Intervention de Jacques Pelletier

Réunion du 7 décembre 2005 à 22h30
Loi de finances pour 2006 — Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux

Photo de Jacques PelletierJacques Pelletier :

...comme la francophonie, Canal France International, etc., comme l'a dit tout à l'heure notre rapporteur Jacques Legendre, soit parce que rien ne permet de vérifier leur conformité aux normes de comptabilisation du CAD - c'est le cas des dépenses d'écolage, qui représentent 730 millions d'euros en 2004, et de l'aide aux réfugiés, soit 467 millions d'euros prévus en 2006 -, soit encore parce qu'elles concernent des pays ne relevant pas de l'aide publique au développement, comme le NDEP, fonds multilatéral dans le cadre duquel la France assure un financement pour l'assainissement des bases de sous-marins nucléaires russes en mer de Barents, à hauteur de 10 millions à 14 millions d'euros par an, ou le Fonds international pour le sarcophage de Tchernobyl, que notre pays alimente à hauteur de 4, 5 millions d'euros.

Avec un budget d'une telle ampleur et l'importance qui est accordée au multilatéral - 33 % de l'aide en 2006 -, la France doit se donner les moyens de peser beaucoup plus qu'elle ne le fait sur les orientations de ses partenaires dans le développement, qu'il s'agisse des partenaires bilatéraux, européens ou multilatéraux.

Sur le front des idées et des politiques, la coopération française, dans toutes ses composantes, doit s'appuyer sur la richesse et la diversité de son expérience pour capitaliser celle-ci. Elle pourrait ainsi en tirer des leçons et des politiques et les promouvoir au sein de la communauté internationale du développement, afin de trouver des appuis, de nouer des alliances et, ainsi, de démultiplier notre action.

Les trois opérateurs de l'aide française - le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministère des affaires étrangères et l'Agence française de développement - sont en train de trouver une voie commune.

Mais il faut aller plus loin, en particulier dans les sept secteurs où le CICID a défini des politiques sectorielles.

Cette activité doit se développer non seulement sur le plan global, mais aussi dans les pays bénéficiaires de l'aide internationale, car c'est là que se dressent les bilans et que se préparent les évolutions.

Sur le plan opérationnel, cette action doit être complétée par des synergies, sous forme de cofinancements. L'AFD a commencé à le faire de manière systématique. Il faudrait que les autres opérateurs le fassent également. Une telle action doit aussi être considérée comme un accompagnement et un prolongement du débat sur les idées et les politiques.

La coopération bilatérale doit non pas se démarquer des coopérations européenne et multilatérale, mais les accompagner. Cela suppose d'exploiter systématiquement « l'avantage comparatif de la coopération française », en particulier dans les pays où nous figurons parmi les bailleurs d'aide les plus importants.

Sur le plan multilatéral, cela suppose que soient définies des stratégies institutionnelles, par exemple sur le modèle des stratégies pays, dans lesquelles seraient énoncés les objectifs poursuivis avec telle ou telle organisation internationale, les moyens d'y parvenir et les indicateurs de résultats, à l'instar de ce qui est fait dans le cadre de la LOLF. Cela permettrait plus de clarté et plus de cohérence.

Après les réformes introduites par les derniers CICID, le dispositif français de coopération reste marqué par certaines incohérences qu'il faudrait clarifier.

Premièrement, le rôle et le poids respectifs des opérateurs de l'aide française demanderaient à être précisés. Si la concentration sur les objectifs de développement du Millénaire est louable, on relève en effet que les sept stratégies sectorielles dans lesquelles elle est traduite relèvent exclusivement de la compétence de l'AFD.

Dans ces conditions, les moyens financiers, mais aussi politiques, de l'aide publique au développement vont-ils suivre ? La lecture du projet de loi de finances ne donne pas cette impression, l'augmentation des crédits de subvention de l'aide projet apparaissant trop limitée, avec 300 millions d'euros prévus pour 2006.

Deuxièmement, les sept secteurs retenus correspondent bien aux objectifs du Millénaire, mais ceux-ci n'incluent pas la gouvernance, qui est pourtant un élément clé du développement. Le CICID a ajouté ce thème à ses travaux, mais la répartition des compétences entre opérateurs français n'est pas claire : le communiqué du CICID du 20 juillet 2004 ne traite que de la répartition des rôles pour les dons du fonds de solidarité prioritaire et ne précise pas à qui incombe la responsabilité de l'appui à la gouvernance et à la définition des politiques dans ces secteurs. En bonne logique, ce devrait être l'AFD, mais il n'est pas sûr qu'elle ait aujourd'hui les moyens de le faire dans tous les domaines.

Troisièmement, pour éviter de privilégier les dépenses à décaissement rapide, c'est-à-dire les aides budgétaires, globales ou sectorielles, il serait intéressant de préciser comment va évoluer la programmation dans ce secteur, notamment pour préserver cet outil.

À ce sujet, on relève qu'en dépit des engagements pris par le Président de la République les montants qui transiteront par les organisations de solidarité ne sont pas précisés. Il devrait pourtant être possible, tout en tenant compte des critiques de la Cour des comptes à ce sujet, de progresser, en réaffectant par exemple les quelque 15 millions d'euros affectés aux opérations concernant les bases et centrales nucléaires russes.

Il existe aussi sur ce plan une double incohérence : d'une part, les organisations de solidarité semblent ne relever que du seul guichet géré par la DGCID alors qu'elles interviennent surtout dans des domaines relevant de l'AFD ; d'autre part, ces organisations n'ont pas, contrairement aux collectivités territoriales, la possibilité de monter des opérations avec l'AFD.

Je terminerai en appuyant vigoureusement les propos du rapporteur spécial, M. Michel Charasse.

Madame la ministre, il est indispensable que nos ambassadeurs aient une vision totale et globale de toutes les coopérations qui sont mises en oeuvre dans les divers pays.

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