La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est reprise.
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 527, texte de la commission n° 560, rapports n° 559, 573, 574 et 552).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après un premier examen dans chacune des deux assemblées, au Sénat puis à l’Assemblée nationale, nous débutons donc ce soir, à cette heure quelque peu tardive pour un débat aussi important, la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Cette réforme, vous en connaissez l’ambition et les principes. Je n’y reviendrai donc pas en détail.
Après nombre d’études, de rapports et de débats consacrés ces dernières années à la nécessité de réformer notre organisation administrative territoriale, devenue à l’évidence trop complexe, le Président de la République et le Gouvernement ont souhaité soumettre au Parlement une réforme ambitieuse des collectivités.
Comme vous le savez, nous proposons que, demain, notre organisation territoriale s’articule autour de deux pôles complémentaires : un pôle départements-région et un pôle communes-intercommunalité. Plutôt que de me lancer ce soir dans une analyse détaillée de chacun des dispositifs prévus par le texte, je m’attacherai à mentionner les nombreux points de convergence qui se dessinent entre le Sénat et l’Assemblée nationale au terme des deux premières lectures.
Je crois utile de distinguer les dispositions institutionnelles du projet de loi et les dispositions électorales.
Sur le volet institutionnel, tout d’abord, j’observe que le texte voté à l’Assemblée nationale et qui a été amendé par votre commission des lois est, pour l’essentiel, conforme à ce que vous avez voté en première lecture.
Les communes sont donc confortées dans leur rôle de cellule de base de la démocratie locale et de notre organisation territoriale. Il s’agissait, je le sais, de l’une des préoccupations majeures de la Haute Assemblée dans son rôle constitutionnel de représentant des collectivités territoriales. Cet objectif est à mon sens pleinement atteint dans le texte soumis à votre examen.
C’est vrai en ce qui concerne le dispositif des communes nouvelles.
Force est de constater que le point de vue du Sénat exprimé en première lecture a prévalu. L’Assemblée est même allée plus loin en prévoyant systématiquement l’unanimité des conseils municipaux, tant au stade de l’initiative qu’à celui de la décision de créer une commune nouvelle, et ce sans recours à des consultations populaires. L’incitation financière, qui était mal comprise, a également été supprimée.
Autrement dit, les communes n’ont absolument rien à craindre d’un dispositif reposant sur l’unanimité des conseils municipaux. Il n’y a – et il n’y a jamais eu – aucune volonté de fusion autoritaire de communes.
Cela n’a jamais été proposé ni même envisagé. Ce dispositif a été conçu comme un outil au service des communes qui souhaiteront s’en saisir.
C’est vrai également en ce qui concerne les métropoles.
Là aussi, je constate que le texte actuel est extrêmement proche de celui qui a été voté en première lecture par le Sénat.
Le seuil de création est fixé à 450 000 habitants. Conséquence importante, le statut européen de Strasbourg s’en trouve conforté.
Sur le volet budgétaire et financier, votre commission des lois a souhaité revenir à l’exigence d’unanimité pour l’instauration d’une « DGF territoriale » ou l’unification fiscale, alors que l’Assemblée avait prévu cette DGF territoriale à la majorité qualifiée et le transfert automatique de la taxe foncière sur les propriétés bâties des communes à la métropole. Le texte de la commission des lois est donc, me semble-t-il, de nature à rassurer tout le monde sur le respect des ressources des communes au sein de la métropole.
Au total, il permet de respecter les compétences et les ressources des communes au sein de la métropole, tout en instaurant un mécanisme institutionnel obligeant cette dernière, ainsi que le département et la région à déterminer, ensemble, les compétences qu’il convient de transférer à la métropole en plus du socle minimal prévu.
Sur l’intercommunalité, l'économie du texte telle qu’elle a été votée par les deux assemblées est extrêmement proche.
Le fait que la commission des lois n’ait quasiment pas retouché le texte voté par l’Assemblée nationale témoigne du fait que nous avons atteint un bon point d’équilibre.
L’Assemblée nationale, comme le Sénat en première lecture, a voté à une très forte majorité le principe de l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires siégeant au sein des intercommunalités. C’est une avancée très importante pour la démocratie locale.
De même, elle n’est pas revenue sur les modalités de répartition des sièges au sein des conseils communautaires arrêtées par le Sénat en première lecture. Par ailleurs, elle n’a touché qu’à la marge l’économie du texte qui instaure un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs entre le préfet et la CDCI, la commission départementale de coopération intercommunale, en liaison, naturellement, avec les conseils municipaux pour mener à bien, dois-je le souligner encore une fois, dans la concertation et au plus près de la réalité des territoires, le chantier d’achèvement et de simplification de la carte intercommunale. Je sais que Mme Escoffier, notamment, y était très attentive.
Le calendrier, qui s’achève le 1er juillet 2013 selon le texte issu de votre commission des lois, n’est donc ni trop rapide, pour permettre la concertation locale indispensable sur le terrain, ni trop lent, pour être bien distinct des campagnes municipales de mars 2014.
Sur ce volet de l’intercommunalité, j’y insiste, les positions du Sénat et de l’Assemblée nationale, très proches, ont permis d’atteindre un bon point d’équilibre.
J’observe également que, sur le fond, les dispositions ayant trait au regroupement et à la modification des limites territoriales de départements et de régions n’ont pas été modifiées par l’Assemblée nationale.
Celle-ci s’est contentée d’apporter quelques corrections de forme, mais n’est pas revenue sur l’équilibre qu’avait dégagé le Sénat en première lecture, à savoir que ces regroupements nécessitent une initiative commune des collectivités intéressées et une consultation populaire dont le résultat doit être positif et apprécié dans chacune de ces collectivités.
Je constate aussi que le Sénat et l’Assemblée nationale ont convergé en ce qui concerne les dispositions du texte qui visent à favoriser la mutualisation des moyens au sein des intercommunalités comme entre collectivités territoriales.
Je me réjouis d’ailleurs que la Haute Assemblée soit particulièrement attentive à cette question, au point que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a consacré tout récemment, le jeudi 17 juin dernier, son premier débat en séance publique à ce sujet, en présence d’Alain Marleix, sur la base du rapport d’information présenté par le président Lambert et MM. Détraigne, Mézard et Sido.
Le texte qui vous est soumis comporte une « boîte à outils » afin d’encourager et de lever les freins à la mutualisation des moyens, au sein des intercommunalités comme entre les départements et les régions, leurs établissements publics et les syndicats mixtes auxquels ils appartiennent. Comme nous y invitait le président Lambert, le Gouvernement a voulu, à juste tire, être audacieux sur ce volet de la réforme, tout en respectant, bien évidemment, le droit européen.
Je formulerai maintenant un certain nombre d’observations sur les compétences et les cofinancements.
L’Assemblée nationale a souhaité transformer les principes contenus à l’article 35 en plusieurs articles juridiques directement opérationnels. Si le Gouvernement a accepté de la suivre dans cette voie, c’est pour donner au texte le maximum d’effet utile.
Il en résulte trois séries de dispositions, qui concilient, j’en suis convaincu, pragmatisme, volonté de simplification et objectif de clarification.
La première série de dispositions se caractérise par l’affirmation par le législateur de quelques principes généraux de bon sens, peu nombreux mais qui fixent un cadre pour notre législation, législation existante et à venir, tout en permettant de faire évoluer la jurisprudence administrative. C’est l’objet de l’article 35 du projet de loi.
Seules les communes conservent la clause de compétence générale. Les départements et les régions n’exercent, quant à eux, que les compétences que leur a conférées le législateur, mais disposent, comme le rapport de la mission présidée par votre collègue Belot l’avait préconisé, d’une capacité d’initiative qui leur permet « par délibération spécialement motivée [de] se saisir de tout objet d’intérêt départemental pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ». Tout part d’un constat simple : si le législateur ne peut prévoir à l’avance toutes les situations, il faut pourtant qu’une réponse publique puisse être apportée à ces collectivités. Celles-ci pourront, comme elles le souhaitaient, apporter à ces situations des réponses nouvelles et engager des projets.
Par ailleurs, une distinction est opérée entre les compétences que le législateur doit s’efforcer d’attribuer à titre exclusif et celles qui demeurent partagées entre plusieurs catégories de collectivités territoriales. Il s’agit donc d’une grille de lecture de notre législation actuelle pour le juge administratif et d’une invitation pour le législateur à préciser systématiquement son intention pour l’avenir. Cette distinction est assortie d’un corollaire de bon sens : lorsqu’une compétence est dévolue par la loi à une catégorie de collectivités territoriales, les autres ne pourront plus intervenir en la matière.
Pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, il est bien précisé que les compétences en matière de sport, de culture et de tourisme demeurent partagées entre les communes, les départements et les régions. Tout est ainsi parfaitement clair.
La deuxième série de dispositions prend appui sur la création du conseiller territorial pour faire jouer à ce nouvel élu un rôle de clarification et de meilleure articulation des interventions des régions et des départements. C’est l’article 35 bis du projet de loi.
Nous sommes là au cœur de l’ambition de la réforme territoriale. Il s’agit de faire confiance à un élu local, le conseiller territorial, porteur d’une double vision, à la fois territoriale et régionale. À cet égard, je sais que des membres éminents du Sénat, notamment l’ancien ministre d’État, Jean-Pierre Chevènement, ont rappelé leur attachement à un principe auquel je souscris et sur lequel j’aurai l’occasion de revenir : à un élu territorial doit correspondre un territoire.
Il s’agit, disais-je, de faire confiance au conseiller territorial, pour engager, avec bon sens, au plus près de la réalité des territoires, le chantier de clarification, de simplification et de mutualisation des moyens entre les deux collectivités territoriales que sont le département et la région, avec, chacune, leur spécificité et leurs atouts : la proximité pour le département, la vision stratégique d’avenir pour la région.
L’objectif est clair : favoriser les complémentarités, supprimer les doublons, simplifier les démarches pour nos entreprises, nos élus locaux et nos concitoyens. Demain, le conseiller territorial sera donc – enfin ! – l’interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, à commencer par les maires. Voilà inéluctablement une avancée positive, de nature à garantir une meilleure réactivité, davantage de cohérence dans les choix des financements alloués et plus de rapidité dans le montage des projets.
Concrètement, nous proposons que les conseillers territoriaux, dès 2014, dans les six mois de leur élection, puissent adopter un « schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services » par délibérations concordantes des régions et des départements. Il s’agira d’un élément d’adaptation aux réalités locales.
Faut-il aller plus loin, en précisant dès maintenant les orientations que ce schéma devra prendre en compte ? Le président About a présenté un amendement en ce sens, visant à se rapprocher d’une logique de « blocs de compétences » : à la région ce qui relève de la formation professionnelle, des transports, du développement économique et des infrastructures et réseaux de télécommunication ; au département ce qui relève de l’action sociale et médico-sociale, de la protection de l’enfance, de l’insertion des publics en difficulté et de l’aménagement rural et foncier.
Avec mes collègues du Gouvernent, je suis ouvert à ce que soient ainsi précisées les orientations des schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services.
J’en viens à la troisième et dernière série de dispositions : l’édiction de quelques règles permettant d’encadrer de manière raisonnable la pratique des cofinancements. C’est l’objet des articles 35 ter et 35 quinquies du texte adopté par votre commission des lois.
L’article 35 ter réaffirme, en premier lieu, la capacité des régions et des départements à contribuer au financement des opérations d’investissement conduites par les autres collectivités territoriales et leurs groupements. Cette capacité, il faut le souligner, est d’ordre général, et s’exerce donc indépendamment des compétences qui sont, par ailleurs, attribuées à la région et au département.
Ce même article prévoit, ensuite, une règle de bon sens avec l’exigence d’une participation minimale de la collectivité assurant la maîtrise d’ouvrage d’une opération d’investissement. Cette participation minimale est de 20 % pour les communes de moins de 3 500 habitants et les EPCI de moins de 50 000 habitants. Elle est de 30 % pour les autres collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales.
Cela signifie tout simplement que les petites communes pourront ainsi toujours obtenir 80 % de subventions sur leurs projets. C’est une préoccupation qui était largement exprimée par la majorité. Il faut rappeler que cette règle de cofinancement s’inspire d’une règle déjà bien connue des collectivités locales : c’est en effet un décret du 16 décembre 1999 qui en a établi une première application aux projets d’investissements subventionnés par l’État.
Dans le dispositif, dont la rédaction a été incontestablement améliorée par votre commission des lois, des dérogations sont cependant prévues dans certains secteurs, comme les monuments protégés, la rénovation urbaine ou pour les opérations figurant dans les contrats de projet État-région.
Au total, et sans anticiper sur nos débats, je pense que, sur les compétences et les cofinancements, le texte issu de votre commission des lois est un texte pragmatique et réaliste, sans doute encore perfectible, mais sur lequel une large majorité pourra, j’en suis convaincu, se retrouver.
J’en viens au volet électoral de la réforme.
Avant de céder la parole à Alain Marleix, spécialiste incontestable et incontesté de ce sujet
Sourires
C’est une innovation majeure, et le Gouvernement se félicite de ce vote conforme.
Comme vous le savez, l’Assemblée nationale, qui souhaitait aller plus loin, a introduit dans le texte deux éléments qui n’y figuraient pas : le mode de scrutin et le tableau des effectifs.
Je commencerai par dire quelques mots sur le mode de scrutin.
C’est un sujet, …
… par définition, complexe, comme le savent tous ceux qui se sont penchés de près sur la question. Puisqu’il n’existe pas de mode de scrutin parfait, il faut donc se résoudre à faire des choix.
De nombreux travaux ont été réalisés pour identifier quel pouvait être le choix d’un mode de scrutin optimal pour l’élection des conseillers territoriaux. La commission des lois y a beaucoup travaillé. Et votre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a également apporté une contribution.
Les rapporteurs de la délégation, MM. Maurey et Collombat, posent parfaitement le débat lorsqu’ils indiquent dans leur introduction qu’ils « ont émis un constat commun sur le fait qu’aucun des modes de scrutin examinés ne permettait de respecter [tous] les objectifs […] : représentation des territoires, expression des sensibilités politiques, poursuite de l’objectif de parité et formation de majorité de gestion au sein des assemblées délibérantes ». II s’agit, en réalité, d’effectuer une tâche titanesque, de résoudre une sorte de « quadrature du cercle ».
Après une longue réflexion et de nombreuses consultations, le Gouvernement s’est rallié, monsieur Sueur, au choix du mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours.
M. Brice Hortefeux, ministre. Eh bien, je le regrette !
Sourires
Telest le sens de l’amendement que le Gouvernement a déposé à cette fin et auquel la commission des lois, cet après-midi, a donné un avis favorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.
Pourquoi ce choix ? Aux yeux du Gouvernement, c’est celui de la simplicité et de la lisibilité pour l’électeur, qui comprend facilement ce mode de scrutin auquel il est habitué et qui fait partie de notre héritage républicain.
Mais surtout, son immense avantage est de maintenir un lien indéfectible entre un élu et le territoire qu’il représente au sein des collectivités qu’il a la charge d’administrer.
Demain, les conseillers territoriaux seront véritablement les conseillers et les porte-parole des territoires, les interlocuteurs uniques de l’ensemble des acteurs de leurs territoires. C’est là que résident l’innovation et la simplification. Il y aurait comme une contradiction à envisager des conseillers territoriaux « hors-sol », déconnectés d’un territoire précis. Et j’imagine que plusieurs d’entre vous, sur de nombreuses travées de cette assemblée, s’exprimeront dans ce sens sur ce point.
Ce choix permet de donner aux élus une autorité liée à leur assise territoriale et à l’obtention, en général, d’une majorité absolue de suffrages, tout en permettant de dégager des majorités stables dans les assemblées qu’il s’agit d’élire. Il n’empêche pas non plus, pour rependre les termes du sénateur Collombat dans la conclusion de son rapport, l’« expression limitée certes, mais non négligeable, de la diversité des sensibilités politiques ».
Alors, bien sûr, le Gouvernement est conscient du fait que ce choix doit s’accompagner d’un certain nombre de mesures complémentaires.
J’en vois quatre.
La première mesure, c’est un mécanisme incitant vigoureusement les partis politiques à agir en faveur de la parité.
Je sais combien ce sujet préoccupe légitimement votre délégation aux droits des femmes, ainsi que toutes celles et tous ceux qui, sur toutes les travées, sont attachés au respect de l’objectif de parité.
L’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur de sa commission des lois, a approuvé un mécanisme de sanctions financières…
… qui, pour la première fois, prend en compte les élections locales et non plus simplement les élections législatives. J’imagine que M. Sueur bat sa coulpe de ne pas y avoir pensé plus tôt ! C’est une première proposition, …
… mais je reste persuadé que nous devons aller plus loin. J’ai relevé que MM. About et Jean-Léonce Dupont, au nom du groupe de l’Union centriste, ont proposé un système à la fois plus incitatif et plus lisible. J’ai examiné avec attention l’amendement qui a été présenté et j’y suis pleinement favorable.
La deuxième mesure, complémentaire, porte sur le suppléant : il me paraît tout à fait nécessaire de prévoir que le remplaçant d’un conseiller territorial, de sexe opposé à celui-ci, soit appelé à le remplacer si son siège devient vacant pour quelque cause que ce soit.
Je suis tout à fait favorable à l’amendement déposé à cette fin par le groupe centriste.
La troisième mesure porte sur la composition des commissions permanentes au sein des conseils régionaux et des conseils généraux.
Pour tenir compte de la charge de travail des conseillers territoriaux, dont se préoccupe Mme Escoffier, et assurer une bonne répartition de l’exercice des responsabilités, il me semble opportun de réfléchir à un mécanisme d’interdiction du cumul de l’appartenance à la commission permanente de la région et à celle du département. C’est le sens de l’amendement n°554, présenté par le président About, au nom du groupe de l’Union centriste, qui me paraît aller dans la bonne direction. Et j’imagine que cela réjouit aussi Mme Gourault.
Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Les conseillers territoriaux ne pourraient être membres que d’une seule commission permanente, à l’exception des présidents de conseil général, qui siégeraient à la commission permanente de la région, sans fonction exécutive, pour assurer une bonne coordination. Le Gouvernement est très ouvert à cet amendement.
La quatrième mesure porte sur la question du cumul. Le principe est simple, posé par le code électoral : on ne peut pas cumuler plus de deux mandats locaux. II est normal que, demain, le mandat de conseiller territorial soit considéré pour ce qu’il sera, c’est-à-dire pour un mandat.
Parallèlement, il me semble tout à fait légitime de nous interroger sur la nécessité de prendre en compte, dans la liste des mandats, les fonctions exécutives au sein des établissements publics de coopération intercommunale. C’est une réflexion que le sénateur Maurey a engagée, à juste titre, en présentant l’amendement n°540.
Le Gouvernement y est très ouvert.
J’en viens à présent au tableau des effectifs.
L’Assemblée nationale a souhaité introduire ce tableau dans la loi, en refusant l’idée que le tableau des effectifs puisse être défini par une ordonnance dont le Parlement aurait précisé les critères dans son habilitation et qui aurait été soumise au contrôle du Conseil constitutionnel, ce qui était la proposition initiale du Gouvernement.
Ce tableau, à la production duquel le président et le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale ont participé de manière décisive, présente, bien sûr, des défauts, mais c’est aussi une base de travail qui a plusieurs avantages majeurs.
J’en citerai au moins deux : d’abord, il ne sacrifie pas le monde rural, car les départements les moins peuplés ne perdent pas plus du quart de leurs conseillers généraux et disposent toujours d’au moins quinze conseillers territoriaux.
C’était encore une demande forte qu’avait entendue Alain Marleix lors des débats en première lecture.
Ensuite, le tableau aboutit à environ 3 500 conseillers territoriaux au total, chiffre qui me semble raisonnable.
Je le dis devant la Haute Assemblée, ce tableau peut être et doit être amélioré.
Je sais que votre rapporteur, Jean-Patrick Courtois, a réalisé un travail très important en ce sens et vous proposera, avec l’avis favorable de la commission des lois, un nouveau tableau dont nous débattrons ensemble.
Mais je souhaiterais rappeler une réalité que nous devons tous conserver à l’esprit : indépendamment de la création du conseiller territorial, une actualisation de la carte cantonale était indispensable. Chacun connaît la très grande disparité qui existe dans certains départements : les écarts peuvent aller jusqu’à un rapport de 1 à 45. Alain Marleix vous en reparlera dans son intervention.
Le tableau qui vous est proposé constitue une amélioration très nette, car ces écarts, sans disparaître naturellement, seront considérablement réduits. La création du conseiller territorial permet, au demeurant, d’introduire une certaine souplesse pour mieux respecter, voire protéger, les logiques territoriales tout en restant dans le cadre institutionnel qui définit les critères démographiques.
Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs, les quelques observations que je souhaitais partager avec vous, alors que la Haute Assemblée s’apprête à entamer ses travaux en deuxième lecture.
Certains commentateurs s’étonnent parfois qu’il y ait des débats autour de cette réforme territoriale. Jean-Michel Baylet, qui n’est pas tout à fait d’accord avec ce que j’ai dit, m’a indiqué qu’il partageait au moins une conviction : sur un débat de cette importance, nous aurions pu commencer plus tôt le matin.
Sourires
Le Sénat, qui « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », selon les termes même de notre Constitution, aura à cœur, une fois de plus, j’en suis certain, de faire œuvre utile et d’enrichir cette réforme, avec comme seule préoccupation l’intérêt général.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en adoptant en décembre dernier le texte organisant en 2014 la concomitance des élections cantonales et régionales, le Parlement a permis la création en 2014 du conseiller territorial, sans pour autant préjuger des modalités de l’élection de ce nouvel élu, membre à la fois du conseil général et du conseil régional.
Celles-ci étaient initialement renvoyées au projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, ainsi qu’à un très court projet de loi organique.
Ces deux textes ont été déposés sur le bureau de votre assemblée en octobre dernier.
Ils comportent, je le rappelle, d’autres dispositions électorales significatives, comme l’élection au suffrage universel direct des délégués des communes dans les intercommunalités, l’abaissement du seuil de population pour le scrutin proportionnel de liste ou encore le statut de l’élu.
Je me souviens encore des débats que nous avons eus à propos de la concomitance, lors de la première lecture du présent projet de loi en janvier dernier : nombre d’orateurs, en particulier de l’opposition, n’avaient pas cessé alors de demander que l’on complète le projet de loi par des dispositions électorales, en estimant que l’on ne pouvait pas créer le conseiller territorial sans savoir combien il y en aurait dans chaque département et comment ils seraient élus.
Je m’étais alors engagé à présenter à la commission des lois de votre assemblée, dès que celle-ci le souhaiterait, le tableau fixant, au sein de chaque région, département par département, le nombre des futurs conseillers territoriaux, tableau sur lequel je reviendrai dans un instant.
Vous avez vous-mêmes, le 26 janvier dernier, inséré dans ce même projet de loi un article 1er A énonçant les grands principes de l’élection du conseiller territorial.
Saisie du projet de loi dans la rédaction que vous lui aviez donnée, l’Assemblée nationale a, à son tour, souhaité que celui-ci soit complété par des dispositions électorales, ce qu’elle a fait par voie d’amendement, comme l’article 44 de la Constitution le permet.
Je rappelle en effet, car ce point est important, que la priorité d’examen par le Sénat des projets de loi « ayant pour objet principal l’organisation des collectivités territoriales » s’entend sans préjudice de cet article 44, ce qui implique qu’elle n’exclut pas le droit d’amendement des députés et du Gouvernement au cours de la discussion d’un texte déjà examiné par votre assemblée.
Vous êtes donc saisis aujourd’hui, sans qu’il y ait de ce fait la moindre irrégularité de procédure, à la fois de la question du mode de scrutin et de celle du nombre de conseillers qui sera attribué à chaque département et à chaque région.
Le conseiller territorial est, quant à lui, créé, l’article 1er du projet de loi ayant été voté en termes identiques par les deux assemblées.
Je commencerai, si vous le permettez, par la question du mode de scrutin, dont vous avez déjà beaucoup débattu ici.
La proposition du Gouvernement d’instaurer un scrutin mixte a alors été très critiquée.
Ce choix, comme Brice Hortefeux le rappelait à l’instant, résultait de notre volonté de trouver un mode de scrutin qui puisse être substitué, d’un côté, au scrutin majoritaire à deux tours des conseillers généraux et, de l’autre côté, au scrutin proportionnel des conseillers régionaux. C’est pourquoi le Gouvernement avait mis au point un système électoral mixte qui réalisait, à nos yeux, un bon compromis.
Il aurait en effet assuré plus facilement des sièges aux petites formations, en raison de la répartition au plus fort reste, et un minimum de parité entre les élus, du fait de l’alternance des candidats de chaque sexe sur les listes destinées à pourvoir les sièges à la proportionnelle.
Les sénateurs du groupe de l’Union centriste avaient probablement en tête ces différentes conséquences quand ils vous ont proposé en janvier dernier l’adoption d’un amendement prévoyant le recours aux deux modes de scrutin.
Pour autant, le système que nous avions proposé a suscité plusieurs critiques.
Il se heurtait en outre à un reproche bien réel, celui de créer deux catégories d’élus, les uns rattachés à un territoire, les autres non.
Cette critique est cependant évidemment valable pour tous les scrutins mixtes combinant une part de scrutin uninominal majoritaire et une part de scrutin proportionnel, qui n’aboutirait d’ailleurs pas à des conséquences plus favorables, ni s’agissant du pluralisme, dès lors qu’une part de proportionnelle portant sur de petits effectifs ne garantit aucunement des sièges aux petites formations, ni s’agissant de la parité, le pourcentage de femmes atteint aujourd’hui dans les conseils régionaux ne pouvant être obtenu qu’avec une proportionnelle intégrale. Encore faut-il remarquer que cette dernière n’assure pas automatiquement une parité intégrale, comme le montrent vos propres élections dans les départements régis par la proportionnelle : ces départements représentent la moitié de vos sièges, mais seules une cinquantaine de femmes y sont élues.
J’ai eu la curiosité de rechercher les chiffres correspondant aux trois dernières élections sénatoriales : pour le renouvellement de 2001, donc après la mise en œuvre des textes sur la parité, pour soixante-quatorze sièges, vingt femmes ont été élues, soit 27, 02 % ; pour le renouvellement de 2004, pour quatre-vingt-trois sièges, vingt-neuf femmes ont été élues, soit 34, 9 % des élus – c’est un peu mieux, mais il s’agissait d’une petite série… – ; pour le renouvellement de 2008, pour quarante sièges, onze femmes ont été élues, soit 27, 5 % des élus. En moyenne, sur les trois dernières élections sénatoriales, il y a donc eu, malgré les textes sur la parité, moins de 30 % de femmes élues. Avec cinquante-neuf femmes pour 197 sièges renouvelés, je pense que la démonstration est faite !
Très mauvaise démonstration : comparez avec les élections régionales où le taux est de 46 % !
Ne vous sentez pas mal à l’aise, monsieur Bel, car vous n’êtes pas seuls concernés : les torts sont partagés par tout le monde, j’en conviens, mais pour la parité, les élections à la proportionnelle ne sont pas la panacée.
Aux régionales, il y a la parité ! Pourquoi prenez-vous l’exemple des sénatoriales ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je sais que ces chiffres vous gênent, et nous aurons l’occasion d’y revenir : malgré la volonté de parité, vous êtes à moins de 30 % de femmes parce que les textes sont détournés !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Le Président de la République et le Gouvernement, sensibles à ces critiques, se sont alors déclarés ouverts à la discussion, et le Premier ministre a consulté officiellement les dirigeants des partis politiques.
Quelques formations ont fait connaître leur préférence pour une solution alternative. Je pense en particulier au parti communiste, aux Verts et au MODEM. L’UMP et le Mouvement pour la France se sont déclarés favorables au scrutin majoritaire. En revanche, la formation dominante de l’opposition, le parti socialiste, a refusé de s’exprimer sur le sujet, en prétextant qu’il était contre la réforme et que les jeux étaient déjà faits.
De nombreux élus, locaux et nationaux, comme en témoigne la position exprimée ici même par les sénateurs membres du groupe RDSE, ont manifesté leur souhait de maintenir, pour le conseiller territorial, le mode d’élection actuel des conseillers généraux.
Le Gouvernement a, en conséquence, proposé le scrutin majoritaire à deux tours, qui répond à la critique sur les inconvénients de la majorité relative.
C’est le mode de scrutin utilisé en France pour l’élection des députés depuis 1958, avec une seule interruption de deux ans.
C’est également le mode de scrutin utilisé pour l’élection d’environ 4 000 conseillers généraux, quasiment depuis le Consulat et sans que jamais personne ait proposé un autre mode de scrutin.
C’est enfin le mode de scrutin utilisé pour l’élection d’environ la moitié des membres de votre assemblée, sans que leur légitimité ait jamais été mise en cause !
Vous avez cependant comme moi entendu ceux qui estiment que le choix du scrutin majoritaire allait « cantonaliser » la région, mais ce mode de scrutin a-t-il empêché nos élus de s’intéresser à des questions essentielles pour l’avenir de leur département ? Je ne le pense pas.
Je suis moi-même aussi conseiller général et j’aimerais bien savoir ce que pensent les cinquante-huit présidents de conseils généraux appartenant à l’opposition, notamment ceux qui siègent dans cet hémicycle…
Je serais également très désireux de connaître quelle solution alternative préconisent ceux qui critiquent le scrutin majoritaire.
Veulent-ils revenir sur le scrutin majoritaire à deux tours pour l’élection des députés, ce qu’ils n’ont pas fait pendant les dix années où ils ont détenu la majorité à l’Assemblée nationale ?
Souhaitent-ils modifier le mode d’élection des conseillers généraux, qu’ils n’ont pas davantage modifié et pour lequel ils n’ont jamais proposé la moindre mesure destinée à encourager la parité ?
Si je pose ces questions, c’est pour vous dire ma conviction que les critiques émises à l’encontre du mode de scrutin ne sont en réalité que des prétextes pour rejeter une réforme.
Le scrutin majoritaire à deux tours, personne ne peut sérieusement le contester, est connu et apprécié des Français. Il donne aux élus une autorité liée à leur assise territoriale, comme le rappelait Brice Hortefeux, tout en permettant de dégager une majorité stable.
Monsieur Collombat, vous aviez dit le contraire !
Ce sont d’ailleurs ces mêmes raisons qui ont conduit les auteurs du rapport sur les modes de scrutin envisageables pour l’élection des conseillers territoriaux – M. Maurey et, vous-même, monsieur Collombat – à estimer que le mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours était « au final […] préférable au système mixte proposé dans le projet de loi électoral » ;…
… qu’il était « le plus satisfaisant » pour élire le conseiller territorial, dès lors qu’il permet « de dégager des majorités stables et de représenter le territoire dans sa diversité », …
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut lire la conclusion de la conclusion !
Rires
… qu’il permet aussi « une expression de la diversité des sensibilités politiques » et que « son caractère familier constitue un atout supplémentaire ». Comme c’était bien dit, monsieur Collombat !
Ne revenez donc pas sur des déclarations aussi sensées !
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale d’adopter le principe du scrutin majoritaire à deux tours ; les députés l’ont retenu, et c’est donc ce mode de scrutin qui vous est à nouveau proposé aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, avec l’avis favorable de votre commission des lois.
Si vous l’adoptez à votre tour, les conseillers territoriaux seront élus dans le cadre de circonscriptions cantonales correspondant à un territoire déterminé de leur département.
Moins nombreux que les élus actuels, ils siégeront au sein de l’organe délibérant du département et de la région : ils auront ainsi une vision complémentaire, à l’échelon de chaque collectivité, du développement des territoires, ainsi qu’une légitimité et une visibilité renforcées.
Ils se renouvelleront intégralement, comme l’a souhaité à plusieurs reprises l’Association des départements de France.
Naturellement, des dispositions doivent être prises en faveur de la parité, à partir des deux mesures introduites par l’Assemblée nationale
La première est relative à la mise en place d’un financement public des partis politiques qui présenteront des candidats aux élections des conseillers territoriaux, accompagnée d’une pénalisation des partis présentant un nombre insuffisant de femmes.
Le système, nouveau pour des élections locales, est calqué sur celui en vigueur pour les élections législatives. Le Gouvernement est prêt à discuter de ses modalités.
La seconde disposition concerne l’extension des cas où le remplaçant de sexe opposé d’un conseiller territorial sera conduit à se substituer à celui-ci.
Afin de répondre aux critiques émises par certains sur le risque d’insuffisante légitimité démocratique des conseillers territoriaux élus à une majorité relative, le Gouvernement a également soutenu un amendement du rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale portant le seuil de présence au second tour de 10 % des voix des électeurs inscrits à 12, 5 %. J’observe avec satisfaction que votre commission des lois a conservé cette disposition.
J’en viens maintenant à la seconde question fréquemment évoquée, à l’Assemblée nationale comme ici : celle du nombre des futurs conseillers territoriaux.
C’est à la loi de fixer ce nombre, parce qu’il s’agit d’un élément du régime électoral des assemblées locales, dont l’article 34 de la Constitution vous réserve la compétence ; si, actuellement, vous ne vous prononcez pas sur le nombre de conseillers généraux de chaque département, c’est parce que celui-ci résulte de découpages successifs effectués par décret.
En effet, l’article L. 191 du code électoral implique qu’à chaque canton créé corresponde un élu départemental supplémentaire. C’est ainsi que 510 cantons ont pu être créés sous les gouvernements dirigés par l’actuelle opposition sans que vous en ayez été le moins du monde saisis ni même informés.
À l’inverse, le nombre des conseillers régionaux est fixé dans un tableau, prévu à l’article L. 337 du code électoral. C’est donc à vous qu’il appartient de le modifier.
Toutefois, dans le système actuel des élections régionales, la représentation de chaque département au sein d’un conseil régional ne dépend pas de la loi, mais varie en fonction des résultats obtenus par chaque liste.
C’est ainsi que, depuis les dernières élections régionales, un seul et unique conseiller régional représente le département de la Lozère – près de 77 000 habitants, alors qu’un conseiller territorial, en Languedoc-Roussillon, représente en moyenne 25 000 habitants –, tandis que, au conseil régional d’Île-de-France, dix sièges séparent la représentation de la Seine-Saint-Denis et celle des Hauts-de-Seine, pourtant de population voisine, et cela sans que, là encore, vous ayez été saisis de cet écart. De même, dans mon propre département, la liste arrivée en tête n’a pas eu la majorité des sièges…
Je pourrais citer encore plusieurs exemples concrets qui illustrent la disparité et l’ampleur des injustices électorales auxquels nous avons affaire, mais ceux que j’ai mentionnés suffisent à les montrer !
Avec la création des conseillers territoriaux, non seulement le nombre de membres des conseils généraux relèvera désormais de votre intervention directe, mais celui des membres siégeant au conseil régional ne variera pas d’une élection à l’autre. Ce sera, convenez-en, un double progrès.
Les départements comptent aujourd’hui 4 019 conseillers généraux, les régions, 1 880 élus : le nombre d’élus actuellement en fonction s’élève donc, au total, à 5 899. Nous ne pouvons évidemment pas conserver ce nombre, ni même nous en tenir au nombre de conseillers généraux, sauf à assister à une véritable explosion des effectifs des conseils régionaux.
C’est la raison pour laquelle nous sommes conduits à réduire le nombre total d’élus : ce n’est pas un objectif en soi, comme le Président de la République l’avait précisé, c’est une contrainte inévitable.
C’est une contrainte, car il est toujours plus facile d’augmenter le nombre de circonscriptions électorales que de le diminuer : le Gouvernement, comme pour le redécoupage des circonscriptions des députés, effectué à effectifs constants – en réalité avec une perte nette de 14 circonscriptions en métropole –, n’a pas choisi la facilité en procédant pour la première fois, non pas à une augmentation du nombre de cantons, mais à sa réduction.
C’est une contrainte inévitable si l’on veut conserver à nos assemblées régionales une taille comparable à celle des conseils des grandes communautés urbaines ou d’agglomération, ou du conseil régional d’Île-de-France, qui compte aujourd’hui 209 membres.
Dans cette optique, le chiffre global de 3 000 conseillers territoriaux constituait un objectif optimal, qui conduisait à une diminution moyenne du nombre d’élus siégeant dans les conseils généraux, égale au quart de leurs effectifs actuels ; j’y reviendrai dans un instant.
Nous avions initialement proposé, dans le projet de loi électoral, de renvoyer à une ordonnance le soin de mettre au point le tableau de ces effectifs, sur la base de critères très précis que vous auriez vous-mêmes votés, comme pour la délimitation des circonscriptions législatives.
Qu’y a-t-il de choquant à une telle délégation, alors que, je le rappelle, le nombre de conseillers généraux de vos départements respectifs relève à l’heure actuelle d’un simple décret, qui arrête la délimitation de leurs cantons sans autre critère que ceux qui sont définis par le Conseil d’État dans sa jurisprudence ?
En outre, il est important de rappeler que la durée d’un an prévue pour l’habilitation permettait de réduire le délai entre le dernier recensement connu à la date d’établissement du tableau – il y en a un chaque année depuis le vote de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité – et l’élection à laquelle se rapportent les éléments démographiques qui ont été utilisés pour l’établir. Autrement dit, le recensement au 1er janvier 2008 va s’appliquer pour des élections qui auront lieu en 2014.
Pour donner suite au souhait exprimé par les membres de la commission des lois de l’Assemblée nationale, un tableau des effectifs a été inclus dans la loi. Permettez-moi de rappeler les principes qui ont conduit à son élaboration.
Premièrement, il est élaboré région par région, car la disparité actuelle du nombre de conseillers généraux par département, fixé indépendamment de leur population, interdit d’adopter une règle uniforme pour toutes les régions. Il existe en effet, à l’heure actuelle, des départements qui ont une population du même ordre de grandeur mais qui ne comptent pas le même nombre de conseillers généraux. C’est ainsi, par exemple, que le Vaucluse compte 24 conseillers généraux, tandis que le Puy-de-Dôme – je le cite au hasard, bien sûr !
Sourires
Deuxièmement, le tableau respecte un minimum de 15 élus par département, correspondant à l’effectif actuel le plus faible, celui du Territoire de Belfort : ce chiffre, sur lequel nous nous étions personnellement engagés, permet de représenter le plus possible tous les territoires, au conseil général comme au conseil régional, tout en garantissant une bonne administration du département.
Sur ce point, nous nous sommes inspirés de ce qui s’est passé dans le Territoire de Belfort, plus petit département de France, qui compte à l’heure actuelle 15 conseillers généraux. C’est un hommage que je rends à Michel Dreyfus-Schmidt, qui fut sénateur de ce département, et à vous-même, monsieur Chevènement : vous aviez ensemble considéré qu’il fallait élever le nombre de conseils et de conseillers généraux à 15 – le nombre précédent était sensiblement inférieur –, considérant ce nombre comme le seuil de bonne gouvernance d’un département. Nous nous sommes donc inspirés d’un très bon exemple !
Troisièmement, afin d’éviter des effectifs régionaux pléthoriques, aucune région ne compte plus de 310 conseillers territoriaux…
Murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Savez-vous combien il y a de conseillers pour la communauté urbaine de Metz ?
Ils sont 400, dont 45 vice-présidents !
Quatrièmement, la représentation de chaque département au sein du conseil régional s’inscrit dans une fourchette de plus ou moins 20 % par rapport à la représentation moyenne des habitants par conseiller territorial à l’échelon de la région.
Cinquièmement, enfin, les chiffres retenus évitent qu’une région compte un nombre de conseillers territoriaux supérieur au nombre actuel de conseillers généraux ou qu’un département connaisse une baisse ou une augmentation trop forte du nombre de ses conseillers territoriaux.
Nous aurons l’occasion d’y revenir à l’occasion de la discussion de l’amendement déposé par votre rapporteur et approuvé par votre commission des lois, qui retient des critères très voisins tout en optant pour des effectifs en nombre impair – j’insiste sur ce dernier point – à l’échelon départemental, cela afin de répondre également à une demande unanime et répétée de l’Association des départements de France.
Une fois les effectifs fixés par département, il faudra procéder à la délimitation des nouveaux « territoires », comme votre commission des lois vous propose de les appeler sur la suggestion de votre collègue Hugues Portelli, à laquelle le Gouvernement n’est pas défavorable.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Cette appellation permet en effet de conserver aux cantons actuels, qui existent souvent depuis le Consulat, les attributs et les services publics qu’ils tiennent d’autres dispositions législatives ou réglementaires.
Comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur, une actualisation de la carte des circonscriptions électorales cantonales était en tout état de cause indispensable du fait des très grands écarts de population existant aujourd’hui entre les cantons d’un même département : dans un rapport de 1 à 45 dans le département de l’Hérault, entre le canton le moins peuplé et le canton le plus peuplé, ces écarts dépassent un rapport de 1 à 20 dans une vingtaine de départements.
Il vous est proposé que cette délimitation, effectuée par décret en Conseil d’État, se fasse à l’intérieur des limites des nouvelles circonscriptions législatives, et cela pour les raisons que je vais énumérer brièvement.
D’abord, les nouvelles circonscriptions législatives ont été tracées, comme celles qui ont été retenues dans le découpage de 1986, en respectant les limites cantonales, et il serait paradoxal de ne pas obliger les futurs territoires à être compatibles avec ces circonscriptions.
Cette exigence est en outre conforme à la hiérarchie des normes puisque les limites des circonscriptions d’élection des députés relèvent de la loi, alors que celles des conseillers généraux relèvent d’un simple décret.
Elle est également traditionnelle dans notre vie démocratique : la circonscription d’élection des élus départementaux a toujours regroupé, depuis le Consulat, plusieurs communes, et la circonscription législative a toujours regroupé plusieurs cantons.
Il ne sera, en revanche, pas possible d’imposer de manière générale le respect des limites des intercommunalités. L’idée est évidemment très séduisante, et nous nous efforcerons, le moment venu, d’en tenir compte, mais il est impossible d’adopter une règle stricte, car il n’y a pas forcément de rapport direct entre la population des intercommunalités, par nature variable, et celle de ces futurs territoires.
Cela reviendrait, de plus, à la limite, à donner aux préfets le pouvoir, par un simple arrêté modifiant les limites des intercommunalités, de changer les limites des territoires et, donc, des circonscriptions.
Il sera, en revanche, proposé de ne pas couper les communes de moins de 3 500 habitants, ce qui n’est pas toujours le cas à l’heure actuelle.
Enfin, la première délimitation sera soumise au contrôle d’une commission calquée sur celle mise en place pour délimitation des circonscriptions des députés : la solennité d’une telle procédure nationale est particulièrement adaptée à la double appartenance des conseillers territoriaux, à l’importance de leur mandat, à la réduction du nombre et à l’extension géographique et démographique de leurs futurs cantons. L’avis de cette commission indépendante, composée de très hauts magistrats, sera rendu public.
La délimitation des nouveaux territoires se fera à partir de plusieurs critères : la population, l’étendue géographique, le nombre actuel de cantons et le nombre de communes de chaque département, ainsi que des différentes parties qui le composent. La représentativité de chaque futur élu sera bien plus équilibrée puisque les écarts que je viens de citer, sans disparaître naturellement, seront considérablement réduits.
Le conseiller territorial, mesdames, messieurs les sénateurs, existera, si vous adoptez le présent projet de loi, dans tous les départements de métropole, sauf à Paris et en Corse, compte tenu de l’appartenance au conseil municipal des conseillers du département de Paris dans le premier cas, à cause du statut particulier de l’Assemblée de Corse dans le second cas.
Le conseiller territorial existera également dans les départements d’outre-mer qui n’ont pas déjà opté, comme l’ont fait la Guyane et la Martinique, pour le statut de collectivité unique prévu par l’article 73 de la Constitution.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les dispositions électorales essentielles du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Bien entendu, avec mes collègues Brice Hortefeux et Michel Mercier, nous resterons, tout au long des débats – qui ont déjà dépassé les 200 heures entre les deux assemblées – à votre disposition pour répondre à vos questions ou apporter des compléments sur telle ou telle disposition de ce texte qui vous est soumis par le Gouvernement.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat est appelé, en ce début d’été, à réexaminer le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, après son adoption par l’Assemblée nationale en première lecture, le 8 juin. Celle-ci a apporté des modifications nombreuses et parfois substantielles au texte issu des délibérations du Sénat.
Sur le seul plan de la statistique, j’observe que le texte transmis à la Haute Assemblée en deuxième lecture compte 97 articles, contre 40 dans le projet de loi initial, et 67 dans le texte soumis à l’Assemblée nationale en première lecture ; les députés ont adopté 30 articles additionnels, supprimé 6 articles et adopté conforme 15 articles. Ce faisant, même si elle a tenu compte des travaux du Sénat, dont elle a conservé l’esprit dans de nombreux domaines, l’Assemblée nationale a opéré plusieurs innovations d’importance.
En première lecture, le Sénat a globalement respecté la logique du texte qui lui était proposé, tout en introduisant de nombreuses modifications afin de préserver davantage les libertés locales et d’accroître la capacité des collectivités à exercer leurs compétences pour renforcer la qualité du service public.
La Haute Assemblée a, tout à la fois, approuvé sans ambiguïté la création des conseillers territoriaux et encadré le mode de scrutin applicable à leur élection.
Soutenant sans réserve l’objectif affiché d’achèvement et de rationalisation de la carte de l’intercommunalité, notre assemblée a voulu en conforter le succès par une plus grande prise en compte de la cellule de base de notre démocratie locale. À cette fin, elle a dégagé des solutions pragmatiques et consensuelles en vue d’adapter la composition des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre à la mise en place, à partir de mars 2014, d’une élection des délégués des communes membres au suffrage universel direct.
Elle a encadré les pouvoirs conférés au préfet pour modifier la carte intercommunale, tout d’abord dans les procédures d’achèvement et de rationalisation de la carte. Puis, pour simplifier la procédure de fusion des EPCI dont l’un au moins est à fiscalité propre, elle a exigé le respect, par le préfet, du schéma départemental pour rattacher une commune à un établissement.
Le Sénat a encadré le dispositif de suppression des communes isolées, des enclaves et des discontinuités territoriales, qui entrera en vigueur au terme du processus d’achèvement et de rationalisation de la carte de l’intercommunalité.
Il a facilité la recomposition des structures syndicales.
Il a adapté la recomposition de la commission départementale de la coopération intercommunale au paysage local.
Il a rétabli la majorité qualifiée et les conditions démographiques en vigueur pour les transferts de compétences après la création d’un EPCI, ainsi que pour la détermination de l’intérêt communautaire.
Il a validé, dans le respect de l’autonomie communale, le principe d’un EPCI plus intégré pour favoriser sa capacité à rayonner au niveau européen : la métropole.
Il a approuvé le dispositif proposé des pôles métropolitains, tout en précisant leur régime juridique.
Il a consenti, par réalisme plus que par optimisme raisonné, à l’introduction d’un nouveau dispositif de fusion des communes.
Il a apporté de nouvelles garanties aux procédures de regroupement des départements et des régions.
Enfin, il a modifié les principes devant encadrer la répartition des compétences entre les collectivités territoriales.
Lors de l’examen du projet de réforme des collectivités territoriales, l’Assemblée nationale a respecté l’économie générale du texte adopté par le Sénat, qu’elle a cependant assoupli sur plusieurs points et complété de façon substantielle dans ses volets « conseillers territoriaux » et « compétences ».
Elle a fixé, en détail, le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux.
Tout d’abord, par analogie avec le mode de scrutin applicable à l’élection des actuels conseillers généraux, l’Assemblée nationale a prévu la mise en place d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection des conseillers territoriaux, avec un seuil de passage au second tour fixé à 12, 5 % des inscrits.
Ensuite, les députés ont fixé la répartition des conseillers territoriaux par département et par région.
Conscients que le mode de scrutin retenu pourrait avoir des effets pervers sur la présence des femmes dans les conseils généraux et régionaux, les députés ont adopté deux dispositifs visant à favoriser la parité : d’une part, le remplacement par une personne de sexe opposé des conseillers territoriaux dont le siège serait vacant « pour quelque cause que ce soit » ; d’autre part, la mise en place de pénalités financières à l’encontre des partis politiques présentant un nombre insuffisant de femmes à l’élection des conseillers territoriaux.
L’Assemblée nationale a, par ailleurs, approfondi les orientations données par le Sénat en matière d’intercommunalité. Les principes dégagés par la Haute Assemblée à cet égard ont été, dans l’ensemble, conservés par l’Assemblée nationale.
Celle-ci a adopté le système sénatorial pour la composition des conseils communautaires. Il conviendra toutefois de définir, dans le projet de loi n° 61, une méthode adaptée de désignation des conseillers communautaires, en s’inspirant tout à la fois de la loi électorale municipale et de la composition des groupes d’élus municipaux pour assurer la représentation des oppositions municipales.
Elle a amélioré les outils d’élaboration de la carte intercommunale.
Elle a adopté le dispositif retenu par le Sénat pour fixer le processus temporaire d’achèvement et de rationalisation des intercommunalités, en l’amendant toutefois sur plusieurs points.
Les députés ont successivement limité le droit de veto accordé en 2012 à la commune la plus peuplée, à la condition que sa population représente au moins un tiers de la population totale concernée, supprimé la faculté accordée à la commune la plus peuplée de s’opposer aux fusions en 2013 et anticipé de six mois la date d’achèvement du processus, la ramenant du 31 décembre au 30 juin 2013.
Les députés ont attribué un rôle actif, lors de fusion d’intercommunalités, à la commission départementale de coopération intercommunale, la CDCI, pour modifier le projet de périmètre à la majorité des deux tiers de ses membres. Ils ont aussi abaissé la condition de majorité « hyperqualifiée » requise pour décider de la fusion, à la majorité du tiers, des conseils municipaux regroupés dans chacun des établissements à fusionner.
L’Assemblée nationale a dispensé la communauté urbaine résultant d’une fusion de plusieurs EPCI parmi lesquels figure déjà une communauté urbaine du respect du seuil démographique en vigueur au moment de la fusion.
Elle a complété le dispositif des pôles métropolitains, en prévoyant une dérogation démographique pour les pôles frontaliers, et adopté une série de modifications ponctuelles.
L’Assemblée nationale a voté des modifications plus consistantes aux régimes des métropoles et des communes nouvelles.
D’une part, le volet des compétences métropolitaines a été essentiellement renforcé dans ses composantes départementale et régionale. D’autre part, l’Assemblée nationale a prévu un régime financier plus intégré par le transfert automatique à la métropole de la taxe sur les propriétés foncières bâties des communes membres. Par ailleurs, elle a facilité le transfert de la dotation générale de fonctionnement, la DGF, en ne requérant que la majorité qualifiée des communes membres pour l’approuver.
Elle a également apporté quelques modifications au régime financier des communes nouvelles et allégé la procédure de leur création par la condition d’un accord unanime des communes. Par coordination, elle a supprimé la consultation de la population.
Les députés ont marqué leur accord avec les modifications apportées par le Sénat sur les procédures de regroupement des départements et des régions en harmonisant ces procédures.
La perspective d’un nouveau projet de loi de clarification des compétences apparaissant de plus en plus incertaine, l’Assemblée nationale a complètement réécrit l’article 35, qui fixe les principes de répartition des compétences entre les trois niveaux de collectivités. Ce faisant, elle a conservé la possibilité de compétences partagées et de délégations de compétences. En outre, la rédaction de l’Assemblée nationale préserve la capacité d’initiative des collectivités territoriales lorsque la loi est muette. Enfin, elle valide l’intervention des trois niveaux de collectivités en matière de culture, de tourisme et de sport.
Par ailleurs, en matière de financements croisés, l’Assemblée nationale a soumis la part de financement apportée par la collectivité maître d’ouvrage à un « plancher », fixé à un niveau variable en fonction de l’importance de la population. De plus, elle a prévu des règles de limitation des cumuls de financements, qui ne s’appliqueront plus, toutefois, au-delà de 2015 si la région et ses départements adoptent ensemble un schéma d’organisation de leurs compétences.
Sur ma proposition, notre commission des lois a tenu compte des convergences recherchées par l’Assemblée nationale. Aussi, elle en a retenu les dispositions inscrites dans l’esprit qui l’a guidée lors de la première lecture. En revanche, elle a modifié celles qui s’en écartaient, ainsi que certains des compléments apportés au projet de réforme par les députés.
Notre commission a, dans un premier temps, supprimé les articles 1er A, 1er bis, 1er ter, 1er quater et 1er quinquies et, par coordination, les articles 36 B et 36 C.
Toutefois, lors de l’examen des amendements extérieurs, notre commission est revenue sur cette position : elle a donné un avis favorable sur trois amendements du Gouvernement visant à rétablir un mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection des conseillers territoriaux. Elle a également donné un avis favorable, puis adopté comme l’un de ses amendements, un amendement que j’ai déposé afin de fixer la répartition des conseillers territoriaux par département et par région.
La commission des lois a noté avec satisfaction l’économie générale des dispositions prévues pour parachever le paysage intercommunal, qu’il s’agisse de mettre en place de nouvelles règles pour adapter la composition des conseils communautaires à la démocratisation des EPCI à fiscalité propre, de proposer de nouvelles formes de coopération – métropoles, pôles métropolitains –, d’en développer et d’en simplifier les processus ou d’achever et de rationaliser la carte.
Sur de nombreux points, je le rappelle, l’Assemblée nationale a adopté le dispositif voté par le Sénat.
C’est pourquoi, sous réserve de certaines modifications, coordinations et rectifications techniques, la commission des lois a retenu le texte de l’Assemblée nationale.
Elle a réintroduit, dans le régime de droit commun de création ou de transformation d’un EPCI, l’attribution d’un droit de veto aux communes les plus peuplées, mais en fixant, cette fois, le seuil de population au quart de la population concernée.
S’agissant de la création des métropoles, la commission, a étendu aux discontinuités territoriales la dérogation temporaire au principe de continuité territoriale instituée au profit des enclaves. Elle a repris la condition de majorité des deux tiers pour la définition de l’intérêt métropolitain, comme le Sénat l’avait décidé en première lecture.
Par ailleurs, notre commission, fidèle aux principes qui avaient guidé ses travaux en première lecture, a supprimé le transfert automatique de la taxe foncière sur les propriétés bâties des communes à ce nouvel EPCI. Elle a prévu que toute décision d’unification des taxes ou de transfert de la DGF devrait être adoptée à l’unanimité des conseils municipaux.
J’en viens aux modifications ponctuelles.
La commission des lois a élargi la liste des bénéficiaires de délégation de signature par le président de l’EPCI pour les attributions qui lui sont confiées par l’organe délibérant au directeur général des services techniques, au directeur des services techniques et aux responsables de services.
Elle a supprimé, en raison des difficultés techniques de sa mise en œuvre, l’ajout, au rapport annuel sur l’activité de l’EPCI, de l’utilisation des crédits engagés par l’établissement dans chaque commune.
Elle a allongé de deux à quatre mois le délai fixé au comité de massif pour se prononcer sur l’arrêté préfectoral pris pour supprimer une commune isolée, une enclave ou une discontinuité territoriale, afin de tenir compte de la périodicité des réunions de ces instances.
Notre commission a adopté, sans le modifier, l’article 35 qui fixe les grands principes de la répartition des compétences entre les collectivités : exclusivité des compétences conférées par la loi ; capacité d’initiative ; existence de compétences partagées ; possibilité pour une collectivité territoriale de déléguer ses compétences.
En revanche, notre commission a modifié la limitation des cofinancements en assouplissant les conditions relatives à l’apport minimal du maître d’ouvrage en matière de renouvellement urbain et de patrimoine protégé, afin d’éviter de mettre en péril les interventions nécessaires des collectivités territoriales en la matière.
Elle a, par ailleurs, supprimé l’article 35 quater, qui encadrait trop strictement les cumuls de financement entre la région et le département.
Toutes ces modifications sont de nature à conforter la démocratie locale et à renforcer l’efficience de l’action publique, en associant mieux les usagers à la gestion de proximité, en valorisant les atouts, les richesses et la diversité de nos territoires et de ceux qui les font vivre.
C’est pourquoi, sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, la commission des lois soumet à la délibération du Sénat le texte qu’elle a établi en vue de la deuxième lecture du projet de réforme des collectivités territoriales. Je vous invite, mes chers collègues, à l’adopter.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des finances s’était saisie, en première lecture, des articles du projet de loi de réforme des collectivités territoriales qui avaient une incidence financière ou fiscale. À ce titre, elle avait pris position, en particulier, sur la création des métropoles et la réforme de la procédure de fusion de communes par l’institution des communes nouvelles.
Hormis les indispensables mesures de coordination rendues nécessaires par l’adoption, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2010, de la suppression de la taxe professionnelle et de la réforme de la fiscalité locale qui en a découlé, la commission des finances n’a pu faire prévaloir, en première lecture, et en dépit de mes efforts, sa conviction de la nécessité d’une réforme novatrice dans un contexte de grandes difficultés financières pour l’État et les collectivités territoriales.
La prise en considération de l’urgence d’une modification profonde des modes de gouvernance actuels aurait dû conduire, selon notre commission, d’une part, à accepter de doter les métropoles d’un dispositif fiscal et budgétaire très intégré, qui les différenciât nettement des communautés urbaines, d’autre part, à favoriser une dynamique de rationalisation du découpage territorial par la voie des communes nouvelles.
La commission des finances avait également examiné l’article 35 du projet de loi, relatif à la clarification des compétences des collectivités territoriales, tout en considérant que ses dispositions restaient d’ordre général et peu opérationnelles. Elle n’avait pas estimé utile, à ce stade, d’en proposer la modification, compte tenu de leur absence d’impact sur les besoins de financement des différents niveaux de collectivités.
La suite de l’examen du projet de loi, à l’Assemblée nationale comme en commission des lois du Sénat, a apporté deux principaux éléments nouveaux, sur lesquels la commission des finances est fondée à porter une appréciation particulière.
Premièrement, une position intermédiaire a été retenue par l’Assemblée nationale, mais repoussée par la commission des lois du Sénat, sur le régime financier et fiscal des métropoles.
Deuxièmement, des développements de nature normative sur la répartition des compétences entre les niveaux de collectivités territoriales et les règles applicables aux financements croisés ont été introduits dans le projet de loi.
La commission des finances s’est donc saisie, en deuxième lecture, des seules dispositions financières et fiscales du texte. Toutefois, de manière générale, elle souhaite, dans son ensemble, faire part de sa réserve à l’égard du présent projet de loi et s’interroge sur l’utilité réelle de certaines de ses dispositions.
Tout d’abord, sur la question des métropoles, la commission des finances observe que le texte qui nous est soumis confirme une ligne de conduite qui limite les transferts de compétences ou de ressources financières entre les métropoles et les échelons « d’en dessous », c’est-à-dire les communes.
Ainsi, d’une part, le transfert de la DGF des communes à la métropole ne sera possible que sur décision prise à l’unanimité des communes membres, et non à la majorité qualifiée, et, dans cette hypothèse, sera conservé le principe d’une dotation de reversement qui pourra avoir une vocation péréquatrice.
D’autre part, le transfert à la métropole de la taxe foncière sur les propriétés bâties sera supprimé. Ce transfert, introduit à l’Assemblée nationale, constitue une position de compromis entre le texte initial du projet de loi et le vote du Sénat en première lecture.
En effet, entre la version originelle du projet de loi, qui accordait aux métropoles une double spécificité financière par le transfert de plein droit, au niveau métropolitain, de l’intégralité du produit de la fiscalité directe communale et le versement à la métropole sous forme d’une « dotation communale » de la DGF des communes membres, et la version retenue en première lecture par le Sénat, le texte adopté par l’Assemblée nationale pouvait constituer une solution intermédiaire, qui préservait l’autonomie communale tout en proposant un cadre novateur et ambitieux pour le régime financier de la métropole.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit finalement la création de métropoles qui se distinguent très peu des actuelles communautés urbaines. Il traduit un certain manque d’ambition, ce que nous regrettons.
Pour autant, la commission des finances n’a pas jugé utile de déposer des amendements identiques à ceux qu’elle avait présentés en première lecture et qui n’avaient pas été retenus par le Sénat, sachant par avance le sort qui leur serait réservé.
Toutefois, mes chers collègues, la commission des finances vous proposera d’adopter des amendements répondant à trois objectifs différents.
Tout d’abord, un premier amendement tend à lever certains obstacles financiers à la création des métropoles, notamment en matière de régime des attributions du FCTVA.
Ensuite, un autre amendement vise à inciter davantage les communes à la territorialisation de la DGF, faute de quoi cette possibilité ne sera jamais exploitée, ce qui serait regrettable.
Enfin, des amendements ont pour objet de limiter certains avantages dont pourraient bénéficier les métropoles au détriment des autres communes et intercommunalités, alors qu’elles ne subissent aucune contrainte supplémentaire par rapport aux communautés urbaines.
Pour ce qui concerne le lien entre le présent texte et la réforme de la taxe professionnelle, le Sénat avait adopté, en première lecture, des amendements tendant à insérer des articles additionnels et proposés par la commission des finances pour effectuer des coordinations de forme avec la loi de finances pour 2010. Ces articles additionnels ont été enrichis par l’Assemblée nationale, sur l’initiative de sa commission des finances, toujours afin d’apporter des modifications de pure coordination. Mes chers collègues, la commission des finances du Sénat vous propose d’adopter ces articles sans modification.
Venons-en à la création des communes nouvelles.
Les modifications que la commission des finances a proposées lors de la première lecture au Sénat mises à part, peu de changements de fond ont depuis été apportés aux dispositions fiscales et financières du présent texte.
L’Assemblée nationale est toutefois revenue sur un élément qui avait été ajouté par le Sénat, sur l’initiative de sa commission des finances, relatif à l’indexation des montants de la part garantie de la DGF perçus par les anciennes communes l’année de création de la commune nouvelle. Sur ce point, je vous proposerai un amendement de compromis.
De manière générale, comme pour les métropoles, je ne peux que regretter que le projet de loi que nous examinons soit peu ambitieux. Le dispositif proposé pour les fusions de communes est souvent plus contraignant que celui de la loi Marcellin, qui date de 1971, ce qui est tout de même paradoxal dans la mesure où l’intention était d’adopter un mécanisme plus opérationnel.
S’agissant des dispositions visant à développer et à simplifier l’intercommunalité, l’Assemblée nationale a modifié le texte adopté par le Sénat en première lecture sur quatre points de nature financière.
Deux de ces modifications nous semblent satisfaisantes.
D’une part, l’article 34 ter, qui visait à réviser le montant de certaines attributions de compensation versées par un EPCI à une commune membre en fonction du coût de certains équipements transférés à l’EPCI, en l’occurrence des piscines, a été supprimé. Le dispositif adopté par le Sénat ne me paraissait pas juste puisqu’il conduisait à faire supporter financièrement et à deux reprises par l’EPCI le coût des déficits de fonctionnement de certains équipements publics dont la réalisation avait été décidée par l’une des communes membres.
D’autre part, l’Assemblée nationale a adopté, sur avis favorables de sa commission des lois et du Gouvernement, un amendement tendant à remédier aux incertitudes juridiques relatives aux règles de constitution de la commission locale chargée d’évaluer les transferts de charges entre un EPCI et ses communes membres. La loi précisera désormais : « Cette commission est créée par le conseil communautaire qui en détermine la composition à la majorité simple. »
Sur ces deux points, la commission des finances souhaite l’adoption sans modification du texte voté par l’Assemblée nationale.
Elle vous soumettra, en revanche, des amendements sur deux autres dispositions.
En premier lieu, l’Assemblée nationale a prévu d’étendre le dispositif de territorialisation de la DGF proposé pour les métropoles à l’ensemble des EPCI. Ainsi, les communes membres d’un EPCI pourront, à l’unanimité, décider de transférer leur DGF à leur EPCI, en échange d’un reversement dont le montant global sera égal à la DGF transférée, mais qui pourra se faire selon des règles plus péréquatrices entre collectivités territoriales. Pour que cette possibilité soit utilisée, il faut prévoir, comme pour les métropoles, un dispositif incitatif, via le FCTVA, ce que tend à instaurer l’un des amendements que je vous présenterai.
En second lieu, l’Assemblée nationale a adopté, sur l’initiative de sa commission des lois, un article additionnel visant à ouvrir la faculté d’harmoniser les taux des différentes impositions directes locales – taxe d’habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties et taxe foncière sur les propriétés non bâties – au sein d’une intercommunalité à fiscalité propre. Une telle décision devrait recueillir l’unanimité de l’EPCI et de chacune des communes membres. Ce dispositif nous paraît intéressant, et je vous proposerai, mes chers collègues, un amendement pour le rendre plus opérationnel.
J’en arrive aux dispositions relatives aux compétences.
Celles que nous avions examinées en première lecture étaient purement déclaratoires, convenons-en. Mais l’Assemblée nationale les a intégralement transformées ; elle a prévu un dispositif désormais normatif, dont les principaux éléments sont les suivants : les départements et les régions ne seront plus compétents que dans les domaines de compétences que la loi leur attribue ; est créée la possibilité, pour une région et les départements qui la composent, d’adopter des « schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services », afin de clarifier la répartition de leurs compétences ; les régions ne pourront participer qu’aux « opérations d’envergure régionale » menées par les départements, les communes ou les intercommunalités ; enfin, les collectivités maîtres d’ouvrage d’une opération d’investissement devront assurer une participation financière minimale à cette opération, à hauteur de 20 % pour les communes de moins de 3 500 habitants et les EPCI de moins de 50 000 habitants et de 30 % pour les autres collectivités et EPCI.
Pour ce qui concerne la répartition des compétences, nous avons pris acte de la position de la commission des lois du Sénat, qui a largement validé les dispositions insérées par l’Assemblée nationale.
La commission des finances s’est saisie de la question de la limitation des cofinancements, et plusieurs ajustements lui semblent devoir être adoptés.
Aucune raison ne justifie d’attendre l’élection des conseillers territoriaux pour permettre aux régions et aux départements de s’entendre sur la répartition de leurs compétences.
La notion, assez floue, de projets « d’envergure régionale » comme les modalités d’application de la règle de participation financière minimale du maître d’ouvrage au projet financé doivent être clarifiées.
Quant à l’article 35 quater, introduit par l’Assemblée nationale, puis supprimé par la commission des lois du Sénat, il visait à empêcher le cumul des subventions départementales et régionales, sauf pour les projets décidés par les communes de moins de 3 500 habitants ou les EPCI de moins de 50 000 habitants, et prévoyait deux phases.
Entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2015, l’interdiction du cumul des subventions aurait été totale, sauf pour quelques secteurs.
À partir du 1er janvier 2015, en revanche, les départements et les régions auraient pu se mettre d’accord, par le biais des schémas de répartition des compétences, sur l’organisation de leurs cofinancements. Ce n’était qu’en l’absence d’une telle convention que le cumul des subventions aurait été interdit.
L’idée d’inciter les régions et les départements à organiser leurs cofinancements à travers la négociation de schémas nous semble devoir être promue. Par conséquent, la seconde phase prévue est intéressante et peut être reprise. En revanche, la période transitoire 2012-2014 paraît excessivement contraignante et ne laisse pas suffisamment de place à la négociation à l’échelon local. Je proposerai donc à la Haute Assemblée un amendement tendant à rétablir l’article 35 quater ainsi modifié.
Sous réserve des amendements qu’elle a déposés, la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie en deuxième lecture.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
La parole est à M. le président de la commission de la culture, rapporteur pour avis.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les députés ont souhaité donner un contenu normatif à l’article 35 du présent projet de loi.
Au titre IV, ils ont décidé, d’une part, de limiter le jeu de la clause de compétence générale du département et de la région, d’autre part, d’encadrer le recours aux financements croisés entre plusieurs niveaux de collectivités territoriales.
La commission de la culture aurait préféré examiner un texte spécifique sur les compétences des collectivités territoriales. Mais, compte tenu de l’impact de ces modifications sur l’intervention des départements et des régions dans les domaines de la culture et du sport, elle a décidé, suivant une démarche inhabituelle, j’en conviens, de se saisir, en deuxième lecture, du titre IV du présent projet de loi.
Je rappelle que, jusqu’à maintenant, la culture et le sport ont toujours constitué des compétences partagées entre les communes, les départements et les régions. L’enjeu est d’importance quand on sait que les collectivités territoriales participent pour environ 80 % au financement des activités artistiques et culturelles, hors Paris, et qu’elles assurent près des deux tiers des efforts financiers publics en faveur de l’organisation des pratiques sportives.
La commission de la culture est donc très satisfaite que, à la suite d’un débat passionné sur ces questions, nos collègues députés aient pris soin de préserver explicitement une compétence partagée entre les collectivités en matière de culture et de sport. Cette décision sage, que notre commission des lois a suivie, est de nature à rassurer les milieux professionnels concernés, qui avaient fait part de leurs inquiétudes.
En effet, il nous faut garder à l’esprit que la culture et le sport constituent des éléments indissociables des politiques d’action sociale, de solidarité et de proximité, pour lesquelles le rôle de chef de file des départements a été constamment consacré par le législateur. Ces domaines font aussi, bien souvent, partie intégrante des politiques de formation professionnelle et de développement économique et touristique, pour lesquelles les régions détiennent une compétence de principe.
Le maintien de ces compétences partagées ne fait pas obstacle à ce qu’une collectivité territoriale soit désignée chef de file pour la mise en œuvre d’un projet culturel ou sportif local. C’est selon cette logique que l’Assemblée nationale a prévu la possibilité pour une collectivité de déléguer l’exercice de l’une de ses compétences à un autre niveau, par voie conventionnelle.
Nos collègues députés ont également introduit la notion de « schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services ». La commission des lois du Sénat a précisé que ce schéma fixe, d’une part, les délégations éventuelles de compétences entre région et départements et, d’autre part, l’organisation de leurs interventions financières. Il s’agit ainsi de coordonner leurs actions dans différents secteurs, certains étant visés expressément par l’article 35 bis du présent projet de loi, d’autres étant facultatifs.
Ainsi, la culture et le sport ne devront pas obligatoirement faire l’objet d’un tel schéma. Pour autant, il me semble que régions et départements auraient tout intérêt à les intégrer dans leur schéma, dans le respect des situations locales. La souplesse, que nous souhaitons tous, ne doit pas empêcher la coordination.
D’ailleurs, n’est-ce pas l’objectif majeur des établissements publics de coopération culturelle, les EPCC ? Notre collègue Ivan Renar ne me démentira pas, lui qui a soutenu ce combat au nom de notre commission. Il s’agit bien d’encourager la participation de différentes collectivités territoriales, et si possible de l’État, pour promouvoir ensemble un projet culturel commun.
Tous les projets ne nécessitent pas, cependant, que l’on frappe à toutes les portes. Nous souffrons parfois d’un trop grand enchevêtrement des compétences et d’une superposition des guichets, pouvant entraîner un manque de cohérence entre les interventions. C’est pourquoi, selon les secteurs et selon les territoires, il me paraît souhaitable que les collectivités s’accordent soit pour construire des politiques publiques communes, soit pour se répartir les rôles, dans le dialogue et le respect mutuel. Cela me semble tout à fait compatible avec la notion de compétences partagées, dans les secteurs qui nous intéressent.
Je prône donc l’accord local, avec une éventuelle spécialisation de certains niveaux de collectivités dans certains domaines, si les élus l’estiment pertinente.
En effet, la loi vise à encourager la clarification des responsabilités entre les uns et les autres ; nous y tenons. L’élection de conseillers territoriaux devrait être de nature à faciliter une bonne organisation des compétences et des financements sur le territoire puisqu’ils seront des élus et du département et de la région. Il arrive d’ailleurs déjà que des conseillers généraux siègent aussi au conseil régional.
Cela arrive ! D’ailleurs, j’ai observé que, aux dernières élections régionales, dans le Nord-Pas-de-Calais, vous aviez préféré présenter des conseillers généraux au conseil régional. C’est une indication intéressante !
La structuration des réseaux culturels n’étant pas nécessairement la même dans toute la France, les conseillers territoriaux pourront prendre en compte les spécificités de leurs territoires. La collectivité compétente disposera de moyens renforcés pour accorder des subventions, et les procédures en seront allégées.
Bien entendu, j’entends les inquiétudes liées aux perspectives de financement de ces actions. Mais il faut avoir conscience que la réduction des dépenses culturelles et sportives n’est pas tant liée à la réforme de la fiscalité locale qu’à la crise et à la baisse des ressources qu’elle entraîne et qui oblige les collectivités à tailler dans leurs dépenses facultatives.
Pour moi, la culture est un élément essentiel du développement humain et économique, ce qui n’empêche pas, dans une période où l’argent est rare, de rationaliser et d’optimiser la dépense.
Je ne vous le cache pas, la coordination avec les métropoles me semble plus délicate. Notre commission des lois a prévu que les métropoles seraient associées de plein droit à l’élaboration, au suivi et à la révision du schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services, ce qui est logique.
Encore faudra-t-il que les conseillers territoriaux soient vigilants pour concilier le souhait d’affirmer des pôles européens forts et la nécessité d’éviter que les métropoles ne cannibalisent les territoires qui les entourent ! Ça peut arriver…
En effet, les petites collectivités rurales innovent souvent autant que les grandes villes, même si leurs actions sont moins connues. C’est le résultat très positif de la décentralisation culturelle de notre pays et de la politique volontariste portée par de nombreux élus locaux.
Enfin, le titre IV encadre désormais le recours aux financements croisés entre différents niveaux de collectivités territoriales. Notre commission des lois a eu la sagesse de supprimer l’article 35 quater adopté par l’Assemblée nationale, qui aurait eu pour effet de limiter, voire de supprimer la possibilité de cumuler les subventions départementales et régionales en faveur d’un projet local soutenu par une commune ou un groupement. Cette interdiction de cumul aurait pu sembler contradictoire avec le maintien de certaines compétences partagées entre les communes, les départements et les régions.
Notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication approuve donc le texte adopté par la commission des lois du Sénat. Elle proposera seulement de le préciser sur deux points.
D’une part, il s’agira de rendre obligatoire l’élaboration des schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services, qui ne s’imposera naturellement pas pour les compétences facultatives.
D’autre part, il s’agira d’étendre la clause de compétences partagées aux subventions accordées par les collectivités territoriales au tissu associatif, qui est la vie même de nos territoires et dont il est bon de reconnaître le rôle aujourd’hui.
Voilà, mes chers collègues, les propositions que vous fait la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, rapporteur.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de réforme territoriale dont nous débutons aujourd’hui l’examen en deuxième lecture permettra d’engager la discussion sur le mode de scrutin des futurs conseillers territoriaux.
La délégation aux droits des femmes, au nom de laquelle je m’exprime aujourd’hui, en qualité de présidente et de rapporteur sur ce texte, a travaillé pendant plusieurs mois sur l’incidence de cette réforme au regard de la parité.
Or il nous est vite apparu que les deux modes de scrutin successivement proposés par le Gouvernement – et personne, me semble-t-il, ne le conteste – n’étaient pas favorables à l’accès des femmes au mandat de conseiller territorial.
Le scrutin mixte initialement envisagé ne devait aboutir, dans les meilleures hypothèses et d’après l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, qu’à l’élection de 17 % de femmes. Quant au scrutin majoritaire à deux tours, vers lequel penche aujourd’hui le Gouvernement, devrait être encore moins favorable.
Triste anniversaire pour la loi du 6 juin 2000, la loi fondatrice de la parité, qui instituait pour la première fois dans l’histoire de notre pays des leviers juridiques et financiers tendant à favoriser l’accès des femmes aux responsabilités politiques ; il est vrai qu’elle s’appuyait alors sur une volonté politique sans faille !
En ce dixième anniversaire, les leçons que nous pouvons tirer de l’application de cette loi et de celles qui l’ont complétée sont claires : la parité a fortement progressé dans toutes les élections qui se déroulent au scrutin de liste, grâce à la règle qui prévoit que toute liste doit être composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.
C’est ainsi que nos conseils régionaux sont aujourd’hui devenus les exemples mêmes d’une parité effective. Non seulement ils sont constitués de 48 % de femmes, mais, grâce à la loi du 31 janvier 2007, qui étend les contraintes paritaires à la composition de leurs exécutifs, ils comptent plus de 45 % de femmes vice-présidentes depuis mars 2008.
En revanche, les résultats sont décevants dans les élections qui se déroulent au scrutin uninominal à deux tours. Les conseils généraux, avec 12, 3 % de femmes seulement, restent les assemblées les plus masculines du pays et l’obligation de se présenter accompagné d’un remplaçant de l’autre sexe, ou plutôt d’une remplaçante, dans la grande majorité des cas, n’a guère eu d’effet visible jusqu’à présent.
Les pénalités financières imposées aux partis qui ne présentent pas suffisamment de candidates aux élections législatives sont-elles plus efficaces ? Vous me permettrez d’en douter. La proportion des femmes parmi les députés, qui s’élève à 18, 5 %, montre la limite de l’exercice. Ces pénalités qui représentent un manque à gagner de 5, 288 millions d’euros par an – dont 4, 131 millions d’euros pour le parti majoritaire, soit dit en passant –, sur un financement public global de 80 millions d’euros par an, ne semblent pas avoir beaucoup d’effet.
Pour nous, la solution doit donc être cherchée dans une autre direction. C’est ce à quoi nous nous sommes appliqués, en auditionnant successivement des constitutionnalistes, les représentants de grandes associations d’élus, les associations de femmes favorables à la parité et les responsables des partis politiques représentés au Parlement.
Nos auditions ont souligné les faiblesses du mode de scrutin mixte proposé par le Gouvernement dans le projet de loi n° 61, qui regroupait à l’origine l’essentiel du volet électoral de la réforme. Dans ce projet de loi, 80 % des sièges devaient être pourvus au scrutin uninominal majoritaire à un tour, les 20 % restants étant attribués, dans le cadre du département, au scrutin de liste proportionnel.
Ce mode de scrutin a suscité bien des critiques et des interrogations liées au scrutin de liste à un tour et à un système complexe d’attribution des sièges pourvus au scrutin de liste en fonction des suffrages exprimés au scrutin majoritaire. Il était, en outre, particulièrement défavorable à la parité.
Les constitutionnalistes que nous avons interrogés ont, certes, douté que le juge constitutionnel sanctionne le mode de scrutin au seul motif d’un recul prévisible de l’accès des femmes à ces mandats locaux, mais ils se sont demandé si l’addition des différentes faiblesses juridiques ne risquait pas cependant de peser dans le sens d’une censure.
Le Gouvernement a finalement renoncé à ce mode de scrutin pour y substituer le scrutin majoritaire à deux tours à l’occasion de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi de réforme territoriale, alors que celui-ci avait déjà été examiné et adopté par le Sénat en première lecture.
Permettez-moi de déplorer ce changement de support législatif qui n’est respectueux ni de la procédure législative ni du Sénat. Nous ne pouvons en effet nous prononcer sur ce nouveau dispositif qu’à l’occasion de cette deuxième lecture et donc lui apporter les correctifs nécessaires dans des délais très contraints.
Le choix du mode de scrutin est tout aussi problématique. Le scrutin majoritaire à deux tours est usuel en droit français, mais son impact négatif sur la parité est bien connu. Il serait plus négatif encore que celui du scrutin mixte qui comportait un volet de 20 % de proportionnelle.
En outre, il est loin de faire l’unanimité des partis politiques que nous avons consultés, vous le savez d’ailleurs bien, pour en être ici les représentants.
Les conditions dans lesquelles ce mode de scrutin a été présenté, puis adopté à l’Assemblée nationale, avant que notre commission des lois ne décide, à la majorité, de le retrancher du texte que nous examinons aujourd’hui, me paraissent significatives. Elles démontrent à la fois le caractère problématique du choix effectué par le Gouvernement et le malaise inspiré par la précipitation avec laquelle il cherche à l’imposer.
Dans ce contexte, notre délégation a adopté neuf recommandations. Les sept premières relèvent du constat ; les huitième et neuvième constituent le cœur de nos propositions.
Je passe rapidement sur les premières, qui reprennent le double constat que j’ai formulé à l’instant : le scrutin de liste favorise la parité, mais celle-ci ne progresse pas dans les élections au scrutin uninominal majoritaire.
Ce constat nous conduit à formuler un regret. Le Gouvernement a successivement privilégié deux modes de scrutin qui, reposant pour l’essentiel ou en totalité sur le scrutin uninominal majoritaire, sont de nature à défavoriser l’accès des femmes aux futurs conseils régionaux et conseils généraux. J’ai rappelé les projections faites par l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes et déjà indiqué que les perspectives étaient encore plus sombres à cet égard si le mode de scrutin maintenant envisagé est effectivement retenu.
Le Gouvernement met régulièrement en avant l’incidence positive pour les femmes de l’extension du scrutin de liste aux petites communes et de l’élection au suffrage universel des délégués communautaires. Nous en approuvons, certes, le principe, mais nous refusons de considérer que l’intérêt de ces mesures à l’échelon municipal pourrait compenser la régression prévisible et accentuée des femmes dans les conseils régionaux et généraux.
J’en viens au sixième point, qui est une déclaration de principe. L’article 34 de la Constitution reconnaît au Parlement la faculté de fixer le régime électoral des assemblées. Mais la liberté dont il doit jouir dans le choix des modes de scrutin ne doit pas le dispenser pour autant de chercher à atteindre l’objectif constitutionnel d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux.
Dans ces conditions, nous considérons que l’adoption d’un mode de scrutin particulièrement défavorable à la parité, comme le scrutin majoritaire à deux tours, ne peut devenir acceptable que si celui-ci s’accompagne de mécanismes susceptibles d’en neutraliser les effets négatifs.
Nous ne privilégions pas la voie des pénalités financières imposées aux partis pour non-respect de la parité. En effet, nous relevons dans notre septième point qu’elle n’a pas produit les effets escomptés. Il faudrait les rendre insupportables, comme l’avait, me semble-t-il, promis le Premier ministre, pour qu’elles soient efficaces ; or c’est très loin d’être le cas dans le dispositif adopté par l’Assemblée nationale.
Aussi privilégions-nous une autre voie, qui, je le reconnais, est novatrice, même si je ne crois pas qu’elle bouscule les grands principes de notre droit électoral.
Dans notre huitième recommandation, notre recommandation-clé, nous vous proposons, tout en restant dans le cadre du scrutin majoritaire à deux tours, de substituer un scrutin binominal au scrutin uninominal. Autrement dit, l’élection porterait, dans chaque canton, non sur un candidat unique, doublé d’un remplaçant, mais sur un binôme paritaire, constitué de deux candidats de sexe différent, flanqué d’un binôme de remplaçants, également mixte, désigné dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui.
Bien entendu, pour maintenir inchangé l’effectif prévu des conseillers territoriaux, il faudrait réduire de moitié le nombre de cantons par rapport au redécoupage actuellement envisagé par le Gouvernement.
L’adoption de ce mode de scrutin permettrait d’obtenir, par définition, une stricte parité dans les conseils régionaux et les conseils généraux.
La parité étant réalisée dans ces derniers, on pourra, et c’est notre neuvième recommandation, leur étendre les dispositions de la loi du 31 janvier 2007, qui ne favorisent actuellement la parité des exécutifs que dans les conseils régionaux et les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants.
Ces recommandations, nous les avons adoptées à l’unanimité, au cours de notre réunion du 10 juin dernier. C’est un point qui mérite d’autant plus d’être souligné que le consensus paraît bien difficile à obtenir par ailleurs sur ce volet électoral, si l’on en juge par les péripéties qu’il a connues.
Nous avions décidé de donner une traduction législative aux principales d’entre elles, sous la forme d’amendements proposés à la commission des lois. Ceux-ci ont été cosignés par la grande majorité des membres de notre délégation, issus de la majorité comme de l’opposition.
Nous ne les avons pas déposés en séance, la commission ayant rejeté, dans un premier temps, le volet électoral du projet de loi. Toutefois, dans l’hypothèse, qui semble se préciser, où un amendement tendrait à réintroduire le scrutin majoritaire pour l’élection du conseiller territorial, nous en reprendrions la teneur sous la forme d’un sous-amendement à l’amendement en question.
Ces recommandations, qui ont recueilli l’approbation des membres de notre délégation, toutes tendances politiques confondues, constituent à mes yeux la seule solution efficace pour que la réforme territoriale ne se traduise pas par un recul historique de la parité : celui-ci enverrait à l’opinion, dix ans après l’adoption de la loi du 6 juin 2000, un message très négatif quant à la volonté des pouvoirs publics – Gouvernement et Parlement – de continuer à progresser dans le sens d’un meilleur accès des femmes aux responsabilités politiques.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en janvier et février derniers, lors de l’examen en première lecture de ce projet de loi par notre assemblée, les membres du groupe Union centriste avaient le sentiment que le texte en question permettrait de simplifier, de clarifier, en un mot de moderniser notre organisation territoriale.
Bien qu’il fût imparfait, le mode de scrutin proposé par le Gouvernement pour élire les futurs conseillers territoriaux allait dans le bon sens. D'ailleurs, en première lecture, le Sénat avait adopté notre amendement tendant à fixer les principes auxquels le mode d’élection des conseillers territoriaux ne saurait déroger.
Or, cinq mois plus tard, nous sommes déçus de constater que le Gouvernement n’a pas laissé ce débat se poursuivre comme prévu.
Je l’espère, chère collègue, notamment grâce au soutien que, pour une fois, vous ne manquerez pas de m’apporter !
Nous sommes déçus que le Gouvernement n’ait pas respecté les principes fixés par l’article 1er A, en proposant à l’Assemblée nationale d’adopter un scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Nous sommes déçus également de constater que le seuil à partir duquel une agglomération peut prétendre au statut de métropole – je n’évoquerai même pas les compétences de cette structure ! – ait été fixé par l’Assemblée nationale à 450 000 habitants, ce qui revient, selon nous, à vider cette proposition de son intérêt.
Au total, nous sommes déçus de constater que, à trop vouloir contenter tout le monde, avec ce texte, on risque de ne satisfaire personne. Nous sommes déçus de voir les conservatismes, les frilosités, les intérêts partisans l’emporter sur l’ambition de changement qui devait animer l’examen de cette réforme.
Toutefois, pour vous faire plaisir, madame Borvo, je voudrais vous indiquer, ainsi qu’à l’ensemble de nos collègues, que déception ne signifie pas renoncement.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Vous êtes époustouflante, chère collègue !
Notre volonté de proposer et d’améliorer ce projet de loi reste intacte. Nous défendrons donc plusieurs amendements visant à redonner de l’ambition à ce texte.
Premièrement, en parfaite cohérence avec les principes que nous avons défendus en première lecture, nous proposerons un mode de scrutin mixte. Nous persistons à soutenir cette mixité du scrutin, car elle nous apparaît comme la seule capable d’assurer la représentation des territoires tout en garantissant le pluralisme des opinions. Nous verrons, mes chers collègues, qui nous soutiendra dans cette démarche…
En effet, il est facile d’invectiver et de discourir, mais c’est au moment du vote que l’on voit qui veut vraiment le changement.
Exclamations indignées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à être convaincus qu’un tel mode de scrutin est nécessaire, madame Borvo : c’est aussi le cas du Président de la République. Le 20 octobre dernier, il affirmait que le pluralisme des idées politiques justifie que l’on réserve dans les conseils généraux et régionaux une place aux différents courants de pensée, fussent-ils minoritaires.
Deuxièmement, nous proposerons un tableau de répartition des conseillers territoriaux par région et par département, qui, à nos yeux, corrige les anomalies de représentation entre départements au sein d’une même région. Cette répartition repose sur un principe clé : l’équité régionale.
Marques de scepticisme sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
L’objectif visé est que tous les conseillers territoriaux, au sein d’une région, représentent non pas seulement un nombre d’habitants comparable, mais aussi un territoire dont la superficie serait réellement prise en compte.
En effet, la solution consiste-t-elle vraiment à créer des conseils régionaux comptant 211 élus en Aquitaine, 298 en Rhône-Alpes et 308 en Île-de-France, comme nous le propose M. le rapporteur ?
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu tout à l’heure votre remarque sur la situation de certaines intercommunalités. Peut-être faudra-il revenir un jour sur cette question.
Mes chers collègues, voulons-nous vraiment créer, dans chacune de nos régions, des assemblées pléthoriques et ingérables, ce qui obligera, même si ce n’est là qu’un aspect du problème, à construire de nouveaux hémicycles ?
Existe-t-il une véritable estimation du coût faramineux des dépenses qu’il faudrait engager, en investissement, mais aussi et surtout en fonctionnement ?
Quelqu’un ici peut-il affirmer que ces assemblées seront efficaces, qu’elles répondront aux besoins des conseils régionaux et rempliront les missions de ces derniers ? Cela ne va pas de soi !
J’ajouterai un mot sur les métropoles. Pour que ce statut ait un sens, il faut qu’il soit réservé à des agglomérations d’une envergure suffisante pour rivaliser avec les grands pôles européens que sont Barcelone, Francfort ou Milan. Mes chers collègues, nous vous proposerons donc de porter le seuil à partir duquel une agglomération peut se constituer en métropole à 650 000 habitants.
Enfin, nous vous proposerons de différer le débat sur les compétences.
Si nous ne sommes pas suivis dans cette démarche, nous défendrons des dispositions tendant à mieux clarifier la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités, en nous efforçant d’être à la hauteur des enjeux, qui sont ici absolument essentiels.
En effet, les élus locaux, les citoyens et tous les acteurs de la vie locale doivent savoir qui fait quoi, qui finance quels projets. Surtout, il faut éviter les abus et le saupoudrage actuels. Tel est l’objectif qui guide nos propositions.
Voilà, mes chers collègues, les principales mesures que nous souhaitons défendre au cours de cette seconde lecture du projet de loi, et que d’autres membres de mon groupe exposeront certainement mieux que moi.
Notre intention est claire : rendre à ce texte son ambition de départ. Notre groupe se déterminera sur l’ensemble du projet de loi à l’aune du sort qui aura été réservé à ses amendements. Nous espérons être entendus : quand il quittera cette assemblée, ce texte devra être à la mesure des attentes des citoyens et des élus locaux, qui aspirent à des changements.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste.
Messieurs les ministres, la sagesse populaire nous le rappelle : « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ». Tel est bien le premier et le principal reproche que nous devons adresser à votre projet de loi !
Malgré les améliorations apportées par notre assemblée en première lecture, et que vous avez d'ailleurs démolies grâce à votre majorité à l’Assemblée nationale, malgré les quelques rectifications que vous avez accordées aux députés, parfois sous la contrainte de l’évidence, votre projet est globalement mauvais, car il est mal intentionné, …
… et cela pour deux raisons principales.
La première, fondamentale, est que, dans vos cabinets et dans vos directions ministérielles, on n’aime pas la décentralisation et son corollaire de liberté.
Tel est le paradoxe de notre pays : dans ce vieil État que l’on dit « jacobin », mais que l’on pourrait tout aussi bien qualifier de capétien, de colbertiste, de napoléonien, de gaulliste ou même d’énarchique, le double soin d’approfondir la décentralisation et de conduire la construction européenne est confié systématiquement au cœur même de l’appareil d’État, à ces hauts fonctionnaires qu’un tel double mouvement devrait déposséder de leur pouvoir anonyme et irresponsable, à ce « pouvoir des bureaux » si justement critiqué par Alain.
Dans votre logique, la décentralisation est octroyée, comme aurait dit Louis XVIII, consentie, au mieux accordée ; elle n’est jamais conduite vigoureusement et en suivant l’opinion des élus que nos concitoyens ont désignés pour vous exprimer leur sentiment et leur ressentiment !
Le deuxième vice essentiel inhérent à votre projet tient à ce que vous ne visez pas une meilleure administration locale : vous cherchez un bouc émissaire pour endosser votre incapacité à assurer les responsabilités de l’État. Pour ce qui concerne ce projet de loi, votre faiblesse apparaît à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, vous êtes en guerre contre l’institution cantonale. Celle-ci était et demeure, en milieu rural comme dans les villes petites et moyennes, un cercle de solidarité vécue concrètement par les Français. Le canton était l’étage le plus bas de l’action déconcentrée de l’État, avec sa poste, sa subdivision des travaux publics, sa perception, son collège, ses transports ferroviaires ou routiers, bref tous ces services publics locaux que vous avez condamnés ou transférés à nos collectivités par dogmatisme libéral et productiviste, alors que c’est leur disparition qui ruine notre pays.
Ensuite, vous vous en prenez au fameux « millefeuille administratif » pour dissimuler votre incapacité à maîtriser les comptes de l’État, en imputant à nos collectivités et à leurs groupements des dépenses inconsidérées en période de crise.
C’est le contraire qui est vrai : un État-cigale fort dépourvu réforme, de façon démagogique et sans étudier les conséquences de ses décisions, la taxe professionnelle, taille à la hache dans la taxe foncière et le FCTVA, dont je vous rappelle, messieurs les ministres, qu’il n’est que l’insuffisante contrepartie de la suppression de la taxe locale réalisée lors de la création de la TVA.
Dans le même temps, des collectivités territoriales-fourmis, aux compétences sans cesse élargies – de fait, et non par la loi, en raison de l’incurie de l’État –, tentent de faire face à vos défaillances grâce aux rares interstices de liberté que votre philosophie centralisatrice leur laisse et parviennent, grâce à leur rigueur, mais aussi aux contributions de nos concitoyens, à demeurer le principal moteur financier de l’investissement dans ce pays !
Mais l’essentiel, qui touche, là encore, à la philosophie du pouvoir, réside dans cette erreur fondamentale : vous êtes persuadés que l’État et sa haute fonction publique sont les seuls à représenter l’intérêt général, à porter le bien commun.
Demandez à nos concitoyens ! Ils vous parlent d’associations, de fondations et avant tout de leurs collectivités de base, comme ils l’ont fait lors de votre fameux débat, avorté avant d’avoir été pensé, sur l’identité nationale.
Lors de l’adoption des lois Defferre de 1982 et 1983, la mode parisienne était de citer en exemple le cas de la Belgique et les réformes réalisées dans ce pays en 1974, qui avaient divisé par neuf le nombre des communes. Nous avons vu depuis lors ce qu’il en était du caractère exemplaire des institutions belges...
Sourires
À cette époque, j’ai eu à participer à un déjeuner très politique avec le Président de la République et plusieurs ministres et grands élus locaux. À un membre du Gouvernement qui déplorait le nombre excessif de nos communes, François Mitterrand, dans sa sagesse et sa connaissance intime de nos terroirs et de leurs habitants, avait objecté : « N’oublions jamais que vous avez, grâce à cette situation, un réseau de plus de 500 000 élus locaux bénévoles, qui retissent quotidiennement, modestement et inlassablement ce lien social si distendu dans nos grandes villes et leurs banlieues. » Je ne saurais évidemment mieux dire !
Cette réflexion m’amène, puisque j’ai voulu m’en tenir, dans le temps qui m’est imparti, aux mauvais a priori qui sous-tendent votre projet de loi, à citer un seul exemple concret – j’aurais pu, bien sûr, en développer beaucoup d’autres –, celui du conseiller territorial et de son mode d’élection.
Comme je l’ai souligné dès la première lecture, nous ne voulons pas de cette nouvelle institution, de ce conseiller qui siégerait dans deux conseils dont vous avez refusé de clarifier préalablement les compétences, et qui pourrait donc être amené, selon les majorités politiques ou en fonction des circonstances, à voter de façon différente sur un même sujet. Il suffit d’imaginer, pour le comprendre, un vote des conseils généraux et régionaux concernés par le projet de canal Rhin-Rhône...
Nous ne voulons pas de cet hybride de carpe et de lapin dont nul électeur ne saura plus s’il le représente et pour faire quoi.
Nous refusons de voir, notamment dans les petits départements, ces pseudo-conseillers, en fait des « shadow-députés », déployer leur énergie dans la polémique politicienne faute de pouvoir l’employer clairement au service de nos concitoyens. Nous n’en voulons pas !
Dès lors, le mode d’élection des conseillers territoriaux n’est pas notre affaire : c’est la vôtre ! Nous avions bien vu votre ballon d’essai ; vous rêviez, au nom d’une UMP qui se croyait hors d’atteinte, d’un mode de scrutin à l’anglaise. Vos députés, éclairés par vos déboires récents aux élections régionales, vous ont fait revenir à plus de raison.
Si nous avons, nous les radicaux, une préférence pour le scrutin uninominal à deux tours, il ne nous appartient pas d’arbitrer les querelles tactiques au sein de la majorité. Un grand constitutionnaliste avait coutume de dire, à propos des modes de scrutin : « Ce n’est pas le pressoir qui fait le vin, c’est le raisin. » Je vous livre donc mon pronostic : vos millésimes 2011 et 2012 seront mauvais, car votre raisin, votre projet pour la France, n’est pas bon.
J’ai évoqué tout à l’heure La Fontaine. Vous savez que la fourmi n’est pas prêteuse. Je vous le dis tout net : les radicaux de gauche ne vous feront aucun crédit !
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis ce soir pour débattre d’un projet de loi portant réforme des collectivités territoriales dont personne ne sait vraiment où il va nous mener.
Je pense très sincèrement que, dès le départ, cette réforme s’est nourrie de présupposés qui étaient faux, qui ont servi d’alibis à un mouvement qui allait à contresens de l’histoire.
Oui, je le crois, cette réforme va d’abord à contresens de notre histoire contemporaine et de l’esprit de la décentralisation telle que nous l’avons connue depuis près de trente ans dans notre pays.
La décentralisation, Jean-Michel Baylet vient de le dire, fut une grande idée, un acte fondateur au début des années quatre-vingt, qui ne manqua pas de susciter, d’un côté, l’enthousiasme, de l’autre, le scepticisme, voire le rejet.
Pour moderniser la France, il fallait ramener le pouvoir de décision au plus près du terrain, au plus près de ceux qui l’incarnent ; il fallait, pour changer la vie publique, faire confiance à l’intelligence des territoires et miser sur la proximité ; il fallait, pour transformer en profondeur notre vie politique, parier sur la démocratie locale et impliquer les élus et les citoyens dans la définition, l’élaboration et la mise en œuvre des décisions qui les concernent.
Ces évidences avaient presque fini par faire consensus : je me souviens de la volonté du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin de graver dans le marbre de notre Constitution que l’organisation de notre République est « décentralisée »...
Eh bien, mes chers collègues, c’est cette tendance de fond qui est aujourd’hui battue en brèche par le présent texte, conçu dans la hâte, discuté dans la précipitation et retouché dans l’improvisation.
Comme vous, je rencontre tous les jours, dans nos assemblées de maires, des élus locaux en proie à un grand désarroi face à un contexte où ils ne sont sûrs de rien mais où, en revanche, ils sont régulièrement désignés comme les grands responsables des difficultés et des déficits.
Mais comment peut-on concevoir que le niveau local puisse jouer son rôle de levier pour dynamiser l’économie, de fédérateur pour contribuer au « mieux vivre ensemble », si, au lieu de dialoguer, on stigmatise, si, au lieu de construire, on dénigre, si, au lieu d’avancer, on démolit ?
Laisser les communes et les intercommunalités sans aucune garantie quant aux ressources nécessaires, sans aucune perspective pour remplacer ce que nous appelons les financements croisés, pourtant si utiles quand il faut faire naître à toute force le projet dont toute la commune rêve... N’est-ce pas cela qui entretient un malaise profond et inquiétant ?
Imaginer, sans jamais le dire, un processus lent et insidieux de fusion du couple département-région, qui dénature simultanément les deux entités...
Inventer un « conseiller territorial » hybride, un « élu génétiquement modifié », nécessairement cumulard, intrinsèquement schizophrène, au four et au moulin, sans même être capable d’expliquer combien il y en aura, comment il sera élu, comment il pourra siéger et travailler… N’est-ce pas cela qui crée l’inquiétude, la suspicion et le découragement de milliers d’élus qui n’en peuvent plus de donner de leur temps sans réelle reconnaissance ?
Alors, messieurs les ministres, on peut s’étonner de votre obstination à vouloir démontrer, sans véritable étude comparative, que votre gouvernement transforme la France en ayant raison contre tout le monde...
Enfin, et ce n’est pas le moins grave pour un gouvernement qui se targue d’être moderne, la réforme va à contresens de toute logique d’efficacité.
C’est vrai pour la méthode : le Parlement a été mis sur la touche, au mépris des travaux de fond conduits ici même, avec des contributions émanant de tous les rangs. La phase de concertation a été totalement bâclée, puisque aucune des voix, souvent autorisées, qui ont contesté la conduite de ce chantier n’a été entendue. Et votre approche de la réforme territoriale s’est faite à l’envers, au détriment de la logique de résultat, puisque vous avez rogné les ressources avant de déterminer les finalités de l’action publique locale.
C’est vrai aussi pour le fond : les économies induites par la réforme seront minimes, loin d’être à la hauteur de l’enjeu. Les gains ainsi obtenus ne compenseront en rien les dégâts en termes de désorganisation territoriale, de déstabilisation des services publics et de l’investissement local, pourtant plus que jamais nécessaires.
En un mot comme en mille, vous réformez dans le vide, vous réformez sans fixer de cap, sans déterminer de but, sans donner de sens.
Au terme de réécritures hasardeuses, d’ailleurs peu maîtrisées, plus personne n’y comprend rien ! Que devront faire, que pourront faire demain les collectivités ? Comment ces instances pléthoriques vont-elles fonctionner concrètement ? Aucune réponse n’est apportée à ces interrogations.
Le texte, dans sa rédaction actuelle, ne répond à aucun des grands défis que nous devons relever.
Alors, je vous pose à nouveau la question : pourquoi vous obstiner ? À moins que l’explication ne soit à chercher ailleurs : la réforme territoriale telle qu’elle nous est présentée aujourd’hui se résumerait-elle à une tentation de manipulation, destinée principalement à changer les règles du jeu électoral à l’approche d’échéances que vous abordez avec crainte ?
Si tel est le cas, alors, ce n’est pas une réforme, et ce n’est certainement pas un progrès ; c’est, pardonnez-moi, une supercherie, obscure dans sa formulation, mais limpide dans son résultat. C’est un hold-up politique que vous nous demandez aujourd’hui d’avaliser !
Vous vouliez simplifier : vous créez de la complexité et de la confusion à tous les étages, des compétences aux financements.
Vous vouliez réaliser des économies substantielles : elles sont négligeables, ridicules en regard du risque que vous faites peser sur l’aménagement du territoire et le développement économique.
Vous vouliez rendre le système plus juste : nous ne voyons rien, aucune avancée concrète en matière de péréquation.
Mes chers collègues, nous avons ici une double mission : représenter les collectivités territoriales et améliorer la loi.
Ce texte, parti d’une stigmatisation de l’élu, est un cas flagrant de régression territoriale mettant en péril le difficile équilibre rendu possible par trente ans d’esprit décentralisateur.
Pour terminer, je voudrais faire une citation : « La clause de revoyure pour les finances locales : escamotée ; le débat sur les compétences : inachevé ; la réforme sur le mode de scrutin : pas consensuelle ». Ce constat lucide, c’est l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin lui-même qui le dresse.
Décidément, il faut tirer les conclusions qui s’imposent : c’est un mauvais projet de loi que vous nous présentez, messieurs les ministres, et c’est pour cela que nous vous invitons, mes chers collègues, à agir en conscience et en cohérence en ne votant pas ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 29 juin 2010 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
À quinze heures et le soir :
2. Suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (n° 527, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois (n° 559, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 560, 2009-2010).
Avis de M. Jacques Legendre, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 573, 2009-2010).
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 574, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Michèle André, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n° 552, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.