Intervention de François Baroin

Réunion du 7 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Outre-mer

François Baroin, ministre :

Monsieur Gillot, vous m'avez interrogé sur le transfert des crédits de l'ex-FNDAE en ce qui concerne les opérations d'assainissement et d'adduction d'eau. Je puis vous rassurer puisque, en 2005, les crédits de paiement ont été délégués directement par le ministère de l'agriculture. Par conséquent, n'hésitez pas à me signaler le moindre problème administratif que vous pourriez constater sur le terrain. De la sorte, nous pourrons alerter le préfet, qui coordonnera alors l'action à mener. En tout état de cause, selon les services de mon ministère, il ne devrait plus y avoir de difficultés en la matière.

Monsieur Detcheverry, pour en avoir longuement parlé ensemble, notamment lors de mon déplacement à Saint-Pierre-et-Miquelon, je partage votre souci de relancer la coopération régionale avec le Canada, sur des bases concrètes, axées sur le développement économique. Au mois d'octobre dernier, s'est tenue la huitième commission mixte de coopération franco-canadienne, qui a ouvert de nouvelles pistes de coopération touristique et institué un groupe de travail élargi aux représentants des entreprises dans le domaine économique.

J'attache une importance toute particulière au fait que l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon puisse être considéré comme une tête de pont entre les provinces atlantiques du Canada et l'Europe. Il s'agit d'ailleurs probablement de l'atout majeur de Saint-Pierre-et-Miquelon, en dehors de son charme et de la qualité d'accueil de sa population. Eu égard à ce nouvel état d'esprit et à cette ouverture « ressourcée », pour prendre un terme qui me semble assez adapté à l'évolution de ces populations, nous pourrons aider Saint-Pierre-et-Miquelon à aller de l'avant.

Le futur plan de développement sur dix ans, qui succèdera au contrat de plan actuel, devra comprendre, au sein de toutes les politiques publiques proposées en liaison avec vous, une composante importante sur la coopération régionale avec des financements de soutien de l'État.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à ce stade de mon intervention, je pourrais longuement revenir sur les problèmes institutionnels. En effet, certains d'entre vous m'ont interrogé à propos de Mayotte, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy ou d'autres évolutions statutaires. Je me contenterai cependant de rappeler que les engagements annoncés publiquement par Mme Girardin, dans le cadre du respect de la feuille de route souhaitée par le Président de la République, seront intégralement respectés. C'est bien la moindre des choses, mais je tenais à le préciser de nouveau.

Nous attendons l'avis du Conseil d'État pour inscrire ces textes à l'ordre du jour des travaux du Parlement. Le ministre délégué aux relations avec le Parlement ne manquera pas de vous tenir informés à cet égard.

Je ne m'étendrai pas non plus sur les RUP, sur leurs avantages et sur les interrogations : « pourquoi-comment-jusqu'où ? ».

Il y a des demandes, et singulièrement à Mayotte. Il nous faudra bien réfléchir à nos actions, dans le cadre de l'article 74 de la Constitution, notamment celles qui seront engagées de façon dérogatoire au droit commun en matière de lutte contre l'immigration illégale.

Il importera également d'étudier la compatibilité d'une éventuelle départementalisation avec la décision de l'Union européenne quant à l'éligibilité de Mayotte au statut de RUP. En la matière, il est hors de question de s'amuser à jouer aux dominos ou au bonneteau. Les uns et les autres, notamment les parlementaires, devront étudier attentivement les différentes formes d'évolution possibles, afin de parvenir à un système parfaitement imbriqué.

J'en viens à ma conclusion, madame la présidente. Quarante-cinq minutes sont très longues pour les auditeurs, mais tellement courtes au regard de l'importance du sujet abordé. Nous pourrions débattre pendant des heures de l'avenir de l'outre-mer !

Je terminerai par trois éléments de réflexion.

Premièrement, l'application de la loi de programme a déjà eu des effets bénéfiques et elle en produira encore, à condition que nous levions toute ambiguïté et que nous laissions derrière nous les débats désormais dépassés. C'est la raison pour laquelle la méthodologie retenue pour la commission d'évaluation de cette politique publique doit être respectée par tous.

Deuxièmement, il nous faut engager une grande réflexion sur la manière de replacer l'outre-mer au coeur du débat national, en intégrant pleinement ses exigences de rattrapage économique. Je n'ai pas d'avis sur la méthode à adopter. Je doute qu'il faille aller jusqu'à organiser des états généraux sur ce sujet, car cette formule me paraît quelque peu galvaudée. Mais nous devons étudier les perspectives d'avenir, afin d'apporter des éléments de réponses aux très nombreux jeunes ultramarins qui s'interrogent sur leur destin, dans le respect de leurs racines, de leur identité, de leur territoire. À nous de leur faire pleinement partager un projet républicain.

Troisièmement, il faut s'inscrire dans le temps. Le propre d'un ministre est de devenir ancien ministre, car telle est la nature de cette fonction, qui ne dure en moyenne pas très longtemps. Nous sommes quelques-uns ici à avoir déjà vécu une telle situation ; d'autres la vivront plus tard !

Quoi qu'il en soit, il est important de rappeler que le pacte de confiance que nous avons conclu avec l'outre-mer doit durer et perdurer. Rien ne peut se passer sans ce pacte de confiance ! La confiance ne se décrète pas, elle ne s'impose pas, elle se vit au quotidien : en comblant, dans certains cas, un déficit de considération ; en manifestant un respect partagé ; en définissant des objectifs également partagés ; enfin, en obtenant une réelle efficacité des politiques publiques menées. Il faut donc examiner avec sincérité les résultats obtenus, qu'ils soient positifs ou négatifs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je n'oublie pas les valeurs qui nous rassemblent. Malheureusement, elles ont peut-être été un peu trop occultées en métropole, ce qui peut expliquer nombre de nos difficultés.

Je n'oublie pas non plus les relations de grande qualité qui ont été établies avec les rapporteurs pour préparer l'examen de ce projet de budget. Ce faisant, nous avons tous adressé le même message non seulement aux populations d'outre-mer qui vous ont fait confiance, mais également aux autres Français, qui s'intéressent beaucoup au rôle, à la place et au devenir de l'outre-mer dans notre République.

Au fond, parmi tout ce qui nous rapproche, il y a d'abord les vertus de nos valeurs républicaines. C'est une grande chance pour l'outre-mer, comme pour nous tous !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion