Madame la présidente, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je tiens d'emblée à souligner, comme l'ont fait nos rapporteurs et plusieurs de mes collègues, les remarquables efforts du ministère des affaires étrangères depuis une dizaine d'années en matière de réduction des dépenses publiques. Les chiffres ont été détaillés par les orateurs qui m'ont précédée, je n'y reviendrai donc pas, mais, si nous devons féliciter le ministère et ses agents pour cet exercice difficile et vertueux, nous devons aussi veiller à ne pas aller trop loin dans les sacrifices, car ces économies ont un coût réel pour le rayonnement de notre pays, pour le personnel du département et pour nos compatriotes expatriés.
Nous devons également veiller aux effets de l'introduction de la LOLF dans le budget des affaires étrangères. Il s'agit, certes, d'un progrès attendu dans la modernisation et la rationalisation des démarches budgétaires, notamment par la mise en place du principe de fongibilité asymétrique.
Mais n'aurait-il pas fallu aller plus loin dans la simplification ? Cette loi organique n'est-elle pas encore, au stade actuel, contre-productive ? On me dit, dans un certain nombre de postes à l'étranger, combien son application représente un poids supplémentaire, alors que le personnel y est de moins en moins nombreux.
Je citerai deux exemples précis.
Les postes à l'étranger ont dû s'atteler à la préparation d'une programmation, alors même qu'ils n'avaient pas reçu les paramètres leur permettant d'opérer des calculs cohérents, ni même parfois les systèmes informatiques indispensables. Il leur a fallu, comme l'a souligné notre excellent collègue rapporteur spécial, Adrien Gouteyron, tenir différentes comptabilités séparées, complexifiées par le nouveau plan comptable, et ce même pour de simples crédits de fonctionnement - téléphone ou chauffage - alors qu'un regroupement aurait paru logique.
Autre exemple, un projet d'externalisation concernant le remplacement de postes de gendarmes d'ambassades par un système de gardiennage privé - autre exemple concret - a eu comme conséquences paradoxales une perte de qualité de service et une augmentation des coûts !
Mais revenons-en à la place du ministère des affaires étrangères et de ses actions à l'échelle de notre pays. Trop souvent, les actions extérieures sont les premières à souffrir lorsqu'un budget doit être revu à la baisse. Pourtant, dans la priorité pour l'emploi que nous a fixée le Premier ministre, nos actions à l'extérieur de nos frontières sont déterminantes
Que vaudraient notre industrie, nos technologies, en effet, si nous ne pouvions nous investir dans la recherche de marchés extérieurs ? Je pense, bien sûr, à la vente des Airbus à la Chine, pour plus de 8 milliards d'euros ; je pense également à maintes opportunités et gisements potentiels d'emplois en France même, près de nos frontières, où le développement de zones franches nous permettrait de dynamiser des régions entières en y attirant des sièges sociaux d'entreprises étrangères ou des organisations internationales.
L'international doit être une priorité pour la France. La globalisation peut et doit être une chance pour notre pays, car nous avons tout ce qu'il faut pour nous développer dans ce nouveau cadre de référence - les moyens en hommes, en idées, en créativité - à condition de savoir saisir toutes les opportunités qu'elle présente, mais aussi de nous y adapter, en rationalisant, en simplifiant, en allégeant les charges et les procédures.
La réussite de la France passe aussi par ses expatriés. Ils sont une chance pour notre pays et contribuent à créer, directement ou indirectement, des emplois sur le territoire national. Je voudrais donc m'attacher à l'examen des deux premières actions du programme 151 qui concernent directement les Français à l'étranger : l'offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger et le service public de l'enseignement à l'étranger.
Vous le savez, madame la ministre déléguée, les Français de l'étranger sont des citoyens assez exemplaires. Ils travaillent, dur, très dur, ils appliquent le principe de la responsabilité individuelle plutôt que le recours systématique à l'État-providence et contribuent au rayonnement de notre pays.
S'ils comprennent la nécessité d'assumer leur part dans la réduction du déficit budgétaire, ils ne comprennent en revanche pas toujours très bien certaines décisions, telles les fermetures de consulats, qui les obligent parfois à faire plusieurs centaines de kilomètres pour effectuer des démarches. Nous nous devons d'accompagner ces fermetures de consulats en simplifiant les démarches administratives, notamment par le recours accru à l'Internet et à la voie postale, ou en donnant de vrais moyens aux consuls honoraires.
Ce que les Français de l'étranger souhaitent essentiellement, c'est donner une éducation française à leurs enfants : mais pourront-ils encore le faire à l'avenir ? Car cette priorité, affirmée et réaffirmée par nos gouvernements successifs, n'est pas toujours respectée, par manque de moyens. J'en veux pour exemple le lycée de Londres qui, faute de places et de fonds suffisants pour son agrandissement, refuse chaque année d'admettre des centaines d'enfants français.
Nos lycées français sont d'abord, au regard de la loi, destinés à nos nationaux - cela a été rappelé tout à l'heure - et c'est pour cela que la commission des affaires étrangères a, à l'unanimité de ses membres moins une abstention, repoussé l'amendement de l'Assemblée nationale qui vise à faire passer le budget de l'AEFE de la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France, la DFAE, à la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, et remet ainsi en question son objectif premier.
Les coûts de scolarité de nos lycées à l'étranger ont augmenté de façon déraisonnable - de 16 000 à 18 000 euros aux États-Unis, par exemple - de sorte que les familles assument aujourd'hui environ les trois quarts du coût de l'enseignement français à l'étranger, pourtant censé être un service public français. Il faut se garder de ne pas vider nos établissements des familles françaises à revenus moyens, qui n'ont pas accès aux bourses scolaires et qui participent grandement à l'excellence de cet enseignement français à l'étranger.
Afin d'éviter ce risque réel, ne faudrait-il pas modifier les critères d'attribution des bourses et accroître leur enveloppe en compensation, par exemple, des économies réalisées par l'État lorsqu'il supprime des postes d'expatriés ?
J'estime également extrêmement dangereux que le emplois équivalents temps pleins budget de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger soit amputé de 2 millions d'euros et que l'Agence se voit obligée de puiser dans ses réserves, sur ses fonds propres, 15 millions d'euros pour assurer son fonctionnement et payer les salaires, alors que ces ressources auraient pu être utilisées pour des investissements indispensables à nos établissements.
Dans le souci de l'intérêt général et du respect des contraintes et des équilibres budgétaires actuels, l'Agence le fait et nous devons l'en remercier, mais cela ne peut se produire que de manière exceptionnelle, à condition qu'il n'y ait pas de régulations en cours d'année. Je compte sur vous, madame la ministre déléguée, pour y veiller.
Les Français de l'étranger, leurs entreprises, seraient prêts à contribuer financièrement à l'extension de certains lycées ou à d'autres opérations contribuant au rayonnement de notre pays.
Encore faut-il que l'on adopte une certaine cohérence et que l'on rationalise les procédures. Un Français de l'étranger qui voudrait, par exemple, faire une donation à un établissement français de l'étranger ne pourrait pas, du fait de l'application du principe de territorialité des impôts, obtenir le moindre dégrèvement fiscal en France.
C'est pourquoi j'ai proposé, voilà déjà plusieurs années - je n'étais pas encore parlementaire -, la création d'une fondation pour la présence française à l'étranger, qui pourrait avoir des branches de droit local permettant de profiter des conditions de fiscalité sur les dons dans les pays de résidence.
Mais il faudrait en contrepartie, comme dans beaucoup de domaines, instaurer plus de souplesse et un certain droit de regard dans la gestion des établissements. Est-il normal, par exemple, si une association souhaite financer des travaux urgents dans un lycée, qu'il lui faille attendre plusieurs mois pour obtenir la simple autorisation de donner cet argent ? Ne serait-il pas normal que les associations de parents d'élèves ou de donateurs aient un droit de regard plus approfondi sur la gestion de ces établissements ?