Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2006 relatif à l'action culturelle extérieure se caractérise par deux contradictions majeures.
La première est une contradiction de forme.
Alors que la mise en oeuvre de la loi organique pouvait constituer un levier permettant de rationaliser la présentation des crédits, celle-ci contribue, au contraire, à les disperser artificiellement, contrariant ainsi toute vision globale de notre action culturelle extérieure.
L'interprétation littérale de la liste des pays bénéficiaires de l'aide publique au développement, qui conduit à scinder le réseau culturel en deux entités isolées, la répartition des crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dans le programme « Français à l'étranger et étrangers en France », ainsi que l'éclatement des crédits de l'audiovisuel extérieur entre trois missions placées sous trois tutelles administratives distinctes sont autant d'incohérences qu'il conviendra de rectifier.
Madame la ministre, au lieu de disperser, de scinder, de découper entre programmes et missions les crédits alloués à notre rayonnement extérieur, ne serait-il pas plus cohérent d'envisager la création d'une mission interministérielle pilotée par vos services ?
La seconde contradiction caractérisant ce projet de budget est une contradiction de fond.
Alors que notre pays a été la cheville ouvrière de la convention sur la diversité culturelle adoptée par l'UNESCO, notre diplomatie culturelle reste privée de moyens. Le programme « Rayonnement culturel et scientifique » ne représente ainsi que 14 % des crédits alloués à la mission « Action extérieure de l'État ».
Or la politique étrangère de la France, à l'heure de la mondialisation des réseaux de communication et de l'émergence de standards culturels « globaux », se doit de consacrer de substantiels moyens à ce que les Anglo-saxons appellent le soft power. Je suis certain que cette préoccupation est partagée sur l'ensemble des travées de cette assemblée.
Pourtant, notre réseau culturel illustre, loi de finances après loi de finances, les contradictions de la politique du Gouvernement en matière de relations culturelles extérieures. Héraut de la diversité culturelle, celui-ci diminue ainsi une nouvelle fois les crédits consacrés aux centres et instituts culturels. Notre réseau culturel voit, en effet, ses crédits d'intervention les plus importants diminuer de 9, 5 % en 2006.
Ne nous le cachons pas : nos centres et instituts sont appelés à se transformer en « coquilles vides » : privés de moyens, ils deviennent, en dépit de la passion qui anime leur personnel, incapables d'assumer les tâches qui leur sont confiées et d'assurer la diffusion de notre culture à l'étranger.
Cette situation budgétaire est d'autant plus préoccupante que notre réseau a besoin d'être modernisé. La rationalisation de la carte de nos implantations et la création d'établissements communs avec nos partenaires européens, deux chantiers prioritaires, demeurent malheureusement à l'état embryonnaire et procèdent de circonstances locales plus que d'un redéploiement planifié et raisonné.
S'agissant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, je m'interroge, madame la ministre, sur le financement de son programme immobilier.
Alors que le transfert de la compétence immobilière des établissements à gestion directe devrait concerner une quinzaine d'établissements en 2006, aucune subvention d'investissement spécifique n'est inscrite au titre V du présent projet de loi.
Par ailleurs, aucune ligne budgétaire ne permet d'identifier le programme ambitieux de développement de l'Agence en cours de définition, que vous avez annoncé à l'Assemblée nationale.
Dans ces conditions et de manière générale, j'appelle votre ministère à faire preuve de plus de transparence dans la programmation des opérations immobilières qu'il finance ou cofinance. Et si le recours au fonds de roulement de l'Agence devait être envisagé pour pourvoir temporairement aux charges issues du transfert, je souhaite, pour ma part, qu'il ne se traduise pas par une hausse des frais de scolarité pour les familles.
Pour ce qui est enfin de l'audiovisuel extérieur, je ne reviendrai pas sur l'erreur consistant à rattacher la future chaîne internationale à la mission « Médias » du Premier ministre, même si je continue à me demander dans quelle mesure une stratégie cohérente pourra être définie lorsque chaque tutelle tentera de faire prévaloir son point de vue et ses intérêts.
En revanche, je suis obligé d'insister sur le décrochage significatif entre l'évolution des ressources publiques accordées à l'audiovisuel extérieur et celle des ressources attribuées à l'audiovisuel national. En effet, alors que les dotations de TV5 et de RFI, les deux structures demeurant dans le champ de la présente mission, diminuent de 0, 4 %, celles de l'audiovisuel national progressent de 2, 9 %. Ce décrochage risque de contraindre nos opérateurs à renoncer à certaines de leurs ambitions.
C'est le cas pour TV5, dont le nouveau plan stratégique 2006-2009 ne pourra bénéficier des 14 millions d'euros annuels nécessaires à sa mise en oeuvre. La chaîne devra par conséquent se contenter de développer le sous-titrage, encore insuffisant, de ses programmes, afin d'attirer l'audience non francophone et de faciliter sa reprise par les distributeurs locaux.
C'est également le cas pour RFI qui devra, dans ce contexte, affronter une difficile phase de réorganisation. La station doit en effet repenser sa diffusion en langues étrangères, renégocier les contrats de diffusion en ondes courtes et terminer le chantier de la numérisation, de la diffusion et de la production à budget constant.
Une question se pose donc une nouvelle fois : l'État est-il capable de jouer efficacement son rôle d'actionnaire des opérateurs de l'audiovisuel public extérieur ?
En dépit de ces nombreuses interrogations, partagées par une grande majorité des membres de notre commission, et malgré mon avis contraire, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».