À cette époque, j’ai eu à participer à un déjeuner très politique avec le Président de la République et plusieurs ministres et grands élus locaux. À un membre du Gouvernement qui déplorait le nombre excessif de nos communes, François Mitterrand, dans sa sagesse et sa connaissance intime de nos terroirs et de leurs habitants, avait objecté : « N’oublions jamais que vous avez, grâce à cette situation, un réseau de plus de 500 000 élus locaux bénévoles, qui retissent quotidiennement, modestement et inlassablement ce lien social si distendu dans nos grandes villes et leurs banlieues. » Je ne saurais évidemment mieux dire !
Cette réflexion m’amène, puisque j’ai voulu m’en tenir, dans le temps qui m’est imparti, aux mauvais a priori qui sous-tendent votre projet de loi, à citer un seul exemple concret – j’aurais pu, bien sûr, en développer beaucoup d’autres –, celui du conseiller territorial et de son mode d’élection.
Comme je l’ai souligné dès la première lecture, nous ne voulons pas de cette nouvelle institution, de ce conseiller qui siégerait dans deux conseils dont vous avez refusé de clarifier préalablement les compétences, et qui pourrait donc être amené, selon les majorités politiques ou en fonction des circonstances, à voter de façon différente sur un même sujet. Il suffit d’imaginer, pour le comprendre, un vote des conseils généraux et régionaux concernés par le projet de canal Rhin-Rhône...
Nous ne voulons pas de cet hybride de carpe et de lapin dont nul électeur ne saura plus s’il le représente et pour faire quoi.
Nous refusons de voir, notamment dans les petits départements, ces pseudo-conseillers, en fait des « shadow-députés », déployer leur énergie dans la polémique politicienne faute de pouvoir l’employer clairement au service de nos concitoyens. Nous n’en voulons pas !
Dès lors, le mode d’élection des conseillers territoriaux n’est pas notre affaire : c’est la vôtre ! Nous avions bien vu votre ballon d’essai ; vous rêviez, au nom d’une UMP qui se croyait hors d’atteinte, d’un mode de scrutin à l’anglaise. Vos députés, éclairés par vos déboires récents aux élections régionales, vous ont fait revenir à plus de raison.
Si nous avons, nous les radicaux, une préférence pour le scrutin uninominal à deux tours, il ne nous appartient pas d’arbitrer les querelles tactiques au sein de la majorité. Un grand constitutionnaliste avait coutume de dire, à propos des modes de scrutin : « Ce n’est pas le pressoir qui fait le vin, c’est le raisin. » Je vous livre donc mon pronostic : vos millésimes 2011 et 2012 seront mauvais, car votre raisin, votre projet pour la France, n’est pas bon.
J’ai évoqué tout à l’heure La Fontaine. Vous savez que la fourmi n’est pas prêteuse. Je vous le dis tout net : les radicaux de gauche ne vous feront aucun crédit !