Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 17 décembre 2007 à 10h00
Loi de finances rectificative pour 2007 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le climat économique national et international est de plus en plus troublé.

Les Bourses mondiales commencent à s'inquiéter sérieusement du risque systémique lié à la crise des subprimes aux États-Unis, d'autant que la banque Citigroup vient d'annoncer qu'elle détenait près de 50 milliards de dollars d'actifs dépréciés.

La croissance mondiale semble marquer le pas, malgré le dynamisme de l'Asie, et nous sommes toujours mis en coupe réglée par une Banque centrale européenne de plus en plus autiste qui, en dépit du bon sens, prolonge sa politique de taux d'intérêt élevés et de contraction de la création monétaire. Enfin, le CAC 40 ne se porte pas au mieux et l'activité industrielle et économique semble marquée par des à-coups significatifs.

C'est sans doute pourquoi ce collectif budgétaire pour 2007 apparaît, sous certains aspects, comme l'ultime trace d'une embellie toute temporaire - et fort discutable - des comptes publics.

Que peut-on retenir des principaux éléments de cadrage de ce collectif ?

Tout d'abord, le niveau de croissance attendu lors de la confection de la loi de finances initiale ou de l'adoption de la loi TEPA, qui constituait d'ailleurs une véritable loi de finances rectificative déguisée, n'est pas au rendez-vous.

Selon toute vraisemblance, lors de la publication définitive des comptes annuels de la nation pour 2007, nous aurons une croissance inférieure à 2 %. Cette situation a un impact immédiat sur les comptes publics, avec une contraction des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée, pour près de 1 600 millions d'euros, des recettes des taxes pétrolières, pour près de 540 millions d'euros, et du produit de l'impôt sur le revenu, pour un peu moins de 300 millions d'euros.

Toutefois - et on voit par là combien la loi TEPA produit des effets puissants -, le produit des droits d'enregistrement est en chute libre, avec une moins-value fiscale de près de 1 430 millions d'euros sur les droits de donation et de succession.

L'allégement de la fiscalité du patrimoine immobilier a-t-il relancé la croissance et l'activité du secteur du logement, comme on pouvait s'y attendre ? Non, et le nombre de mises en chantier de logements, aujourd'hui orienté à la baisse, le montre avec éclat.

Il est donc paradoxal que la situation budgétaire globale s'améliore, puisque ce sont finalement près de 4 milliards d'euros que l'État pourra consacrer à la réduction du déficit initial.

Toutefois, cette bizarrerie est vite dissipée quand on examine les sources de cette « amélioration » : grâce à l'augmentation de la rentabilité des entreprises, elle-même liée d'ailleurs aux encouragements apportés au travail mal payé et à la non-reconnaissance de la qualification, le produit de l'impôt sur les sociétés s'accroît de près de 8 milliards d'euros, atteignant la somme considérable de 63, 36 milliards d'euros, supérieure de 15 % au montant déjà élevé prévu en loi de finances initiale.

Pour mémoire, en 2002, le produit net de l'impôt sur les sociétés, qui s'élève cette année à 51, 1 milliards d'euros, était de 37, 5 milliards d'euros. Et cette progression est corrigée par l'optimisation fiscale ou encore par le dispositif de report en arrière des déficits pour le montant tout à fait considérable de 12, 2 milliards d'euros. Ce qui est sûr, c'est que, croissance ou pas, l'argent entre bien dans les caisses !

L'impôt de solidarité sur la fortune constitue une deuxième recette fiscale en sensible progression. Fort attaqué par la loi TEPA, l'ISF fournira cette année une ressource complémentaire de 574 millions d'euros, ce qui élève son rendement vers les 5 milliards d'euros.

Il est clair que, si le pouvoir d'achat des ménages a progressé dans la dernière période, il se trouve surtout des ménages particulièrement fortunés pour lesquels cette hausse a une réelle consistance, comme le montre l'amélioration de leur situation patrimoniale.

S'agissant de l'augmentation des recettes de l'État, un autre point doit cependant être relevé, qui concerne les comptes d'EDF : cette entreprise, outre qu'elle se verra mise à contribution pour financer le plan Pécresse pour l'enseignement supérieur, sera également invitée à payer près de 925 millions de dividendes exceptionnels. Les prix de l'électricité peuvent augmenter, le résultat de ces hausses n'est pas perdu pour tout le monde !

En effet, outre le dividende exceptionnel versé à l'État, EDF va généreusement doter ses autres actionnaires, pour un montant proche du cinquième de la somme versée à l'État. L'entreprise publique, une fois encore, est transformée en vache à lait pour boucler le budget de l'État.

Un autre processus conduit à améliorer des comptes, à savoir les choix opérés en matière de dépenses. Comme prévu dans la loi de finances initiale, les plus-values fiscales ont été consacrées, et ce de manière exclusive, à la réduction du déficit budgétaire.

En effet, hors remboursements et dégrèvements, les ouvertures de crédits prévues par le présent collectif sont gagées par des annulations de même montant, qui atteignent, dans certains domaines, des proportions non négligeables.

Tout se passe comme si la loi de finances initiale votée par le Parlement était nulle et non avenue, puisque la « réserve de précaution » constituée dans chaque programme budgétaire a servi presque systématiquement à réduire le déficit, pour des montants élevés, d'ailleurs, car ce sont plus de 700 millions d'euros de crédits qui ont ainsi été annulés sous ce seul motif. À quoi sert le Parlement quand il vote une loi qui, finalement, n'est pas appliquée ?

Toutefois, la fièvre de l'austérité ne consiste pas uniquement à valider les économies réalisées sur toutes les missions budgétaires. Elle passe aussi, dans certains cas, par des arrêtés d'annulation pris en cours d'exercice et par des coupes claires dans les crédits de paiement de certaines missions.

Cette année, c'est la mission « Ville et logement » qui bénéficie d'un traitement de faveur tout particulier. Le programme « Rénovation urbaine », déjà réduit de 9 millions d'euros en cours d'exercice, se voit encore amputé de 228 millions d'euros dans ce collectif, soit plus de 60 % des crédits de paiement votés !

Le programme « Équité sociale et territoriale » perd au total près de 30 millions d'euros sur l'année, sur les 790 millions d'euros de crédits prévus à l'origine, tandis que 76 millions d'euros sont récupérés sur le financement de l'APL, l'aide personnalisée au logement, et plus de 150 millions sur la construction de logements. Pendant que les banlieues flambent, on met donc de côté près de 500 millions d'euros ! C'est aussi avec ce genre d'artifice que l'on aboutit à réduire le déficit budgétaire.

S'agissant des ouvertures de crédits, il y a peu à dire. Certes, une bonne part des 607 millions d'euros de crédits ouverts au titre de la mission « Solidarité » proviennent en fait, une fois encore, de la sous-évaluation relative de certaines dépenses en loi de finances initiale. Toutefois, aucune mesure fondamentale n'est à relever au titre des dépenses nouvelles, dont je rappelle qu'elles sont gagées sur des annulations de crédits correspondantes.

Tel qu'il ressort de ce collectif, le budget de 2007 indique donc clairement la couleur. Austérité à tous les étages pour la dépense publique, manifestation éclairante de l'échec du « choc de croissance » attendu depuis le printemps dernier, inégalités sociales, inégalités de revenu et de patrimoine, tout concourt à nous pousser à rejeter ce collectif !

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