution cantonale. Celle-ci était et demeure, en milieu rural comme dans les villes petites et moyennes, un cercle de solidarité vécue concrètement par les Français. Le canton était l’étage le plus bas de l’action déconcentrée de l’État, avec sa poste, sa subdivision des travaux publics, sa perception, son collège, ses transports ferroviaires ou routiers, bref tous ces services publics locaux que vous avez condamnés ou transférés à nos collectivités par dogmatisme libéral et productiviste, alors que c’est leur disparition qui ruine notre pays.

Ensuite, vous vous en prenez au fameux « millefeuille administratif » pour dissimuler votre incapacité à maîtriser les comptes de l’État, en imputant à nos collectivités et à leurs groupements des dépenses inconsidérées en période de crise.

C’est le contraire qui est vrai : un État-cigale fort dépourvu réforme, de façon démagogique et sans étudier les conséquences de ses décisions, la taxe professionnelle, taille à la hache dans la taxe foncière et le FCTVA, dont je vous rappelle, messieurs les ministres, qu’il n’est que l’insuffisante contrepartie de la suppression de la taxe locale réalisée lors de la création de la TVA.

Dans le même temps, des collectivités territoriales-fourmis, aux compétences sans cesse élargies – de fait, et non par la loi, en raison de l’incurie de l’État –, tentent de faire face à vos défaillances grâce aux rares interstices de liberté que votre philosophie centralisatrice leur laisse et parviennent, grâce à leur rigueur, mais aussi aux contributions de nos concitoyens, à demeurer le principal moteur financier de l’investissement dans ce pays !

Mais l’essentiel, qui touche, là encore, à la philosophie du pouvoir, réside dans cette erreur fondamentale : vous êtes persuadés que l’État et sa haute fonction publique sont les seuls à représenter l’intérêt général, à porter le bien commun.

Demandez à nos concitoyens ! Ils vous parlent d’associations, de fondations et avant tout de leurs collectivités de base, comme ils l’ont fait lors de votre fameux débat, avorté avant d’avoir été pensé, sur l’identité nationale.

Lors de l’adoption des lois Defferre de 1982 et 1983, la mode parisienne était de citer en exemple le cas de la Belgique et les réformes réalisées dans ce pays en 1974, qui avaient divisé par neuf le nombre des communes. Nous avons vu depuis lors ce qu’il en était du caractère exemplaire des institutions belges...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion