Intervention de Robert Hue

Réunion du 7 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Action extérieure de l'état

Photo de Robert HueRobert Hue :

Quant aux propos tenus par le Président de la République à Bamako, ceux-ci auraient pu être considérés comme crédibles, notamment ceux qui concernent les aides publiques, si celles-ci n'étaient pas en diminution sensible au sein du budget de l'État.

J'ajoute que le vote par votre majorité d'une loi affirmant le rôle positif du colonialisme ruine, chez nos compatriotes des départements et des collectivités d'outre-mer, mais aussi dans de nombreux autres pays, l'image républicaine et universelle de la France.

Qu'avons-nous fait, que faisons-nous de notre influence dans le monde ?

J'en veux pour preuve le gâchis observé dans le traitement de la situation en Côte d'Ivoire.

Ce pays vit des moments très difficiles, vous le savez. Des hommes, ivoiriens et français, sont morts, et 4 000 soldats français y sont encore déployés.

Le Conseil de sécurité a voté, le 22 octobre dernier, la résolution 1633, reprenant les propositions du médiateur de l'Union africaine dans la crise ivoirienne, Thabo Mbeki, président de l'Afrique du Sud, qui garantit que les milices seront désarmées et que des élections seront organisées.

Un Premier ministre ivoirien vient d'être désigné, et c'est une bonne chose. Que compte faire la France pour appuyer les forces légales de ce pays, avec l'Organisation des Nations Unies et en application des décisions de celle-ci, afin que des élections soient organisées dans les mois qui viennent ?

Beaucoup d'obstacles se dressent encore sur la voie de la réalisation des objectifs du Millénaire retenus par l'ONU.

Le vote des parlementaires de ma sensibilité contre ce budget signifie qu'avec mes collègues du groupe CRC nous voulons d'autres choix, d'autres priorités pour la France. Nous voulons qu'elle contribue par son budget à l'instauration d'un système de sécurité fondé sur la démilitarisation, le désarmement, la prévention des conflits ainsi que sur le renforcement du rôle de l'ONU et sur une réforme de son fonctionnement.

La lutte pour un monde de paix reste notre préoccupation majeure. À ce titre, comme je l'ai déjà souligné, la contribution aux opérations de maintien de la paix décidées par l'ONU est budgétée à hauteur de 136 millions d'euros pour 2006. Or les crédits nécessaires pour cette même année sont évalués à 249 millions d'euros. Comme le souligne dans son rapport notre collègue Adrien Gouteyron, « en inscrivant un montant aussi sous-évalué, le ministère a commis une erreur manifeste d'appréciation ».

Nous vivons une période, vous l'avez dit, monsieur Vinçon, de grands risques. L'ambition impériale de l'administration Bush, qui érige en doctrine la « guerre préventive », bafoue les résolutions et les principes des Nations unies. L'aggravation des inégalités et la mise en concurrence des peuples sont sources d'affrontements et d'insécurité. Depuis plusieurs décennies, des conflits sont ainsi nés, d'autres sont réapparus. Les crédits des opérations de maintien de la paix sont donc particulièrement insuffisants pour couvrir les conflits.

Devant une telle situation, toutes les actions prises en faveur de la paix sont facteurs d'espoir. Ce projet de budget n'inscrit pas la France dans cette dynamique.

Le budget des Nations unies pour le maintien de la paix s'élève à 2, 8 milliards de dollars, montant faible quand on le compare aux 800 milliards de dollars affectés aux dépenses d'opérations militaires mondiales.

L'année dernière, dans cet hémicycle et pendant cette même discussion budgétaire, notre pays s'était montré exemplaire en accueillant le Président de l'Autorité palestinienne. Depuis, au contraire de l'Europe, que fait la France pour favoriser la création d'un État palestinien viable et dans les frontières reconnues de 1967 ? La bande de Gaza a été évacuée, ce qui a donné un peu de liberté au peuple Palestinien, mais toutes les résolutions du Conseil de sécurité sont encore loin d'être appliquées. Nous sommes attendus dans le règlement de ce conflit tant les liens qui nous unissent au peuple Palestinien, mais aussi aux forces de paix israéliennes, sont forts. Or on peut reprocher à la France son manque d'initiative politique dans ce domaine.

Pour qu'une solution de paix s'impose entre Israël et la Palestine, notre pays doit se montrer plus efficace et plus entreprenant, et il ne doit pas laisser les États-Unis imposer leur feuille de route. D'ailleurs, madame la ministre, quelle est la nôtre ?

À propos du Liban, la France, comme membre du Conseil de sécurité, doit contribuer à créer les conditions d'un État libre et souverain. L'enquête sur l'assassinat de Rafik Hariri doit permettre à la justice de trouver et de condamner les responsables. Compte tenu de ses liens privilégiés et historiques avec le Liban, en aucun cas la France ne doit se laisser entraîner dans une épreuve de force dans cette région au moment où les Américains ne cachent pas des intentions agressives qui porteraient des risques d'aventure dont nous voyons les conséquences en Irak.

J'en viens précisément à la situation en Irak. Malgré une présence militaire offensive dans ce pays, les enlèvements et les prises d'otage se succèdent à un rythme dramatique. Je pense à Bernard Planche, enlevé voilà deux jours : tout doit être mis en oeuvre pour obtenir sa libération.

Je réaffirme notre solidarité envers le peuple irakien et je souhaite que les instances internationales mettent tout en oeuvre pour un Irak démocratique et sécurisé. Il doit être mis un terme à l'occupation américaine afin que le peuple irakien retrouve, enfin, sa pleine souveraineté. N'en rabattons pas, madame la ministre, par rapport à la position courageuse de la France avant le début du conflit !

Concernant l'Iran, la communauté internationale a réagi unanimement aux décisions du Président iranien, qui a confirmé les objectifs de son programme nucléaire et tenu des propos provocateurs et inacceptables à l'égard d'Israël. La France, avec ses partenaires européens, doit contribuer à une solution politique conforme au droit international pour sortir de la crise concernant le nucléaire iranien, pour la libération de tous les prisonniers d'opinion et pour le rétablissement des libertés et des droits de l'homme dans ce pays.

En Afghanistan, où les attentats suicides se multiplient, 30 000 soldats, dont 600 Français, sont déployés. En juillet dernier, Mme Alliot-Marie avait fait part de la détermination de la France à lutter contre le terrorisme dans cette région du globe. Depuis, le Gouvernement est resté discret sur cette question.

Qu'en est-il de la redistribution des rôles au sein de l'OTAN ?

J'en termine avec le programme « Rayonnement culturel et scientifique ».

À titre d'exemple, on constate par rapport à l'année précédente une baisse de 4, 6 % des crédits pour la promotion de la langue française et une baisse de 8 % des crédits pour l'organisation de manifestations culturelles, techniques et universitaires. La France, dans ce domaine encore, ne se donne pas les moyens de ses ambitions !

Nous déplorons, madame la ministre, l'incohérence manifeste entre les missions de la France à l'étranger, le discours du Gouvernement concernant sa position sur la scène internationale et les trop faibles moyens mis à la disposition du Quai d'Orsay. Notre politique étrangère doit être d'influence, mais aussi force de propositions, comme le veut notre histoire.

Nous regrettons donc ce manque de dynamisme et confirmons notre désaccord avec l'essentiel de vos choix budgétaires et de votre politique. Pour ces raisons, le groupe CRC ne votera pas ce projet de budget.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion