Intervention de Jacques Muller

Réunion du 29 septembre 2009 à 15h00
Engagement national pour l'environnement — Article 28

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

À ce stade de la discussion, je souhaite aborder un autre problème structurel : le captage et stockage du CO2, communément appelé CSC.

Cette technologie vise à réduire l’incidence de l’utilisation de la plupart des énergies fossiles, hors uranium, en captant le CO2 rejeté par leur combustion avant de l’enfouir dans le sol.

Bien que le CSC n’ait pas encore fait ses preuves et qu’il n’y ait pas de certitude que l’enfouissement du CO2 soit un jour opérationnel, de nombreux producteurs d’électricité présentent régulièrement cette technologie comme une solution en matière de lutte contre le changement climatique. Ils s’en servent pour justifier la construction de nouvelles centrales.

Après analyse, cette nouvelle piste industrielle apparaît être un leurre.

Premièrement, le CSC ne devrait pas être opérationnel avant 2030. Il ne s’agit pas là d’une vision catastrophiste : c’est l’avis du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC. Autrement dit, si cette technologie devait un jour faire la preuve de son efficacité, il serait beaucoup trop tard pour y recourir afin de lutter contre les changements climatiques.

En effet, les experts du climat s’accordent pour dire que si nous voulons éviter la catastrophe climatique, les émissions planétaires de gaz à effet de serre devront impérativement être plafonnées d’ici à 2015, et réduites d’au moins 50 % d’ici à 2050. Le programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, a abouti à la conclusion suivante : « Le CSC arrive beaucoup trop tard sur le champ de bataille pour aider le monde à éviter les dangers des changements climatiques. »

Deuxièmement, la technologie du CSC constitue un gaspillage d’énergie, sa consommation représentant entre 10 % et 40 % de la capacité d’une centrale électrique : en effet, il est nécessaire de procéder à l’extraction, au transport et à la combustion de charbon pour faire fonctionner une telle installation. Ainsi, sur la base d’une perte énergétique moyenne de 20 %, il faudrait construire une nouvelle centrale électrique dédiée au CSC pour quatre centrales existantes !

Troisièmement, le captage et stockage du dioxyde de carbone implique une utilisation accrue d’autres ressources naturelles. Par exemple, la consommation d’eau douce des centrales électriques ainsi équipées dépasserait de 90 % celle des autres, selon le Laboratoire national des technologies de l’énergie de Pittsburgh.

Quatrièmement, le stockage artificiel profond de dioxyde de carbone n’est pas sans danger : les risques de fuite et de relargage dans l’atmosphère ne sont pas forcément une vue de l’esprit.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, vous comprendrez mon étonnement de voir figurer dans un texte fondateur pour notre politique future en matière de production d’énergie et de lutte contre le changement climatique cet article 28, consacré à la recherche-développement sur le CSC.

En effet, il est aujourd'hui admis qu’il est prioritaire d’agir en amont, le plus rapidement et le plus fortement possible, afin de réduire les émissions de CO2 à la source, dans les domaines du transport, du bâtiment, de l’agriculture, du développement des énergies renouvelables. Tous nos efforts doivent être dirigés dans cette voie, car mieux vaut prévenir que guérir.

Or l’option technologique du captage et du stockage du dioxyde de carbone, implicitement consacrée dans ce projet de loi, est intrinsèquement contre-productive et indirectement préjudiciable au développement des initiatives visant à optimiser l’efficacité énergétique et à favoriser le développement des énergies renouvelables.

Comme pour le nucléaire, nous constatons une sorte de fuite en avant vers des solutions technologiques lourdes, centralisées, portées par de grands groupes industriels et financiers, qui reflètent la culture ambiante techno-scientiste, actuellement dominante, mais pour combien de temps encore ? Nous croyons plutôt, pour notre part, aux solutions souples, décentralisées, multiples : small is beautiful, affirmait l’économiste Schumacher. Emprunter cette voie nous permettrait d’éviter un monumental et dramatique CSC – ce sigle signifiant, au football, marquer contre son camp !

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